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Tribune 20 mai 2022

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Lettre ouverte des habitants de l’Ambassade des immigrés à Emmanuel Macron

Depuis plus d’un mois, des sans-papiers et réfugiés à la rue occupent un immeuble vide possédé par une  filiale de la Société générale, vide depuis des années, en plein cœur de Paris. Dans une lettre ouverte, ces habitants de « l’Ambassade des immigrés » soutenus par de nombreux collectifs et personnalités politiques et artistiques interpellent Emmanuel Macron. « Nous voulons les mêmes droits et la même considération que les Ukrainiens, que les migrants qui sont blancs. »

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Depuis plus d’1 mois et alors que l’extrême droite domine le débat public, des sans-papiers et réfugiés à la rue, des personnes solidaires et le collectif La Chapelle Debout ! occupent un immeuble vide possédé par une  filiale de la Société générale, vide depuis des années, en plein cœur de Paris, dans le 9ème arrondissement. Dans ce lieu, des citoyens français de toute origines et des étrangers se rencontrent, s’efforcent d’exister ensemble et s’organisent pour défendre l’égalité des droits et pour dire non au racisme. Tous réclament l’égalité de traitement entre migrants ukrainiens et migrants de toutes les nationalités. Ils sont assignés à comparaître en justice le 9 juin prochain dans le cadre d’une procédure d’expulsion. Ils font face à tout moment au risque que l’eau et l’électricité leur soient coupées et d’être remis à la rue.

Monsieur le Président de la République,

Les noms de nos pays et de nos dictateurs diffèrent mais nos histoires sont les mêmes. Nous, les immigrés, n'avons pas trouvé le droit de vivre dans nos pays.

Comme tout le monde, nous aurions aimé travailler, étudier et apprendre.

Nous n'avons jamais voulu partir.

Dans nos pays, nous avons échappé à la mort, certains d'entre nous se sont échappés de prison. Parce que nous  n'avons pas trouvé le droit d’y vivre, nous avons traversé le Sahara puis nous avons risqué notre vie en traversant la Méditerranée. 

Pendant ce voyage nous avons perdu beaucoup trop d'entre nous.

Lorsque nous sommes miraculeusement arrivés sur les côtes européennes, nous étions heureux car nous croyions alors être en sécurité dans des États de droit, particulièrement en France.

Mais lorsque nous sommes arrivés, nous sommes allés à la préfecture, nous avons donné nos empreintes et nous avons été Dublinés hors de France. On nous a promis que notre Dublin prendrait fin après 6 mois et nous  ne savions pas, alors, qu'en réalité nous pourrions attendre deux ans avant d’être convoqués à l'OFPRA. On nous met en procédure accélérée illégalement. On nous coupe l'argent, le logement et on ne nous laisse  rien.

Il faut connaître la loi pour pouvoir se défendre.

Quand on a aucune aide pour être réintégré dans le système, en être écarté est lourd de conséquences.

Aujourd'hui, même la rue nous est interdite.

La police vient à 3h, à 4h du matin. Ils attendent que nos tentes soient vides puis nous gazent et lacèrent nos tentes pour qu'on ne puisse pas y retourner.

Nous avons rencontré ici de plus grands problèmes encore que dans nos pays.

C'est alors que nous nous sommes demandé si, ici, nous étions vraiment des êtres humains, si nous avions vraiment le droit de vivre.

Après tout ça, ils nous déboutent de l'asile, sans raison. Ils nous trimballent à la CNDA, que nous attendons toujours trop longtemps.

On nous déporte alors que pour certains nous sommes là depuis 6 ans, 7 ans.

Et parmi celles et ceux d’entre nous qui ont arraché des papiers, beaucoup sont malgré tout à la rue. A quoi bon avoir des papiers mais pas de logement après 10 ans.

Ils auraient peut-être dû couper notre droit de séjour en deux : 5 ans de papiers et 5 ans de logement.  Nous avons donc décidé avec toutes les nationalités, pour nous protéger de la police, du froid et de la pluie,  de prendre possession de ce bâtiment.

Nous voulons les mêmes droits et la même considération que les Ukrainiens, que les migrants qui sont blancs. Nous remercions encore les personnes solidaires qui nous ont accompagné dans cette démarche. Du fait du rejet et du refus du gouvernement français, beaucoup d'entre nous sont devenus fous, se sont  suicidés, ont sombré dans l'alcool, la drogue, ont été rendus muets. 

Nous, les migrants, nous demandons donc au gouvernement français :

- des papiers

- de casser Dublin

- le droit de travailler

- des logements

Tout cela pour pouvoir assumer la responsabilité de nous-mêmes et de nos familles restées au pays.

Pour accéder à nos demandes et à nos droits fondamentaux, nous demandons à ce que vous saisissiez  les autorités compétentes afin que nous puissions les rencontrer.

Les habitants de l’Ambassade des immigrés du 17 rue Saulnier à Paris

LISTE DES PREMIERS SIGNATAIRES

Clémentine Autain, députée LFI
Eric Coquerel, députée LFI
Danièle Obono, députée LFI
François-Michel Lambert, député, groupe Libertés et Territoires
Sébastien Nadot, député, groupe Libertés et Territoires
Delphine Bagarry, députée, groupe Ecologie démocratie solidarité
Elsa Faucillon, députée PCF
Julien Bayou, secrétaire général de EELV
Raphaëlle Primet, conseillère de Paris PCF
Jérôme Gleizes, conseiller de Paris EELV
David Belliard, adjoint écologiste aux transports (Paris)
Anne-Claire Boux, adjointe écologiste à la Politique de la Ville (Paris)
Fatoumata Koné, Présidente du Groupe Ecologiste de Paris
Frédéric Hocquard, adjoint Génération.s au tourisme et à la vie nocturne (Paris)
Nour Durand-Raucher, conseiller de Paris EELV
Danielle Simonnet, conseillère de Paris LFI 
Anzoumane Sissoko, conseiller écologiste du 18ème arrondissement
Frédérique Dutreuil, conseillère écologiste du 9ème arrondissement
Azzedine Taïbi, maire de Stains
Olivier Besancenot
Union syndicale Solidaires
Cybèle David, secrétaire nationale de l’Union syndicale Solidaires
Simon Duteuil, co-délégué général de l’Union syndical Solidaires
Emmanuel Vire, Secrétaire général du SNJ-CGT
Union Communiste Libertaire Grand Paris-Sud
La Cimade Île-de-France
Utopia 56
Paris d’exil
Solidarités Migrants Wilson
Stéphane Braunschweig, directeur du Théâtre de l’Odéon
Edgar Morin, philosophe et sociologue
Thomas Piketty, économiste
Jacques Rancière, philosophe
Raoul Peck, directeur de La Fémis et cinéaste
Frédéric Lordon, philosophe et économiste, CNRS
Annie Ernaux, écrivaine
Claire Simon, réalisatrice
Eric Fassin, sociologue, Paris 8
Étienne Balibar, philosophe
Françoise Vergès, politiste
Eléonore Weber, cinéaste
Valérie Osouf, cinéaste et activiste
Véronique Nahoum-Grappe, anthropologue
Aurélien Vernhes-Lermusiaux, réalisateur
Lucie Borleteau, cinéaste
Zahia Rahmani, écrivaine et historienne d’art
Corinne Tassel, cinéaste
Odile Henry, sociologue, Paris 8
Véronique Hermann-Sambin, autrice, compositrice, interprète
Valérie Massadian, cinéaste
Serge Catoire, directeur de production
Xanaë Bové, cinéaste
Zeka Laplaine, cinéaste
Michael Buch, cinéaste
Sarah Frioux-Salgas, historienne
Arno Bertina, écrivain
Florence Gastaud, directrice de production, Wild Bunch
Matthieu Bareyre, cinéaste
Marc Melki, photographe
Carla Bianchi, actrice et metteuse en scène