Je me permets très humblement de dédier cette traduction à mon ami Youri, ainsi qu'aux matelots russes qui ont poireauté pendant des mois à Saint-Nazaire en attendant la livraison du Mistral-Vladivostok, et qui ont dû rentrer bredouilles à bord du navire-école Smolny.
Si vous avez lu mes deux précédents billets, je n'ai pas besoin de vous expliquer que c'est un morceau écrit par Zakhar May, et que Zakhar May, quand il écrit un morceau, c'est presque toujours un peu vulgaire, c'est torché en un couplet et demi et un refrain avec une punchline répétée à l'envi, il y a souvent des mots bizarres ou des références pas évidentes à décrypter, et pour couronner le tout, il chante seul avec sa gratte dans des salles à l'acoustique parfois bien pauvre. Dans la version qui suit, Sergueï « Chizh » Tchigrakov y met sa patte d'arrangeur de talent, mais garde intacts la structure, le côté très rythmé des paroles et l'esprit paillard.
May a écrit cette chanson en 1991, d'après la légende, après avoir été témoin du passage d'un autre navire-école russe, le Krusenstern, dans la baie de Baltimore. L'expression « Russo Matroso » (matros = « matelot », en russe) fait référence à une célèbre expression tirée d'une vieille comédie soviétique, La main de diamants : « Russo touristo – oblico morale ! ». L'un des antagonistes de ce film essaye d'expliquer par cette phrase – imitant maladroitement l'italien – à une prostituée orientale que les touristes venus d'URSS sont obligés de se conformer à la « moralité » (« moral'nyj oblik », en russe).
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J'ai vu comment on levait des nanas
Et moi-même j'en ai levé pas mal,
Dans les bars luxueux de l'Arizona
Ou devant le café “Kristall” [1]
Mais je n'ai pu que m'étonner
Quand un simple matelot russe,
Dans un cas difficile, a su poser
La seule question juste.
[Refrain :]
Elle demanda:
« Would you like to take a little walk with me? »
Mais lui, il captait rien à rien.
Et lui proposa de se promener
Sur l'épi jusqu'au matin.
Elle dit:
« I know a place when we can be free! »,
« marchons à la légère »
Il regarda dans ses yeux
Et dit dans une langue étrangère:
"Russo mateloto, ouais-ouais !
Baiso-baiso, OK ? OK !
(bis)
Enfin bref, crac-boum, la force baisonique
Les a mordus sous la ceinture,
Et c'est dans des fourrés publics
Qu'ils ont uni leurs deux cultures.
[Refrain]
Un matelot russe…
Sait poser la seule question juste.
Titre d'origine : Чиж & Co – « Russo Matroso »
Album «Новый Иерусалим» (1998)
[1] Célèbre « café à glaces » de Kharkov, la ville d'origine de Zakhar May, et celle où Chizh passera une partie de sa carrière.
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En bonus, la version studio de Zakhar May (1995), à éviter au travail ou en famille parce qu'il s'accopagne d'un sythé déguelasse et qu'il a ajouté des bruitages de films porno.