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Billet de blog 7 février 2024

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LGV, A69 : nos luttes solidaires, nos enjeux communs

La LGV Bordeaux-Toulouse en projet viendrait piétiner l'alternative ferroviaire à l'A69, cette nouvelle vient illustrer les liens ténus entre les deux projets... et les deux luttes.

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Il sera peu surprenant aux personnes qui suivent un tant soit peu les aléas et rebondissements des grands projets que les projets d'autoroute A69 et celui de la LGV Bordeaux-Toulouse, donc du Grand Projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO) dans son ensemble, sont étroitement liés de par un ensemble d'enjeux délétères à la vie du territoire.

Certains bruits de couloir qui nous sont parvenus font même état d'une vive inquiétude chez Carole Delga quant à l'abandon du projet d'A69 : il faudrait absolument éviter de créer un précédent à l'abandon espéré des LGV du Sud-Ouest. En effet, les deux luttes sont soeurs et les promoteurs de ces projets opèrent par le même principe de privation de la liberté de choisir son mode de vie. L'outil savant de ce processus s'appelle Déclaration d'Utilité Publique : celle-ci permet le contournement des résultats négatifs de l'enquête publique et vaut imposition de force du projet aux populations, qui n'ont pourtant rien demandé. Il est effectivement fort pénible de se voir invectiver sans cesse de courir plus vite : c'est un peu le pendant du "travailler plus pour gagner plus" : "courrez plus pour...". 

L'enveloppe démagogique de ce principe est une rhétorique du 'désenclavement' dont l'impertinence ne soulève plus un sourcil aujourd'hui, tant elle est banalisée. Soulignons tout de même qu'une ligne droite parcourue d'une traite en carcasse métallique n'a jamais permis de désenclaver quoique ce soit. Parler de "dynamisation du territoire" est un poil plus honnête (dans l'intention) mais pas plus vrai (dans les faits), les projets de métropole n'enrichissant qu'une poignée d'acteurs et bénéficiant à un nombre décroissant d'habitants. En effet de moins en moins nombreuses sont les personnes qui peuvent s'offrir le luxe de la vitesse (17 euros l'aller-retour Toulouse-Castres pour l'A69, 43 euros le prix moyen du billet TGV, tarifs que l'on est censé consentir - je vous prie - quotidiennement puisqu'ils sont promus parmi les nouvelles mobilités locales et que seules des fréquentations élevées permettent de valider le business plan de ces projets).

Les tarifs de l'autoroute comme du TGV ne font d'ailleurs qu'augmenter, et la tendance n'est pas prête de s'inverser étant donnée le coût toujours plus exorbitant de l'énergie, consommée en toujours plus grande quantité, pour atteindre les vitesses imposées toujours plus grande, sans que jamais la physique ne démente le lien de cause à effet entre vitesse et énergie consommée. Mais peut-être espèrent-ils encore.

L'A69 et la LGV ont en commun bien d'autres choses qu'une capacité à piétiner les enquêtes publiques et autres avis d'autorité environnementale : les deux projets sont justifiés par des arguments fallacieux (voir par exemple notre article décryptage sur les faux arguments du GPSO). D'ailleurs les mêmes arguments sont utilisés, comme la saturation projetée des voies existantes, ce que les collectifs peuvent démentir en montrant que les tracés existants permettent d'assurer les hausses de trafic prévues par les enquêtes publiques.

Si les tromperies sont parfois évidentes, certaines se cachent très soigneusement dans l'enquête publique. C'est le cas de la dernière révélation de l'association Rallumons l'Étoile, pourtant pas défavorable initialement aux Aménagements Ferroviaires au Nord de Toulouse (AFNT) prévus dans le cadre du GPSO. Celle-ci a dû éplucher le dossier d'enquête publique environnementale des AFNT à la loupe pour trouver cette petite cachoterie de SNCF Réseau passée jusque là inaperçue. En effet, en lisant le plan général des travaux, c'est-à-dire quelques centaines de cartes réalisées par Systra, un grand groupe à gros profits se vantant d'être leader mondial dans sa catégorie (la destruction de terres ?), les experts de Rallumons l'Étoile ont été jusqu'à compter le nombre de voies dessinées sur la carte présentant la sortie de la gare Toulouse Matabiau, c'est-à-dire compter le nombre de ligne grises et vertes dont la légende indique la destination (les voies réservées aux lignes à grande vitesse nouvelles et celles réservées aux TER). 

Illustration 1
Enquête publique environnementale des AFNT - pièce F Étude d'impact, volume 4.12 - Octobre 2023

Et là, surprise.

À l'opposé du discours officiel de SNCF vantant les bienfaits des AFNT pour les transports du quotidien, soit le trafic des TER censé augmenter, ces plans montrent qu'il est prévu de mutualiser une des deux voies existantes dédiées aux TER en partance vers l'Est pour les futurs trains associés aux LGV en projet.

Illustration 2
Annotation du plan travaux de l'enquête publique environnementale des AFNT par Rallumons l'Étoile. "Cisaillement" signifie dans le jargon ferroviaire, pour un train le fait de couper l'itinéraire d'autres trains, les obligeant ainsi à attendre le dégagement du premier pour passer.

Confrontée à cette incongruité Carole Delga, pourtant avide de palabre quand il s'agit d'affirmer que les AFNT permettront l'amélioration des transports du quotidien, n'a pas su justifier la chose. Cela nous est raconté par nos amis de La Voie Est Libre qui présentaient lundi dernier le volet ferroviaire du projet alternatif à l'A69 : Une Autre Voie.

Extrait de la conférence de presse de présentation du projet alternatif à l'A69

Là où le bât blesse vraiment, c'est que cette voie subtilisée pour la LGV est justement la voie privilégiée pour l'alternative ferroviaire à l'autoroute A69 défendue par les collectifs mobilisés depuis plusieurs mois maintenant : cette voie part effectivement vers le Tarn. Ainsi lorsque Carole Delga affirme que l'alternative ferroviaire à l'A69 est impossible car elle coûterait 1 milliard d'euros, elle prend pour ordre de grandeur les aménagements ferroviaires dédiés à la LGV (900 millions d'euros), ce qui est sans commune mesure avec ces trains régionnaux. Mais peut-on s'étonner d'en arriver là en 2024 alors que la France n'a plus de ministre des Transports ? Non pas que Clément Beaune soit regretté, mais il serait temps d'avoir des politiques qui planchent sur les vrais chiffres de leurs projets. Le gouvernement n'a d'ailleurs pas non plus de ministre du logement, ce qui est pratique pour faire passer la construction des maisons secondaires des parisiens pour du logement social (#Euratlantique, #Quaisd'Oc).

Mais prenons du recul. Décryptage après décryptage des faux-arguments en faveur du projet, des mensonges de nos président.e de Région, la question qu'il est temps de poser est celle de l'impertinence d'une recherche toujours croissante de gain de temps et de profits économiques à l'heure même où le gouvernement prévoit de s'adapter à un réchauffement climatique de +4 degrés. Or en 2030 ou 2040, quand il fera une moyenne de +4 degrés sur nos territoires si l'on continue de bien fermer les yeux, la priorité ne sera pas d'arriver plus vite à Paris, ou d'arriver à Castres avec 30 minutes d'avance depuis Toulouse par rapport à celleux qui prendront la nationale (gratuite). Ce n'est même pas la priorité de la population aujourd'hui qui choisit, parce qu'elle le peut encore, de vivre en dehors des métropoles.


La lutte contre l'A69 et son projet alternatif sont portés par les collectifs La Voie Est Libre, Alternative ferroviaire et Extinction Rebellion Toulouse. Plus d'information sur le site lvel.fr.

La lutte contre le GPSO est activement portée par un ensemble de collectifs unis sous la banière LGVNONMERCI, que vous pouvez joindre via le site lgvnonmerci.fr.  Aujourd'hui les travaux ont commencé malgré trois recours juridiques encore en procédure, il n'est pourtant pas trop tard pour rejoindre la lutte et empêcher ce projet de voir le jour : n'attendons pas qu'ils viennent terrasser nos terres pour agir.

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