
L'une de mes plus ferventes découvertes de 2022, il y a quelques mois de cela à peine, fut l'album excellentissime (et si j'osais, je dirais miraculeux) qui en fait est le tout dernier enregistrement de Lars Vogt en tant que chef, et qui permettra à tout un chacun qui ne le connaîtrait pas encore, de découvrir l'un des jeunes musiciens les plus doués de sa génération (qui compte pourtant tant de merveilleux interprètes, au point qu'on peut le dire sans sourciller : nous vivons actuellement un âge d'or de la musique en France, du point de vue de cette avalanche d'excellents musiciens) : le clarinettiste Raphaël Sévère.
Trois minutes au paradis, dans l'adagio du concerto de Mozart, lors de l'enregistrement de ce merveilleux cd sorti le 23 septembre et que Lars Vogt ne devait jamais voir, lui qui es décédé le 5 septembre 2022 :
C'est un clarinettiste accompli et c'est un musicien d'exception qui se révèle ou plus exactement se confirme dans cet enregistrement d'une pureté intégrale (lui qui avait déjà six albums à son actif). Et s'il vous plaît, dans l'Himalaya de la clarinette, le concerto de Mozart (avec donc l'orchestre de chambre de Paris dirigé par Lars Vogt), mais aussi l'autre sommet qu'est le Quintette pour clarinette et cordes en la majeur, avec le Quatuor Modigliani, que je tiens pour le meilleur quatuor français du moment, avec les Ébène. Réussir aussi brillamment dans ces deux sommets, là où d'autres se sont évidemment essayés sans apporter cette fraîcheur et cette profondeur que les meilleurs ont su y déceler, est aujourd'hui une gageure. Peut-être l'un des enregistrements Mozart les plus bouleversants de 2022. Et même si çà et là j'avoue certaines réserves devant des choix de direction de Lars Vogt dans l'allegro initial (pourquoi ces sortes de « retenues », qui cassent la fluidité de certaines phrases ?), rien décidément ne peut brider le talent à l'état pur, comme celui de Raphaël Sévère, quand il doit comme c'est le cas ici, être mis au service de deux des plus grands chefs-d'œuvre de l'histoire de la musique. J'y avais consacré ce billet de mon blog, notamment à propos de la version immortelle de Jacques Lancelot et du miracle de Gervase de Peyer.
Raphaël Sévère se livre ici sur son approche du concerto :
Intelligence à tous les étages, et cette merveille qu'on croit être la spontanéité, indispensable pour Mozart (en fait, un travail de tous les détails, mais aussi ce don de l'énonciation mozartienne juste). Infinie suavité du timbre, accents d'une sensibilité confondante, énergie de la pulsation : l'esprit et l'âme sont comblés dans ce que parvient à accomplir Raphaël Sévère dans ce concerto de Mozart, l'une des dernières partitions écrites par lui. Pour moi qui ai eu la chance de connaître l'un des meilleurs clarinettistes français et qui lui avais dit ma vénération pour cet instrument que vénérait Mozart lui-même par dessus tout, la découverte de Raphaël Sévère fut un très grand moment de 2022, que je vous invite à faire à votre tour cette année.
À 15 ans, Raphaël Sévère avait été nommé aux Victoires de la Musique (il avait remporté le concours de Tokyo à 12 ans) : parler de prodige à son endroit serait tout à fait justifié, si ce n'était faire offense à l'ampleur de sa personnalité de musicien, qui dépasse déjà l'éclat du météore.
Ici dans le Concertino de Weber en 2013, remarqué par Arte :
En 2015, à 20 ans, le voici aux Victoires de la Musique, dans l'adagio du concerto de Mozart (avec l'orchestre national de Lille dirigé par Jean-Claude Casadessus) :
Le site de Raphaël Sévère : http://www.raphael-severe.com/