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Лентяй (fainéant), бывший неудачник (ex- loser), негодяй (vaurien), самозванец (imposteur), лицемер (hypocrite), категоричный (péremptoire), retraité sans gloire, probable escroc, possible usurpateur, politiquement suspect, traducteur très amateur de littérature russe.

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Billet de blog 26 février 2024

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La fin de Tchertopkhanov (Ivan Tourguéniev) – Première partie

Ce récit fait suite au précédent, mais fut écrit une vingtaine d'années plus tard.

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La fin de Tchertopkhanov

(Ivan Tourguéniev)

I

 Les calamités se mirent à fondre sur Pantéleï Iéréméitch environ deux ans après ma visite. Calamités, c’est bien le mot. Jusqu’alors, il lui était arrivé des désagréments, des déveines et même des malheurs, mais, gardant ses grands airs, il n’y avait pas fait attention. La première calamité à le frapper, et qu’il ressentit très douloureusement, fut le départ de Macha. Il est difficile de dire ce qui la poussa à abandonner un foyer auquel elle semblait si habituée. Jusqu’à la fin de ses jours, Tchertopkhanov fut persuadé que Macha l’avait quitté pour un jeune voisin, un capitaine de uhlans à la retraite surnommé Iaff2, lequel, aux dires de Pantéleï Iéréméitch, avait pour seul avantage de tortiller sa moustache en permanence, de se pommader outrageusement et de faire « hum » d’un air significatif ; mais on peut y voir plutôt l’ascendant du sang de l’errance, ce sang de Bohémienne qui coulait dans les veines de Macha. Quoi qu’il en soit, par un beau soir d’été, Macha avait noué quelques hardes en un petit baluchon et avait quitté la maison de Tchertopkhanov.

     Auparavant, elle était restée trois jours dans un coin, recroquevillée contre le mur comme un renard blessé, sans dire un mot à personne, ne faisant que regarder autour d’elle et réfléchir, fronçant les sourcils, montrant les dents, remuant les bras comme pour s’emmitoufler. Il lui était déjà arrivé d’avoir ce genre de lubies, sans que cela durât jamais longtemps ; le sachant, Tchertopkhanov ne s’inquiéta pas et la laissa tranquille. Mais lorsque, au retour du chenil où venaient de crever, comme disait le piqueur, ses deux derniers chiens courants, la servante lui annonça d’une voix tremblante que Maria Akinfievnalui faisait dire qu’elle le saluait, lui souhaitait tout le bien possible, mais ne reviendrait plus, Tchertopkhanov, après avoir fait deux tours sur lui-même en émettant une sorte de sanglot rauque, se lança aussitôt à la poursuite de la fugitive – en ayant soin de prendre son pistolet.

     Il la rattrapa à deux verstes4 de sa maison, près d’un petit bois de bouleaux, sur la grand-route menant au chef-lieu du district. Le soleil était bas sur l’horizon, et tout s’empourprait aux alentours : les arbres, l’herbe et la terre.

     — Chez Iaff ! Elle va chez Iaff ! gémit Tchertopkhanov dès qu’il eut aperçu Macha. Elle va chez Iaff ! répéta-t-il en courant la rejoindre, trébuchant presque à chaque pas.

     Macha s’arrêta et se retourna face à lui. Se tenant à contre-jour elle semblait toute noire, comme découpée dans du bois sombre. Seul le blanc de ses yeux dessinait deux amandes d’argent, tandis ses prunelles étaient encore plus sombres.

     Elle jeta son baluchon de côté et se croisa les bras.

     — Tu vas chez Iaff, vaurienne ! dit encore Tchertopkhanov, qui voulait lui attraper l’épaule ; mais, son regard ayant croisé celui de Macha, il se troubla et resta interdit devant elle.

     — Je ne vais pas chez M. Iaff, Pantéleï Iéréméitch, répondit Macha d’une voix égale ; mais je ne peux plus vivre avec vous.

     — Comment ça, tu ne peux plus vivre ? Et pourquoi ? T’aurais-je offensée de quelque façon ?

     Macha secoua la tête.

     — Vous ne m’avez nullement offensée, Pantéleï Iéréméitch, c’est juste que je m’ennuie, chez vous… Je vous remercie pour le passé, mais je ne peux pas rester chez vous, c’est tout !

     Tchertopkhanov fut stupéfait ; il se tapa même sur les cuisses et fit un petit bond.

     — Comment est-ce possible ? Elle vivait chez moi sans rien connaître que le calme et le bien-être — et, d’un coup, la voilà qui dit : « Je m’ennuie ! Je le plante ! » Et elle se met un fichu sur la tête, et s’en va. Elle n’a pas été plus mal traitée qu’une dame…

     — Oh, ça, je n’en ai pas besoin, le coupa Macha.

     — Comment ça, pas besoin ? D’une vagabonde tzigane on fait une barynia5, et voilà : « pas besoin ! » Comment ça, pas besoin, fille de rien6 ! Peut-on seulement le croire ? Cela sent la trahison, oui, la trahison7 !

     Il se remit à écumer.

     — Ce n’est pas de la trahison, je n’y ai jamais pensé, répliqua Macha de sa voix nette et mélodieuse : je vous l’ai dit, j’ai été prise d’ennui.

     — Macha ! s’écria Tchertopkhanov en se frappant du poing la poitrine, cesse, voyons, cela suffit, tu me tortures… assez ! Ma parole ! pense seulement à ce que dira Ticha8 ; aie pitié au moins de lui !

     — Saluez Tikhon Ivanovitch de ma part et dites-lui…

     Tchertopkhanov se mit à gesticuler.

     — Ce sont des blagues, tu ne partiras pas ! Ton Iaff peut toujours t’attendre !

     — Monsieur Iaff, commença Macha…

     — Un beau mos-sié Iaff, la singea Tchertopkhanov. Un fesse-mathieu, un aigrefin – avec une gueule de singe !

     Tchertopkhanov fit le siège de Macha une bonne demi-heure. Tantôt il se mettait tout près d’elle, tantôt il s’écartait d’un bond, tantôt il lui faisait des gestes menaçants, tantôt il s’inclinait bien bas devant elle, pleurait, poussait des jurons…

     — Je ne peux pas, répétait Macha : j’éprouve une telle tristesse… je suis rongée par le cafard. Son visage prit peu à peu une expression d’indifférence complète, paraissant presque s’endormir, au point que Tchertopkhanov lui demanda si par hasard on ne lui avait pas fait prendre de l’opium.

     — C’est l’ennui, dit-elle pour la dixième fois.

     — Et si je te tue ? cria-t-il soudain en sortant le pistolet de sa poche.

     Macha sourit ; son visage s’anima.

     — Et puis ? Tuez-moi, Pantéleï Iéréméitch : à vous de voir ; mais revenir, non, je ne reviendrai pas.

     — Tu ne reviendras pas ?

     Tchertopkhanov leva le chien du pistolet.

     — Je ne reviendrai pas, mon ami. De ma vie, je ne reviendrai pas. Je tiens toujours parole.

     Tchertopkhanov lui mit brusquement le pistolet dans la main et s’assit par terre.

     — Alors, toi, tue-moi ! Sans toi, je ne désire pas vivre. Tu ne me supportes plus – dès lors, tout me devient odieux.

     Macha se pencha, ramassa son baluchon, posa le pistolet sur l’herbe et s’approcha de lui.

     — Ah, mon ami, pourquoi te fais-tu du mal ? Tu ne sais donc pas comme nous sommes, nous autres Bohémiennes ? C’est dans notre tempérament, dans nos coutumes. Lorsque s’installe l’ennui qui sépare, et qu’il appelle notre âme à partir loin, comment veux-tu qu’on reste ? Souviens-toi de ta Macha – tu ne retrouveras pas une pareille amie –, et moi, je ne t’oublierai pas, mon faucon ; mais notre vie à deux a pris fin !

     — Je t’aimais, Macha, murmura Tchertopkhanov à travers ses doigts, qui couvraient son visage…

     — Moi aussi, je vous aimais, Pantéleï Iéréméitch, mon ami !

     — Je t’aimais, je t’aime à la folie, et, à la pensée que, pour rien, sans rime ni raison, tu me quittes pour aller courir le monde, je me dis que tu ne m’abandonnerais pas si je n’étais pas un pauvre diable sans sou ni maille !    

     En entendant ces mots, Macha eut un sourire ironique.

     — Toi qui m’appelais « la désintéressée » ! dit-elle en envoyant à Tchertopkhanov un grand coup sur l’épaule.

     Il se releva d’un bond.

     — Prends-moi au moins de l’argent : sinon, comment feras-tu, sans un sou ? Mais, le mieux, c’est de me tuer ! Je te le dis sérieusement : abats-moi d’un seul coup !

     Macha secoua de nouveau la tête.

     — Te tuer ? Pour me retrouver en Sibérie, mon ami ?

     Tchertopkhanov frémit.

     — Alors, c’est juste pour ça, par peur du bagne…

     Il s’affala de nouveau dans l’herbe.

     Macha, silencieuse, se tenait au-dessus de lui.

     — Je te plains, Pantéleï Iéréméitch, dit-elle avec un soupir ; tu es quelqu’un de bien… mais il n’y a rien à faire : adieu !

     Elle se détourna vivement et fit deux pas. Il commençait à faire nuit, les ombres recouvraient toutes choses. Tchertopkhanov se releva lestement et attrapa les coudes de Macha.

     — Tu pars donc, vipère ? Chez Iaff, hein !

     — Adieu ! répéta d’une voix résolue Macha, qui lui échappa et s’en alla. 

     Tchertopkhanov la suivit du regard, courut à l’endroit où gisait le pistolet, s’en empara, visa et tira… Mais, avant d’appuyer sur la détente, il avait levé la main : la balle siffla au-dessus de la tête de Macha. Continuant à marcher, elle le regarda par-dessus son épaule – et poursuivit son chemin en se déhanchant, comme pour le narguer.

     Il se cacha le visage dans les mains et s’enfuit…

     Mais il n’avait pas fait cinquante pas qu’il s’arrêta, cloué sur place. Une voix connue, trop familière, lui parvenait. Macha chantait : « Jeunes années, époque délicieuse«, et chaque note, ardente et plaintive, s’étendait dans l’air du soir. Tchertopkhanov tendit l’oreille. Voici que la voix s’éloignait ; elle paraissait tantôt s’éteindre, puis reprenait, à peine audible, mais brûlante de passion…

     « Elle fait cela pour me vexer », se dit Tchertopkhanov qui, l’instant après, se mit à gémir : « Hélas non ! Elle me dit adieu pour toujours… » Et il fondit en larmes.

—————————————

     Le lendemain, il se présenta au domicile de M. Iaff, lequel, en véritable homme du monde ne goûtant guère la solitude champêtre, s’était installé au chef-lieu du district, « pour se rapprocher des demoiselles », selon son expression. Tchertopkhanov ne trouva pas Iaff chez lui : il était parti la veille pour Moscou, lui dit le valet de chambre.

     « C’est donc cela ! s’exclama Tchertopkhanov avec fureur : ils étaient de mèche ; elle est partie avec lui… mais attends un peu ! »

     Il fit irruption, malgré la résistance du domestique, dans le cabinet du jeune capitaine. Dans la pièce, au-dessus d’un divan, était accroché le portrait du maître de céans, peint à l’huile en uniforme de uhlan.

     « Te voilà, singe sans queue ! » tonna Tchertopkhanov, qui bondit sur le divan et creva d’un coup de poing la toile, y faisant un grand trou.

     —Tu diras à ton fainéant de maître, annonça-t-il au valet de chambre, qu’à défaut de son ignoble groin, le gentilhomme Tchertopkhanov a défiguré le tableau le représentant ; s’il désire réparation, il sait où trouver le gentilhomme Tchertopkhanov ! Sinon, c’est moi qui viendrai ! Je retrouverai ce vil singe même au fond de la mer !

     Sur ces paroles, Tchertopkhanov sauta du divan et s’en alla d’un air triomphant.

     Mais le capitaine Iaff n’exigea aucune réparation, ils ne se retrouvèrent nulle part, et Tchertopkhanov ne songea plus à rechercher son ennemi, l’histoire s’arrêta là. Peu de temps après, Macha disparut sans laisser de traces. Tchertopkhanov se mit à boire, puis se reprit. C’est alors qu’un deuxième malheur le frappa.

II

      Voici lequel : son ami intime Tikhon Ivanovitch mourut. Depuis près de deux ans, sa santé avait commencé à le trahir ; il se sentait oppressé, s’endormait sans cesse et, en se réveillant, avait du mal à reprendre ses esprits ; le médecin du district parlait de « petites congestions ». Durant les trois jours précédant le départ de Macha, ces jours où elle avait été « prise d’ennui », Niédopiouskine était resté au lit chez lui, à Biesséliendéïevka10 : il avait pris froid. Il s’attendait d’autant moins à la décision de Macha : elle l’atteignit peut-être encore plus que Tchertopkhanov. La douceur et la timidité de sa nature firent qu’il n’exprima rien, en dehors de sa tendre compassion envers son ami, et de son incompréhension affligée… Mais tout en lui s’était brisé ne laissant qu’un grand vide. « Elle m’a arraché mon âme », se chuchotait-il en prenant place sur son petit divan préféré, tendu de toile cirée, et en jouant avec ses doigts. Tchertopkhanov se rétablit, mais pas Niédopiouskine., qui continua à se sentir « vide à l’intérieur ». « Là », disait-il en montrant le milieu de sa poitrine, un peu au-dessus de l’estomac. Il se traîna ainsi jusqu’à l’hiver. Les premières gelées soulagèrent son oppression, mais il eut, non plus une « petite congestion », mais une véritable attaque. Il ne perdit pas conscience tout de suite ; il put encore reconnaître Tchertopkhanov, et répondit même à l’exclamation désespérée de son ami : « Quoi, Ticha, tu veux m’abandonner sans mon consentement, comme Macha ? », il répondit d’une langue qui fourchait : « Je… suis…à… vos… or… dres, P… a… veï… Ié… é… itch. » Ce qui ne l’empêcha de mourir le jour même, sans attendre l’arrivée du médecin de district, auquel, à la vue de son corps encore tiède, il ne resta plus qu’à réclamer, tristement conscient du caractère périssable des choses terrestres, « de la vodka et du poisson fumé ». Comme on devait s’y attendre, Tikhon Ivanovitch léguait son domaine à son « très honorable bienfaiteur et généreux protecteur, Pantéleï Iéréméitch Tchertopkhanov » ; mais il ne fut pas d’une grande utilité pour le « très honorable bienfaiteur », car il fut bientôt vendu aux enchères, en partie pour couvrir les frais d’un monument funéraire que Tchertopkhanov (répondant sans doute à l’appel du sang paternel ! ) s’avisa de faire ériger sur la tombe de son ami. Cette statue, devant représenter un ange en prière, il la fit venir de Moscou ; mais le commissionnaire, s’étant dit qu’en province, il y avait peu de gens s’y connaissant en matière de statue, expédia, à la place de l’ange, une statue de la déesse Flore11 ayant longtemps orné l’un des jardins de la banlieue de Moscou au temps de Catherine II, parcs laissés depuis à l’abandon. Cela parce que cette statue de style rococo, fort gracieuse au demeurant, avec ses bras potelés, ses boucles gonflées, la guirlande de roses sur sa poitrine nue et sa taille cambrée ne coûtait rien au commissionnaire. Depuis lors, cette déesse de la mythologie lève gracieusement une jambe au-dessus de la tombe de Tikhon Ivanovitch, et observe, en minaudant comme une vraie Pompadour, les veaux et et les brebis qui flânent autour d’elle, en hôtes fidèles de nos cimetières de campagne.

III

     Ayant perdu son fidèle ami, Tchertopkhanov se remit à boire, et cette fois beaucoup plus sérieusement. Ses affaires périclitèrent complètement. Il n’eut plus de quoi chasser, ses derniers roubles avaient disparu, ses derniers serviteurs s’étaient enfuis. Pantéleï Iéréméitch se retrouva absolument seul : personne avec qui échanger trois mots, de quoi soulager son cœur. Seul son orgueil n’en rabattait pas. Au contraire : plus sa situation empirait, plus il devenait hautain, arrogant et inaccessible. Il finit par s’ensauvager complètement. Une seule consolation, une  joie unique lui restait : un admirable cheval de selle à la robe grise, pur-sang du Don qu’il avait appelé Malek-Adhel12, une bête vraiment remarquable.

     Voici comment il l’avait eu.

     Traversant un jour à cheval un village voisin, il entendit des moujiks faire du tapage, attroupés près d’un cabaret. Des bras vigoureux ne faisaient que se lever et s’abaisser à la même place, au beau milieu de cette foule.

     «  Que se passe-t-il là-bas ? » demanda-t-il, du ton impérieux qui était le sien, à une vieille femme se tenant sur le seuil de son izba.

     S’appuyant au linteau de la porte, semblant à moitié endormie, la paysanne regardait dans la direction du cabaret. Un moutard blond en chemise d’indienne ouverte, une croix de cyprès sur sa poitrine nue, était assis entre ses lapti13, les jambes écartées, serrant ses petits poings ; un poussin, à côté, picorait un vieux croûton de pain noir.

     — Dieu seul le sait, batiouchka14, répondit la vieille qui, se penchant, posa sa main brunie et ridée sur la tête du gamin : paraît que nos gars rossent un Juif15.

     — Comment, un Juif ? Quel Juif ?

     — Dieu seul le sait, batiouchka. Un Juif qui s’était montré chez nous ; allez savoir d’où il sortait. Vassia, mon bonhomme, va voir ta maman ; kche, kche, petit !

     La paysanne chassa le poussin, tandis que Vassia16 s’agrippait à sa jupe.

     — Alors on le rosse, mon bon monsieur.

     — Comment ça, on le rosse ? Pour quelle raison ?

     — Je ne sais pas, petit père. Il faut croire qu’il y en a une. Et pourquoi qu'on le rosserait pas ? C’est tout de même lui qui a crucifié le Christ !

     Tchertopkhanov poussa un hurlement, donna un coup de nagaïka17 sur l’encolure de son cheval et partit à toute allure vers l’attroupement, où il se mit, ayant fait irruption dans la foule, à frapper de cette même nagaïka les moujiks sur sa droite et sur sa gauche, en disant d’une voix saccadée :

     — Ar… bitraire ! Ar… bitraire ! C’est la loi qui doit punir, on ne se fait… pas… jus… tice soi-même ! La loi ! La... loi ! La… loi !!!

     En moins de deux minutes, la foule avait reflué, partant de tous les côtés ; par terre, devant la porte du cabaret, se trouvait une petite créature chétive et noiraude en caftan de nankin18, ébouriffée et toute défaite… Le visage blême, les yeux révulsés, la bouche ouverte… Qu’était-ce donc ? Une épouvante mortelle, ou déjà la mort elle-même ?

     — Pourquoi avez-vous tué le Juif ? tonna Tchertopkhanov en agitant sa nagaïka d’un air menaçant.

     En réponse, un faible murmure monta de la foule. Un moujik se tenait l’épaule, un autre le flanc, un troisième le nez.

     — Il n’y est pas allé de main morte ! dit une voix à l’arrière.

     — Avec une nagaïka, c’est pas difficile ! fit une autre voix.

     — Je vous demande pourquoi vous avez tué le Juif, Asiates, démons ! répéta Tchertopkhanov.

     Mais à ce moment, la créature gisant par terre se releva lestement et, courant vers Tchertopkhanov, agrippa convulsivement le bord de sa selle.

     Un rire général s’éleva dans la foule.

     — Il a la peau dure ! Un vrai chat ! entendit-on de nouveau à l’arrière.

     — Fotre Haute Noblesse19, défendez-moi, saufez-moi19 ! balbutiait le malheureux Juif, en serrant sa poitrine contre la jambe de Tchertopkhanov, ils font me tuer, fotre Haute Noblesse !

     — Qu’est-ce qu’ils te veulent ? demanda Tchertopkhanov.

     — Che n’en sais rien, ma parole ! Leur bétail s’est mis à crefer… alors ils me soupçonnent… mais moi…

     — Bon, nous verrons cela plus tard ! le coupa Tchertopkhanov, pour l’instant, tiens bien ma selle et suis-moi. Quant à vous ! reprit-il en s’adressant à la foule, savez-vous qui je suis ? Je suis le propriétaire Pantéleï Tchertopkhanov, je vis à Bessonovo, alors portez plainte contre moi, si vous le jugez bon, et contre le Juif, par la même occasion !

     — À quoi bon porter plainte ? dit en s’inclinant très bas un moujik posé, à la barbe blanche, tout à fait un patriarche de l’Ancien Testament – qui avait tout de même bourré de coups le Juif aussi bien qu’un autre. Nous connaissons bien ta miséricorde, petit père Pantéleï Iéréméitch ; nous rendons grâce à ta miséricorde de nous avoir donné une leçon !

     — À quoi bon porter plainte ! reprirent les autres. Et avec ce mécréant-là, nous réglerons nos comptes ! Il ne nous échappera pas ! Nous le traquerons comme un lièvre dans un champ…

     Tchertopkhanov renifla en gonflant sa moustache, et rentra au pas à son village, accompagné du Juif qu’il avait délivré de ses  persécuteurs comme il avait autrefois délivré  Tikhon Niédopiouskine20.  

IV

     Quelques jours plus tard, le dernier petit Cosaque21 resté à Tchertopkhanov lui annonça l’arrivée d’un cavalier désireux de lui parler. Tchertopkhanov sortit sur le perron et vit son petit Juif monté sur un magnifique cheval du Don, se tenant fièrement immobile au milieu de la cour. Le petit Juif était tête nue : il tenait sa chapka sous son bras ; ses pieds n’étaient pas dans les étriers, mais passés dans les étrivières22, et les pans déchirés de son caftan pendaient de chaque côté de la selle. En voyant Tchertopkhanov, il clappa des lèvres, remua les coudes et balança les jambes. Mais Tchertopkhanov, loin de lui rendre son salut, se fâcha, devenant tout rouge : un Juif pouilleux osait monter un cheval si beau… quelle indécence !

     — Dis donc, mufle éthiopien ! cria-t-il, descends tout de suite de là, si tu ne veux pas qu’on te traîne dans la boue !

     Le Juif s’exécuta immédiatement, glissa comme un sac en bas de la selle et, tenant les rênes d’une main, souriant et faisant des courbettes, s’approcha de Tchertopkhanov.

     — Que veux-tu ? lui demanda dignement Pantéleï Iéréméitch.

     — Fotre Noblesse, daignez regarder ce petit chefal, dit le Juif en continuant ses courbettes.

     — Mmmh, oui… c’est un bon cheval. d’où le tiens-tu ? Tu l’auras volé, au moins ?

     — Comment foulez-vous, fotre Noblesse ? Che suis un honnête Chuif, je ne l’ai pas folé, j’en ai fait l’acquisition pour fotre Noblesse, foilà tout ! Ah, que d’efforts ! Mais quel cheval ! Fous ne trouveriez pas son pareil dans tout le Don. Regardez un peu, fotre Noblesse, le chefal que c’est ! Che fous en prie, par ici ! Tprou… tprou… tourne-toi, fais foir ton flanc ! Nous allons enlefer la selle. Hein, qu’il est beau, fotre Noblesse ?

     — C’est un bon cheval, répéta Tchertopkhanov en feignant l’indifférence, cependant que son cœur battait la chamade dans sa poitrine. Il avait une passion pour la « viande de cheval », et il s’y connaissait.

     — Caressez-le, fotre Noblesse, caressez-le ! Foyez, sur le cou, hi-hi-hi !

     Comme à contrecœur, Tchertopkhanov passa la main sur l’encolure du cheval, la tapota deux-trois fois, puis glissa ses doigts le long du dos, à partir du garrot, et, arrivé à un point au-dessus des reins, exerça doucement une pression, en connaisseur. Le cheval courba assitôt l’échine, regarda en biais Tchertopkhanov de son œil noir et superbe, s’ébroua et piaffa.

     Le Juif se mit à rire et applaudit doucement.

     — Il reconnaît son maître, fotre Noblesse, il reconnaît son maître !

     — Allons, pas d’histoires, l’interrompit Tchertopkhanov avec dépit. Je n’ai pas de quoi t’acheter ce cheval ; et je n’accepte de cadeaux de personne, pas même de Dieu, alors certainement pas d’un Juif !

     — Comment aurais-che l’audace, fotre Noblesse, de fous faire un cadeau, foyons ! s’exclama le Juif. Fous l’achetez, fotre Noblesse… et, pour l’argent, ch’attendrai.

     Tchertopkhanov devint songeur quelques instants.

     — Combien en demandes-tu ? dit-il enfin à travers ses dents.

     Le Juif haussa les épaules.

     — Ce qu’il m’a coûté. Deux cents roubles.

     Le cheval valait le double, voire le triple.

     Tchertopkhanov se détourna et bâilla convulsivement.

     — Et quand, pour… l’argent ? demanda-t-il, fronçant fortement les sourcils et évitant de regarder le Juif.

     — Quand il plaira à fotre Noblesse.

     Tchertopkhanov rejeta la tête en arrière, mais sans lever les yeux.

     — Ce n’est pas une réponse. Parle clairement, fils d’Hérode ! Tu crois peut-être que je vais accepter d’être ton obligé ?

     — Eh bien, disons… s’empressa d’annoncer le Juif, dans six mois… Fous êtes d’accord ?

     Tchertopkhanov ne répondit rien.

     Le Juif s’efforçait de rencontrer son regard.

     — Fous êtes d’accord ? Che l’emmène à l’écurie ?

     — Je n’ai pas besoin de la selle, dit Tchertopkhanov d’une voix saccadée. Prends la selle, tu entends ?

     — Foui, foui, che la prends, balbutia le Juif tout joyeux, et il mit la selle sur son épaule.

     — Quant à l’argent, reprit Tchertopkhanov… dans six mois. Et pas deux cents, mais deux cent cinquante. Silence ! Je te dis deux cent cinquante ! Suis-moi.

     Tchertopkhanov ne pouvait toujours pas se décider à lever les yeux. Il n’avait jamais autant souffert dans son orgueil. « C’est un cadeau, bien sûr, se disait-il ; ce diable-là me l’offre par gratitude ! » Il avait autant envie de serrer le Juif dans ses bras que de le battre…

     — Fotre Noblesse, commença le Juif, reprenant courage et souriant, il faudrait obserfer la coutume russe, du pan au pan23

     — Rien que ça ? Un Israélite24 qui se mêle des coutumes russes ! Holà ! Quelqu’un ! Prends le cheval et mène-le à l’écurie. Et donne-lui de l’avoine. Je vais tout de suite venir le voir. Et sache qu’il s’appelle Malek-Adhel !

     Tchertopkhanov se dirigea vers le perron, mais tourna brusquement les talons courut vers le Juif et lui serra fortement la main. L’autre s’inclina pour la baiser, mais Tchertopkhanov se rejeta en arrière, dit à mi-voix : « N’en parle à personne ! » et disparut derrière la porte.

V

     Dès lors, Malek-Adhel devint la grande affaire, le sujet principal de souci et de joie de Tchertopkhanov.  Il l’aima davantage qu’il n’avait aimé Macha, s’attacha à lui plus qu’il ne s’était attaché à Niédopiouskine. Mais aussi, quel cheval ! Le feu et la poudre, et avec cela, grave comme un boyard25 ! Infatigable, endurant et docile, où qu’on le mène ; ne coûtant presque rien à nourrir : à défaut d’autre chose, il broute la terre à ses pieds. Va-t-il au pas, on est comme porté dans des bras ; son trot vous berce ; au galop, le vent ne peut le suivre ! il n’est jamais essoufflé : il respire très librement26. Ses jambes sont en acier, ce n’est pas lui qu’on verra trébucher ! Sauter un fossé ou une palissade est pour lui un jeu d’enfant ; et quelle intelligence ! Il accourt au son de la voix, en levant la tête ; lui dit-on de ne pas bouger et s’en va-t-on, il ne bronche pas ; juste, à votre retour, hennit-il très doucement, l’air de dire : « Je suis là ». Et il n’a peur de rien : au cœur des ténèbres, en pleine tempête de neige, il retrouve son chemin ; et pour rien au monde il ne suivra un étranger : il lui donnera plutôt un coup de dents ! Il vaut mieux que le chien ne s’y frotte pas : un coup de pied à la tête, tiouk ! adieu le chien. Il a sa fierté : vous pouvez, pour la beauté du geste, brandir une cravache au-dessus de sa tête, mais ne vous avisez pas de le toucher ! Mais à quoi bon continuer : ce n’est pas un cheval, c’est un trésor !

     Lorsque Tchertopkhanov se mettait à dépeindre son Malek-Adhel, c’était à se demander d’où lui venait cette éloquence ! Et comme il le choyait, comme il le dorlotait ! Le poil du cheval miroitait comme de l’argent – pas du vieil argent, du neuf, luisant sombrement ; en y passant la main, c’était du velours ! La selle, la chabraque27, la bride, tout son harnachement, tout était soigneusement ajusté, en bon état, reluisant : il n’y avait plus qu’à prendre un crayon et les dessiner ! Tchertopkhanov – que dire de plus ? – peignait de sa propre main la frange de son favori, et lavait avec de la bière sa crinière et sa queue, allant jusqu’à lui mettre une sorte de vernis sur les sabots.

     Parfois, il enfourchait Malek-Adhel et, sans aller voir ses voisins – il continuait à ne pas les fréquenter –, traversait leurs champs, passait près de leurs propriétés… El semblait dire : « Admirez de loin, tas de sots ! » Ou encore, entendant parler d’une chasse organisée par quelque riche barine en rase campagne, il s’y rendait, caracolant dans le lointain, à l’horizon, stupéfiant tous les spectateurs par la beauté et la rapidité de son cheval, sans laisser quiconque s’approcher. Un jour, un chasseur se lança même à sa poursuite avec sa petite cour ; voyant Tchertopkhanov s’éloigner, il lui cria de toutes ses forces, en pleine course : « Hé, toi ! Écoute ! Vends-moi ton cheval, ton prix sera le mien ! Je t’en donne des mille et des cents ! Ma femme, mes enfants ! Tout ce que tu veux ! »

     Tchertopkhanov retint soudain Malek-Adhel. Le chasseur fonça sur lui.

     — Batiouchka ! cria-t-il. Parle, dis ton prix ! Mon bienfaiteur !

     — Serais-tu roi, dit posément Tchertopkhanov (qui n’avait jamais entendu parler de Shakespeare28)), et m’offrirais-tu ton royaume, tu n’aurais pas mon cheval !

     Ayant dit, il éclata de rire, fit se cabrer Malek-Adhel, le fit pivoter, dressé en l’air, sur ses jambes arrière, tournant comme une toupie, et en avant ! il fila comme l’éclair au milieu des chaumes. Quant au chasseur (un prince fort riche, à ce qu’on dit), il lança sa chapka par terre, s’y jeta à son tour et resta ainsi une demi-heure, le visage enfoui dans sa chapka.

     Et comment Tchertopkhanov eût-il pu ne pas chérir son cheval ? N’était-ce pas grâce à cet animal qu’il retrouvait une supériorité incontestable, ultime, sur tous ses voisins ?

VI

     Cependant, le temps passait, le terme approchait, et Tchertopkhanov n’avait ni les deux cent cinquante roubles, ni même cinquante. Que faire, quelle assistance trouver ? « Eh bien ! résolut-il finalement, si le Juif est sans pitié, s’il refuse d’attendre, je lui donnerai ma maison et ma terre, et je partirai à l’aventure, à cheval ! Je mourrai de faim plutôt que de rendre Malek-Adhel ! Il était très ému, et fort songeur ; mais à ce moment, pour la première et la dernière fois de sa vie, le destin lui sourit : une lointaine tante, dont Tchertopkhanov ne connaissait même pas le nom, lui légua la somme, énorme pour lui, de deux mille roubles ! Il reçut cet argent à point nommé, comme on dit : la veille du jour où le Juif devait venir. Tchertopkhanov faillit devenir fou de joie, mais ne pensa même pas à la vodka :  il n’avait pas bu une goutte d’eau-de-vie depuis le jour où Malek-Adhel était entré chez lui. Il courut à l’écurie et baisa son ami des deux côtés du museau, à l’endroit, au-dessus des narines, où les chevaux ont la peau si douce. « Nous ne nous quitterons plus ! » s’écria-t-il en envoyant une tape sur le cou de Malek-Adhel, en-dessous de sa crinière bien peignée. Rentré chez lui, il compta deux-cent-cinquante roubles et en fit un paquet, qu’il cacheta. Puis il se mit à rêvasser, étendu sur le dos et fumant sa pipe, à la façon dont il utiliserait le reste de l’argent, songeant notamment aux chiens qu’il se procurerait : de véritables chiens de Kostroma, sans faute blancs et roux ! Il bavarda même avec Perfichka29, auquel il promit une casaque neuve avec des galons jaunes à toutes les coutures, et alla se coucher le plus heureux des hommes.

     Il fit un mauvais rêve. Il allait à la chasse, monté non pas sur Malek-Adhel, mais sur un étrange animal, une sorte de chameau ; voilà qu’un renard blanc comme neige court dans sa direction… Il veut agiter sa cravache de piqueur, lancer les chiens aux trousses du renard – mais, au lieu d’une cravache, il tient à la main une serpillère, et le renard passe devant lui en lui tirant la langue. Il saute au bas de son chameau, trébuche, tombe… tombe directement dans les bras d’un gendarme qui a pour lui une convocation chez le général-gouverneur, lequel n’est autre que Iaff…

     Tchertopkhanov se réveilla. Il faisait encore sombre dans la pièce ; les coqs venaient de chanter pour la deuxième fois…

     Quelque part au loin, un hennissement…

     Tchertopkhanov leva la tête… Un hennissement très doux se fit à nouveau entendre.

     « C’est Malek-Adhel ! pensa-t-il. Il hennit comme cela ! Mais pourquoi de si loin ? Mon Dieu !  Ce n’est pas possible…

     Tchertopkhanov se sentit tout glacé, d’un coup ; il bondit de son lit, trouva ses bottes et ses vêtements à tâtons, s’habilla et, saisissant à son chevet la clé de l’écurie, se précipita dans la cour. 

VII     

        L’écurie se trouvait tout au bout de la cour ; une cloison donnait sur la campagne. Tchertopkhanov, dont les mains tremblaient, n’introduisit pas tout de suite la clé dans la serrure, et ne la tourna pas aussitôt… Il resta un moment immobile, retenant sa respiration : si seulement il entendait un peu de bruit à l’intérieur ! « Malechka ! Malietss ! » appela-t-il à mi-voix : silence de mort ! Tchertopkhanov tira involontairement sur la clé : la porte s’ouvrit en grinçant… Elle n’était donc pas fermée. Il franchit le seuil et appela de nouveau son cheval, par son nom, cette fois : « Malek-Adhel ! » Mais son fidèle compagnon ne répondit pas, il n’y eut qu’un froufrou de souris dans la paille. Tchertopkhanov se rua alors vers celle des trois stalles qu’occupait Malek-Adhel. Il la trouva aussitôt, bien que l’obscurité fût telle qu’on n’y voyait rien du tout… Vide ! La tête lui tourna ; une cloche bourdonnait à l’intérieur de son crâne. Il voulut dire quelque chose, mais n’émit qu’un sifflement et, tâtonnant en tous sens, haletant, les genoux fléchis, il passa d’une stalle à l’autre, dans la troisième, presque entièrement remplie de foin, heurta un mur, un autre, tomba, roula sur lui-même, se releva et courut à toutes jambes dans la cour, à travers la porte entrouverte…

     « On me l’a volé ! Perfichka ! Perfichka ! On me l’a volé ! hurla-t-il à tue-tête.

     Le petit Cosaque, Perfichka, en chemise, sortit en trombe du cagibi où il dormait…

     Le barine et son unique serviteur se cognèrent l’un à l’autre comme des ivrognes au beau milieu de la cour ; ils se mirent à tourner l’un en face de l’autre comme des possédés. Le maître n’arrivait pas à expliquer de quoi il s’agissait, le serviteur n’arrivait pas à comprendre ce qu’on attendait de lui. « Quel malheur ! Quel malheur ! »  balbutiait Tchertopkhanov. « Quel malheur ! Quel malheur ! » reprenait le petit Cosaque. « Une lanterne ! Allume une lanterne, apporte-la ! De la lumière, de la lumière ! » ces mots s’échappèrent enfin de la poitrine défaillante de Tchertopkhanov. Perfichka fonça dans la maison.

     Mais allumer une lanterne, obtenir de la lumière n’était pas chose aisée : à cette époque, les allumettes soufrées étaient rares en Russie ; les dernières braises s’étaient depuis longtemps éteintes à la cuisine ; briquet et silex furent longs à trouver, et ils marchaient mal. Avec des grincements de  dents, Tchertopkhanov les arracha des mains d’un Perfichka fort désemparé et se mit à battre lui-même le briquet : une pluie d’étincelles jaillissaient, les malédictions et même les gémissements jaillissaient encore plus abondamment, mais l’amadou ne s’allumait pas, ou alors il s’allumait et s’éteignait, malgré les efforts réunis de quatre joues et d’autant de lèvres ! Enfin, au bout de cinq bonnes minutes, le bout de chandelle au fond de la lanterne cassée s’alluma, et Tchertopkhanov se rua en compagnie de Perfichka dans l’écurie, leva la lanterne au-dessus de sa tête, jeta un coup d’œil à la ronde…

     L’écurie était vide !

     Il bondit dans la cour, courut en tous sens : pas de cheval, nulle part ! Le treillis de branches formant l’enceinte30 de  la propriété de Pantéleï Iéréméitch était depuis longtemps vétuste, il penchait à maints endroits, touchant presque le sol… Tout près de l’écurie, il était complètement écroulé sur une archine31 de long. Perfichka désigna l’endroit à Tchertopkhanov.

     — Barine ! venez-voir ici : ce n’était pas comme ça, tantôt. Les pieux ressortent, là : on les a donc arrachés.

     Tchertopkhanov bondit avec sa lanterne, qu’il déplaça au-dessus du sol…

     — Des sabots, des sabots, des traces de fers, des traces, des traces fraîches ! marmonna-t-il d’un débit rapide. C’est ici qu’on l’a fait passer, ici !

     Un instant plus tard, il avait sauté la barrière et s’élançait dans les champs en criant : « Malek-Adhel ! Malek-Adhel ! »

     Perplexe, Perfichka resta près de la clôture. Le cercle lumineux de la lanterne disparut à ses yeux, englouti par l’obscurité complète de cette nuit sans lune et sans étoiles.

     Les cris désespérés de Tchertopkhanov résonnaient encore, de plus en plus faibles…

VIII

     L’aube commençait à poindre lorsqu’il rentra. Il n’avait plus figure humaine, il était couvert de boue, son visage avait pris un air sauvage, effrayant, son regard était morne et stupide. Il renvoya Perfichka d’un chuchotement rauque et s’enferma dans sa chambre. De fatigue, il ne tenait presque plus sur ses jambes, mais il ne se coucha pas, s’assit sur une chaise près de la porte et se prit la tête dans les mains.

     — On me l’a volé !… volé !

     Mais comment le voleur avait-il trouvé moyen, en pleine nuit, d’enlever Malek-Adhel de l’écurie fermée à clé ? Ce Malek-Adhel qui, même de jour, ne laissait aucun étranger s’approcher de lui, on l’avait emmené sans faire le moindre bruit ? Et comment expliquer qu’aucun chien, dans la cour, n’ait aboyé ? Certes, ils n’étaient plus que deux, deux jeunes chiots qui, souffrant de faim et de froid, s’enfouissaient dans la terre, mais tout de même !

     « Que vais-je devenir, à présent, sans Malek-Adhel ? songeait Tchertopkhanov. Privé de ma dernière joie, il ne me reste plus qu’à mourir. Acheter un autre cheval, puisque de l’argent m’est arrivé ? Mais où retrouver un cheval comme celui-là ? »

     — Pantéleï Iéréméitch ! Pantéleï Iéréméitch ! dit une voix timide derrière la porte.

     Tchertopkhanov se leva d’un bond.

     — Qui est là ? cria-t-il d’une voix qui n’était pas la sienne.

     — C’est moi, votre petit Cosaque, Perfichka.

     — Que veux-tu ? On l’a retrouvé, il est revenu ?

     — Oh non, Pantéleï Iéréméitch ; mais c’est le Juif32, celui qui vous l’avait vendu…

     — Eh bien ?

     — Il est là.

     — Ho-ho-ho-ho-ho !  vociféra Tchertopkhanov en ouvrant tout grand la porte d’un coup. Amène-le-moi, amène-le, amène-le !

     En voyant surgir, ébouriffé, l’air sauvage, son « bienfaiteur », le Juif, qui se tenait derrière Perfichka, voulut prendre la fuite ; mais Tchertopkhanov le rattrapa en deux bonds et, tel un tigre, lui agrippa la gorge.

     — Ah ! tu es venu chercher l’argent ! chercher l’argent ! cria-t-il d’une voix rauque, comme si c’était lui qu’on étranglait. La nuit, tu voles, et le jour tu viens te faire payer ? Hein ? Hein ?

     — De grâce, fo…tre No…blesse, gémit le Juif.

     — Parle, où est mon cheval ? Où l’as-tu caché ? À qui l’as-tu vendu ? Parle, parle, parle donc !

     Le Juif ne pouvait déjà plus gémir ; son visage bleui n’exprimait même plus l’effroi. Ses mains étaient retombées et pendaient, inertes ; son corps tout entier, secoué avec fureur par Tchertopkhanov, se balançait d’avant en arrière comme un roseau.

     — Je te paierai, je te paierai en totalité, jusqu’au dernier kopeck, criait Tchertopkhanov, mais je vais t’étrangler comme un vulgaire poulet si tu ne me dis pas tout de suite…

     — Barine, vous l’avez déjà étranglé, fit humblement remarquer le petit Cosaque.

     Alors seulement, Tchertopkhanov reprit ses esprits.

     Il lâcha le cou du Juif ; celui-ci s’écroula par terre. Tchertopkhanov l’empoigna, l’assit sur un banc, lui versa dans la bouche un verre de vodka et le fit  revenir à lui. Il eut alors avec lui une conversation.

     Il s’avéra que le Juif n’était nullement au courant du vol de Malek-Adhel. D’ailleurs, pourquoi aurait-il volé un cheval qu’il avait lui-même procuré au « très honorable Pantéleï Iéréméitch » ?

     Tchertopkhanov l’emmena alors à l’écurie.

     Ils examinèrent tous les deux les stalles, les mangeoires, la serrure, fouillèrent le foin, la paille, passèrent ensuite dans la cour ; Tchertopkhanov montra au Juif les traces de sabots près de la clôture – et se frappa soudain les cuisses à deux mains.

     — Attends un peu ! s’exclama-t-il. Où avais-tu acheté le cheval ?

     — Dans le district de Maloarkhanguelsk33, à la foire de Verkhossensk, répondit le Juif.

     — À qui ?

     — À un Cosaque.

     — Attends un peu ! Il était jeune, ou vieux, ton Cosaque ?

     — D’âche moyen, quelqu’un de posé.

     — Et quelle apparence avait-il ? Celle d’un fieffé coquin, non ?

     — Sans doute un coquin, fotre Noblesse.

     — Et ce coquin-là, t’a-t-il dit si le cheval lui appartenait depuis longtemps ?

     — Che me soufiens que oui, longtemps.

     — Eh bien, personne d’autre que lui n’a pu voler le cheval. Écoute, juge toi-même, viens ici… Comment t’appelles-tu ?

     Le Juif tressaillit et leva sur Tchertopkhanov ses petits yeux noirs.

     — Comment che m’appelle ?

     — Eh bien oui : quel est ton nom ?

     — Mochel Leïba.

     — Bon, écoute, Leïba, mon ami – tu es un homme intelligent : qui Malek-Adhel  aurait-il accepté de suivre, en dehors de son ancien maître ? Il l’a sellé, l’a bridé, il a enlevé son caparaçon, tiens, le voilà, dans le foin !… Il a tout fait comme chez lui ! Malek-Adhel aurait piétiné n’importe qui d’autre ! Il aurait fait un tel boucan, de quoi mettre en émoi tout le village ! Es-tu d’accord ?

     — D’accord, fotre Noblesse…

     — Eh bien, il faut donc commencer par retrouver ce Cosaque !

     — Mais comment le retroufer, fotre Noblesse ? Je l’ai fu tout au plus une fois, et où peut-il être à présent, et comment s’appelle-t-il ? Aïe, waï, waï 34 ! ajouta le Juif en agitant tristement ses papillotes35.

     — Leïba ! s’écria brusquement Tchertopkhanov ; Leïba, regarde-moi ! Je perds la raison, je ne suis plus moi-même !… Je n’ai plus qu’à me tuer36 si tu ne m’aides pas !

     — Mais comment puis-che ?…

     — Accompagne-moi, allons ensemble chercher ce voleur !

     — Mais où cela ?

     — Dans les foires, le long des grandes routes37 et des petits chemins, auprès des voleurs de chevaux, dans les villes, les bourgs et les hameaux, partout, partout ! Et ne t’inquiètes pas pour l’argent : mon ami, j’ai reçu un héritage ! Je retrouverai mon cher compagnon, dussé-je y laisser mon dernier kopeck ! Ce scélérat de Cosaque ne nous échappera pas ! Où qu’il aille, nous irons aussi ! S’il va sous terre, nous le suivrons ! S’il se réfugie chez le diable, nous rendrons visite à Satan !

     — Pourquoi rendre fisite à Satan ? observa le Juif. On peut s’en passer.

     — Leïba, répliqua Tchertopkhanov, bien que tu sois un Juif à la religion détestable, ton âme est meilleure que celle de certains chrétiens ! Aie pitié de moi ! Partir seul ne donnerait rien, je n’en viendrai pas à bout seul. Je suis une tête chaude, toi, tu es plus réfléchi, tu as une tête d’or ! Votre race est ainsi : elle peut arriver à tout, sans avoir rien appris ! Peut-être as-tu des doutes, tu te demandes : « D’où lui vient cet argent ? » Allons dans ma chambre, je te le montrerai. Prends cet argent, et la croix que j’ai au cou, mais rends-moi Malek-Adhel, rends-le-moi, rends-le-moi !

     Tchertopkhanov tremblait comme s’il eût la fièvre ; de grosses gouttes de sueur roulaint sur sa figure et, se mêlant aux larmes, allaient se perdre dans sa moustache. Il serrait les mains de Leïba, le suppliait, tout juste s’il ne l’embrassait pas… Il devenait frénétique. Le Juif tenta bien de faire des objections, de le convaincre qu’il lui était impossible de s’absenter, qu’il avait ses affaires… Peine perdue ! Tchertopkhanov ne voulait rien savoir. Le pauvre Leïba ne put que consentir.

     Le lendemain, Tchertopkhanov quitta Bessonovo en télègue de paysan, en compagnie de Leïba. Le Juif avait l’air un peu gêné, il se tenait d’une main au rebord de la télègue et tout son corps flasque tressautait sur son siège cahotant ; il serrait l’autre main sur son sein, où se trouvait un paquet de billets enveloppés dans du papier journal ; Tchertopkhanov était assis sans bouger, raide comme une statue, remuant seulement les yeux, qu’il promenait autour de lui, et respirant à pleins poumons ; un poignard dépassait de sa ceinture.

     — Prends garde, maintenant, scélérat qui nous a séparés ! murmura-t-il en débouchant sur la grand-route.

     Il avait confié sa maison au petit Cosaque Perfichka et à sa cuisinière, vieille bonne femme sourde qu’il avait recueillie par compassion.

     — Je reviendrai montant Malek-Adhel, leur cria-t-il en guise d’adieu, ou vous ne me reverrez jamais !

     — Tu devrais m’épouser, lâcha Perfichka en donnant un coup de coude à la vieille. Nous n’avons pas fini d’attendre le barine, on va périr d’ennui !

IX

     Une année entière s’écoula… On restait sans nouvelles de Pantéleï Iéréméitch; La vieille cuisinière mourut ; Perfichka se préparait déjà à quitter la maison et à partir à la ville, où son cousin, travaillant comme garçon dans un salon de coiffure,  l’invitait à venir, lorsque la rumeur se répandit soudain que le barine serait bientôt de retour ! Le diacre de la paroisse avait reçu de Pantéleï Iéréméitch une lettre où celui-ci l’informait de son intention de revenir à Bessonovo, et le priait de le faire savoir à ses gens pour qu’on lui préparât un accueil dans les règles. Perfichka comprit par ces mots qu’il fallait, disons, épousseter un peu – sans d’ailleurs ajouter vraiment foi à cette nouvelle ; il dut cependant se convaincre que le diacre avait dit la vérité en voyant, quelques jours plus tard, Pantéleï Iéréméitch apparaître en personne dans la cour de la propriété, monté sur Malek-Adhel.

     Perfichka se précipita vers son maître et, saisissant un étrier, voulut l’aider à descendre de cheval ; mais l’autre sauta sans aide, et, avec un regard triomphal à la ronde, proclama : « J’avais dit que je retrouverais Malek-Adhel, je l’ai retrouvé, au grand dam de mes ennemis, et du destin lui-même ! » Perfichka s’approcha de lui pour lui baiser la main, mais Tchertopkhanov ne fit pas attention au zèle de son serviteur. Tenant  Malek-Adhel par la bride, il le conduisit à l’écurie, marchant à grands pas. Perfichka regarda plus attentivement son maître, et fut effrayé : qu’il avait maigri et vieilli en l’espace d’une année ! Comme son visage était devenu sévère ! Il semblait pourtant que Pantéleï Iéréméitch aurait dû se réjouir d’avoir atteint son but et recouvré son bien ; content, il l’était, bien sûr… et cependant Perfichka était intimidé, il ressentit même de l’angoisse. Tchertopkhanov mit le cheval dans la stalle qu’il occupait précédemment, lui donna une petite tape sur la croupe et dit : « Te voilà de retour chez toi ! Fais attention, hein ! » Le jour même, il engagea un gardien fiable qu’il choisit parmi les paysans miséreux38, regagna ses appartements et reprit sa vie d’autrefois…

     Pas tout à fait sa vie d’autrefois, quand même. Mais nous en reparlerons.

     Le lendemain de son retour, Pantéleï Iéréméitch fit venir Perfichka et, faute d’autre interlocuteur, se mit à lui raconter – sans bien sûr perdre le sentiment de sa dignité, et d’une voix de basse – de quelle manière il avait réussi à retrouver Malek-Adhel. En relatant cela, Tchertopkhanov était assis, le visage tourné vers la fenêtre et fumant une longue chibouque ; Perfichka se tenait sur le pas de la porte, les mains derrière le dos, fixant respectueusement la nuque de son maître ; il entendit celui-ci lui conter qu’après moult expéditions infructueuses et vaines tentatives, Pantéleï Iéréméitch s’était retrouvé à la foire de Romny39, seul, sans le Juif Leïba qui, par faiblesse de caractère, n’avait pas tenu le coup et s’était enfui en l’abandonnant ; le cinquième jour, alors qu’il s’apprêtait à partir, il remonta une dernière fois une rangée de télègues et aperçut soudain, attaché avec trois autres chevaux à un khrebtouk40… Malek-Adhel ! Il le reconnut tout de suite, et dès que Malek-Adhel l’eut reconnu, le cheval se mit à hennir, à se démener et à gratter la terre de son sabot.

     « Il ne se trouvait pas aux mains d’un Cosaque, poursuivit Tchertopkhanov de la même voix de basse et toujours sans tourner la tête, mais d’un Tzigane maquignon ; bien entendu, je le réclamai aussitôt comme étant mon cheval et voulus l’emmener  de force ; mais cet animal de Tzigane se mit à hurler sur la place comme si on l’avait ébouillanté, et à jurer ses grands dieux qu’il avait acheté le cheval à un autre Tzigane, il voulait me présenter des témoins… Je m’en moquais : je le payai, il pouvait aller au diable ! Ce qui comptait pour moi, c’était d’avoir retrouvé mon cher compagnon, et d’avoir l’âme en paix. Avant cela, un jour, dans le district de Karatchev, sur les dires de Leïba, je pris un Cosaque pour mon voleur et lui mis la gueule en sang ; ce Cosaque s’avéra être le fils d’un pope et, pour prix de son déshonneur, m’écorcha de cent vingt roubles. Mais l’argent, on peut l’acquérir, l’essentiel, c’est que Malek-Adhel soit de nouveau chez moi ! À présent, je suis heureux, je vais jouir de ma tranquillité. Porfiri, voici ton unique instruction : si tu vois dans les parages – Dieu nous en préserve ! – un Cosaque, cours aussitôt, sans dire un mot, m’apporter mon fusil, et je saurai quoi faire ! »

     Ainsi parla Pantéleï Iéréméitch à Perfichka ; ce furent les mots sortis de sa bouche ; mais, dans son for intérieur, il ne se sentait pas aussi tranquille qu’il l’affirmait.

     Hélas ! Au plus profond de son cœur, il n’était pas convaincu que le cheval qu’il avait ramené fût bien Malek-Adhel !

Notes

  1. Ce texte date de 1872, il fut publié dans Le Messager de l’Europe. Tourguéniev a écrit l’essentiel des récits formant le cycle des Mémoires d’un chasseur autour de 1850. Il en acheva deux à partir des premiers fragments dans les années soixante-dix : « La relique vivante » et « On frappe ». En revanche, ce texte-ci, nettement plus long que les autres récits, est une composition entièrement nouvelle, même si elle fait évidemment suite à « Tchertopkhanov et Niédopiouskine ». L’auteur avait, à la fin de ce récit, annoncé qu’il conterait l’histoire de Macha. Les autres romans l’en ont sans doute distrait. Le récit que voici fut commencé en mai 1871 à Londres, et achevé en France, dans la Somme, en septembre 1872. On apprend dans une notice russe que j’ai consultée (https://rvb.ru/turgenev/02comm/0144.htm ) qu’un de ses voisins, un nommé Tchertov, avait inspiré à Tourguéniev le personnage de Tchertopkhanov… Dans la forme, ce récit diffère des autres, en ceci que le narrateur s’efface dès le début du texte.
  2. Henri Mongault signale que le vrai Iaff « devait être un fabricant de liqueurs renommé ».
  3. Alias Macha…
  4. La verste faisait un peu plus d’un kilomètre.
  5. Féminin de barine (maître, seigneur) : une dame.
  6. Mot à mot : de la race de Cham, ce qui nous renvoie à la Bible et à la malédiction de Cham https://www.herodote.net/Cham_malediction_de_Cham-mot-435.php
  7. Le terme utilisé par Tchertopkhanov, complété par l’adjectif « conjugal », signifie : adultère. Mais comme ils ne sont pas mariés…
  8. Diminutif de Tikhon (Ivanovitch Niédopiouskine, l’ami de Tchertopkhanov).
  9. Début d’une chanson de Nikolaï Mikhaïlovitch Konchine (1793-1859), historien, écrivain, poète, traducteur et pédagogue.
  10. Voir le récit précédent, Tchertopkhanov et Niédopiouskine. De même en ce qui concerne l’allusion au père – imaginatif et fantasque – de Tchertopkhanov.
  11. https://fr.wikipedia.org/wiki/Flore_(mythologie)
  12. Frère de Saladin dans le roman Mathilde, de Sophie Cottin – lequel connut, d’après H. Mongault, un immense succès au XIXe siècle, tant en France qu’à l’étranger. On a vu dans le récit précédent que Tchertopkhanov aime donner aux bêtes des noms tirés de ses lectures… https://fr.wikipedia.org/wiki/Mathilde,_ou_M%C3%A9moires_tir%C3%A9s_de_l%27histoire_des_croisades
  13. Chaussons d’écorce.
  14. Petit père. Cela reste respectueux.
  15. Il y a deux termes, en russe : Iévreï, qui correspond à « Hébreu », « Israélite », et Jid, qui est plutôt méprisant, et fait penser au « youpin » des antisémites de naguère. Ici, c’est Jid, bien sûr. À la fin du chapitre IV, on trouvera « Israélite », parce que le texte russe, pour la seule et unique fois, dit : Iévreï.
  16. Diminutif de Vassili (Basile).
  17. Fouet court.
  18. https://fr.wikipedia.org/wiki/Nankin_(tissu)
  19. Le défaut de prononciation transforme, dans le texte russe, « Votre Haute Noblesse » en quelque chose comme « Fotre Haute Bassesse », ce qui passe mal en français…
  20. Voir https://blogs.mediapart.fr/m-tessier/blog/160224/tchertopkhanov-et-niedopiouskine-ivan-tourgueniev
  21. Jeune domestique habillé en Cosaque.
  22. Courroies rattachant les étriers à la selle.
  23. Faire passer les rênes de l’un à l’autre, de la main à la main, les mains étant enveloppées d’un pan de manteau, et ne devant pas se toucher. Voir la fin du récit Lébédiane :  https://blogs.mediapart.fr/m-tessier/blog/020124/lebediane-ivan-tourgueniev
  24. Voir la note 15.
  25. https://fr.wikipedia.org/wiki/Boyard  Possible aussi : Boïar.
  26. L’expression du texte est énigmatique : « il a beaucoup d’ouvertures »…
  27. https://fr.wiktionary.org/wiki/chabraque
  28. Richard III, acte V, scène IV.
  29. Diminutif de Perfili, déformation populaire de Porfiri (Porphyre). Il s’agit du petit Cosaque qui était resté. Il sera appelé par son vrai nom à la fin du chapitre IX.
  30. Vingt ans et quelque plutôt, l’auteur avait écrit que la propriété ne comportait « ni palissade ni portail »… Par ailleurs, le texte n’explique pas comment fut ouverte la porte de l’écurie, « fermée à clé ».
  31. 0,71 m.
  32. Le terme russe est encore différent, mais toujours dépréciatif : il désigne aussi un personnage contre lequel lutta l’un des trois preux mythologiques, Ilia Mouromets…
  33. Ville de la province d’Orel, cette dernière étant ville natale de l’auteur. L’accent est final, ce qui donne Oriol, presque Ariol. Ce mot désigne l’aigle.
  34. Aïe, aïe, aïe !… en passant par l’allemand Weh, puis le yiddish russifié !
  35. Petites tresses de cheveux sur les tempes des Juifs orthodoxes.
  36. Et non pas « me croiser les bras », comme on trouve chez H. Mongault..
  37. D’après le sens. Le terme est introuvable. Orlovisme ?
  38. Paysans sans famille ni terre, et exemptés de taille…
  39. Chef-lieu de la province de Poltava, aujourd’hui en Ukraine. Célèbre pour sa foire aux chevaux. Voir notamment : https://blogs.mediapart.fr/m-tessier/blog/171123/deux-hobereaux-ivan-tourgueniev
  40. Long sac de toile tendu entre les brancards d’une télègue, et rempli d’avoine pour nourrir les chevaux en voyage.

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Répertoire général des traductions de ce blog :

https://blogs.mediapart.fr/m-tessier/blog/280418/deuxieme-repertoire

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