Rédigés en premier lieu par le boss Bernardo, ils sont à la base de l'administration de cosa nostra. Contrôle des marchés publics, perception du racket, collecte des pots de vins, corruption des fonctionnaires et chantage éléctoral... Ils constituent un véritable registre des affaires courantes, mais permettent aussi la correspondance de la vie de tous les jours.
Le mode d'écriture de Provenzano
Tous les pizzinis sont écrits à la machine. On possède très peu de messages manuscrits de Provenzano, et ce sont en général des notes indiquant les sujets qui devront être repris dans les pizzini suivants. L'analyse graphologique des notes montre que Provenzano avait beaucoup de mal à tenir son stylo. Est-ce une des raisons pour lesquelles il préférait la machine à écrire ? Ou bien avait-il choisi le mode de la machine pour conserver une dépersonnalisation de l’écriture tandis que l'écriture manuelle aurait pu trahir ses sentiments ? Un autre mystère subsiste, celui des fautes innombrables et récurrentes dans la correspondance du boss. Car l'avocat de Provenzano, en prenant connaissance des pizzini bourrés d'erreurs, a réfuté l'idée que cette correspondance ait pu être l’œuvre de son client qui lui adressait des lettres dans un italien parfait. Quelqu'un d'autre rédigeait-il les lettres ? Il est plus probable que ces fautes ait été une tactique afin de tromper le lecteur, qu'il soit à extérieur où à l'intérieur à la mafia.
En analysant la récurrence du mot auguri (voeux) employé par Provenzano dans chacune de ces lettres, les experts ont pu calculé qu'il avait utilisé cinq machines différents. Lors de l’arrestation, les policiers ont trouvé un vieux modèle Olivetti ainsi qu'une machine à écrire électrique. Les trois autres avaient sûrement été abandonnées dans les planques précédentes.
Le code Provenzano
Au début, Provenzano inscrivait les initiales des hommes d'honneurs à qui était destiné le message sur la partie visible du pizzino. Puis il a changé de méthode. Craignant la confusion entre les nombreuses initiales similaires, et il remplaça les lettres par des nombres de 2 à 262 en se réservant le chiffre 1. Les enquêteurs n'ont toujours pas trouvé le moyen de pénétrer ce code. Une piste possible renvoie à la bible, car en analysant l'exemplaire que possédait le boss, les experts ont constaté que les chapitre des nombres de l'ancien testament avait été souligné à des nombreux endroits. Ce chapitre des nombres serait-il la clef du code numérique ?
Afin de crypter les passages les plus délicats de pizzini, le boss avait repris en l'état un système de cryptologie antique inventé par Jules César, et qui consiste à utiliser un chiffre correspondant à une lettre de l'alphabet déplacée de trois rangs.
Enfin, Bernardo Provenzano pliait ses lettres au maximum et les enroulait de scotch qui faisait office de cachet. Les pizzini, pas plus gros que des caillous, étaient transportés au fond des poches par les hommes qui venaient lui rendre visite.
Répercussions
La conséquence la plus concrète que l'on peut tirer de l'utilisation du pizzini comme document administratif, c'est la comptabilité de la collecte du pizzo. Certains pizzini attestent que le racket est rudement contrôlé, et appliqué par les commerçants siciliens. Contraints au silence, ils se plient à cette coutume humiliante et payent un dû qui vient alimenter l'organisation chaque mois. Le pizzo symbolise l'essence de la main mise de la mafia sur la population sicilienne.
Suite de l'enquête:
Partie 5: "Un peuple qui paye le pizzo n'est pas un peuple libre"
Précèdemment:
Partie 1: Il messaggio del Silenzio, une enquête personnelle sur un terrain familier et dangereux.
Partie 2: Cosa nostra, le royaume des discours incomplets
Partie 3: L'étrange insularité de l'âme, rencontre avec Jean-Yves Frétigné et Marcelle Padovani
Partie 4: Décryptage du code Provenzano
https://blogs.mediapart.fr/maadifalco/blog/060216/il-messaggio-del-silenzio-45-le-code-provenzano