Qu’il fût beau, ce Mondial de Noël. Jusqu’à cette apothéose, ce match « il-ne-faut-pas-politiser-le-sport » qui a vu notre Manu-la-Joie national, manifestement en pleine montée d’acide, aller tâter comme le dernier tripoteur de métro venu des joueurs effondrés qui n’en demandaient pas tant, juste pour être sur les photos avec eux. Au même moment, et donc en sa royale absence, était signé à Montréal un accord international sur la préservation de la biodiversité -mais notre monarque a donc préféré cramer 580 tonnes de CO2 pour aller profiter de la clim’ au Qatar. Un sommet de pathétique qui laisse augurer de ce à quoi va rassembler la fin de règne de la Macronie : l’autre mégalo, sans doute rongé par l’idée de ne pas pouvoir se représenter pour un troisième carnage, va se comporter comme un gamin hyperactif défoncé aux confiseries et prêt à tout pour se faire remarquer dans la cour de récré, pourrissant la vie de ses petits camarades et de l’équipe pédagogique. Avec pour unique stratégie pour 2027, comme le soulignait l’économiste Thomas Porcher en juillet dernier, de « diviser pour mieux régner », sans aucune considération pour les pots cassés (manque de bol, les pots, c’est nous) de sa politique de la terre brûlée.
Or donc, qu’avons-nous au menu dans un futur proche ? Rien que du bonheur en barquette, avec des vrais morceaux de fascisme et de turbo-capitalisme dedans, préparez le Gaviscon tant qu’il n’est pas en rupture de stock, car ça va rester sur l’estomac. En entrée, début 2023, une « loi immigration » bien salée, proposée par ce prodige de subtilité nommé Darmanin qui, entre une censure de librairie féministe pour cause de rappel de son CV d’agent immobilier et l’inauguration d’un hôtel de police à 200 millions, tout ça dans la même journée, va faire en sorte de permettre, comme l’a formulé sa patronne, « l’éloignement rapide des personnes en situation irrégulière, [car] il faut être intraitables avec les étrangers délinquants », « méchant avec les méchants, gentil avec les gentil », sauf si tu suces, on connaît la chanson. A partir du 10 janvier, on entame le plat de résistance, avec la réforme des retraites via un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (aussi appelé PLFRSS pour faire plus simple), travailler plus, gagner moins, faire des économies de bout de chandelles sur le dos pété des p’tits vieux, la grande classe, on espère au moins que Brigitte se remettra à bosser pour faire bonne figure.
Et Le 1er février, c’est le dessert, à forte teneur en calories, la deuxième volée de la réforme de l’assurance-chômage, grâce à laquelle, selon ces gauchistes de l’UNEDIC, en plus de perdre de l’argent, « les allocataires impactés acquerront moins longtemps des droits à la retraite, et moins de points de retraite complémentaire », le tout entraînant logiquement une augmentation du nombre de bénéficiaires du RSA, qui quant à eux verront leurs droits conditionnés à des heures de Travaux d’intérêt général, tels les délinquants qu’ils sont. Si Pinochet était encore en vie, à lire les lignes qui précèdent, il aurait joui dans son treillis.
Un chaos social à venir qui sera sans aucun doute du pain béni pour l’extrême-droite (qui peut en plus compter sur une gauche actuellement plus occupée à soutenir un gifleur qu'à la contrer), merci Manu, si ton objectif était de tout faire pour rendre possible un revival des années 30 c’est réussi, pour le moment la reconstitution est parfaite. Des camarades Kurdes se font assassiner en plein Paname par un papy facho fanatique d’armes lourdes, un multirécidiviste qui s’était déjà fait remarquer en attaquant au sabre -un point pour l’originalité- un camp de migrants l’an dernier (le pauvre homme aurait dû intégrer la police, il aurait été payé pour faire ça), le cortège hommage aux victimes se faisant savater par les flics, et lors du match France-Maroc, comme l’a formulé Samuel Gontier, « cagoulés, tout de noir vêtus, arborant de fédératrices croix celtiques, [des] combattants de la liberté de lyncher en paix ont dans plusieurs villes pris en chasse des supporteurs du Maroc, renouant avec une tradition sportive dans laquelle la France a toujours excellé, la ratonnade. Mieux, place de la Comédie, à Montpellier, ces chevaliers du Zemmouriaque ont chargé sans distinction les supporteurs du Maroc et de la France, réussissant à créer des affrontements entre eux (l’enquête établira si la mort d’un adolescent renversé par une voiture est liée à cette confusion ingénieusement suscitée). »
Et pendant ce temps-là, chez moi, à Nice, on démolit un théâtre. Car oui, ainsi que l’a écrit Antoine Perraud dans sa brillante recension des faits, « un événement est passé inaperçu en ce mois de décembre 2022 : la destruction du Théâtre national de Nice [TNN]. Retour sur cette première en France, menée bulldozer battant par Christian Estrosi ».

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Mon immeuble n’est pas très loin et, comme beaucoup d’habitants du Vieux-Nice, j’entends toute la journée le fracas des pelleteuses, et le va-et-vient des camions emportant les gravats. Et ça me fait quelque chose, car ce théâtre, j’y ai vécu, en quelque sorte. Au moment du mouvement national d’occupation des théâtres, au printemps 2021, qui avait pour revendications entre autres l’annulation de la première réforme de l’assurance-chômage et la réouverture des lieux culturels, avec une poignée de camarades, nous y avons passé de nombreux jours, de nombreuses nuits. J’en garde un souvenir ému, une sorte de parenthèse enchantée : les agoras, les rassemblements au petit matin, les ateliers banderoles, les discussions enflammées, les jeux, les longues heures à faire de la musique jusqu’à tard, avant d’aller nous coucher las et heureux sur les matelas de fortune entassés ça et là dans les couloirs…. Des couloirs qui, désormais, ne sont plus que poussière, ayant été consciencieusement explosés. Du TNN au TNT il n’y a qu’un pas, qu’une lettre, que notre Christian que personne ne nous envie n’a pas hésité à sauter.
Bon, vous n’êtes probablement pas sans vous souvenir qu’à l’époque, contre cette réforme abjecte, nous avions perdu -et voici venir la deuxième salve. Mais, comme l’avait formulé à l’époque mon ami et compère de Mouais Edwin, cette occupation festive, ludique, rieuse, vivante, était déjà alors en soi une sorte de victoire. « A Nice, une trentaine de citoyens, militants, étudiants, syndicalistes se relaient pour prendre possession du hall et du parvis du Théâtre national la journée pour converser, et des moquettes des coursives la nuit sur des matelas gonflables pour dormir. Il y a de ça dans ces mouvements citoyens spontanés : un apprentissage politique de la lutte pour des franges intéressées mais néophytes en la matière, et la confrontation entre divers écosystèmes politiques bien établis. Voilà où nous en sommes pour le moment. Des moments chaleureux, de discussion, de rencontres et d'envie de signaler au gouvernement, comme à chaque mouvement social qui prospère, qu'ils ne peuvent pas tout nous faire. Et enfin, que pour nommer la réforme de l'assurance chômage, [...] qui baissera encore si c'était possible pour 840 000 personnes les allocations chômages, il n'y a qu'un mot : assassins ».
Il concluait : « Occupons, occupons, occupons, ainsi que l'indique le mot d'ordre lancé par le théâtre de l'Odéon ». Et c’est vrai que ces moments prennent aujourd’hui, alors que les assassins macronistes poursuivent la purge, comme un goût de reviens-y. Si nous parvenons à passer l’hiver, peut-être que des luttes occupantes, voire, rêvons un peu, squattantes et réquisitionnantes, refleuriront au printemps. Notre théâtre n’est plus, 2023 s’annonce un peu compliqué, mais il n’est pas dit que nous n’allons pas apprendre à danser au milieu des ruines. Car comme le disait Emma Goldman, « si je ne peux pas danser, ce n’est pas ma révolution ».
Salutations libertaires,
Joyeuses fêtes et bonne année,
Mačko Dràgàn
Journaliste punk-à-chat à Mouais, revue mensuelle d’une qualité incroyable à laquelle il serait fort dommage de ne pas être abonné, déconnez pas on a besoin de vous comme l’indique avec pertinence et précision le graphique suivant fait avec Paint, quant au lien pour accéder au bonheur il est ici : https://www.helloasso.com/associations/association-pour-la-reconnaissance-des-medias-alternatifs-arma/paiements/abonnement-mouais

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