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Billet de blog 6 septembre 2011

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La "dérive droitière de la gauche"... et la dérive de Mediapart

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Voilà quelques temps que j'assiste à une dérive progressive de Mediapart :

- d'un militantisme de valeurs déclarées (de démocratie de république, de justice) vers un militantisme partisan de plus en plus à gauche de la gauche, surtout à l'approche des élections présidentielles,

- d'une approche ouverte initialement au pluralisme et au débat vers une forme de censure de l'information (par exemple le Mouvement Démocrate et François Bayrou ne sont quasiment pas traités ou sur un ton moqueur sans traiter le fond, comme je l'ai dénoncé dans ce billet et un ton, une dénonciation de ceux qui ne pensent pas comme eux, qui frise le sectarisme.

Cela me désole et cela m'effraie.

Dernier exemple en date : l'article de Laurent Mauduit sur François Hollande. A mon grand étonnement car j'apprécie la qualité des articles de Laurent Mauduit, son professionnalisme, ce qui m'a donc beaucoup déçue et peinée. Je viens d'y déposer un commentaire assez long et vous en donne ici la teneur :

"Arrivant en fin de vos commentaires, je vais paraître complètement décalée avec vos propos qui abondent dans le sens et dans le ton du billet de Laurent Mauduit, sur une prétendue "dérive droitière" de François Hollande (esquissée aussi concernant Martine Aubry, et qu'aurait-il dit sur Manuel Valls et Ségolène ?). Bref, il n'y a plus que Mélenchon et Montebourg qui seraient à gauche, de la vrai gauche, du "peuple de gauche".

Ainsi, se soucier de la rigueur économique, de l'équilibre budgétaire, serait une tare de droite ? Ainsi l'alignement sur le principe de l'équilibre budgétaire serait un principe "ultra-libéral" ? Même cibler 2013 (au lieu de 2014 comme proposé par le projet du PS) pour revenir à un déficit public de 3% du PIB (qui continue cependant à plomber la dette), comme le propose le gouvernement, serait un signe qu'on est sur la même ligne que Sarkozy, donc marqué de l'empreinte diabolique de la droite ?

Dire que "l'Etat ne peut pas tout" serait aussi une aberration ?

Ainsi, oser cotoyer lors d'un débat des économistes "bien pensants", jugés les plus mondains et les plus conventionnels, serait aussi une marque de relations peu recommandables ? "Concilier pouvoir d'achat, compétitivité et consolidation des finances publiques" serait une aberration de droite car assorti de modération salariale et de sobriété budgétaire ?

Le socialiste Jean-Pierre Jouyet est qualifié de "Sarkozyste" car il a accepté d'être ministre, donc classé défititivement "a droite".

Donc j'en conclus qu'être de gauche, c'est laisser filer les déficits, augmenter les salaires même si on perd compétitivité et les emplois qui vont avec, c'est s'interdire de discuter avec des gens qui ne sont pas étiquetés "a gauche", jugés trop "bien-pensants",...

Il faudrait peut-être redéfinir ce que signifie maintenant "la gauche" ...

Les valeurs de justice, de république, de démocratie, de solidarité, sont des valeurs prônées par la gauche mais aussi par le centre (Bayrou) et même certains de droite comme D. de Villepin et JL.Borloo.

En plus des valeurs prônées, il y a la croyance en des méthodes politiques, sur le rôle de l'Etat, sur la redistribution fiscale, sur la politique de l'offre vs la demande, etc. qui peuvent faire la différence entre le centre et la gauche, de même qu'une position d'ouverture au dialogue face à un certain sectarisme dont je retrouve le ton dans cet article. Je constate que Manuel Valls, François Hollande et Ségolène Royal sont de plus en plus proches du discours de F. Bayrou alors que A. Montebourg se rapproche de celui de Mélenchon. Martine Aubry essaie de garder la face souriante en faisant le grand écart pour ne pas faire éclater le PS.

C'est cela que montre le billet de Laurent Mauduit et ses commentaires, de même que d'autres billets comme l'excellente analyse de Raoul Marc Jennar mais qui n'ose pas aller jusqu'à ma conclusion : les lignes bougent, le PS est coupé en 2 et ne veut pas se l'avouer : plus de 50% sont OK avec Bayrou et moins de 50% penchent pour Montebourg et Mélenchon. Mais avouer cet éclatement, c'est risquer de faire perdre le PS (... et faire gagner le centre !).

Je pense que François Bayrou a raison en disant qu'il faut une majorité centrale.

L'autre conclusion que je tire après lecture de cet article, après le constat de censure au sujet de François Bayrou et du Modem que je dénonçais il y a quelques jours dans ce billet qui a reçu 123 commentaires sans réponse de Mediapart, dont de nombreux m'approuvaient, c'est que Mediapart a dores et déjà choisi son camp pour l'élection présidentielle 2012 : Montebourg+Melenchon matiné un peu d'Eva Joly. Le journal, remarqué par la qualité de ses investigations et de très bonnes analyses sur certains sujets, n'est en tout cas plus un journal d'information ni de débat mais prend le ton de tracts de propagande, ou tout ce qui n'est pas de ce camp est désigné comme dérive droitère, et tout ceci avec la prétention, la certitude, l'arrogance de ceux qui ont raison contre tous les autres, frisant un sectarisme qui fait peur. Cette attitude est dangereuse et peu propice au débat, à l'ouverture, au rassemblement. Cela me désole et m'effraie."

Le suivisme des commentaires, sans aucune critique, tapant sur Hollande (ce néolibéral vendu à la droite, ce "social démocrate teinté de social libéralisme le faisant parfois se colorer en DSK" ou encore ce Flamby, ce riche qui n'aime pas les riches" ...) est aussi désolant. Le panurgisme et le sectarisme ont contaminé les lecteurs et probablement découragé la lecture et les abonnements de ceux qui étaient ouverts au dialogue mais ont été rabroués, comme moi-même j'ai souvent subi cet ostracisme.

Si Mediapart devient un club fermé où ces gens pensent tous la même chose et restent entre eux, avec leurs oeillères et une seule musique, ils seront contents de discuter entre eux dans leur monde, auront encore plus l'impression d'avoir raison contre les autres, ils feront un peu monter la gauche de la gauche mais au détriment d'un centre-gauche et d'un centre qui eux ont les meilleures chances de l'emporter face à ce régime sarkozyste tant décrié.

Mediapart, à force de vouloir faire gagner SA gauche, va faire perdre LA gauche, ce qui fera peut-être gagner le centre, si Mediapart contribue ainsi à faire éclater la gauche !

Je sais que mon billet va déclencher les foudres, faire cracher les venins. Allez-y, crachez mes amis, mais osez aussi prendre du recul pour réfléchir et être constructifs, ouverts au dialogue !

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