Marielle Billy (avatar)

Marielle Billy

récolter, semer

Abonné·e de Mediapart

202 Billets

4 Éditions

Billet de blog 16 février 2013

Marielle Billy (avatar)

Marielle Billy

récolter, semer

Abonné·e de Mediapart

"Après Djamal" : que faire ? ou le non-dit de l'époque.

Je transforme un commentaire en billet : je réagissais un peu longuement sur le billet de Vingtras "L'après Djamal". Sur le constat affligé de ce qui se développe en France, nous sommes tous d'accord. Idem pour la Grèce, l'Espagne...Ce qui nous laisse sans voix, c'est le : alors, que faire ? Pour l'instant, on assiste à des mouvements de grève dure

Marielle Billy (avatar)

Marielle Billy

récolter, semer

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je transforme un commentaire en billet : je réagissais un peu longuement sur le billet de Vingtras "L'après Djamal". Sur le constat affligé de ce qui se développe en France, nous sommes tous d'accord. Idem pour la Grèce, l'Espagne...

Ce qui nous laisse sans voix, c'est le : alors, que faire ? Pour l'instant, on assiste à des mouvements de grève dure (ex : PSA, Arcelor ...), mais rien du côté de la conjonction de ces luttes (si peu de chose au niveau européen par exemple).

 Dianne, dans le fil, évoquait le "revenu d'existence", Max Angel, lui, parlait des nombreuses initiatives d'organisation horizontale. La 1ère idée se heurte à la logique en vogue : pas d'argent dans les caisses, faut apprendre à faire mieux (si possible!) avec le même budget. Donc ceci est une idée qui se fonde sur l'espoir que "des gens" élus arriveraient majoritairement à échapper à la logique imposée. Pour l'instant, on peut rêver (ceci dit sans ironie moqueuse, je le précise).

Max fait allusion à des changements qui s'opèrent au sein de la société dans son rapport à la consommation (thème qui me motive beaucoup). Processus intéressant mais très lent.

Un exemple de discours : au moment du congrès du PCF, Pierre Laurent disait quelque chose comme - la gauche souffre d'un manque d'alternative politique lisible par les gens - Constatons que ce ne sont pas les idées qui manquent, ni les initiatives de lutte, ce qui pose problème c'est peut être ceci : chacun "sait" qu'on va dans le mur (économique, écologique), chacun "sait" que la richesse s'accumule dans les mêmes poches, chacun "sait" que la mondialisation a créé un réseau très serré d'intérêts concurrentiels, chacun "sait" que les biens communs sont de plus en plus appropriés par le commerce, chacun "sait" de plus en plus que notre démocratie est bredouillante - les élections ouvrent un champ de parole, puis "on fait avec" ce qui nous échoit (cf : ce que dit Agnes G. dans le fil du billet de Vingtras) -

Mais ce qui reste, c'est le non-dit, de plus en plus énorme : changer de "paramètres" d'organisation d'une société ne se fait pas sans prise de risques. On ne change pas de politique (au sens fort du terme : exemple, la répartition des richesses, la prise de parole des gens là où ils sont, ...) par des élections. Non que je sois hostile aux élections (pour l'instant j'ai toujours voté), mais les élections ne sont jamais des changements de cap (on a vu après 81 comment les choses ont vite tourné sans que le pays ne s'insurge, on a vu en 2005 comment un résultat d'élection peut être tout simplement gommé ...).

Ce qui n'est pas lisible pour les gens, ou plutôt ce qui ne peut être regardé en face, c'est que tout ce qui ouvrirait la possibilité d'un changement profond (tout n'est toujours que possible, ne l'oublions pas), c'est révolutionnaire. Et là, on observe une rupture profonde entre les groupes dits d'extrême gauche qui appellent la révolution et tous ceux qui sont pour les voies dites "démocratiques" - et là , on sait bien que la démocratie actuelle fonctionne en gros sans nous, on délègue et on rentre chez soi en attendant. Chacun constate qu'entre les discours et les actes, il y a un fossé, presque une incompatibilité.

Comment peut-on imaginer que des gens (ceux qu'on élit) qui sont dans de "l'institué" ouvrent la voie à de l'inédit : en gros, des gens qui diraient "je prends le pouvoir puis je vous le donne" ? De plus, chacun voit combien un processus révolutionnaire (ex : pays arabes) ouvre de l'incertitude, des luttes acharnées entre ceux qui veulent le pouvoir (partis institués) et toute une partie de la population qui dénonce la supercherie.

Du coup, dans nos pays dits démocratiques, on bredouille. Nous sommes tellement habitués à une forme de "confort" (= on s'occupe de vous - par les élections -  + les restes de notre état-providence + l'hyper-consommation comme mode de fonctionnement global), que toute idée de prise de risque (ouvrir de l'inédit, pour dire vite) est évacuée avant même d'être formulée.

On ne lutte jamais sans prendre des risques, et là ça coince en général : d'où sans doute la progression des organisations d'extrême droite (pensons à Aube dorée en Grèce, au FN ...) qui laissent penser par le discours que des solutions programmatiques "de partis" existent mais aussi des solutions radicales simplistes comme la fermeture des frontières, la chasse aux immigrés ...bref, tout ce discours qui pointe "un" ennemi facile à exclure (ou à tabasser). Dans le discours, tout est possible.

Nous reste donc ce problème énorme : rien ne se décide d'en haut dans les processus révolutionnaires* / des risques sont à prendre / qu'est-ce qui fait, qui permet que des groupes humains se mobilisent collectivement en n'ayant pas peur ? /

* nb : les discours sur les "conditions historiques" d'une révolution ne se tiennent toujours qu'après coup. Ce qui ne veut pas dire qu'on n'en apprend rien, mais que rien n'est jamais pareil - pas de répétition exacte, mais des points de  ressemblance et une bonne part d'inconnu.

Kandinsky, Improvisation 26

Chacun sait, au niveau individuel, combien il est difficile de se lancer dans "son propre changement", combien, lorsqu'on rompt quelque chose de sa vie antérieure, on ouvre de l'inconnu, sans assurance aucune. Et combien beaucoup choisissent de poursuivre l'ancienne voie, en se contentant de se plaindre, en aménageant tant bien que mal leur vie, ceci dit sans aucun mépris.

Qu'on ne se méprenne pas, je ne fais aucune louange de tel ou tel processus (en gros élection  ou révolution) mais je souhaite soulever cette question du non-dit dans la société et le débat politique.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.