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Billet de blog 2 mai 2023

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Le crépuscule des odieux

Le 17 avril 2023, le président de la République déclarait : « Nous avons devant nous 100 jours d’apaisement, d’unité, d’ambitions et d’actions au service de la France. » Florilège des déclarations « d’apaisement » en cette fin de règne.

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Le 17 avril, avant de prononcer cette allocution, le chef de l’État recevait Mme Borne, quelques ministres dont M. Darmanin et des « poids lourds » de la minorité présidentielle. L’heure était indéniablement à l’apaisement : « Il faut être dur avec ceux qui veulent nous crever la paillasse », déclara-t-il selon un des participants. Il est vrai que la mansuétude de « ceux qui les protègent » a de quoi exaspérer le président et la Cour : un éborgné, un doigt arraché, trois manifestants amputés d’un testicule et un dans le coma depuis plus d’un mois, c’est un peu mou tout cela. L’heure est venue de durcir l’apaisement. D'ailleurs, pendant la manifestation du 1er mai à Nantes, une jeune fille de 17 ans et un homme de 28 ans ont été touchés par l'explosion de grenades lancées par la police. La première risque de perdre un œil ; le second  a eu une main arrachée.

Lors de cette réunion du 17 avril, M. Darmanin se livrait à une analyse rassurante sur l’état d’esprit de nos compatriotes en affirmant que « les Français nous en veulent pour les retraites, mais ils l'ont avalé ». Pour ce qui est de faire « avaler », le savoir-faire du ministre de l’Intérieur est unanimement reconnu. Et pas qu'aux Français, mais aussi aux Françaises et pas que des couleuvres.

Le 19 avril, le président de la République était accueilli par un concert de casseroles à Sélestat. « Ce n’est pas avec des casseroles qu’on fera avancer la France » déclara-t-il à l’intention des manifestants. Le lendemain, il affirmait que « les œufs et les casseroles, c’est pour faire la cuisine chez moi ». Il faut tout leur expliquer à ces gueux ! Le 21 avril, c’est M. Gabriel Attal, ministre des Contes publics (© Sandra Lucbert) qui affirmait qu’il ne « sait pas discuter avec une casserole ». Le 27 avril, M. Bruno Le Maire avouait avoir les mêmes difficultés : « Ce n’est pas avec des casseroles qu’on dialogue. Je préfère la discussion au bruit. » Le candidat au prix Nobel de littérature ne dédaigne pourtant pas élever le niveau sonore, mais seulement en présence de renflements bruns.

Le 21 avril, M. Darmanin, toujours lui, s’exprimait à propos de la chasse aux casseroles à laquelle les gendarmes se sont livrés lors de la visite de M. Macron dans une ville de l’Hérault. Il tint à saluer le « courage » du président de la République qui « est au contact avec son peuple ». La langue du ministre a fourché mais le lecteur aura corrigé de lui-même : il voulait dire « avec ses sujets » bien évidemment.

Le 24 avril, dans un entretien au Parisien, le chef de l’État concédait avec l’humilité qu’on lui connait une lacune dans la gestion de la réforme des retraites : « Peut-être que j'aurais dû plus me mouiller ». Les incapables qu’il a nommés au gouvernement n’ont pas su expliquer à ses sujets immatures pourquoi cette réforme était « nécessaire ». Lui aurait su. Tant pis, les BRAV-M y pallieront dans l’apaisement.

Le 25 avril, M. Attal apportait une contribution supplémentaire à l’apaisement en faisant observer lors d’un déplacement dans l’Hérault : « Ceux qui ont le temps d’accueillir des ministres de 14h à 18h en pleine semaine, à priori, ce ne sont pas les Français qui travaillent, qui ont des difficultés à boucler les fins de mois ». Le travail et les fins de mois difficiles, qui pourrait mieux en parler que l’héritier Gabriel Attal, qui vit aux frais du contribuable depuis la fin de ses études et était doté à 33 ans d’un patrimoine déclaré de 1,6 millions d’euros ?

Le 1er mai, le président de la République et Mme Macron recevaient à l’Élysée 400 professionnels des métiers de bouche et des fleuristes pour une cérémonie de remise du muguet. Pour les premiers, le châtelain eut ces quelques mots : « Vous vous levez tôt pour nous nourrir. » « Nous », c’est Lui et Elle évidemment. Et d’ajouter que « le 1er mai est la fête de ceux qui aiment le travail ». Pas celle de ces feignasses qui manifestent au lieu d’aller bosser.

Comme l’apaisement est violent, dirait Apollinaire.

Illustration 1
© Fred Sochard

Mes remerciements à Fred Sochard à qui j'ai emprunté ce dessin.

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