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Billet de blog 7 octobre 2018

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Chronique du Macronistan (4)

Récit des faits et gestes de l'Homme Fort du Macronistan, aussi surnommé le Génie de la Somme (*). Chapitre IV : où il s’avéra que le peuple n'était pas digne de son Maître.

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A peine avait-il pris le pouvoir que l'Homme Fort s'empressa de rompre avec les usages en vigueur sous ses prédécesseurs. L'un d'eux voulait qu'à l'occasion de la Fête Nationale, le président du Macronistan reçût en son Palais deux échotiers qu'il autorisait à lui poser quelques questions complaisantes.

Le Génie de la Somme mit fin à cette inoffensive tradition. Ses thuriféraires expliquèrent qu'il était doté d'une forme de "pensée complexe" qui ne pouvait pleinement s'exprimer en réponse aux questions de quelque folliculaire. Pendant la phase de conquête du pouvoir, l'Homme Fort avait en effet émaillé ses discours de formules telles que "Penser printemps, mes amis, c'est réconcilier l'ambition et le réel."  ou encore “Tu es le confluent d’un fleuve dans lequel tu t’inscris qui est, justement, ce roman et ce récit”, et bien d'autres qui illustraient à merveille la complexité de sa pensée (voir ici).

Le bon peuple, dont la pensée était moins complexe, fit rapidement preuve de scepticisme à l'égard de la politique de l'Homme Fort puis se mit à la désapprouver. Il ne comprenait pas que la baisse des impôts pour les plus fortunés et la réduction des aides aux plus pauvres fût une mesure de justice sociale. Ou que réduire le montant des pensions permît d'augmenter le pouvoir d'achat. Ou encore qu'accorder plus de facilités aux entreprises pour licencier contribuât à réduire le chômage. C'était pourtant l'évidence même pour le Génie de la Somme et pour sa Cour.

Toutefois, dans ce qui sembla un accès inhabituel d'humilité, l'Homme Fort parut concéder dans un premier temps que cette incompréhension pourrait résulter d'un manque d'explication. Il enjoignit donc à ses ministres de faire preuve de plus de "pédagogie". En lui répétant plusieurs fois la même chose, le peuple finirait bien par comprendre que tout cela était fait pour son bien.

Mais rien n'y fit. La grogne se fit plus forte, et cela exaspéra le Génie de la Somme qui ne cacha plus le mépris qu'il avait pour ce peuple "réfractaire". Avant même sa prise du pouvoir, il avait déjà traité "d’illettrées" les ouvrières de l'Ouest du Macronistan et "d'alcooliques" les habitants du Nord du pays mais on pensait alors que ce n'étaient là que propos d'estrade.

Il n'en était rien. Confronté à un mécontentement croissant, l'Homme Fort qualifia ses compatriotes de "fainéants", il fustigea les "gens qui ne sont rien" et qui "foutent le bordel". Il expliqua à un oisif (ainsi étaient désormais nommés les chômeurs) qu'il lui suffisait de "traverser la rue" pour trouver du travail. Il déclara que les pauvres coûtaient "un pognon de dingue" et se montraient jaloux des "premiers de cordée", les freinant ainsi dans leur ascension. A une retraitée qui se lamentait du faible montant de sa pension, il répondit que "le pays se tiendrait autrement s'il ne se plaignait pas".

Il fallut se rendre à l'évidence : le peuple du Macronistan n'était manifestement pas digne du Génie de la Somme qui le dirigeait. Et ce dernier, qui se piquait de littérature, songeait au poème de Bertolt Brecht (La solution) :

« J'apprends que le gouvernement estime que le peuple a « trahi la confiance du régime » et « devra travailler dur pour regagner la confiance des autorités ». Dans ce cas, ne serait-il pas plus simple pour le gouvernement de dissoudre le peuple et d'en élire un autre ? »

Ainsi allaient les affaires publiques en Macronistan en cet An 2 après E.M.

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(*) La Somme est un département du Nord du Macronistan qui est la terre d’origine de l’Homme Fort. Éblouis par le génie de leur Maître, ses affidés le surnomment affectueusement le « Génie de la Somme ».

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