marugil

Citoyen

Abonné·e de Mediapart

492 Billets

1 Éditions

Billet de blog 8 novembre 2023

marugil

Citoyen

Abonné·e de Mediapart

Emmanuel Macron, Israël et la Palestine : quand un banquier joue au diplomate

Acheter les valeurs qui offrent d’excellentes perspectives de rendement puis les délaisser quand la roue tourne. Et parfois « en même temps ». C’est la diplomatie pratiquée par un gestionnaire de patrimoine.

marugil

Citoyen

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

24 octobre 2023 : 17 jours après le massacre perpétré par le Hamas, le président de la République se rendait en Israël. Il y avait été précédé par Joe Biden, Olaf Scholz, Rishi Sunak, Giorgia Meloni, Mark Rutte et Ursula von der Leyen, laquelle avait affirmé le « soutien inconditionnel » de l’Union Européenne à Israël bien que n’ayant aucune compétence en politique étrangère. Le ban et l’arrière-ban de la droite extrême française avait aussi devancé Emmanuel Macron à Tel-Aviv, de Yaël Braun-Pivet à Eric Ciotti en passant par Meyer Habib, l’agent de Benyamin Netanyahou à l’Assemblée Nationale. « La France soutient pleinement Israël » et « rien ne doit [l’]empêcher de se défendre » déclarait sur place la présidente de l’Assemblée Nationale dont on ignorait qu’elle fût habilitée à exprimer la position de la France.

Rattrapant le train en marche, Emmanuel Macron y alla donc de sa visite de soutien à Israël. Mais que pouvait-il dire qui n’eut déjà été dit par les dirigeants occidentaux ? Rien de moins que ceci : « La France est prête à ce que la coalition internationale contre Daech […] puisse lutter aussi contre le Hamas. » En voilà une idée de génie : une coalition occidentale pour bombarder Gaza comme celle qui avait bombardé l’Afghanistan en 2001. Avec le formidable succès que l’on sait. Ni les États-Unis ni même Israël n’avaient envisagé un tel plan et la proposition fit long feu tant elle était absurde. Que restait-il du voyage de M. Macron en Israël ? Rien.

27 octobre 2023 : à l’issue du Conseil Européen, M. Macron annonçait à Bruxelles un projet de « corridor humanitaire maritime » que devrait mettre en place une « coalition humanitaire avec plusieurs pays européens » Cette annonce ne suscita aucune réaction des autorités israéliennes alors que M. Macron avait assuré que des contacts avaient été pris avec elles. Que s’est-il passé ? Rien.

3 novembre 2023 : M. Macron annonçait la tenue d'une « conférence humanitaire » sur Gaza le 9 novembre à Paris. A aucun moment il n’a demandé un cessez-le-feu. Que se passera-t-il ? Rien, étant donné qu’Israël n’entend pas bouger d’un iota et continuera de raser Gaza.

En dix jours, le président de la République est donc passé d’une coalition militaire contre le Hamas à une coalition humanitaire pour la population de Gaza, justifiant à nouveau le surnom de « pendule » que lui ont donné les Ukrainiens tant ses positions balancent d’un côté, puis de l’autre. A Tel-Aviv, après que M. Netanyahou eut expliqué qu’Israël menait « la guerre de la civilisation contre la barbarie », M. Macron a remercié son « cher Bibi pour ses mots » et a exprimé son « soutien aujourd’hui et demain dans tous les aspects de cette guerre contre le terrorisme ».

Deux semaines après le soutien de France « dans tous ses aspects » à « la guerre de la civilisation contre la barbarie » menée par Israël, celle-ci avait déjà fait près de 10 000 victimes civiles à Gaza, dont des milliers d’enfants. Et M. Macron de découvrir que « la lutte contre le terrorisme ne justifie pas de sacrifier des civils ».

Le 24 octobre, surfant sur l’émotion provoquée par le massacre du 7 octobre, le soutien inconditionnel à Israël apparaissait à M. Macron comme le meilleur « placement » pour gagner ou éviter de perdre quelques points dans les sondages. Et puis, n’oublions pas qu’Israël est un client de la quincaillerie militaire française. Deux semaines plus tard, l’intervention militaire d’Israël à Gaza et l’action des colons fanatiques en Cisjordanie ont désormais toutes les caractéristiques d’un crime contre l’humanité et d’un nettoyage ethnique. Le « pendule » de l’Élysée jugea alors nécessaire de procéder à un arbitrage entre les « valeurs » Israël et Palestine pour préserver sa cote de popularité. Et aussi parce que la quincaillerie militaire française se vend « en même temps » aux pays arabes.

Dans ce conflit, comme dans tant d’autres (Libye, Liban, Ukraine, Sahel), le banquier d'affaires devenu chef d’État s’agite ; il « macronne » comme disent encore les Ukrainiens. Tel un gestionnaire de patrimoine qui vend les actions d'une entreprise pour acheter celles de son concurrent, il dit tout puis son contraire.

Et, tandis que M. Macron est partout, la France n’est nulle part.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.