marugil

Citoyen

Abonné·e de Mediapart

431 Billets

0 Édition

Billet de blog 27 février 2023

marugil

Citoyen

Abonné·e de Mediapart

L’inanité sonore de la diplomatie d’Emmanuel Macron

La guerre en Ukraine illustre ce qu'est devenue l'influence française sur la scène internationale. Le poids des mots, le choc des photos et rien d’autre.

marugil

Citoyen

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans un entretien publié le 17 février, le président de la République affirmait : « Je veux la défaite de la Russie en Ukraine et je veux que l'Ukraine puisse défendre sa position, mais je suis convaincu qu'à la fin ça ne se conclura pas militairement. Je ne pense pas, comme certains, qu'il faut défaire la Russie totalement, l'attaquer sur son sol. Ces observateurs veulent avant tout écraser la Russie ».

Le peuple français peut être fier d’avoir élu par deux fois un homme politique qui pense qu’il serait déraisonnable de vouloir « défaire totalement » et « écraser » une puissance nucléaire. Un tel sage à la tête de l’État, voilà qui est rassurant. Si cette variante diplomatique du « en même temps » (défaire mais pas totalement) a bien évidemment enchanté les courtisans du régime, elle a suscité des réactions moins enthousiastes des intéressés. La porte-parole de la présidence russe a évoqué Napoléon – qui « repose au centre de Paris » - et a conclu d’une formule lapidaire : « La parole de Macron n’a guère de valeur. » De son côté, le président Zelensky a affirmé a affirmé que « Macron perd son temps » en envisageant des négociations entre l’Ukraine et la Russie.

Durant son premier mandat M. Macron avait pourtant pour ambition de « repenser (…) notre relation avec la Russie ». C’était l’époque où il accueillait en grande pompe M. Poutine sous les ors du palais de Versailles puis au Fort de Brégançon, misant sur sa relation personnelle avec le président russe pour influer sur sa diplomatie. Comment M. Poutine pourrait-il ne pas tomber sous le charme de celui qui avait séduit les immenses Christophe Castaner et Aurore Bergé ? Las, la Russie est très rapidement arrivée à la conclusion que rapportait ici Marc Endeweld : « Le président français fait de très beaux discours, mais ce n’est pas suivi d’actes. » Quant aux Ukrainiens, ils inventèrent peu après l’invasion de leur pays par la Russie le néologisme « macronner » qui signifie « se montrer très inquiet d'une situation, mais ne rien faire ». Ils se référaient explicitement au président Macron « dont on ne se souvient pas pour une aide réelle, mais pour ses photos préoccupées de l'Élysée ». Il est aussi surnommé « la pendule » par les Ukrainiens, en référence à ses positions qui balancent tantôt d'un côté, tantôt de l’autre.

Autant dire que les photos de M. Macron entouré des présidents russes et ukrainiens signant un accord de paix sur la pelouse de l’Élysée, ce n’est pas pour demain. Et comment en irait-il autrement ? Pour peser dans les relations internationales, encore faut-il avoir du poids. Or s’il est une chose que les cinq dernières années ont démontré à de multiples reprises, c’est que M. Macron n’en a aucun. Si le poids des mots des discours du président et le choc des photos de sa photographe officielle suffisent à ravir les affidés du régime, les dirigeants étrangers les prennent pour ce qu’ils sont : du vent.

En juillet 2017 à La Celle-Saint-Cloud, M. Macron réunissait les factions rivales qui se disputent la Libye depuis que l’intervention des Occidentaux y a semé le chaos. De belles photos, des déclarations ronflantes et puis … rien.

En août 2020, deux jours après l’explosion catastrophique qui a détruit une partie de Beyrouth, M. Macron délaisse son jet-ski pour se rendre dans la capitale du Liban. Comme au bon vieux temps du mandat français sur le Levant, le président de la République somme les dirigeants libanais de lui présenter sous un mois un plan de « refondation d’un ordre politique nouveau ».  Il invite aussi les habitants à se débarrasser d’eux et leur promet de ne pas les laisser tomber. De belles images, des déclarations ronflantes et puis … rien.

Aux coups de comm’ qui tiennent lieu de diplomatie s’ajoutent les humiliations de la part de pays prétendument « alliés ». Le torpillage de la vente des sous-marins à l’Australie par l’alliance AUKUS, c’est-à-dire par les États-Unis, arrachera à la diplomatie française quelques mots très durs (« trahison », « coup de poignard dans le dos »), suivis du rappel de l’ambassadeur de France à Washington. Et puis … rien. Une petite tape du président Biden sur le genou d’Emmanuel Macron à Rome suffira pour que ce dernier « tourne la page ». Les écoutes des communications des plus hautes autorités françaises par le Maroc susciteront également leur lot de réactions indignées. Et puis … rien.

Sur le conflit israélo-palestinien, la voix de la France est celle de Benyamin Netanyahou. Quand trois roquettes lancées par le Hamas tombent sur Israël et que l’armée israélienne riposte par des bombardements qui font des dizaines de morts à Gaza, la France de M. Macron réaffirme le droit d’Israël à se défendre et appelle les deux parties à « faire preuve de retenue ». Et puis … rien.

La France de M. Macron est un pays qui ne maitrise plus sa monnaie, dont les taux d’intérêt sont dans les mains des « marchés », dont le budget est sous la surveillance de la Commission Européenne, dont les grandes entreprises pratiquent l’évasion fiscale à grande échelle sous l’œil bienveillant de Bercy et dont les fleurons industriels ont été vendus au plus offrant pour le plus grand profit des banquiers d’affaires proches du président. Pourquoi la voix de ce « pays immergent » serait-elle encore écoutée dans les affaires du monde ?

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.