Cette déclaration m’est revenue en mémoire après la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques du 26 juillet. Croisement d’une réédition de Jeux sans frontières (voir ici pour les moins de 50 ans) et d’une variante « progressiste » du Puy du Fou, ce chapelet de clichés à l’esthétique d’une publicité Benetton ou LVMH (selon le moment) m’a paru interminable et assommant. Serait-ce un symptôme de cette pathologie identifiée par Mme Hidalgo ?
Les réactions des dirigeants politiques n’ont rien arrangé. L’extrême-droite et la droite extrême ont détesté la cérémonie et « les gauches » (comme on dit sur Mediapart) l’ont adorée (voir ici). Serais-je donc d’extrême-droite en plus d’être un « peine-à-jouir » ? Cela commence à faire beaucoup. Déjà en 2018, après la victoire de l’équipe de France en finale de la Coupe du Monde de football, j’avais fait partie de ces « pisse-vinaigres », prétendument atteints d’une « incapacité à partager une ferveur populaire » (dixit Jean-Luc Mélenchon). Emmanuel Macron avait alors assisté à la finale aux côtés de Vladimir Poutine. Celui qui avait rasé Grozny et massacré des centaines de milliers de Tchétchènes était fréquentable quand il bombardait des Musulmans, il ne l’est plus dès lors qu’il s’est mis à bombarder des Ukrainiens (qui « me ressemblent » et ont « la même voiture que moi »). Qu’on se rassure, le président de la République a trouvé un autre boucher avec lequel s’afficher en recevant à l’Élysée le président israélien Isaac Herzog, celui qui a signé sur un obus devant être lancé sur Gaza.
Allons, allons, je m’égare car il ne faut pas mélanger le sport et la politique, n’est-ce pas ? Mais tout de même, faut-il vraiment s’enthousiasmer pour ces Jeux Coca-Cola et LVMH ? Si M. Macron et Mme Hidalgo célèbrent Paris en fête, c’est loin d’être la fête pour les 12500 personnes expulsées de la capitale pour cacher aux touristes ces sans-abris qu’ils ne sauraient voir. Ceux qui sont restés se cachent de peur des contrôles. Ce n’est pas la fête non plus pour les activistes du collectif Saccage 2024 qui ont été arrêtés et placés en garde à vue pour avoir organisé un tour des lieux impactés par les JO à Saint-Denis. Les journalistes qui les accompagnaient ont eux aussi passé 10 heures en garde à vue.

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Bon, mais tout de même, à la vue des exploits de ces merveilleux athlètes, ne devrais-je pas au moins simuler ? Les organisateurs des JO n’ont pourtant pas ménagé leurs efforts pour ranimer ma libido olympique en choisissant une mascotte aux contours clitoridiens. Ne devrais-je pas laisser échapper un soupir à la remise des médailles LVMH ? Un râle après les viriles paroles de la Marseillaise ?
Sur le plan politique en tout cas, les choses sont rentrées dans l’ordre, l’ordre nouveau même. Alors qu'il avait honni la cérémonie d’ouverture, le RN est désormais enthousiaste. Un élu frontiste s’émerveille : « Le Paris olympique est sécurisé. Il n’y a plus ni pickpockets, ni vendeurs à la sauvette. Une circulaire a organisé l’évacuation temporaire des migrants et leurs campements. La ferveur nationale s’exprime partout.» Et un autre célèbre « une forte présence policière, (…) une cohésion nationale, une valorisation du drapeau... Oui, ces JO ressemblent beaucoup à la France qu’on voudrait. » On les comprend : des flics partout et des réfugiés nulle part, et Léon Marchand, c'est un Français bien de chez nous, enfin !
La gauche, elle, est accusée « de tiédeur voire d’hostilité face aux Jeux » selon Le Monde qui cite le procureur médiatique Philippe Marlière, professeur de sciences politiques à l’University College de Londres. Lequel livre son réquisitoire sur X : « À quelques exceptions près, tout ce que la gauche compte de politiques, journalistes & intellos influents ignore les JO. La gauche française méprise le sport de compétition “capitaliste”, alors que les JO sont aussi un moment de joie et d’élan populaires. » L’article précise que « s’il se défend de viser des personnalités ou des partis en particulier, Philippe Marlière parle quand même de “la gauche radicale“, les “insoumis” ou le NPA ». Ah ! Enfin ! Presque deux semaines sans que LFI ne soit accusée de quelque atteinte à nos « valeurs », cela devenait insupportable ! Le quotidien de révérence révèle à ses lecteurs que Fabien Roussel a beaucoup posté sur X tandis que Manuel Bompard s’est contenté d’un seul message ! Pire, ces traitres d’Insoumis ont annoncé une « commission d’enquête populaire sur les implications sociales, économiques et écologiques des Jeux olympiques et paralympiques » ! Leur culpabilité ne fait plus aucun doute.
Cerise sur le gâteau olympique, les gazettes nous annoncent la présence de Tom Cruise à la cérémonie de clôture. C’est bien le moins qu’on pouvait attendre de M. Macron et de ses affidés puisque l’acteur a récemment été fait Chevalier des Arts et des Lettres par la ministre de la Culture Rachida Dati ! Après une longue publicité pour LVMH lors de la cérémonie d’ouverture, les JO de Paris se termineront donc par une séquence à la gloire de l’un des membres les plus connus de la secte de la scientologie !
Dans une ville surveillée et quadrillée par la police comme jamais, les sans-abris ont été chassés, le fric a ruisselé chez les sponsors et pour finir une secte aura été mise à l’honneur. Célébrons les valeurs olympiques !
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(*) D’après le Dictionnaire historique de la langue française d’Alain Rey, bol a pris en argot le sens de « cul, anus » comme d’autres noms de récipients (vase, pot, bocal). L’expression ras le bol est ainsi une variante moins vulgaire de ras le cul. Laissons aux exégètes de la pensée hidalguesque (si tant est qu’une telle chose existe) le soin d’explorer le fondement de l’association des expressions ras le bol et peine-à-jouir dans la langue fleurie de l’édile.