L'Ukraine sous les bombes, l'Union Européenne sous les ors de Versailles

Sans le tapis rouge et la Garde républicaine, on aurait pu penser qu’il s’agissait de collégiens se retrouvant en classe verte après des mois de confinement. Avec le tapis rouge, il ne manquait que les marches pour se croire au Festival de Cannes. Accolades, grands sourires, poignées de mains, tapes dans le dos et séances de photos, cela faisait si longtemps qu’ils n’avaient pu se réunir à cause de cette fichue pandémie.

Et voilà qu’une occasion à ne pas manquer se présentait, merci encore à Vladimir. Emmanuel-Moi-Je-I^er, le maître de céans, était radieux, et accueillait un à un ses hôtes sur le tapis rouge. Histoire de montrer que nous aussi, « les démocraties », avons de grandes tables, il en avait fait dresser une immense dans la Galerie des glaces. Aux journalistes français qui l’interrogeaient, il confiait, l’air sombre, qu’il était « inquiet et pessimiste ». « En même temps », il répondait en souriant aux journalistes étrangers : « I am definitely optimistic ».

Si les Ukrainiens pouvaient encore tenir quelques semaines sous les bombes de M. Poutine et sous les encouragements de M. Macron et de ses invités à Versailles, ce serait parfait. Disons, jusqu’au 24 avril pour donner un ordre d’idée. Le temps d’organiser un ou deux « sommets » de plus. Il y a tant d’autres magnifiques châteaux en France !

Après le 24 avril viendra le temps des négociations. Et là, il faudra que « nos amis Ukrainiens » sachent se montrer « raisonnables » et fassent preuve de « pragmatisme ». La Crimée, le Donbass, voire quelques ports sur la mer Noire, c’est certes regrettable mais enfin, il va bien falloir « se tourner vers l’avenir ». Et l’avenir, c’est la reconstruction de l’Ukraine pour laquelle Vinci, Bouygues et Eiffage sont déjà prêts à se partager les miettes que l’oncle Joe daignera leur laisser. Sans compter que Soazig de la Moissonière ne saura bientôt plus sous quel angle photographier le chef de guerre.

Car il n’aura pas que cela à faire M. Macron après son éventuelle réélection. L’Ukraine, c’est bien sympathique pour faire pleurer dans les chaumières et affoler l’électeur moyen mais une fois qu’il aura voté (bien comme il faut), le Président-Soleil devra consacrer toute son attention aux vrais sujets. Par exemple, le report de l’âge de la retraite à 65 ans, afin de s’assurer que d’ici la fin du deuxième quinquennat, tous les pauvres mourront avant de l’avoir atteint. Et tant d’autres chantiers inachevés : finir de détruire l’hôpital public, démanteler l’éducation nationale, privatiser l’audiovisuel public, continuer de faire la chasse aux chômeurs, etc... Sans oublier la violation des droits fondamentaux des Afghans, Syriens ou Somaliens et tant d'autres, tous ces « migrants » basanés et/ou musulmans à ne pas confondre avec les Ukrainiens blancs et chrétiens qui, eux, sont de vrais réfugiés.

Le moment venu, quand les négociations sur le sort de l’Ukraine aboutiront, nul doute qu'Emmanuel-Moi-Je-I^er serait ravi de présider la cérémonie de signature du traité de paix à Versailles. Le précédent ayant laissé d’excellents souvenirs, ce serait dommage de laisser passer une si belle occasion.