Vous le verrez peut-être
Vous la verrez parfois en pluie et en chagrin
Traverser le présent
En s'excusant déjà de n'être pas plus loin.
Les Vieux chantés par Jacques Brel ? Non, c'est bien plus triste. Il s’agit des ex-députés En Marche n’ayant pas retrouvé d’emploi depuis leur défaite aux élections législatives et dont la situation a légitimement bouleversé BFMTV.
« On perd son indemnité du jour au lendemain. On n'a même pas l'équivalent d'un préavis. C'est dur », soupire l’une. « Je n'imaginais pas ça aussi difficile de trouver un travail » confie l’autre. « On rame » se lamente un troisième. Une quatrième s’insurge à propos du coût des billets de TGV – « parfois hors de prix » - pour venir passer des entretiens d'embauche à Paris. Quid des cars Macron ?
Comment ne pas s’émouvoir de leur sort, eux qui ne perçoivent qu’une allocation de 4271 € brut par mois, soit moins de 4000 € nets ? Or, comme le remarquait déjà l’ancien ministre Luc Ferry, on ne peut « évidemment pas vivre » avec 4000 € par mois. Qui plus est, une loi inique votée par la majorité En Marche sous la précédente législature a introduit la dégressivité des allocations à partir du 7ème mois. Leur situation va donc s’aggraver. Ils vont fêter Noël avec la boule au ventre.
Pourtant, le chômage est au plus bas depuis près de quinze ans selon le gouvernement. Dans son allocution du 9 novembre 2021, le président Macron faisait ce constat : « Notre économie crée des emplois comme jamais. Au point que, dans des secteurs comme la restauration, le BTP, les services, l’artisanat ou l’industrie, tous les entrepreneurs me disent peiner à recruter aujourd’hui. »
Chaque jour ou presque, le MEDEF et son porte-parole de la rue du Faubourg-Saint-Honoré se lamentent sur « les métiers en tension » et les centaines de milliers d’emplois non pourvus. Pour inciter les chômeurs, par nature si indolents, à se bouger un peu, le président de la République a tapé du poing sur la table dans la même allocution : « Les demandeurs d’emplois qui ne démontreront pas une recherche active verront leurs allocations suspendues. »
Surveillés par Pôle Emploi, ces ex-députés redoutent aussi d’être moqués ou stigmatisés, parfois même par d’anciens collègues, du moins ceux qui ont été réélus. Ainsi le député LREM Damien Adam s’indignait en 2018 : « Quand vous êtes salarié et que vous voyez certaines personnes qui partent en vacances aux Bahamas grâce à l’assurance chômage, il est légitime de se dire que ce système marche sur la tête ! » Adieu les Bahamas, il va falloir se contenter de Benidorm. Ils se souviennent aussi de cet horticulteur au chômage que le président de la République morigénait en septembre 2018 : « Hôtels, cafés, restaurants, je traverse la rue, je vous en trouve [du travail], ils veulent simplement des gens qui sont prêts à travailler. Avec les contraintes du métier. » Maintenant que les ouvriers du bâtiment ou les déménageurs travaillent tous avec des exosquelettes, le sénateur LREM François Patriat ne va-t-il pas houspiller ses ex-collègues pour qu’ils traversent la rue plutôt que de se complaire dans l’oisiveté ?
Nos macronistes désœuvrés sont également dépités de constater « la difficulté à pouvoir vendre de nouvelles compétences acquises ». Avoir ânonné les éléments de langage du gouvernement reçus chaque soir, avoir scrupuleusement exécuté les consignes du chef de groupe et avoir toujours appuyé sur le bon bouton de vote pendant cinq ans, le tout sans le moindre état d’âme, ne suffirait pas à convaincre les chefs d’entreprise. En l'occurrence, cela relevait peut-être plus de l'inné que de l'acquis mais passons. Quoi qu'il en soit, le patronat a de ces exigences ! Et ce n’est pas tout : le délégué général d'une fédération professionnelle assure ainsi avoir reçu une dizaine de CV de députés LREM pour devenir son numéro 2. Horreur, on leur aurait donc caché qu’il y a plus d’un demandeur d’emploi par poste à pouvoir !
Ils ne doivent toutefois par se laisser décourager par les difficultés car il y a plein d’autres opportunités qui s'offrent à eux. Par exemple, dans l’Éducation Nationale qui recrute des enseignants contractuels formés en quatre jours. Prof, un boulot de rêve, pour ainsi dire un job à mi-temps, avec des vacances à n’en plus finir. Pourquoi ne pas en profiter à leur tour ? Ceux qui préfèrent l’action pourraient s’engager dans la police : 15 000 postes seront créés dans les années à venir et le niveau requis pour y entrer devrait être accessible, même pour un ex-député LREM. La SNCF et la RATP recrutent également des conducteurs de trains ou de bus : pourquoi ne pas se laisser tenter par ces emplois de privilégiés ?
Eux que l’on connaissait adeptes de « la flexibilité » et de « l’agilité » préféreraient maintenant « vivre et travailler au pays » comme on disait autrefois. Ainsi telle ancienne députée s’insurge : « Moi, je ne suis pas prête à lâcher ma région que j'aime pour travailler à Paris. (…) On a bien le droit de refaire notre vie professionnelle là où elle a commencé et où on a envie de vivre. » Pas comme ces ouvriers de GM&S de La Souterraine (Creuse) que le président Macron « invitait » à aller chercher du travail à Ussel (Corrèze) « au lieu de foutre le bordel ». 250 km et 4 heures de route aller-retour chaque jour, ce n’est quand même pas très compliqué. Lui va bien à Doha pour un match de football ! Livreur pour Uber, n’est-ce pas la solution pour rester au pays tout en profitant de « la liberté » du statut d’autoentrepreneur ? M. Macron y a parait-il quelques relations, cela peut toujours aider. Le « réseautage », il n’y a que cela de vrai.
Toutefois, il semble bien qu’il y ait un hic : ça coince un peu sur les salaires apparemment. Député, c’était quand même plutôt bien payé, avec des notes de frais sympa et la buvette du Palais-Bourbon était très abordable. Pourtant, ils le savent puisqu’ils nous l’ont répété pendant cinq ans : nous devons tous « faire des efforts » et « travailler plus ». Et puis, il y a un peu plus d’un an, la charismatique ministre de l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher les émouvait jusqu’aux larmes lors d’une conférence de BPI France : « Lorsque tu vas sur une ligne de production -han, c’est pas une punition -han, c’est pour ton pays, c’est pour la magie ».
Allez, les ci-devant godillots ! Bougez-vous ! La magie vous attend.