Deuxième billet d’une chronique sur la bataille des retraites : premier épisode ici
Entre le 31 janvier et le 7 février
De défaites en déceptions, nous en aurions presque perdu l’habitude et pourtant, une fois n’est pas coutume, nous tenons l’avantage. Sondages après sondages, la tendance se confirme : les personnes interrogées sont majoritairement et de plus en plus fortement contre la réforme des retraites de Macron (source : ici). Pas besoin de doctorat en économie, tout le monde comprend de quoi il s’agit : un projet de classes qui protège les dominants et accable les autres.
À côté de celle de l’opinion, la bataille dans la rue est, elle aussi, en train d’être gagnée. Presque deux millions de personnes se sont rassemblées lors de la deuxième journée de manifestation, avec un public varié (en âge, en profession…) et une mobilisation qui se joue dans les grandes villes comme dans les villes moyennes, ce qui renforce la légitimité du mouvement.
En outre, celles-ci se déroulent dans le calme et la joie. Il est frappant de constater que face à leur projet mortifère qui prône toujours plus de travail et de croissance, la joie de vivre est indéniablement du côté des défilés. Dans les cortèges, on ressent le bonheur de se réunir et de lutter ensemble. Un peuple, que l’on disait résigné et épuisé, redresse soudainement la tête. À l’instar du mouvement des Gilets Jaunes qui partait d’une mobilisation contre une taxe sur l’essence pour en arriver à exiger plus de démocratie, nous débutons aujourd’hui avec la défense des retraites pour en venir à réfléchir au travail, à ses conditions d’exercice, à la dignité qu’il apporte et à son sens dans la société. C’est probablement une valeur universelle qui permet une mobilisation si large : la justice. Chacun ressent bien l’injustice de la réforme de Macron et exige l’inverse : justice entre actifs et retraités, entre hommes et femmes, entre ceux qui possèdent et ceux qui n’ont rien.
Forts de ces succès, la question qui s’élève désormais devant nous est : comment gagner la bataille ? Car, malgré la position favorable, les voies du succès paraissent étroites.
D’un côté, Macron, de plus en plus déconnecté de la réalité, ne veut pas reculer. Il serait bien trop heureux d’endosser le costume du réformateur courageux, oubliant que le courage serait de se dresser contre les dominants et non contre les dominés. De l’autre, le gouvernement est parvenu à écourter le débat à l’Assemblée, grâce à une manœuvre politicienne. Il estime que cinquante jours, un peu moins en réalité, sont largement suffisants pour débattre de l’avenir du système de retraite. Une gageure, rappelons que le débat concernant le mariage pour tous avait duré six mois.
Face à cela, il paraît indispensable de maintenir un haut niveau de mobilisation lors des journées du 07 et du 11 février pour afficher une forte détermination. Appeler à deux journées d’actions la même semaine risque de diminuer la taille des cortèges, mais l’ouverture au samedi permettra certainement de rassembler ceux qui ne veulent ou peuvent se mobiliser en semaine. L’unité des syndicats, comme des forces politiques de gauche, reste incontournable, malgré des contre-projets qui peuvent diverger (entre celui de la CFDT et de la CGT ou celui du PS et de la LFI).
La bataille à l’assemblée devra également être à la hauteur et parvenir à imposer un débat politique à la Macronie pour mettre au grand jour leur projet de société : un gouvernement en faveur du capital (voir la chronique précédente). Le parti “Les Républicains” constitue à ce jour la seule bouée de sauvetage du gouvernement pour faire voter sa réforme. Il faudra que la puissance des mobilisations et de l’opinion rendent le coût politique de leur soutien beaucoup trop élevé (vis-à-vis de leurs électeurs notamment) pour qu’ils se désolidarisent du gouvernement.
Cela suffira-t-il? Cela semble être l’étroit chemin à emprunter pour éviter une forte déception et le risque qui en découlerait. En effet, au-delà de l’application de cette réforme, une défaite aurait également pour conséquence de discréditer les syndicats ainsi que tous mouvements collectifs et de pousser encore plus chacun à s’interroger : si la démocratie et la mobilisation ne fonctionnent plus : jusqu’où faudra-t-il aller pour changer les choses?