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Billet de blog 10 septembre 2024

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La politique est un sport qui se joue à trois et à la fin, c’est la droite qui gagne

La nomination d'un homme comme M.Barnier nous surpend-elle vraiment? L'accord tacite entre Macron et Le Pen est-il vraiment une surprise? Scoop : Non.

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Faut-il s’en étonner? Comme toujours depuis 2017 avec Macron, la pièce est retombée à droite. Après J.Castex et E.Philippe, il a donc choisi un premier ministre issu des rangs de LR. Qu’un parti qui a recueilli moins de 7% des voix aux législatives, en pleine division et qui n’a pas appelé au “barrage républicain” contre le RN, se voie confier les clés pour former un gouvernement, doit-il encore nous étonner? Que la plupart des médias, si pressés de dénicher des ennemis de la République, à gauche évidemment, n’y trouvent rien ou si peu à redire, doit-il nous étonner? Que certains (ici) tentent de mettre la responsabilité sur les épaules de la Gauche, en oubliant qu’une partie des LR a basculé vers le RN et que les enquêtes d’opinion montrent que son électorat dévale la même pente encore plus rapidement (voir ici), doit-il nous étonner?

Ces dernières années nous y ont habitué, la pièce retombe toujours sur sa face droite et c’est toujours la responsabilité de la gauche. A l’issue de l’exemplaire bataille pour les retraites, je nommais déjà un billet en utilisant cette célèbre, et peut-être galvaudée, citation footballistique (ici). Force est de constater que quelle que soit la puissance du message envoyé, les macronistes défendent toujours leur aile droite. 

Il semble même qu’un pas ait été franchi, puisque l’extrême droite est désormais plus que fréquentable et en mesure d’arbitrer les débats. Pour celui qui a été élu deux fois pour faire barrage et qui voulait “faire tout pour que les français n'aient plus aucune raison de voter RN”, l’échec est patent. Est-il encore utile ici de citer de nouveau les déclarations de Y.Braun-Pivet sur le sens républicain du RN et les vertiges racistes de la loi immigration?

Il vaut sans doute mieux rappeler les résultats des dernières élections législatives, qui faisaient suite à une défaite de Macron aux européennes. Même si aucun bloc n’obtient de majorité absolue, il est possible d’affirmer que c’est le mal-nommé “barrage républicain” qui l’a emporté. La mobilisation contre le RN a été massive, les candidats du Nouveau Front Populaire (NFP) et macronistes se sont mutuellement désistés. Les électeurs ont globalement suivi (plus à gauche qu’à droite). Même si le RN a remporté un grand nombre de voix, la majorité a tranché et ne veut pas de son projet de société qui nie l’égalité (lire l’excellent article d’Edwy Plenel). Parmi les deux blocs du “barrage républicain”, c’est bien, et contre toute attente, celui de gauche qui est arrivé en tête. 

Dans toute démocratie adulte et fonctionnelle, qui ne dépend pas de la volonté d’un monarque républicain, le Président aurait dû appeler le NFP et tenter de former un gouvernement. Aurait-il réussi? L’histoire ne nous le dit pas, pas encore serais-je tenté d’écrire. Face aux résultats du vote, les macronistes, minoritaires et défaits mais n’ayant aucune volonté de lâcher le pouvoir, se retrouvaient face à un dilemme : accepter un gouvernement de gauche et le maintenir “sous surveillance”, ce qui aurait été conforme aux résultats du vote (majorité du “front républicain” et à l’intérieur de celui-ci majorité du NFP) ; ou former un gouvernement de droite “sous surveillance” du RN. Ils ont choisi. 

Les masques tombent. Ces gens acceptent la démocratie tant qu’elle ne remet pas en cause leur dogme économique. Car c’est bien sur ce volet qu’ils ont refusé un gouvernement de gauche : “Si je la nomme, elle ou un représentant du NFP, ils abrogeront la réforme des retraites, ils augmenteront le Smic à 1600 euros. Je ne suis pas prêt à prendre ce risque" (ici). Ils ont pourtant perdu. Mais c’est impensable pour eux, qui se croient le camp de la raison, de changer de politique. J-C Juncker et son “il n’y a pas de choix démocratique face au traité européen” (lien) n’est pas loin. Revenir sur la retraite à 64 ans? Augmenter les salaires? Revoir les réformes de la protection sociale? Réinstaurer de la justice fiscale? Hors de question, plutôt s’accorder avec les ennemis de la République. “Nous vous pardonnons votre projet racialiste, tant que vous nous promettez de ne pas remettre en cause l’ordre économique”. Voici le triste pacte qui était sous nos yeux depuis plusieurs années et qui éclate au grand jour.  

Tout le reste n’est que commentaire politique. Ce serait de la faute du NFP et du PS spécifiquement s’il n’y a pas de gouvernement de gauche? Qui peut croire honnêtement que Macron aurait accepté la moindre mesure de gauche. La preuve en est : il a sollicité, on peut toutefois douter du sérieux de la démarche, le seul homme de gauche qui est contre le Nouveau Front Populaire : B.Cazeneuve. Le Président ne cherchait pas à faire de compromis mais à briser l’alliance de gauche. Celle-ci a fait s’écrouler son plan de Machiavel de pacotille : faire gagner le RN pour soi-disant montrer son incapacité à gouverner ou rejouer ad nauseum le “Front Républicain” face à une gauche désunie pour l’emporter. Patatras, le NFP a vu le jour. 

Imaginons quelques instants, que la coalition macroniste soit arrivée en tête au soir des législatives sans majorité absolue. Que n’aurait-on pas entendu contre ceux qui auraient trouvé illégitime qu’elle gouverne. Qu’en aurait-il été si le RN était arrivé en tête? Les macronistes semblaient tout à fait prêts à leur confier les rênes du pouvoir. Faire de même avec la gauche? Impensable. 

L'honnêteté impose cependant de reconnaître que l’alliance LR-Macron, le bloc libéral de droite qui ne s’affirme pas encore comme tel, mais qui le fera sans doute en 2027, pèse plus que le bloc NFP dans l'assemblée actuelle . La réélection de Y.Braun-Privet à la présidence de l’Assemblée (à quelques voix près, dont celles des ministres démissionnaires) le démontre. Mais tout à son jeu de prestidigitateur et de pyromane, Macron n’affirme pas cette alliance et veut nous faire croire à une cohabitation. Qui y croit sincèrement? 

Le triste spectacle qui s’offre à nous tend à miner encore la démocratie. Le mouvement des gilets jaunes est réprimé puis enfumé dans un grand monologue, les propositions de la Convention Citoyenne du Climat sont enterrées “sans filtres”, la mobilisation pour les retraites qui a rassemblé largement et durablement est écartée par la brutalité des 49.3, le résultat des élections n’est pas considéré. Que cherche réellement Macron? A nous décourager de voter, de manifester, d’agir… puisque rien ne pourrait ébranler l’ordre économique?

Notre camp, celui du NFP, est-il alors irréprochable? Force est de reconnaître que jusque-là, et c’est assez rare pour le souligner, il a commis peu d'erreurs. Le temps a sûrement été long pour nommer Lucie Castets, mais les évènements nous prouvent que même désignée rapidement, Macron aurait trouvé un moyen de nier sa légitimité. Dans chacune de ses prises de parole et de position, elle a réussi jusque-là à déjouer les pièges et à se poser en rassembleuse. Les partis du NFP restent unis, tout en conservant leur culture : l’appel à la rue et à la destitution chez LFI, les voies plus institutionnelles au PS avec les habituels débats de ceux, dont les médias se délectent, prêts à toutes les compromissions pour goûter au pouvoir. Le lien entre le NFP et les organisations syndicales et associatives doit encore se concrétiser, mais le souhait d’aller dans cette direction est largement partagé par tous pour éviter de reproduire les manquements de la NUPES. Face au rouleau compresseur de l’ordre économique et à l’alliance, ou disons a minima l’intérêt commun, entre les blocs libéraux et identitaires, l’organisation de la société, des travailleurs, des associations reste indispensable. Il n’existe ni homme ou femme providentielle, ni bouton magique de grève générale et de grand soir, mais la patiente organisation, le tissage de lien, le liyannaj, pour reprendre l’exemple réussi du LKP en Guadeloupe en 2009. (Lyannaj est le nom créole du collectif, du lien et de l’attache, qui affirme aussi bien une position à soutenir face à l’adversaire. )

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