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Billet de blog 13 mars 2023

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Chroniques des « 64 ans » : en eaux troubles

Chroniques sur la bataille pour nos retraites. Vécu personnel, considérations politiques et analyses médiatiques. Troisième épisode : entre le 11 mars et le 16 mars. Malgré les victoires dans l'opinion et dans la rue, la situation se complique sérieusement. Victoire pour les macronistes ? Rien n'est écrit et le prix à payer en sera dans tous les cas très élevé.

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Billet d'une série. Épisode précédent : ici

Entre le 11 mars et le 16 mars

Il y a quelques semaines, sans doute par excès d’optimisme, je relatais que nous tenions l’avantage dans la bataille des retraites.

Même si l’intersyndicale a jusque-là poursuivi son sans-faute et parvient à maintenir un haut niveau de mobilisation, la suite s’assombrit. Assez naturellement, la dernière mobilisation en date, celle du 11 mars, a vu son affluence faiblir. Mais cela ne doit pas faire oublier l’autre mobilisation de la semaine, celle du 07 mars, avec près de 3 millions de manifestants et un décompte record, même selon les chiffres de la police.

La tactique du gouvernement de mettre la réforme en débat sur un temps réduit, traversé par une longue période de vacances scolaires, n’a pas simplifié la mise en place du mouvement social. À ce jour, il manque à celui-ci l’étincelle qui lui aurait donné une autre ampleur : la bascule massive de la jeunesse, une mobilisation multisectorielle pour un blocage plus fort de l’économie ou encore un corps qui aurait servi de fer de lance au mouvement (le gouvernement n’a pas attaqué directement les bénéficiaires actuels des régimes spéciaux de la RATP, de la SNCF et d’EDF pour éviter un scénario à la 2019).

Il n’en reste pas moins que l’intersyndicale a tenu bon jusque-là. Cette convergence ouvre des perspectives intéressantes pour la suite. Mais face à l’obstination du gouvernement et au manque de temps, elle se retrouve à court de munitions.

De son côté, la stratégie du gouvernement ne varie pas : « circulez, il n’y a rien à voir ». Macron sait qu’il a perdu la bataille de l’opinion et pour reprendre les mots de François Ruffin : « il ne cherche plus à convaincre, il cherche à vaincre ».  Si le gouvernement parvient à faire voter sa loi (des surprises à l’Assemblée ou des bras d’honneur voir ici pourraient encore faire dérailler la machine), le coût politique en sera maximal.

Fidèle à sa vision rabougrie de la démocratie, il aura utilisé toutes les cartes à sa disposition pour empêcher le débat : recours au 47-1 permettant de réduire le temps de discussion à 25 jours, impossibilité pour la Gauche de défendre ses amendements au Sénat et vote bloqué. L’utilisation du 49-3 viendrait alors compléter le tableau d’une Vème République à la dérive. Pour Macron, la figure de leader autoritaire et éloigné des préoccupations des français va se renforcer.

Plus inquiétant, il donne ainsi davantage de légitimité à un régime autoritaire présent ou à venir qui pourra imposer ses vues grâce aux pouvoirs exorbitants de l’exécutif, sans avoir à se soucier du peuple.  Par ailleurs, pour faire passer sa réforme, le gouvernement aura dû s’en remettre totalement aux mains de la droite LR à tel point que Bruno Retailleau, patron des sénateurs LR, peut s’exclamer « Cette réforme, nous la voterons parce que c’est notre réforme ! ».

Réforme impopulaire, image arrogante et dépendance accrue au LR, voilà le triste bilan de la Macronie pour, selon toutes vraisemblances, imposer une réforme dont presque personne ne veut (au moins 70% des actifs selon les différentes enquêtes d’opinions).

La position relative de l’extrême droite est ambivalente. Bien qu’opposée à la réforme, le parti a démontré qu’il n’était en rien une opposition mais qu’il était avant tout le parti de l’ordre. Entre se mobiliser pour défendre des droits sociaux et maintenir l’ordre établi, il a bien vite choisi son camp : n’oublions pas que dans extrême-droite, il y a droite. Il cherche à se présenter comme une alternative possible de droite, une « droite de remplacement » comme la gauche l’a trop souvent été.

Il cherche à rassurer : il n’y aura pas d’aventures contre le néo-libéralisme avec nous. Il n’en reste pas moins que la Macronie joue, sciemment ou non, un jeu dangereux. En refusant tout dialogue avec les forces de gauche et les forces syndicales, et en allant même jusqu’à les délégitimer, il dévitalise notre démocratie. Si l’opposition et la démocratie sociale ne servent à rien, il assume alors de pousser les gens vers des solutions autoritaires.

Enfin, du côté de la gauche, le bilan est aussi en demi-teinte. Bien que fortement secouée par les débats à l’Assemblée, la NUPES est jusque-là parvenue à maintenir son unité, malgré des divergences, notamment sur la stratégie des Insoumis à l’Assemblée. Espérons que la brutalité des droites au Sénat tende à rapprocher les positions. Certains appellent déjà à un prochain acte de l’union. Il serait plus que bienvenu pour offrir une nouvelle dynamique, échanger sur les désaccords et ouvrir de nouvelles perspectives.

D’autres, soutenus par des relais médiatiques bien trop heureux de diviser la gauche, n’ont pas attendu pour relancer le débat sur « les gauches irréconciliables », poison dont on espérait s’être débarrassé. Rappelons à Bernard Cazeneuve et ses amis que l’on sait d’avance de quel côté leur balance penchera : assis aux côtés d’Olivier Dussopt le traître (ici) et de ses amis macronistes.

L’affaire n’est pas complètement jouée et il reste encore quelques étapes à franchir pour le gouvernement.

Même en cas de défaite, il  faudra éviter que cette bataille renforce la résignation et l’indifférence. Nous avons largement remporté les batailles de l’opinion et de la rue. Vivifiantes, les marches communes nous rappellent à quel point notre force réside dans la mobilisation collective. L’élan qu’a permis l’unité de l’intersyndicale nous rappelle à quel point, la désunion est un luxe que nous ne pouvons pas nous permettre.

Face au rouleau compresseur néo-libéral et ses alliés autoritaires, nous avons besoin de syndicats forts, de partis de gauche forts, de plus de députés, plus de sénateurs, plus de relais dans les médias (rappelons ici le rôle déterminant joué par Michael Zemmour pour lever le lièvre de la fausse promesse de la pension à 1200€, voir ici), plus de points d’appui dans tous les secteurs de la société.

Il ne tient qu’à nous d’imposer notre récit face à nos adversaires et de transformer la lutte d’aujourd’hui en victoires de demain.

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