Depuis le temps que les alertes se multiplient sur les dangers d’un système économique qui génère des inégalités et de l’exclusion, sur la catastrophe environnementale en route, sur les dangers de l’extrême droite et sur le risque de voir les intérêts économiques s’arranger avec celle-ci ; depuis le temps que l’on répète que ni l’urgence climatique, ni l’urgence démocratique, ni l’urgence sociale ne sont pris sérieusement en compte et ce un peu partout sur le globe, parfois sous les moqueries, est-ce que 2025 va malheureusement nous donner raison ?
Sur le front politique tout d’abord, la lutte contre l’extrême droite semble reculer partout. De puissants intérêts économiques se rallient à elle, comme V.Bolloré en France, E.Musk aux Etats-Unis et en Autriche également (lire ici Le chef de l’extrême droite appelé à former un gouvernement en Autriche | Mediapart).. Partout des partis et des chefs autoritaires gagnent les faveurs des intérêts financiers. L’exemple de D.Trump vient tout de suite en tête, comme vision apocalyptique d’un capitalisme qui ne cache plus sa dérive autoritaire. Javier Milei, en Argentine, n’a pas grand chose à lui envier. Quant à G.Meloni en Italie, elle démontre que même l’Europe qui se pensait encore comme un rempart n’est pas épargnée. La comparaison entre le traitement réservé à la Grèce lors de l’expérience Syriza et à l’Italie de Meloni ou même la Hongrie d’Orban nous rappelle que les intérêts financiers sont prêts à remettre en cause les principes humanistes, mais pas le cœur de leurs profits. C’est sans doute le sombre avenir qui se dessine, celui d’un capitalisme qui, pour sauver ses intérêts, s’allie à l’extrême droite et ses obsessions identitaires oubliant au passage la démocratie et l’égalité ; phénomène largement documenté par Romaric Godin (lire ici par exemple Les libertariens Musk et Milei veulent dominer le débat économique | Mediapart) .
L’exemple de la France révèle à quel point le prétendu centre, en pleine déroute, se rapproche dangereusement de l’extrême droite. Il existe un continuum des idées entre les deux : d’E.Macron à G.Darmanin, de G.Darmamin à B.Retailleau, de B.Retailleau à E.Ciotti pour atterrir chez les Le Pen.
Les forces de gauche et écologistes sont aussi coupables de cette déroute, trop rarement à la hauteur des évènements, trop contentes de s'injurier entre elles plutôt que de faire face solidairement (mon analyse ici).
C’est comme si le corps social français, épuisé par 7 ans de Macronisme, voire 40 ans de cure néolibéral, n’avait plus ses anti-corps pour résister au virus de l’extrême droite. La résignation, le “à-quoi-bon-tisme”, semblent avoir pris le dessus. Même le vocabulaire a été récupéré par les forces réactionnaires : la nation, la république, le travail, la laïcité, autant de valeurs qui furent de puissants moteurs d’émancipation sont aujourd’hui vidées de leur sens pour en faire des idées conservatrices : la nation contre les étrangers, l’ordre républicain, le travail contre les assistés (sur le sujet, j’avais écrit ici), la laïcité pour défendre l’exclusion. La mobilisation exemplaire des citoyens en juin 2024 pour résister à la poussée de l’extrême droite ne se reproduira pas à chaque fois. L’énergie mise par le gouvernement Macron pour vider de leur possible influence la mobilisation citoyenne et les syndicats lors de la bataille des retraites contribuent aussi à ce sentiment de résignation.
Quant à l’urgence climatique, elle semble tout bonnement avoir été sortie du champ de la réflexion. Ce n’est plus que l’écologie punitive, les normes étouffantes et des caprices de privilégiés. Après quelques années où l’urgence semblait pouvoir être prise en compte, le backlash est puissant. Le slogan de Trump “Drill, baby, drill” en est un puissant exemple (lire ici). La catastrophe à Mayotte et les méga-feux à Los Angeles sont-ils un avant-goût? Pourtant concernant l’écologie, comme la crise démocratique et économique, le coût de l’inaction est plus élevé que celui de l’action. Chaque année de perdue pour réparer notre démocratie, notre environnement et notre société rend à chaque fois plus cher le coût lorsqu’il faudra s’atteler à la tâche.
2025, nous promet-elle la jonction de la classe dominante et de l’extrême droite pour préserver leurs intérêts, les pires alertes données depuis des décennies vont-elles se réaliser? Et avec elle l’abandon de toute une partie de la population, de toute ambition pour préserver notre écosystème, l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite dans de nombreux pays, le renfermement sur soi-même, un monde où la haine de l’autre devient la norme? En 2025, on éteint la lumière? Toujours probable, le pire n’est, souhaitons-le, jamais certain.