Pour une biographie sommaire de Gnéditch, se reporter au précédent billet consacré à Gnéditch.
Тревожится, растет девятый вал
Поэзии. Дымится тайна слова.
Вот-вот и вспыхнет. Блока час настал…
Горит его магический кристалл —
Вселенской диалектики основа.
Все для большого синтеза готово!
Вот — внук того, кто Зимний штурмовал,
Любуется бессмертьем Гумилёва…
Народный разум все ему простил —
Дворянской чести рыцарственный пыл
И мятежа бравурную затею —
Прислушайтесь: над сутолокой слов
Его упрямых бронзовых стихов
Мелодии все громче, все слышнее.
Ma traduction:
La neuvième vague de la poésie croît
Il y a de l'inquiétude. Le secret du mot fume.
Voilà, il va sauter. L'heure de Blok est là...
Son cristal magique à lui se consume --
Base de la dialectique de l'univers.
Pour la grande synthèse tout est prêt !
Voici le petit-fils de qui conquit l'Hiver,
Admirant de Goumiliov l'immortalité...
Tout lui fut pardonné par l'esprit populaire --
L'ardeur chevaleresque de l'honneur nobiliaire.
et l'élan de bravoure de la mutinerie --
Tendez l'oreille : au dessus des mots agités
Les mélodies de ses vers de bronze entêtés
Sont toujours plus fortes et toujours plus audibles.
Notes sur le texte et la traduction:
Ce sonnet fait partie de Венок Сонетов (Couronne de sonnets) dans le recueil Этюды. Сонеты (Études. Sonnets) publié en URSS en 1977.
Ce poème décousu, qui imite la dernière manière de Blok en mêlant langage familier et allusions cultivées, est difficile à traduire et à interpréter. Certaines formulations sont clairement ironiques, comme la mention de la dialectique universelle qui sous l'acronyme de DiaMat (Dialectique Matérialiste) faisait partie du catéchisme soviétique.
Autant la référence à Blok, que les Bolcheviques avait apprécié positivement à cause de son poème Les Douze, pouvait satisfaire les autorités, autant l'évocation de Goumiliov, fusillé en 1921 comme contre-révolutionnaire, répandait encore une odeur de soufre dans l'URSS des années 1970.
Le présentation du texte en deux parties au lieu de deux quatrains et deux tercets correspond à un schéma de rimes non canonique ABAABBAB CCDEEF. La traduction suit le schéma ABAB CDCD EEF GGH. Les vers russes sont des décasyllabes, et la traduction est en alexandrins.
la neuvième vague: allusion à une célèbre marine romantique du peintre Aïvazovsky représentant des naufragés sur une mer déchaînée (c'est Le Radeau de la Méduse en version russe.)
Il y a de l'inquiétude: j'ai dépersonnalisé le verbe par lequel démarre le poème et dont le sujet n'est pas clairement défini ("/il/elle/on/ s'inquiète") et je l'ai déporté au début du second vers, en supprimant l'enjambement "la neuvième vague / de la poésie".
Tout lui fut pardonné par l'esprit populaire: j'ai passivé la construction.
conquit l'Hiver: j'ai traduit par "conquit" le verbe штурмовал (chtourmoval = prit d'assaut) qui vient de l'allemand Sturm signifiant 'tempête' (cf. l'anglais 'storm') mais aussi 'assaut' au sens militaire. L'expression est sans doute une allusion à la retraite hivernale de 1812 évoquée dans le long poème que Pouchkine consacra à Napoléon.
mots agités: le texte dit "l'agitation des mots".