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Billet de blog 17 octobre 2022

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Rentrée des clashs - suite 1

L'administration scolaire a-t'elle une conception de la protection fonctionnelle "à deux vitesses" dans le cadre d'un différend opposant un enseignant avec un personnel de direction ? Je soutiens, en détournant un peu une morale de La Fontaine que "selon que vous serez Proviseur ou simple professeur, vous aurez en l'institution scolaire une alliée ou une adversaire"...

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Rentrée des clashs

  « les signes avant-coureurs ... » ( année 2016/2017 )

Avant de démarrer mon récit, je souhaite rattraper un oubli de mon premier billet :
https://blogs.mediapart.fr/michelrodriguez1/blog/091022/rentree-des-clashs

J’ai en effet oublié trois exemples dans la longue liste de situations choquantes au regard de la protection que l’État doit à ses agents dans le cadre de leurs fonctions, et qu’il semble gérer de manière discriminatoire au sein du ministère de l’éducation nationale, selon que l’agent à protéger soit un personnel de direction ou un enseignant, à plus forte raison encore lorsqu’un différend oppose un enseignant à un personnel de direction …

1) Rentrée 2021- école maternelle Jean MERMOZ à Marseille

Je renvoie au billet suivant pour les détails de cette affaire :

https://blogs.mediapart.fr/hugaux/blog/250422/une-ecole-maternelle-modele-marseille-aseptisee-par-ladministration-de-len

Pierre Hugaux MASSI, directeur de l'établissement dénonce des dérogations attribuées selon "des pratiques bananières", écartant des parents d'élèves du secteur la veille de la rentrée pour faire de la place à d’autres, qui sont « hors-secteur ».

De son côté, le rectorat dément ces accusations et reproche "un dysfonctionnement dans le pilotage de l'école" et "une position inadaptée" du directeur par rapport à la hiérarchie et aux partenaires de l'école.

Il apparaît qu’il est encore plus insupportable pour l’administration de recevoir des critiques d’un directeur d’école que d’un « simple professeur » et que, même lorsque ces reproches sont factuellement et incontestablement fondés, et même s’il remplit ses fonctions à la satisfaction de tous ses collègues et de tous les parents, leur auteur doit être puni … Sans doute afin de ne pas encourager les autres directeurs à lui emboîter le pas. Principe de dissuasion …

Deux grèves de la faim, et la mobilisation des parents, et de l’opinion, par le biais d’un comité de soutien, bien au-delà de l’école Mermoz et de Marseille, n’y ont rien fait : Pierre-Hugaux MASSI n’est plus là, et a repris à la rentrée 2022 dans un autre établissement…

2) 7/07/2022 : école de la Royale, à Alès.

Maxime TATRY, directeur, « rend son tablier »…

En cause, la plainte pénale lancée contre lui par son inspectrice, suite à une contestation devant témoins du refus de lui attribuer le poste en classe unique dont il s’occupait pourtant depuis 15 ans .

On trouvera les détails au lien suivant :

https://www.midilibre.fr/2022/07/02/lenseignant-linspectrice-la-plainte-et-le-malaise-a-leducation-nationale-10410322.php?fbclid=IwAR1QcmSr_gbN7qqqICOoCa5zDMZWX_ZR7PDv24m3eAwU5LIr3W02IQ0mYRw

Encore un enseignant dévasté, brisé, pour avoir manifesté des désaccords, pour avoir exercé son droit de grève et de manifestation.

"L’institution réprime ceux qui ne veulent pas se taire suffisamment. Je ne suis pas dans cette catégorie…" affirme-t-il en claquant la porte et en quittant la carrière pour laquelle il se sentait pourtant fait, et que tout son entourage, en dehors de sa hiérarchie trouvait faite pour lui !…

Et, pour le « dégager », à défaut de lui trouver des fautes sur le plan professionnel, on invente contre lui des allégations d’insultes et de menaces envers son inspectrice, qui ira jusqu’à porter plainte.

La plainte sera classée sans suite , grâce aux témoignages de parents présents lors de l’entretien de mai 2021 au cours duquel l’inspectrice prétend avoir été offensée, et une procédure en diffamation a été lancée en retour contre cette inspectrice …

Mon petit doigt me dit que cette inspectrice recevra de l’institution scolaire une aide, un secours, une protection, bien plus grande que celle qu’elle a (ou n’a pas...) accordée à ce directeur pour se défendre de l’attaque portée par l’inspectrice . Les journaux n’en parleront probablement jamais.

Mon petit doigt me dit aussi qu’on n’a même pas envisagé, pour cet enseignant, de lui proposer une rupture conventionnelle, alors que cette procédure venait d’être instituée.

Il part, et ça ne coûte rien … « Tout bénef ! », comme disent les purs comptables !

3) 23/02/2022 : « Il vaut mieux parler à Dieu qu’à César ! »…

C’est ainsi qu’une mère d’élève justifie d’avoir contacté Brigitte Macron directement après avoir échoué à « alerter » la direction du collège Rembrandt-Bugatti de Molsheim sur les agissements d’un professeur de lettres, Didier JODIN, qui aurait notamment « fait pleurer sa fille » et qui « humilierait ses élèves en les traitant de légumes » …

pour plus de détails : https://www.mediapart.fr/journal/france/260422/le-cabinet-de-brigitte-macron-declenche-l-inspection-d-un-professeur-de-francais

et pour la version directe, plus littéraire, du professeur mis en cause :

https://docs.google.com/document/d/1_iMl10k6G8CbSFqf_QCiygWtkUmiBTanLiKvSHopi0I/edit#

… Et donc, pour cette dame, si le principal du collège s’apparente à César, Dieu correspondrait à … Brigitte Macron ???

Passons sur le détournement de l’expression qui montre le niveau culturel de la lanceuse d’alerte, car toute plainte de parent mérite d’être écoutée, et les faits mentionnés méritent d’être vérifiés. Mais quand même …

Comment peut-on, en République, accepter une procédure dans laquelle l’épouse du Président se voit confier les attributions d’une reine ?

Comment peut-on en arriver à ce qu’une inspection soit directement diligentée après que le « cabinet de la première dame », cabinet qui n’a aucune existence juridique au sein de notre système républicain et dont on peut s’interroger sur son intérêt même dans un pur cadre protocolaire, ait assuré la plaignante de « toute l’attention portée à ses préoccupations relatives à la situation scolaire de sa fille » et de « la tenir directement informée » ?...

A-t-on porté la même attention, dans ce « cabinet » qui a plutôt des allures « d’antichambre », au point de vue du professeur sur la matérialité des faits ? On ne lui a rien demandé ! Une maman ne saurait mentir ou se tromper, Madame Macron est trop bien placée pour le savoir ...

Aurait-on institué, sans le moindre vote à l’assemblée, un « bureau des pleurs » à l’Élysée ? Tout semble le démontrer .

Beaucoup de bruit a été fait en 2017 dans la presse nationale sur le fait que « la première dame » aurait largement, très largement, influencé le choix de son mari quant au ministre de l’éducation nationale. Ce fait serait-il à l’origine de l’emploi du mot « Dieu » pour la désigner ? (… Il est vrai que pour influencer Jupiter, il faut vivre sur l’Olympe ...)

Toute cette farce, et je pèse mes mots, montre surtout deux défaillances capitales de notre administration scolaire des temps modernes :

- une bien trop grande perméabilité à des ingérences de personnes non qualifiées sur le fonctionnement des services d’enseignement,

- et surtout, une négligence totale, alors qu’il s’agit tout de même de la mission de service public d’un fonctionnaire d’État, quant à la vérification des faits et de l’existence réelle d’une faute, avant toute action qui puisse être ressentie par l’intéressé comme disciplinaire dans la mesure où cette procédure le touche de manière spécifique et qu’on ne lui a pas demandé son point de vue sur les motivations de la dite procédure ...

Si je tenais à rectifier l’oubli de ces trois cas, c’est qu’ il se trouve que les victimes de l’administration avaient en commun, outre l’amour de leur métier, une seconde caractéristique que je partage : celle de ne pas avoir peur de se manifester lorsque des décisions administratives viennent déranger le bon fonctionnement de leur service, lorsque leurs libertés pédagogiques sont bafouées, lorsqu’on veut empiéter sur leur responsabilité ou les obliger de manière abusive à agir à l’opposé de leurs convictions.

L’expression « rentrer dans le rang » n’a, en effet, absolument aucun sens dans le travail d’un enseignant. En dehors du respect des horaires, du règlement intérieur, des programmes, et de la législation, il dispose d’une liberté pédagogique individuelle.

C’est à lui et lui seul qu’il revient de concevoir sa progression, de préparer ses cours, ses exercices, ses évaluations, et tout ce qui a trait, dans la forme comme dans le fond, à la relation pédagogique, dans chacune de ses classes.

Pourtant, j’ai observé une grande mutation à la tête de notre institution, sur la durée de ma carrière, mutation consistant à vouloir, sous couvert d’une prétendue efficacité accrue, et d’un appel toujours plus grand au travail d’équipe (sans jamais daigner fournir les moyens de la concertation souhaitée), que les enseignants « fassent tous pareil ». Ce qu’ils appellent « uniformiser » le travail des enseignants, et qui revient presque à les « caporaliser » au sens où cela fait progressivement passer leur activité du niveau de « métier de concepteur et d’ intellectuel ». à celui de « travail de subalterne et d’exécutant ».

Et cela sans avoir rien changé aux statuts !

Certains se laissent faire, d’autres pas … Et c’est sur ces derniers que l’administration s’acharne.

Voici donc le début de mon histoire …

Année 2016/2017… la guerre larvée ...

Nous retrouvons donc les personnages à la rentrée 2016 avec un problème administratif conséquent : Je refusais les heures supplémentaires en représailles au retrait de l’attribution qui m’avait été faite d’une section de Terminale scientifique, remplacée par une classe « hybride » constituée de 29 élèves de Terminale ES et de 9 élèves de terminale L spécialité maths.

Vous avez bien lu cela fait donc bien 38 élèves … Classe « bipolaire », et en plus, pléthorique !

Et s’il n’y avait que cela …

On avait déjà, dans les années précédentes, organisé ce type de "mariage", permettant une gestion optimale des heures d’enseignant en profitant d’une similarité des programmes de maths sur les deux sections … Mais on avait veillé dans ces autres occasions à :

- éviter de dépasser l’effectif de 30 ou 32 élèves …

- assurer aux deux groupes une équivalence d’heures de cours de TD et d’aide personnalisée (AP)…

Faute de quoi, il y avait peu de chances que « la greffe prenne ».

En l’occurrence,

- aucune des deux autres Terminales ES n’était pléthorique. Il eut donc été « de bonne gestion » et relativement simple d’y transférer au moins trois ou quatre élèves … « Impossible ! » me répondit-on sans même chercher à le faire …

- cerise sur le gâteau, les « L spé maths » et les « ES » n’avaient pas droit au même volume horaire, les ES bénéficiant de l’aide personnalisée , les L s’en voyant privés … « Faute de moyens ... » me répondit-on sans aucun effort pour aller chercher les moyens …

Dernier facteur défavorable à la "prise de la greffe": Les littéraires en spé-maths étaient tous (sauf un élève) issus de la terminale littéraire « Bachi-Bac », d’excellents élèves, calmes, respectueux … Parmi les ES en revanche, pas un seul « bachi-bac » et même les élèves les plus performants ne pouvaient rivaliser avec l’autre groupe .

Ce n’est pas tout de demander à un enseignant de s’adapter à l’hétérogénéité d’une classe, il convient, quand c’est possible d’éviter de telles hérésies rassemblées sur un même groupe .

En même temps, on comprend mieux, après tout ce qui c’est passé, pourquoi c’est ce groupe qu’on m’a attribué au lieu de la terminale scientifique : double punition !

Mon service, tel qu’il m’avait été concocté, prévoyait donc 3 heures supplémentaires, et je refusais d’en faire plus d’une, contre laquelle je ne pouvais agir puisque le règlement la rendait incontestable.

Devant ce problème, la direction se voyait obligée de négocier, et mandata le nouveau proviseur à cette fin.

Celui-ci me présenta le tableau suivant :

En tout premier lieu, il n’avait pas encore l’autorité pour imposer à l’ancienne direction de changer leur répartition, et, s’il fallait me retirer des heures ce serait au préjudice de la fameuse classe de terminale dont on annulerait le dédoublement en TD … Je n’aurais plus que 4 heures à assurer avec elle ce qui était l’horaire légal. Et on peut imaginer le handicap que cela représenterait pour eux … plus d’accompagnement personnalisé non plus, même pour les terminale ES … Le proviseur joua même sur le scrupule affiché de devoir casser l’égalité du point de vue de l’offre scolaire entre les élèves de ma classe et ceux des autres terminales ES, comme si c’était vraiment sur moi que reposait cette égalité !...

Par ailleurs, il ne se sentait pas du tout engagé par la répartition de cette année, et, si j’acceptais les heures supplémentaires, c’est avec un œil bienveillant et en toute impartialité qu’il procéderait aux répartitions l’année suivante, sans s’interdire de m’attribuer une terminale scientifique.

Bref, une année pénible à tenir, mais un espoir à la clé.

Il avait l’air sincère … on se serra la main … et je le regrette amèrement aujourd’hui, car la suite me démontra amplement sa duplicité, son hypocrisie, et son manque de parole.

En effet, au printemps suivant, alors que je revenais aux nouvelles quant au projet de répartition pour la rentrée 2017, il m’affirma  :

-tout d’abord, « qu’on ne change pas une équipe qui gagne », (ce qui jure un peu avec les propos tenus lors de l’entretien ...)

- par ailleurs, que cela ne se passait pas bien avec ma terminale ES/L, ce qui n’était pas faux, mais qui ne relevait pas de ma responsabilité : Les deux groupes se chamaillaient, l’ambiance était malsaine, mais cela était prévisible compte tenu des indications évoquées plus haut. En revanche, ma progression suivait celle de mes collègues de terminale ES, je n’avais pas de retard sur le programme, et, si les élèves n’étaient pas satisfaits, c’était lié exclusivement à l’effectif et à l’absence de cohésion (ils ne se voyait que pendant mon cours, et le groupe littéraire ne participait pas à l’accompagnement personnalisé !)

- et enfin, qu’il s’était intéressé pour moi aux postes ouverts au mouvement en mathématiques et que deux postes se libéraient à la rentrée suivante sur le lycée voisin … Il ne tenait qu’à moi de participer au mouvement pour pouvoir accéder à une terminale S là-bas.

Sans surprise, à la fin de l’année … la promesse d’envisager pour moi l’attribution de la terminale scientifique avait fait long feu …

Pourtant, les statistiques de réussite au Bac pour ma terminale étaient conformes à la moyenne de l’académie, alors que la collègue qui avait assuré la terminale scientifique que l’on m’avait retirée avait, de son côté, des résultats aux Bac inférieurs à ceux de l’académie (« l’équipe qui gagne » n’avait pas gagné ...).

Il faut donc croire que d’autres motivations avaient guidé le choix du Proviseur.

J’en vois deux qui ont pu peser lourdement dans ce choix :

1) la pétition

Début octobre 2016, j’ai rédigé une pétition au rectorat signalant entre autres choses, le traitement inadapté fait par la Direction à une collègue d’allemand.

Cette collègue avait établi un rapport demandant de sanctionner un élève qui avait, en réponse à sa demande d’arrêter ses bavardages bruyants, osé répliquer froidement : « Vos cours, on s’en bat les couilles !... ».

À la suite de ce rapport, au lieu de décider d’une sanction, la direction organisa un entretien avec l’élève et sa mère, entretien dirigé par le nouveau Proviseur en présence de la Proviseure-adjointe, auquel la collègue fut convoquée.

Alors qu’elle s’attendait à un « remontage de bretelles » bien mérité de l’élève, l’entretien fut rapidement axé sur « les raisons qui pourrait expliquer cette réaction étrange » de l'adolescent, et, de fil en aiguille, sur une attaque en règle des pratiques pédagogiques du professeur. La mère se changeait en Procureur, et la direction laissait faire, et même alimentait le réquisitoire, en demandant à la collègue ce qu’elle avait à y répondre !… S’agirait-il de la version locale de  "l’école de la bienveillance"  ?

L’épreuve fut si violente pour la collègue qu’elle fit un malaise et qu’il fallut appeler les pompiers !

La pétition que je proposais alors, notamment en solidarité pour elle, fut signée par la quasi totalité du personnel enseignant. Il n’y fut répondu officiellement ni par la direction ni par le rectorat.

Mais, suite à cet incident, la collègue, qui était pourtant très bien intégrée depuis longtemps dans l’établissement, demanda, et obtint une mutation.

Elle n’imaginait pas pouvoir rester dans cette ambiance. Quant à moi, je n’imaginais pas que mon initiative pouvait me conduire à de futurs déboires, car je n’avais rien fait de mal, juste essayé à ma façon de rappeler que l’établissement est censé contribuer à l’éducation des élèves, pas de leurs enseignants .

2) ma réaction à la décision quant à la répartition de l’année suivante …

Constatant, en mars 2017, que le Proviseur ne comptait pas tenir parole, je lui adressai un courrier expliquant que je ne compléterais pas la fiche de vœux, car ma position dans ce domaine se résumait à une posture simple et perenne :

Je refuserais dorénavant systématiquement toute demande de la direction susceptible de refus de ma part ( heures-sup ; mission de professeur Principal, participation à des actions diverses ... ) dans la mesure où une classe de terminale S ne me serait pas attribuée.

Par ailleurs, j’argumentai ma demande d’attribution en joignant un poème en octosyllabes de ma composition : la « complainte du prof de maths qui n’a jamais eu de terminale S... »  qui fut également affiché en salle des professeurs, sur le panneau syndical, avec l’autorisation des délégués.

Curieusement, à partir de cette année-là, la direction annula sa pratique habituelle et courante consistant à mettre le point sur les répartitions à l’ordre du jour du dernier conseil d’enseignement de l’année, mais seulement deux ou trois disciplines, dont les maths …

Curieusement aussi, le « responsable de discipline », en Mathématiques, prétendait « ne pas pouvoir » présenter un tableau de répartition au nom de l’équipe de matheux, et annonçait que la répartition serait seulement discutée en tête à tête dans le bureau du proviseur, sur la base des fiches vœux…

Et il en fut ainsi désormais, toutes les années suivantes, tout au moins jusqu’à mon départ.

D’ autres « détails » de cette année-là méritent d’être cités, ici, car ils prendront de l’importance dans la suite de mon récit.

3) la gestion du cas d’un élève de seconde :

Dans la classe de seconde dont je m’occupais, un élève faisait beaucoup parler de lui en salle de professeurs … son arrogance, son attitude permanente de défi face à l’autorité des enseignants, une certaine bipolarité, l’avaient immédiatement fait remarquer comme le « cas à part » de la classe. De nombreux rapports se sont entassés à son sujet. Dans mon cas, celui que je rédigeais en mars 2017 était le troisième mais je souhaitais qu’il soit le dernier au sens où l’élève avait vraiment dépassé les bornes en me lançant comme premières paroles après avoir effectué les deux heures de retenue consécutives à sa précédente marque d’irrespect : « M’sieur, t’es un SCHLAG ! »

Mon rapport demandait à l’administration de trouver la sanction adaptée, tout en signalant qu’il me devenait impossible de le garder dans cette classe dont il perturbait à lui seul une grande partie du travail.

Au lieu du conseil de discipline et de l’exclusion temporaire ou définitive qui s’imposaient au regard de l’ensemble de son dossier, voici ce que le Proviseur arrêta comme mesure éducative :

Pas de conseil de discipline, et, par conséquent, aucune mesure d’exclusion de l’établissement. En revanche, il changeait de classe, exclusivement dans ma matière, puisque je déclarais ne plus pouvoir le contrôler

J’imagine que le lecteur a déjà repéré la perfidie de la mesure … Ce n’est pas l’élève qui est ingérable, c’est le professeur qui n’arrive pas à le gérer, nuance !

Comme pour cette classe de terminale ES/L … Ce n’est pas que les conditions perturbaient le bon fonctionnement, c’est le professeur qui n’a pas su la gérer, nuance …

Dans le cas de cet élève, le Proviseur poussera même le bouchon, au moment du dernier conseil de classe, quant il s’est agi de son orientation, alors que l’aménagement qu’il lui avait organisé lui permettait de suivre une autre classe en mathématiques, et sachant que l’élève n’avait quasiment assisté à aucun cours de maths au troisième trimestre, pas plus dans cette nouvelle classe que dans la mienne, car il était, selon ses propres affirmations aux camarades de la classe "dispensé d’y aller...".

Car, à la surprise générale, le Proviseur déclara, en « pré-conseil » que cet élève qui avait déjà un an de retard, et qu’on ne pouvait faire redoubler, allait « faire exploser » la classe de 1ère STMG dans laquelle les enseignants s’accordaient à l’envoyer, qu’il valait mieux l’envoyer en 1ère ES où il serait plus « encadré » et moins susceptible de perturber le déroulement du cours.

Je m’opposai à cette décision, en affirmant qu’il était très largement capable de « faire exploser » une 1ère ES et surtout qu’on ne pouvait raisonnablement envisager, avec le peu de maths qu’il avait apprises en seconde, qu’il puisse décrocher un baccalauréat dans cette série …

Mais le Proviseur n’en démordit pas, et son avis s’imposa, dans le silence gêné des autres enseignants .

Quoi d’étonnant à ce que l’année suivante, dès le premier trimestre, cet élève fit l’objet d’un conseil de discipline ainsi que d’une exclusion définitive ?

Lorsque c’est moi qui le demande, c’est "non" … lorsque c’est un autre enseignant, la sanction est sévère. Entre deux, on aura fait avancer la thèse de l’enseignant qui ne sait pas tenir ses élèves ...

4) l’amorce de la constitution d’un dossier « clandestin » …

Les déléguées de la classe de terminale ES (constituant l’un des groupes de ma classe) vinrent me trouver un jour(début mars) après ma classe pour m’annoncer qu’elles avaient été reçues par le proviseur pour parler de l’ambiance de classe en maths …

Il leur avait été demandé, à l’issue de cet entretien de rédiger une trace écrite de leurs constatations, et elles m’assuraient avoir refusé de le faire car la demande était clairement faite pour me faire du tort et elles voyaient bien que je n’étais en rien responsable dans le manque de qualité du travail, le problème n’étant pas d’ordre pédagogique mais organisationnel ...

Je vis dans cette annonce la preuve des intentions néfastes du nouveau proviseur envers moi et redoublai de vigilance à partir de ce moment-là.

J’apprendrais, longtemps après (trois ans plus tard), que plusieurs documents furent obtenus par le Proviseur qui dénigraient mon enseignement, et qui ne furent jamais versés à mon dossier personnel, de sorte que  j’étais dans l’impossibilité d’en contester les affirmations auprès de toute personne à qui le proviseur choisissait de les montrer .

Une de ces pièces est un billet manuscrit, soi-disant des élèves de terminale ES3 (dont les déléguées m’avaient affirmé n’avoir rien écrit…). Aucune signature nominative, ce document peut très bien avoir été écrit par un(e) seul(e) élève, pas forcément délégué(e), et sans aucune concertation avérée ...

Une autre est constituée d’un courrier de parent d’une élève de la classe de 1ère S dont je m’occupais, et d’une attestation rédigée par la personne qui s’occupait des cours particuliers à cette même élève dans le cadre de la maison « acadomia ».

Ce parent, qui n’avait jamais demandé à me rencontrer de toute l’année scolaire, et ne s’était jamais manifesté par écrit auprès de moi, avait été reçu en entretien par le proviseur en mai 2017, et invité a transmettre ces pièces. Son courrier, sous la forme qu’il m’a été donné de le voir, montre que plusieurs paragraphes ont été effacés avant transmission ...

Ainsi donc, soudainement, en juin, sans même que je sois invité à participé à l'entretien, ni informé de son existence, ni, encore moins, de ses motivations, il paraît pertinent au proviseur de demander ces pièces à charge, et il paraît judicieux à ce parent de les produire …

Précisons que le « rapport » de la professeur particulière sera présenté, dans le courrier du parent comme une "expertise Acadomia", et que le contenu des « remarques expertes » se résume à deux critiques :

- Utilisation de lettres différentes de celles du manuel dans les formules utilisées en cours (dans le cas unique des suites arithmétiques et géométriques) . Il se trouve que je ne me servais pas du tout du manuel, sauf pour des exercices d’application, et que j’avais signalé en cours l’usage courant d’autres choix de notation dans les manuels, en précisant les raisons de ma préférence pour le choix de notation…

- Allusion, dans une feuille de travaux dirigés de fin d'année, à la « méthode du point fixe » pour la recherche de racines à une équation qu’on ne peut résoudre algébriquement. Et « l’experte » est formelle : la « méthode du point fixe », elle a beau chercher, ne se trouve pas dans le programme de 1ère S…

Le professeur fait donc du « hors-programme » ! Sacrilège !

En réalité, il ne s’agissait pas pour moi d’enseigner la « méthode du point fixe », ni le théorème du même nom, mais bien de faire découvrir aux élèves, dans le cadre d’une activité de résolution de problèmes, l’année même où, dans leur programme, survenaient deux notions centrales de l’analyse que sont la Dérivée et les Suites numériques, comment ces deux notions se combinent pour résoudre un type de problème que l’on ne savait pas résoudre sans elles !

Dans l’activité, je n’employais que des techniques et des notions du programme de 1ère S, mais, comme j’avais écrit « méthode du point fixe » et malgré l'ajout  précautionneux de l'expression « une approche de ... », dans le titre de l’activité, afin précisément d’éviter tout malentendu sur les questions de programme,  cela suffisait pourtant à me rendre « hors-programme » aux yeux « experts » de cette « assistante acadomia » qui devait s’y connaître autant en mathématiques que moi en plomberie ou en chirurgie esthétique !

Cette activité, je suis très fier de l’avoir mise au point, je l’ai montrée dans le cadre d’ateliers de formation à plusieurs enseignants de mathématiques qui la trouvaient très intéressante, et chaque année où j’ai eu des classes de 1ère scientifique, je la proposais avec confiance à mes élèves, car je voyais, à chaque fois, leur satisfaction à découvrir que les mathématiques ne sont pas simplement un enchaînement de théorèmes et de notions abstraites, mais bien un moyen de résoudre des situations de plus en plus complexes, en se fabriquant les outils conceptuels au fur et à mesure des besoins.

C’est ainsi que les mathématiques avancent, ont toujours avancé, et continueront de le faire. Il s’agit peut-être là de la chose la plus importante, la plus fondamentale, à faire découvrir aux élèves dans notre discipline, et à illustrer à chaque occasion.

Cependant, le proviseur, en gardant ces « pièces » par devers lui, et en ne les évoquant qu’avec des parents d’élèves lors d’entretiens téléphoniques tout aussi "clandestins" au sens où ils ne laissent aucune trace, a pu ainsi entretenir contre moi une réputation de professeur « marginal » qui fait n’importe quoi, comme on le verra dès l’année suivante ...

Dernier élément qui mérite d'être mentionné du fait qu'il se répétera à plusieurs reprises sur cette année et la suivante :

5) la "vendetta" ...

La Proviseur-adjointe, loin d'enterrer la hache de guerre suite à notre dispute du mois de juin, montra un zèle remarquable à chercher tout détail, dans les formulations de mes appréciations sur les bulletins et les dossiers scolaires, susceptible de reproche à son point de vue, et à signaler ses trouvailles au proviseur, qui, pour lui être agréable ou pour me mettre mal à l'aise, me convoquait pour des séances d'explications de textes ...

Quelques bulletins étaient "stabylotés" au niveau du passage que la proviseur-adjointe voulait me voir corriger et le proviseur me demandait simplement ce que "je voulais dire par là...".

Je répondais immanquablement que je "voulais dire" très exactement ce que j'avais écrit, que cela faisait plus de 35 ans que je rédigeais des appréciations, et que je n'avais jamais eu besoin d'un tuteur dans ce domaine.

Et par ailleurs, je rappelais que les cases "appréciation du professeur" relèvent strictement de ma responsabilité, qu'il n'était pas question pour moi d'accepter que mes appréciations soient corrigées, et que je ne reconnaissais à Madame la Proviseur-adjointe aucune compétence ni autorité pour le faire.

Je remarquais d'ailleurs que, si son adjointe opérait ainsi pour tous les enseignants du lycée, cela ne lui laisserait pas beaucoup de temps pour assumer ses vraies responsabilités dans l'établissement.

Enfin, vous voyez l'ambiance ... Cette ambiance qui ne fera que s'envenimer dans les mois à venir ...

Mais je laisse cela pour le prochain épisode !

Merci pour votre attention, et à bientôt ...

La suite sera accessible par le lien suivant, dès qu'elle sera mise en ligne :    SUITE du récit.

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