Rentrée des clashs
épisode 2 - « l’escalade »- années 2016/2017 et début 2018/2019
Les billets précédents de ce "feuilleton" se trouvent aux liens suivants :
Je vous retrouve pour ce nouvel épisode de mes chroniques, et je réalise que, tout bien considéré, jusqu’à présent, dans les faits, les points de tension de mon récit, si l’on met de côtés mes références à une exploitation ultérieure, se résument à des situations finalement très courantes dans le cadre des relations professionnelles , et plus précisément dans la relation hiérarchique.
Le supérieur est investi d’un pouvoir, et la tentation est forcément grande d’oublier l’impartialité réglementaire lorsque l’application de son autorité porte sur des éléments subjectifs ou tout au moins impossibles à mesurer. Refuser une faveur, ce n’est pas vouloir du mal, c’est encore moins harceler ...
Voici pourtant, selon mon analyse, la cause profonde de la recrudescence des conflits, ces dernières années, dans la relation hiérarchique au sein de notre vieille institution :
Il y a quarante ans la relation hiérarchique dans les établissements entre le Proviseur et les enseignants n’avait aucune prise sur tout ce qui touchait à la pédagogie. Seuls les inspecteurs pédagogiques avaient compétence et autorité pour critiquer le travail de l’enseignant dans sa classe, et l’autorité du chef d’établissement se bornait aux question d’assiduité de ponctualité et d’organisation matérielle.
De toutes mes années collège et lycée, par exemple, je n’ai constaté aucun conflit entre mes chefs d’établissements et leurs professeurs, dont les méthodes et les pratiques (des uns comme des autres, d'ailleurs...) étaient du reste bien plus diverses qu’elles ne le sont aujourd’hui …
Depuis quelques années, et de plus en plus depuis l’arrivée de Monsieur Blanquer au ministère, les chefs d’établissements servent de « courroie de transmission » de réformes imposées à la va-vite, alors qu’elles supposent des changements radicaux dans leurs pratiques, le plus souvent non approuvés par les enseignants, y compris, et même surtout, dans leurs pratiques pédagogiques.
Fatalement, il y a des « frottements » dans la transmission !
Une image pour décrire cela …
Il y a quarante ans, chaque enseignant pouvait se ressentir comme un berger, à s’occuper de son troupeau (...pardon pour les élèves, c’est pour les besoins de l’argumentation !…) et le chef d’établissement était gestionnaire de l’ensemble du "cheptel" (pardon encore ...). Peu de relations, peu de source de conflit.
Mais l’idée a germé dans l’esprit de certains gouvernants, qu’il y avait des marges importantes d’optimisation économique à homogénéiser les pratiques de l’ensemble hétéroclite des enseignants de France, et c’est ainsi qu’on l’a, d’une certaine manière, transformé lui-même en « troupeau » … Un troupeau qu’il fallait guider, conduire, mettre au pas …
Les chefs d’établissements sont devenus des gardians !
Ça change tout !
La dimension pédagogique de l’autorité du chef d’établissement, est précisément la « pique » que l’institution a donnée à ces derniers pour ramener sur le droit chemin le taureau qui voudrait s’en écarter.
Seulement voilà …
Les esprits des gens sont les mêmes ! Quand on est né berger, on n’est pas d’accord pour être traiter comme un taureau !
Tous les nouveaux gardians n’ont pas appris à manier leur nouvelle pique !
Et puis surtout, comme à chaque fois, quand on attribue un pouvoir à quelqu’un, on s’expose à ce qu’il en abuse. C’est de ce danger là que l’institution ne s’est pas suffisamment protégée.
Pour situer tout cela par rapport à mon récit, disons que mon "gardian", sur la première année n’avait pas ménagé sa pique, mais cela restait, tout au moins en apparences (si l’on excepte les choses dont je n’étais pas encore au courant), dans une limite acceptable … Je pensais juste avoir affaire à un gardian trop « zélé » quant à l’obéissance aveugle aux directives, et j’ignorais qu’il ne s’agissait là que de la façade, car en dehors des « coups de piques réglementaires », il me préparait d’autres tours à sa façon, destinés à ce que le taureau que j’étais soit déclaré non conforme au cahier des charges, et qu’il soit en conséquence écarté du troupeau !
L’épisode d’aujourd’hui va nous mener à l’équivalent d'un "signalement de ses actes à la ligue contre la souffrance animale" ...
Année scolaire 2017/2018 : le calme avant la tempête …
Je me souviendrai de cette année comme de la dernière vécue de manière normale, et même heureuse à bien des moments …
Bien entendu, on me refusait encore la terminale S, mais je m’étais fait une raison : de mon côté, je ne ferais plus aucune concession non plus.
Bien sûr, on ajoutait encore dans le discrédit à mes compétences pédagogiques, en me retirant aussi la terminale ES afin d’alimenter la rumeur sur mon incapacité à assurer des classes « d’examen », mais au moins, les trois sections qu’on m’attribuaient allaient s’avérer attachantes et même gratifiantes. Que demander de plus ?
Cela fait que je ne trouve qu’assez peu de chose à raconter, dans le droit fil de mon récit.
Quelques détails tout de même :
1) La sortie de mon livre :
Mon roman « Seleneometry- les géomètres sont dans la Lune » est paru aux éditions EDILIVRE, ce qui était pour moi, comme on peut l’imaginer, un événement de première importance.
Étant donné qu’il s’agit d’un roman d’initiation à la géométrie, inspiré directement de mes expériences d’enseignement, j’aurais trouvé adapté d’avoir l’occasion d’en faire une présentation au sein de l’établissement, et cela aurait éventuellement pu amener à faire parler de l’établissement dans la presse, ce qui, semble-t-il, est devenu un critère de rayonnement .
Que je participe au rayonnement de l’établissement n’allait pas dans le sens de la stratégie du Proviseur et de son adjointe … Ils firent donc comme si cette information ne leur était jamais parvenue.
Pourtant, à l’occasion de cette sortie, l’un des responsables du site WEB « culturemaths » m’a contacté.
« Culturemaths », qui n’est rien moins que le site de référence des dernières nouveautés des mathématiques et de leur enseignement édité par l’école Normale Supérieure et l’Inspection générale de mathématique, ce qui signifie qu’un article paru sur ce site a la double caution :
- De l’autorité institutionnelle en termes de pédagogie et didactique des maths
- De l’autorité scientifique de l’école formant l’élite des chercheurs
Je proposais un article intitulé « abstraction et imagination – les deux leviers de la pratique géométrique ». Et cet article fut édité, en même temps que l’annonce de mon livre.
https://culturemath.ens.fr/thematiques/college/abstraction-et-imagination-les-deux-leviers-de-la-pratique-geometrique
Malgré tout cet environnement montrant la qualité de mes textes, aucun écho de tout cela ne sembla inciter la direction de l’établissement à profiter de la vague pour faire parler de l’établissement.
Une présentation de l’ouvrage, avec exposé de l’auteur et séance de dédicaces eut bien lieu, et certains collègues, parents et élèves de mes classes y furent conviés ; mais cela ne put se dérouler dans l’enceinte du lycée … n’est-ce pas symptomatique ?
2) L’étrange mise en garde …
La professeur principale de la classe de 1ère S qu’on m’avait attribuée, vint un soir de mi-novembre me signaler, à la suite d’une heure de vie de classe avec les élèves, que « certains parents » avaient l’intention de poser des questions au premier conseil de classe concernant le fait que je faisais du « hors-programme », qu’il s’étaient renseigné sur le site « éduscol » et que les cours que je faisais noter aux élèves, ne leur paraissaient pas respecter les textes ... sans parler du danger de ne pas pouvoir finir le programme …
Ma surprise était totale, car aucun élève, ni aucun parent, ne m’avait fait part préalablement de ce type de questionnement.
L’affaire était d’autant plus inquiétante qu’on énonçait un pluriel (« certains parents ») sans dire ni les identités, ce qui m’aurait permis de « cibler » ma réponse, ni même le nombre, ce qui m’aurait permis de mesurer l’ampleur du problème à régler.
Mais, puisqu’on m’avait mis au courant, je me devais de répondre.
Un courrier à tous les parents de la classe en question fut adressé le jour-même, par lequel je rassurais tout le monde sur la réalisation du programme complet ainsi que sur le respect des notions à parcourir, en rappelant que j’étais, à tout moment, à leur disposition pour dissiper leurs inquiétudes et que j’avais d’ailleurs distribué dès le jour de la rentrée un document dans lequel le planning de l’année était donné. Ils pouvaient s’y référer pour constater son bon déroulement. Enfin je mettais l’accent sur le fait que j’avais récemment fait l’objet d’une inspection qui, loin de signaler des manquements, concluait à une confiance renouvelée dans mon professionnalisme et avait même abouti à ma sélection pour la promotion à la hors-classe des agrégés…
… il n’y eut finalement aucune question de parents concernant ma pratique du « hors-programme », et je pus terminer le programme, comme chaque année .
Mais cet épisode resta dans ma mémoire comme la trace de quelque chose de malsain, quelque chose de l’ordre de la rumeur, de la diffamation, de l’opprobre. Je me souviens, à ce moment-là, d’avoir suspecté l’intervention de la proviseur-adjointe auprès de parents « choisis » pour leur crédulité … mais il n’était pas question d’accuser quiconque sans preuve. Il me manquait en fait, pour tout comprendre, une donnée que j’ai évoquée dans l’ épisode précédent : l’entretien du proviseur avec le parent d’élève de 1ère S au printemps précédent et les documents écrits qu’il en obtint .
Aujourd’hui, ce nouvel élément de novembre 2017 prend une teinte bien moins anodine : l’inquiétude finale des parents, c’était que le programme ne soit pas parcouru dans son entier, et peut-on croire que cette inquiétude soit née toute seule dans leur esprit, sans qu’aucun d’eux n’ait cherché à me rencontrer, lorsqu’on sait que le proviseur détenait clandestinement des documents qui dénigraient mon enseignement, notamment sur l’axe du « Hors-Programme » ?...
3) La « sortie de route » de la Proviseur-Adjointe …
Non contente de continuer à relire toutes les appréciations que je rédigeais sur les bulletins et de provoquer des convocations chez le proviseur pour m’en expliquer, voilà que, lors d’un conseil de classe de seconde qu’elle dirigeait, avant de faire entrer les parents et les élèves, mais devant l’ensemble des enseignants de la classe en question, la Proviseur-Adjointe se permit une critique directe à mon égard sur le cas d’un élève auquel j’avais donné l’appréciation trimestrielle suivante :
« Je soupçonne une grave erreur d'orientation. Si au moins Anthony pouvait respecter le travail des autres, je comprendrais, mais cela ne semble pas non plus dans ses cordes ... »
Elle détailla cette appréciation après avoir annoncé qu’il « faudra la revoir ... », en disant que la première phrase, on ne pouvait pas l’écrire , car elle mettait en cause le travail des collègues du collège ; quant à la seconde, on ne pouvait l’écrire non plus, car c’est un jugement de valeur …
L’endroit étant mal choisi pour en débattre avec elle, et son attitude n’étant pas, à ce moment-là, propice à un dialogue sur ce thème, je la laissai dire, tout en mémorisant le fait que je devais surveiller ce qu’il adviendrait de ce bulletin, pressentant déjà que j’allais devoir encore me justifier devant le Proviseur.
Il n’y eut aucune « convocation » sur ce thème. En revanche, quelques jours après, quelle ne fut pas ma surprise en constatant que mon appréciation en question avait été changée d’autorité, sans rien me dire !
J’écrivis un courrier au proviseur demandant des explications et réclamant la rectification immédiate de cette censure abusive.
Le Proviseur me reçut dans son bureau, il m’apporta une justification selon laquelle son adjointe, croyant surligner un passage, l’aurait, en fait, supprimé par erreur.
Il m’affirma que l’appréciation d’origine avait bien été restaurée conformément à ma volonté et que je pouvais le vérifier sur l’E.N.T.
Mais il ne fit rien pour que les parents reçoivent le bulletin rectifié, alors qu’ils avaient déjà reçu celui où mon appréciation avait été censurée… Son adjointe avait fait une erreur qu’elle regrette ; « inutile de l’humilier devant les parents ». (M’humilier moi, en conseil de classe, devant mes collègues, ça, ça passe ...)
Par une sorte d’accord tacite, il s’arrangerait dorénavant pour qu’aucune de mes classes ne soit « chapeautée » du point de vue des conseils trimestriels par son adjointe, et moi, je renonçais à pousser plus loin ma réclamation …
début d’ année scolaire 2018/2019 : La crise !...
Rien ne laissait présager à la rentrée le cataclysme qui se préparait déjà à l’horizon de quelques semaines…
Bien sûr, les relations s’étaient dégradées au sein de l’équipe de mathématiques …
J’avais refusé de participer à la « réunion de pré-conseil d’enseignement » du fait que le coordonnateur refusait de mettre à l’ordre du jour un point que je considérais comme essentiel : organiser entre nous une proposition de répartitions de sorte que ce ne soit plus le proviseur qui distribue arbitrairement les classes en fonction de la soumission et du fayotage des uns ou des autres mais qu’il y ait une règle garantissant à chacun l’impartialité.
Mon absence n’empêcha pas les collègues d’ajouter des points à l’ordre du jour sans m’en avertir, puis d’en rendre compte au conseil d’enseignement en présentant ces propositions comme des réflexions de l’équipe alors que mon avis n’avait même pas été sollicité entre deux !
L’une de ces propositions concernait l’organisation de Devoirs Surveillés communs en 1ère S avec sa conséquence toute naturelle : l’adoption d’une progression commune à toutes les 1ère S ...
Ils avaient, pour être clair, décidé sans moi, que je devais faire « comme eux » dès lors qu’on m’attribuait une 1ère S !… Ils avaient même établi, toujours sans moi, la fameuse progression. Trop aimables ...
C’est à la rentrée de septembre que je pris connaissance de la dite « progression commune », si démocratiquement obtenue, et après avoir au sein de l’équipe montré des incohérences que les collègues n’envisageaient pas de rectifier, je décidais de faire valoir ma liberté pédagogique et de continuer à choisir moi-même ma progression. Il y avait donc cette année-là, mais tous les enseignants et le coordonnateur en étaient informés, quatre classes qui adoptaient la progression commune, et une qui suivait une autre progression comme la réglementation l’y autorise. Voilà tout…
Je n’ai pas pensé à le signaler immédiatement aux parents d’élèves de la classe que j’avais en responsabilité parce que je ne m’attendais pas à ce que cela pose le moindre problème, dans la mesure où j’annonçais dès la rentrée, dans un document à leur intention, le planning prévu pour l’année, en même temps que mes pratiques en termes d’évaluation et d’organisation du travail des élèves.
Mais c’est dans ce détail-là que le diable alla se nicher …
On imagine assez facilement le mécanisme : C’est la rentrée, et aucun de mes élèves de cette classe ne me connaît, pas plus que leurs parents (pas de frère où sœur qui soit passé(e) dans une de mes classes), et, par contre, plusieurs camarades de l’an dernier ayant, au gré des options choisies, débouché dans une autre 1ère S … Les élèves parlent entre eux de ce qu’ils font en maths , et il apparaît qu’ils ne font pas la même chose en même temps .
Un élève en parle à ses parents, et le parent d’élève demande des explications au proviseur, la machinerie est en place.
Jusque là, il n’y a rien qui sorte de l’ordinaire. Rien qui puisse déclencher quelque problème que ce soit : Il suffit que le chef d’établissement redirige le parent vers le professeur concerné, qui renseigne et rassure le parent, et l’affaire est close.
Mais, comme je l’ai dit, le diable était là, niché, bien tapi ...
Quelle belle occasion pour le proviseur, à l’abri d’une conversation téléphonique, qui ne laisse aucune trace, d’instiller le doute dans l’esprit de ce parent, d’évoquer des « difficultés » passées avec l’enseignant de son enfant, et son impuissance en tant que proviseur à débarrasser l’établissement d’un enseignant indésirable qui présente la double caractéristique contrariante d’être titulaire avec une telle ancienneté … d’évoquer les éléments de son « dossier clandestin » en précisant qu’il suffirait peut-être de nouveaux courriers de signalement pour que l’administration décide enfin d’agir … De préciser que, de son côté, il fait tout ce qu’il peut pour limiter les « dégâts » en refusant systématiquement d’attribuer une terminale à ce professeur qui ne sait déjà pas finir son programme en 1èreS … Qu’en serait-il en terminale ?…
Bref un tableau inquiétant pour tout parent qui l’entendrait …
Et puis, au point où on en est, si on ajoute qu’il serait souhaitable d’agir dans l’anonymat afin que le professeur ne puisse s’en prendre aux élèves dont les parents se plaindraient et qu’on s’engage à préserver cet anonymat, cela renforce du même coup la sécurité du proviseur lui-même, dont l’action reste dans l’ombre … Machiavel en serait jaloux !
Autre élément « diabolique » de cet enchaînement : L’élève dont le parent a pris contact avec le proviseur fait partie d’un groupe de « sport-études- natation », et plusieurs de ses camarades de la classe sont dans ce même groupe d’élèves, dont les parents se connaissent depuis plusieurs années du fait du parcours scolaire de leur enfant créant une sorte de « mini-communauté » portée naturellement à la solidarité.
Du reste les enfants suivent systématiquement les cours en se regroupant selon le sport qu’ils pratiquent. On peut imaginer que les informations données par le proviseur à l’un des parents se soit vite propagées à la communauté comme étant « l’affaire de la Rentrée ... », sans même que je puisse rien soupçonner !..
C’est ainsi que dès le 27/09/2018, trois semaines après la rentrée scolaire, un premier courrier « au vitriol », signé par trois parents de la classe, était adressé au proviseur, avec copie au Rectorat et aux inspecteurs de mathématiques. Ce courrier, je n’en verrai pas la couleur avant le mois de janvier 2019, nous verrons au prix de quels efforts !
Le proviseur ne m’en parlera même pas !… Peut-être le trouvait-il trop virulent ? Peut-être pensait-il que « le fruit n’était pas encore mûr » ?
Il y eut en tout cas de nouvelles conversations téléphoniques avec des « parents de nageurs » qui débouchèrent sur un second courrier 13/10/2018 qui associait deux réclamations, l’une contre l’enseignante de français, et l’autre contre moi …
Ce second courrier était signé cette fois de cinq parents, et ne fut seulement porté à ma connaissance dans le bureau du proviseur, complètement anonymisé, et censuré de tout ce qui portait sur ma collègue de français, que le 6 novembre suivant … à quoi bon se presser ?
Sa lecture se révéla pour moi une déflagration inédite dans toute ma carrière d’enseignant !
second courrier de parents 13-10-2018Comment des parents d’élèves qui ne m’avaient jamais rencontré, qui n’avaient jamais cherché la moindre explication de ma part pouvaient-ils se montrer aussi convaincus de mon incompétence ?
L’attitude du proviseur était encore plus bizarre, puisqu’il présentait ce document en disant qu’il « ne comprenait pas » et qu’il comptait sur moi pour rassurer ces parents et faire tomber la pression sans daigner me donner l’identité des auteurs, dont il disait qu’ils avaient demandé l’anonymat … Qu’il n’avait pas réussi à empêcher ce courrier par ses arguments au téléphone, et qu’il comptait sur moi pour mettre les choses au clair. « Et surtout , tenez-moi au courant ... » concluait-il …
Je ne m’expliquais pas qu’il n’ait pas, le jour-même de la réception du courrier organisé un entretien de confrontation entre les parents concernés et moi.
C’est le soir-même que je rédigeais, à l’attention de tous les parents de la classe en question un courrier par lequel
- je m’étonnais de la procédure choisie par les signataires (j’envoyais copie du document que le proviseur m’avait confié),
- Je rappelais que j’avais fourni un document à leur intention le jour de la rentrée, décrivant le parcours mathématique de l’année pour leur enfant, et les modalités du travail et de l’évaluation.
-Je rappelais surtout qu’il existe aujourd’hui de nombreux moyens de dialogue avec les enseignants pour un parent qui se pose des questions sur la scolarité de son enfant avant de devoir en venir à un signalement à la hiérarchie,
- Et je répondais point par point à chacun des griefs contenus dans le courrier.
J’adressais copie au proviseur de cet envoi.
Dès le lendemain, je recevais plusieurs messages de parents scandalisés, qui m’apportaient leur soutien, en niant avoir été informés de l’initiative des signataires.
réactions de parents à mon courrierJe consacrai le cours suivant dans cette classe à fournir aux élèves toute l’information nécessaire sur les différences de programmation avec les autres 1ère S, de manière à ne plus jamais devoir revenir sur ce détail qui n’aurait pour eux aucune véritable conséquence, dès lors qu’il se sortaient de la tête l’idée que les éléments déjà vus, par les autres, étaient pour eux des « retards dans le programme », car c’est seulement en fin d’année qu’on peut mesurer les retards : Nous avions « de l’avance » sur d’autres points du programme par rapport aux autres !…
Après quoi, je rédigeais un courrier à la Rectrice, par la voie hiérarchique, pour lui dire que j’attachais une grande importance à ce qu’une enquête fasse la lumière sur l’origine de cet incident, et à ce qu’une réponse officielle soit donnée aux signataires, ne serait-ce que pour pouvoir fermer le dossier sans que la rumeur que ces courriers décrivaient puisse renaître de ses cendres.
Il n’y eut ni enquête, ni réponse officielle … Rien qui me permette de laisser l’incident « derrière moi ».
Alors au fil des semaines, je revins à la charge auprès du proviseur et du rectorat pour obtenir l’identité des signataires.
Et, puisqu’il n’y avait pas d’enquête, ni réponse officielle, je voulais faire ma propre enquête, afin de « tuer le mal à la racine ». Jusqu’à finir par rédiger une demande officielle de transmission des documents originaux, en invoquant un recours à la CADA en cas de refus.
À la fin des semaines que dura cette démarche, nous venions de terminer le premier trimestre. Aucun parent de la classe ne s’était manifesté depuis mon message de réponse, et le proviseur me disait « l’incendie semble éteint ... mais à quoi bon remettre de l’huile sur le feu … » il rechignait encore à me fournir les fameux originaux.
Par contre, il me convoqua dans son bureau pour un motif surprenant :
Mes collègues de mathématiques se plaignaient de mon absence à toutes les concertations pour les 1ère S (suivi de la progression commune et mise au point du DS commun …). Ils présentaient le tableau comme si je m’étais détaché d’un engagement que j’avais pris envers eux, et s’en remettaient à l’autorité du proviseur sans même m’avoir demandé une explication au préalable !
Je répondis que je m’étais largement exprimé en début d’année, sur le fait que la progression décidée en mon absence, sans mon accord, et sans même me demander mon avis, ne me convenait pas ; que j’avais décidé de conserver la structure de la progression que je suivais depuis trois ans, et dont j’étais satisfait, et que je m’en étais expliqué avec le responsable de discipline par mail en début d’année. Que je ne voyais donc pas l’intérêt d’assister à leur soi-disant « concertation », qui se résumait à passer les récréations ensemble dans la petite salle des profs … Je n’avais refusé aucune « invitation » à participer aux débats car il n’y avait pas eu de « réunion de concertation », décidée sur ce sujet, à laquelle on m’aurait convié. Et, quant à la préparation du premier DS Commun, dans la mesure où nos progressions respectives ne comportaient qu’un seul chapitre commun, il me paraissait illusoire, et cela allait de soi, de joindre ma classe à ce projet, nous verrions au second trimestre si on peut trouver un terrain d’entente. J’allais donc profiter de la plage du DS commun pour donner un DS « spécial » à mes élèves, qui compterait double dans la moyenne car l’épreuve serait sur 2h, et cela conserverait au moins la caractéristique de préparation et d’entraînement à l’épreuve écrite du BAC ...
Ce petit épisode montre bien le niveau de « complicité » qui s’était installée au sein de l’établissement pour concourir à mon ostracisation. On voulait très clairement me déstabiliser, et me coller l’étiquette de « mouton noir », qui ne sait pas et ne veut pas travailler en équipe .
À la rentrée de janvier, voyant que j’étais résolu à ma démarche contentieuse en cas de refus, et tout en me conseillant encore de ne pas relancer les parents, le proviseur consentit à me donner les fameux documents, c’est à dire non seulement la copie intégrale du second courrier, mais aussi celle du premier qui était seulement cité comme pièce jointe dans le second.
Et ce premier courrier, au sens chronologique, est encore bien plus consternant que le premier qu’il m’avait été donné de consulter !
J’y suis décrit comme un enseignant incapable, en précisant que « tout le monde le sait, et que personne ne fait rien ! »
premier courrier des parents 27-09-2018Ayant pris connaissance du niveau des accusations portées contre moi, il me devînt radicalement impossible de laisser une telle attaque sans réponse. Je rédigeai donc un nouveau courrier au proviseur, en demandant encore qu’une réponse ferme et claire soit adressée officiellement aux parents signataires, et j’envoyai copie de ce courrier à tous les « ayant cause », qu’il s’agisse des parents signataires, du Rectorat, de la direction de l’établissement, de l’inspection de mathématiques, ou même de l’équipe de maths du lycée … Je voulais, quel(s) que soi(en)t le(les) initiateur(s) de cette machination, que le retentissement de ma réaction soit si puissant qu’il oblige le(s) loup(s) à sortir du bois … Alors, je conclus ce courrier par les mots suivants :
« Que reste-t-il donc des critiques mentionnées dans les courriers ?
Rien pour vous, m'avez-vous affirmé la semaine dernière, en me disant que cela fait longtemps que cette affaire vous semblait réglée.
Rien non plus, m'avez-vous dit, aux yeux de Madame G..., IPR de mathématiques, qui vous aurait affirmé qu'il n'était même pas nécessaire de passer voir mon travail dans la classe et que les inspections passées suffisaient à me conserver la confiance.
Si j'ai tout lieu de me réjouir de ces deux points, il n'en reste pas moins que :
Les deux courriers des parents doivent être posés tout en haut de mon dossier professionnel au rectorat. C'est la dernière pièce, donc la plus visible, la première que Madame la Rectrice consulterait si elle devait par exemple, et cela devrait se produire automatiquement dans quelques mois, se prononcer sur mon accès à la Classe Exceptionnelle …
C'est pourquoi j'adresse copie de la présente à Madame la Rectrice en lui demandant de répondre officiellement aux courriers de ces parents, de manière à ce que le dossier puisse être définitivement fermé par cette réponse, qui sera jointe à mon dossier.
Les parents qui avaient adressé ce courrier, ne m'ont pas contacté depuis ma réponse de novembre, et si rien dans l'attitude de leurs enfants, mes élèves, ne me donne à penser que le malaise perdure, rien non plus ne m'avait donné à penser, au moment où les courriers sont partis que le malaise existait …
C'est pourquoi je leur adresse copie de la présente en leur demandant s'ils maintiennent leurs affirmations ou si le malaise est bien dissipé.
Enfin, l'avis de mes collègues, évoqué dans la lettre, cette « difficulté qu'ils auraient à rattraper en terminale les lacunes systématiques que j'aurais créées en 1ère du fait de ma carence... » … Cette façon de présenter les choses avec moi dans le rôle de l'incendiaire et eux dans le rôle des pompiers … Comment ne pas y voir en germe une source de problèmes à venir ?...
Vous m'avez dit avoir reçu les professeurs d' EPS sur cette affaire parce qu'ils s'étaient solidarisés avec Monsieur S... qui s'élevait contre sa mise en cause comme ayant connaissance des problèmes de la classe avec les enseignants de Français et Maths … Que disent mes collègues de mathématiques de leur mise en cause à eux ???
C'est pourquoi je prends l'initiative de leur adresser aussi copie de la présente ainsi que du courrier cité en objet, en leur demandant ce qu'il en est vraiment, c'est à dire s'ils se sont directement ou indirectement prononcés sur la façon dont je construis ou je programme mon cours de sorte que ces parents puissent se réclamer de leur avis de professionnel ?
Dans l'espoir que mes contrariétés s'arrêtent là, et que je pourrai dorénavant continuer sereinement mon travail, dont je maintiens qu'il se passe bien dans cette classe, malgré de nombreuses circonstances qui compliquent ma tâche ainsi que celle des élèves,
Et en vous remerciant pour l'attention que vous aurez bien voulu accorder à la présente,
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Proviseur, mes plus respectueuses salutations ».
La réaction du proviseur à ce courrier fut de me dire qu’il consentait à faire un écrit pour clore cette affaire mais qu’il convenait de la rédiger en commun avec l’inspectrice de maths et qu’il allait la contacter.
La réaction du Rectorat fut la même que depuis ma première sollicitation : silence complet.
Pas un mot, pas la moindre réponse orale, de mes collègues non plus, ce qui ne faisait qu’ajouter au malaise lié à la « progression commune » et au DS commun évoqué plus haut…
… En revanche … une réaction, ô combien inattendue, ô combien révélatrice, de l’un des parents signataires ! Cette réaction prit la forme d’un envoi en copie d’un courrier qu’il adressait au proviseur, et dont je ne résiste pas à l’envie de vous la faire partager …
lettre de Monsieur C- 18-01-2019Je connaissais donc, enfin, la « version des parents » sur la genèse de cette affaire ! Cette version jetait un éclairage intense sur le rôle « moteur » et « concepteur » du chef d’établissement, et ne pouvait laisser le moindre doute à tout esprit impartial…
Pour comble de hasard, je pris connaissance de ce courrier alors que je sortais, le jour-même, du bureau du proviseur qui m’avait informé de ce que, dans la perspective de faire un courrier commun avec lui, l’Inspectrice se devait d’avoir un entretien type « inspection hors-PPCR » avec moi dans lequel je lui présenterais mes documents de travail en lui soumettant les réflexions ayant mené à mes choix .
Que l’on s’imagine les cogitations que la situation a pu m’inspirer …
Le proviseur vient d’apprendre que le parent d’élève s’épanche sur les « ficelles » de son opération ; et cherche à verrouiller la situation pour limiter les retombées sur sa personne . Comment interpréter autrement son attitude ? Peut-être même espère-t-il encore que la fameuse inspection apaisera les parents, au sens où c’est ce qui était demandé au début, et, qui sait, par un heureux hasard, l’inspectrice trouvera-t-elle des choses à reprocher à l’enseignant que je suis, et on pourra monter cela en épingle pour dresser de moi un tableau qui corroborera les inquiétudes initiales et validera a posteriori, leur signalement …
Mais est-ce ainsi que les choses doivent se passer ?
Ne sommes-nous plus dans un service public, où l’État est responsable de la sécurité de ses agents dans l’exercice de leurs fonctions ?
J’en vins donc à la conclusion que je devais mettre l’administration devant ses responsabilités en formulant officiellement une demande de protection fonctionnelle, quitte à ce que cette affaire entre dans une dimension de contentieux administratif pour l’obtenir.
De même, je décidai de porter plainte contre X pour dénonciation calomnieuse auprès du procureur de la République.
Réservons tout cela pour les prochains épisodes, vous n’êtes pas au bout de vos surprises …
Mais je prie le lecteur de me croire : devant le scandale que représentait ce courrier du parent d’élève, je pensais que le plus dur était passé, que la lumière était faite, et que tout allait rentrer dans l’ordre, par « la force des choses », parce que nous sommes dans un « état de droit », parce que l’institution scolaire ne peut tolérer les injustices et les fautes criantes dès lors qu’elles sont commises « au grand jour » …
Ce que l’on peut être candide, quand on est de bonne foi !...
Merci pour votre fidélité à ce récit, et à la prochaine.
Lien pour l’épisode suivant dès qu'il sera activé : SUITE du récit .