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Billet de blog 1 novembre 2022

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Rentrée des clashs- Suite 3

L'administration scolaire a-t'elle une conception de la protection fonctionnelle "à deux vitesses" dans le cadre d'un différend opposant un enseignant avec un personnel de direction ? Je soutiens, en détournant un peu une morale de La Fontaine que "selon que vous serez Proviseur ou simple professeur, vous aurez en l'institution scolaire une alliée ou une adversaire"...

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Rentrée des clashs 
épisode 3 -  « l’administration réagit enfin … ou pas ... » -  avril 2019 ,

Pour accéder aux épisodes précédents :


introduction :
épisode 1 « les signes avant-coureurs » : 
épisode 2 « l’escalade » :
 

Le présent épisode sera sans doute le plus court de tous : 
J’ai voulu isoler dans mon récit ce qui fut le « point culminant » de mon chemin de croix. 
Ce moment où, enfin, je reçois une réponse officielle de l’institution que j’appelais à l’aide depuis plusieurs mois … Une réponse dont je ne doutais pas, avant de la recevoir, qu’elle représentait pour moi la fin du cauchemar, car je croyais naïvement, à l’époque, qu’à partir du moment où les textes réglementaires affirmaient des droits, l’administration était tenue de les respecter … que l’administration suivait les règles « par nature », comme un automate répond au mécanisme qu’on lui a imposé. 
Simpliste comme raisonnement mais tout de même logique, non ?... 
Comment pouvais-je imaginer qu’une administration puisse avoir des « ratés » dans son moteur, des « caprices » analogues à la voiture qui survire, au fusil qui s’enraye, ou à l’avion qui part en vrille ?
Et pourtant … 
Depuis ce jour de fin avril 2019, il m’a bien fallu revoir tout mon schéma de compréhension, ma « théorie », du fonctionnement de cette institution, à laquelle j’avais consacré ma vie, en remplaçant l’un de ses axiomes principaux :
On remplace : « la volonté politique de la nation se traduit par des textes qui régissent le fonctionnement des  institutions publiques » 
par : « la volonté politique des personnes placées aux postes de direction des institutions régissent le fonctionnement des institutions, par leur interprétation , parfois très singulière et pas toujours de bonne foi, des textes mis en place. » .
Et voilà qui change tout !...


Le hasard faisant bien les choses, il y a quelques semaines, pendant que je rédigeais l’épisode 1 de ce feuilleton, le Rectorat de Lille mettait en ligne son nouveau « projet académique » pour la période 2022-2025, intitulé : « pour une excellence inclusive ... ».

à consulter ici...

Le deuxième volet de ce texte s’intéresse tout particulièrement à « l’excellence inclusive grâce et pour nos personnels ». ( … la faute grammaticale soulignée n’est pas de mon fait : je ne fais que reproduire textuellement le sous-titre.)
On y trouve des phrases montrant de très belles intentions :
    - « Tous les personnels doivent évoluer dans un environnement professionnel de qualité, propice aux échanges apaisés entre collègues, dans lequel ils se sentent respectés. » 
    - « une grande vigilance doit être apportée, dans le cadre du suivi des agents, à la rapidité des réponses et à l’empathie. »
    - «  La réflexion autour de l’amélioration des conditions de travail est poursuivie en ayant une attention particulière aux aspects psychosociaux, en portant une attention forte aux relations de travail, à la bienveillance, et à la qualité des échanges professionnels. »
     En les lisant, je me demandais quelles étaient les intentions dans ce domaine, affichées dans le projet académique précédent, et surtout quel bilan avait été tiré, toujours dans ce domaine de la qualité de vie au travail, après la réalisation de ce projet … Ce projet, qui était en cours à l’époque des faits que je décris, puisqu’il portait sur la période 2018-2021.
    Le croirez-vous ? J’ai beau chercher, je ne trouve trace aujourd’hui,  ni du projet lui-même, ni de son évaluation, alors que ces éléments sont en principe indispensables à la constitution du nouveau projet...
    Serait-ce parce que le Rectorat n’est pas très fier de cette évaluation ?
    Serait-ce parce que l’ancien projet était tout aussi rutilant que le nouveau, et que comme le nouveau projet, il était seulement destiné à présenter une « vitrine » bien propre, dans un domaine où l’administration sait bien que ses pratiques, au quotidien étaient, et resteront, moins reluisantes…
    J’aurais bien aimé, moi, en novembre 2018, pouvoir constater une réaction à mon appel à l’aide, qui me prouve la « vigilance », la « rapidité de réponse » et « l’empathie », au sein de mon administration … Mais c’est loin d’être ce à quoi j’ai assisté.
    Pour parler de « rapidité de réponse », il aurait déjà fallu qu’il y ait une réponse … Et de réponse il n’y en eut pas.


    « La maison brûle, et on regarde ailleurs... » disait Jacques CHIRAC en parlant, à l’ONU, de la question du traitement de la crise climatique comme d’un devoir de protection que les dirigeants du monde négligeaient, face à des impératifs de croissance industrielle, commerciale, financière ... 
    C’est un peu le même désintérêt dont j’ai été le témoin de la part du Rectorat de LILLE sur le thème de la protection réglementaire que doit l’État à ses agents dans le cadre de leur mission.

Cela n’entrait tout simplement pas dans ses priorités. Cela passait loin, très loin, derrière l’impérieux, quoique non écrit, « pas de vagues »…

 C’est ainsi que durant tous ces mois où j’appelais à l’aide, je ne trouvais personne pour m’entendre. Le message était clair : quand je serais fatigué de me plaindre, "l’affaire" s’éteindrait d’elle-même, et on pourrait dire qu’il n’y avait pas, qu’il n’y avait jamais eu, de réel problème.
  De même, lorsque je réclamais l’attribution de la protection fonctionnelle, à partir du moment où la responsabilité du chef d’établissement était mise en lumière, en janvier 2019, alors même que le caractère d’urgence de ce type de situation impose à l’administration de réagir avec diligence, ce fut encore une « absence de réponse » qui fut la réponse !
    On laissa volontairement passer les deux mois d’attente imposés par la loi avant toute contestation contentieuse d’un refus implicite né de l’absence de réponse …
    Puis, seulement lorsqu’on eut confirmation que je n’allais pas « lâcher l’affaire », et qu’un dossier était réellement ouvert au tribunal administratif, on faisait mine de se réveiller et de répondre enfin à ma demande de fin janvier … on était le 08/04/2019  ou même plus tard car je ne reçus le courrier que le 25/04 !    
Et cette réponse, la voici !

courrier du 08/04/2019 (pdf, 164.6 kB)

    Vous la sentez « l’empathie » ?…  Et le soin à apporter une réponse rapide au « personnel en souffrance » ?… Et le souci d’apporter une clarté sur les faits, afin d’y trouver la réponse la plus ajustée aux responsabilités respectives des personnes ... vous les sentez ?
    En quoi a consisté l’enquête, au juste ? Lisez bien, tout est exprimé dans cette réponse, tardive mais si explicite :
1) « Les parents accusateurs ne sont pas loin de la vérité ! »
A-t’on nommé un enquêteur « officiel » se chargeant de confronter les allégations des uns et des autres en contrôlant les éléments de preuves de ce qu’ils affirment ? Nullement.
 A-t’on seulement réuni les auteurs des courriers, le chef d’établissement et le professeur en cause, alors que la question du maintien de l’anonymat était devenue caduque,  afin qu’ils se parlent devant un modérateur, chargé de veiller à éliminer les zones d’ombres de cette affaire ? Pas davantage.
Non, aucune « urgence » sur ces deux points, pourtant fondamentaux pour toute autorité dont la priorité serait d’établir la vérité des faits, pour assurer un caractère de justesse et de justice à ses décisions.
L’urgence était visiblement ailleurs ... 
Et il y eut bien quelqu’un chargé d’une tâche urgente et délicate, mais qui n’avait rien à voir avec le différend à trancher : Il y eut quelqu’un dont la mission fut d’éplucher consciencieusement les rapports de mes dernières inspections, pour y dénicher tout ce qui pouvait aller « dans le sens » des accusations des courriers de parents, quitte à sortir des morceaux de phrases de leurs contexte ! 
Pourtant aucun des deux extraits reproduits dans ce courrier ne dit que je suis incapable de finir le programme de 1ère S, et chacune des deux inspections citées s’était conclue par une augmentation substantielle de la note pédagogique ! Serait-ce le cas pour un professeur incompétent ?…
Pas grave, l’important c’est de donner à penser qu’il est impossible de donner tort aux parents, et et à plus forte raison, au proviseur.
2) « les parents ne dépassent pas les limites de la liberté d’expression... »
Il aurait donc manqué , qu’en plus, ils me traitent de noms d’oiseaux ou m’accusent de pédophilie !
On en conclut que, dès lors que les parents d’élèves s’expriment sans gros mots, ils peuvent écrire n’importe quoi sur n’importe quel professeur, sans que cela soit pris pour une attaque à la dignité du fonctionnaire, de sorte que l’État se trouve de fait dispensé de lui apporter son soutien ... 
La calomnie a-t-elle besoin d’être grossière ou injurieuse pour être blessante ?
3) « Le Recteur n’a pas à répondre à un courrier adressé au chef d’établissement, à la place du chef d’établissement ... »
Peut-on savoir ce qui l’interdit ?… 
L’administration était sollicitée par un courrier des parents qui appelait une réponse.
Ce qui est précisément « interdit », ou plus simplement anormal, c’est de ne donner aucune réponse officielle, ni du côté du chef d’établissement, ni de celui des autorités ayant fait l’objet de transmission en copie !
4) « Le chef d’établissement a eu tort de divulguer les noms des parents ... »
… Est-ce une raison pour ne pas tenir le moindre compte de la conséquence de cette divulgation ?... Je veux parler du courrier de l’un des parents qui dévoile la manière dont les « informations » lui sont parvenues, et qui met en cause le proviseur de manière criante.
Car enfin ... aucun des arguments de cette réponse rectorale ne porte sur le comportement pour le moins étrange de ce supérieur hiérarchique, dont l’un des rôles au sein de l’établissement consiste justement à éviter les tensions entre les « acteurs » de la vie éducative, et non à les provoquer !…
Or, comme le lecteur l’aura compris, c’est essentiellement contre les agissements illégaux et pernicieux du proviseur, que je demandais à être protégé.

Enfin … Le meilleur est toujours à la fin dans ce genre de courriers d’intimidation :
5) « Je vous enjoins d’employer à l’avenir un langage moins péremptoire pour vous adresser à la hiérarchie, et de ne pas mettre impunément en cause votre chef d’établissement ... »
Sauf qu’en l’occurrence, le langage péremptoire et la mise en cause venait directement du parent d’élève !…  je cite : 
    • « à quel jeu jouez-vous ?... » ; « maintenant que vous avez mis de l’huile sur le feu que va-t-il se passer  !... » … ça c’est pour le ton …
    • « vous nous avez dit vous nous avez promis vous nous avez demandé devous avez refusé de nous rencontrernos noms devaient rester confidentiels, selon vos dires, car vous craigniiez que Monsieur Rodriguez s’en prenne à nos enfants ... » ça c’est pour la mise en cause !
Comment décrire la désillusion, le dépit, la tristesse, l’indignation qui furent les miens à lire ce courrier ?

Chacun des points que je viens de détailler était comme un coup de massue supplémentaire.

Ma souffrance était telle, que j’en vins à connaître le texte du courrier par cœur et qu’il hantait chacun de mes moments de solitude... 
Même un détail aussi mesquin que l’argument initial, sur le fait que mon courrier n’était, soi-disant, pas parvenu au service juridique du Rectorat et que cela expliquait le délai de leur réponse, je ne parvenais plus à l’effacer de ma conscience :
Mon courrier avait été adressé par la voie hiérarchique !… Si donc il n’était pas parvenu au service juridique, ce dont je doute très fortement, en quoi pouvait-on m’en rendre responsable ? Cela signifierait simplement que la transmission au sein des bureaux administratifs avait été défaillante …

Au milieu de tout cela, un seul point annoncé pouvait être retenu comme positif, comme réponse à ma demande de médiation : Le DRH était alerté de la situation et avait pris l'attache avec le  doyen des IPR afin de faire intervenir l'IPR de mathématiques ...

   .... dont j'attends encore l'intervention !

C’est donc ainsi que mon administration, parfaitement consciente des difficultés dans lesquelles mon supérieur hiérarchique m’avait plongé, parfaitement consciente qu’il était de son devoir de m’assister, a choisi délibérément de n’en rien faire, en ajoutant la « manière », le « style », pour mieux me décourager de poursuivre ma lutte.
Voilà comment, au nom de l’institution scolaire, l’administration s’adresse à un agent qui n’avait commis aucune faute et qui appelait à l’aide contre ce qu’il ressentait comme un lynchage psychologique !

Le coup fut dur, très dur, à encaisser … ma dignité d’enseignant fut piétinée ce jour-là, et ce ne sera pas la dernière fois. S’en relèvera-t-elle un jour ?...

Je peux affirmer que sans l’amour de mes proches et la solidarité de plusieurs personnes autour de moi, j’aurais probablement sombré bien plus profondément que je ne le fis.

Qu’ils en soient tous remerciés …
La suite de mon récit montrera les nombreux écueils que l’administration et mon proviseur allaient encore me réserver. Vous pourrez la lire en cliquant sur le lien suivant dès qu’il sera activé …

Suite ...  

Merci de m’avoir encore accordé votre attention, et à la prochaine ...

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