Que dire ? Se taire. Hurler ? Chialer ? Marcher ? Chacun cherchera sa "manière impossible" de se consoler. Certains rapidement, d’autres mettront du temps. Mais dans tous les cœurs et les esprits il y aura un avant et un après 7 janvier. Une ligne de fracture de notre histoire individuelle et collective.
17 assassinats et des blessés. Des noms médiatisés, d’autres connus que de leurs proches. Tous fauchés par les mêmes rafales meurtrières et barbares. Massacrés par des mercenaires de la foi… du sang. Armes lourdes contre crayons. Pas besoin d’un dessin pour voir où se situe le courage.
Et Dieu dans tout ça ? Toujours injoignable ? En réunion ? Pas au courant que depuis des siècles des individus se réclamant de lui tuent et violent. Hier les croisés, aujourd’hui les islamistes. Capable de créer le monde, incapable de mettre aux pas Ses assassins. Rien ne change sous les cieux ; il devrait avoir pourtant une vue plongeante sur les exactions commises en son nom. Expulser Dieu de la terre ? Le mettre en orbite pour qu’il aille officier sur d’autres planètes?
Désolé mais, face à cette folie meurtrière qui dépasse l’entendement, l’envie de redevenir athégriste me taraude. Cracher sur toutes les religions. Une poussée de haine antireligieuse. Connerie de l’amalgame toujours facile, j’en conviens. En effet, ne jouons pas le jeu de ces barbares cherchant à nous plonger dans la réaction épidermique. Nous entretuer. Et les aider à faire imploser la démocratie.
Ce serait plus simple si la religion était la seule responsable de ces horreurs. Non, la barbarie a des racines beaucoup plus profondes que certains voudraient nous faire croire. Elle n’est pas le fruit de telle ou telle religion (même si l’islamisme – pas la majorité des musulmans– en est le principal représentant en ce moment). Quelles qu’en soient les raisons, elle génère des assassins. Tueurs de rêves et de laïcité. Fossoyeurs d'enfance et de poésie.
Qui sont ces barbares ? Un croisement de nouvelle technologie et sourates du Coran enfoncées dans le crâne ? Incultes du 21 ème siècle élevés par Youtube, la téléralité, et le dernier Imam ( extrémiste ou pas )du coin qui a parlé ? Chacun, personnalité ou anonyme de bord de comptoir, aura son idée. Pas un billet écrit à chaud qui pourra répondre à toutes ces questions. Ni apporter une solution.
Comprendre la genèse de ces nouveaux barbares, réfléchir sur leur parcours est important. Mais sans oublier de les combattre. Marine le Pen, Zemmour, Finkielkraut etc, ont des solutions radicales. D’autres pensent que l’éducation et la culture pourront venir à bout de cette folie mobile qui traverse la planète. La tragédie de Charlie Hebdo confortera sans doute les radicaux. 2015 est très mal parti pour le vivre ensemble.
Aujourd’hui, nous sommes abattus. Comme dans un coma collectif, prêt à céder à une forme de liberté dépression. A quoi bon ? Plus facile à dire qu’à faire mais essayons d’être à la hauteur de ces résistants préférant mourir debout qu’à genoux. Nous le leur devons, ainsi qu’à la liberté d’expression dont la caricature est le fer de lance.
Charb et sa bande n'auraient pas aimé se faire enculter, encarter, ou panthéoniser. Trop libres et bien mal élevés pour entrer à l'Académie française de la caricature. Leur humour noir, sauvage, punk, cruel, libertaire, libertin, parfois injuste et con, etc, refusait de bien se tenir à table. Conchiant les puissants et la connerie, ils braquaient leurs crayons tels des armes de dérision massive. Ne rêvant pas et ne pensant pas dans les clous.
L'humour est souvent une façon de chialer sans déranger les larmes. Aujourd'hui, elles semblent vouloir prendre le dessus. N'offrons pas ce triste spectacle aux assassins incultes qui veulent nous faire baisser la tête et polluer notre présent. Alimentons la flamme irrévérencieuse de Charb et sa bande. Des "ka-lâches" ont déjà eu leurs peaux criblées de balles. N'offrons pas en plus leurs plumes athées et insoumises. Continuons de rire des autres et de soi.
* Merci à Libération d'avoir publié un extrait de ce texte.
* Dieu ne répond pas à son courrier. "Lettre à un personnage de fiction : Dieu;" paru en février 2014 dans Faits Religieux.
Un texte reparu ici.