Un rapport de la Cour des comptes concernant « Les mesures d’aide exceptionnelles : une sortie de crise à achever pour le budget de l’État », finalisé en septembre 2024, a été rendu public le 9 janvier 2025. Il est présenté sous forme d’une « Contribution à la revue des dépenses publiques en vue des projets de lois de finances 2025 et 2026 ». Comme pour les primes aux employeurs d’apprentis, les auteurs du rapport recommandent au gouvernement des pistes pour réduire le coût contrat.
En introduisant le coût contrat, la loi Pénicaud du 5 septembre 2018 « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel » a libéralisé la formation par apprentissage. Dès lors, le nombre des Centres de Formation d’Apprentis (CFA) a plus que triplé puisque l’ouverture d’un établissement nécessite qu'une simple déclaration de l’organisme de formation ! Il n’y a aucune limitation en volume au financement des formations ainsi créées, ce qui exacerbe la concurrence et génère des dérapages pédagogiques et financiers.
Pour chaque contrat d’apprentissage signé, une somme est attribuée au CFA en fonction d’un niveau de prise en charge (NPEC) fixé par les branches professionnelles ou, à défaut, par l’Etat (sur proposition de France compétences).
Depuis la promulgation de la loi, de nombreux rapports et études (IGAS, IGF, Sénat, Cour des comptes,..) ont pointé les dysfonctionnements causés par cette réforme. Le financement des CFA repose, non plus sur des subventions régionales et une partie de la taxe d’apprentissage, mais sur un financement au contrat. Selon la Cour des Comptes, ce changement a fait augmenter le coût moyen par apprenti “d'au moins 17 % ”. Elle recommande donc une diminution des NPEC. Dans le même temps, un autre rapport du Sénat indique que les dotations dépassent, en moyenne, de 20 % le coût des formations !
Suite à ces différents constats, le ministère du Travail a opéré deux diminutions des NPEC (2,7 % en 2022 puis 5,2 % en 2023) générant une économie substantielle. Mais comme l’ont précisé les auteurs du rapport de la Cour des comptes : « Cet effort n’est cependant pas suffisant, les coûts moyens de l’apprentissage restant élevés et croissants (7 954 € en 2022 contre 7 602 € en 2021) ». En effet « les contributions versées par les entreprises pour en couvrir le coût sont insuffisantes. » !
Il est important de noter que cette nouvelle gestion financière permet aux CFA de générer un taux de marge supérieur à 10 % (20,9 % pour les structures privées). En conséquence, l’État se trouve obligé de soutenir France Compétences, le régulateur financier de l’apprentissage, par des subventions exceptionnelles : 2,85 Md€ en 2021, 4,0 Md€ en 2022, 1,8 M€ en 2023 et à titre prévisionnel de 2,3 Md€ en 2024.
La privatisation des CFA acte un changement de paradigme où le service public cède la place au « marché ». C’est ainsi qu’à travers sa dépêche du 5 décembre 2023, l’Agence France Presse (AFP) nous informe que 32,5% des excédents des CFA au statut de société commerciale finissaient en dividendes aux actionnaires, alors que les CFA des réseaux consulaires comme les CMA les réinvestissent quasi-intégralement dans la formation. Tout comme les CFA organisés en associations ou en structures publiques. Une précision : les établissements au statut de société commerciale représentent 62 % des CFA…
Christian Sauce et Nasr Lakhsassi