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Billet de blog 8 août 2025

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Pablo Iglesias, le journalisme et... la vérité

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Dans un récent billet j'affirmais que Iglesias mentait en passant sous silence le sort réservé à Huber Matos (entre autres). il récidive dans une video d'une heure où le nom du Comandante Matos, condamné à vingt ans de prison, n'est pas prononcé; Je récidive donc... sans la moindre illusion.

Illustration 1
Huber Matos à droite et Camilo Cienfuegos n protection de Fidel Castro

Nul ne songe, en tout cas pas moi, à reprocher à Pablo Iglesias d'être un militant qui après être passé de la rue au pouvoir (Vice Premier ministre de Pedro Sanchez ) tente de promouvoir un journalisme militant dont la première qualité doit être nécessairement la recherche et la mise à nue de la vérité. Las, si l'intention est louable la réalisation et sa pratique sont trop souvent contestables.

Après avoir quitté le gouvernement Pablo Iglesias est revenu au journalisme : il a créé une chaîne de télévision « Canal Red » (le 6 mars 23) à financement participatif puis le journal en ligne « Red » dans l'intention de pratiquer un journalisme de vérité, militant certes, mais honnête. Le projet est énoncé ainsi : « Briser le bloc du pouvoir médiatique ».

Canal Red se développe rapidement grâce à des émissions à la fois variées, vivantes et fort documentées. Le succès de Canal Red s'étend à toute l'Amérique latine sous l'impulsion de Inna Afinogénova une jeune journaliste russe spécialiste de l'Amérique latine qui a fui la Russie après l'invasion de l'Ukraine pour pouvoir pratiquer un journalisme libre et indépendant.

Le succès de Canal Red s'explique d'abord par le dynamisme de Iglesias et de ses jeunes journalistes mais aussi par une implication sans faille dans le combat pour l'émancipation du monde hispanique

Implication cependant dont l'honnêteté laisse forte à désirer : ainsi nombre d'émissions ne sont ni plus ni moins que des panégyriques de « caudillos » dont évidemment le plus prestigieux est Fidel Castro en personne.

Dans nombre de ces émissions est également décrite une histoire de la révolution cubaine et de la situation actuelle de Cuba prés de 70 ans après la révolution qui pour le moins en prennent à leur aise avec la vérité historique mais aussi politique et économique actuelle.

Pour le voir prenons simplement l' exemples d'une émission récente diffusées sur Canal Red , La cause déterminantes de l'échec de la révolution, car il s'agit bien d'un échec qui aboutit aujourd'hui, en 2025, à la situation tragique d'une population en grande partie affamée, une population vieillissante car les jeunes n'ont d'autres soucis que de quitter Lille dès qu'il le peuvent.

La cause, donc, se trouve entièrement dans l'embargo décrété par les États-Unis : le mot embargo y est prononcé une vingtaine de fois pour le moins comme pour convaincre le lecteur de ce que tout le monde sait : l'embargo est quelque chose de l'ordre du crime contre l'humanité puisque son objectif n'est autre que de contraindre tout un peuple à accepter la domination et le mode de vie de l'empire en l'affamant si nécessaire . Et, en effet, l'embargo est un crime comme l'est aujourd'hui le blocus israélien de Gaza dont l'aspect génocidaire ne fait plus aucun doute pour personne .

Pour autant cette vérité ne saurait effacer par le silence les crimes commis par les dirigeants révolutionnaires dès leur prise du pouvoir et même avant pour certains. L'embargo ne saurait effacer les exécutions sans jugement véritable de centaines d'hommes et femmes dans les murs de la sinistre Cabaña, exécutions commises sous l'autorité absolue du Che pour qui toute dissidence est traîtrise et le traître un « gusano », une vermine et « un hijo de puta » selon les termes rapportés dans son livre par Pierre Kalfon peu suspect d'anticommunisme primaire.

L'embargo ne saurait effacer le traitement réservé à Huber Matos dont le nom n'est mêmes pas cité dans cette émission : Huber Matos fut le 4e « commandante » après les deux Castro, le Che et Camilo Cienfuegos adoubé par Fidel Castro lui-même. Il était enseignant en même temps que petit agriculteur en Oriente. Il s'engagea dans la lutte révolutionnaire jusqu'à lui sacrifier sa petite ferme (celle de ses parents) et réussi à ramener du Costa Rica quelques 5 tonnes d'armes et de munitions dans l'avion piloté par son camarade Pedro Luis Díaz Lanz après un atterrissage acrobatique en pleine Sierra Maestra le 20 mars 1958.

Castro est fou de joie : avec ça nous sommes sûrs du triomphe de la révolution ! Il presse Huber Matos sur sa poitrine et le bombarde sans délai et sans consulter quiconque « Commandante », le plus haut grade de l'armée rebelle et lui confie le commandement d'une nouvelle colonne, la 9, avec mission de libérer Santiago de Cuba et toute la région d'Oriente .

Castro exigera en outre que Hubert soit à ses côtés en compagnie de Camillo lors de son entrée triomphale à La Havane, ce qui fut fait comme le montre la célèbre photo de Castro entouré de ses deux « escoltas ». Puis Huber est nommé Gouverneur militaire de la province de Camagüey où il commence à réaliser la réforme agraire promise. Et c'est ici que les choses s'enveniment car la conception de la réforme de Huber ne correspond pas aux ordres De Castro.

Depuis quelques temps déjà nombre de murmures se font entendre parmi les « guerrilleros » de la première heure quant à la dérive de plus en plus évidente De Castro vers un régime autoritaire sous l'influence des communistes alors que celui-ci avait juré ses grandes dieux (voir les deux « manifestios de la Sierra ») qu'il n'était pas communiste qu'il ne le serait jamais, que la révolution ne serait ni communiste ni socialiste mais « verde olivo » c'est-à-dire démocratique et typiquement cubaine .

Dans cette situation Hubert, plutôt social-démocrate révolutionnaire, adressa à Castro une première lettre de démission lui expliquant qu'il ne partageait pas la nouvelle orientation de la révolution mais que ne voulant pas être un obstacle il souhaitait se retirer et reprendre son métier d'enseignant en Oriente. Castro refusa cette démission en jurant de son amour pour la démocratie.

D'où la 2e lettre de démission de Huber et son arrestation dans son bureau de Commandante de Camagüey, arrestation dont Castro à donné l'ordre à... Camilo de la réaiser lui-même .

Je laisse le soin à chacun de découvrir les péripéties de cette arrestation dans les livres les plus sérieux consacrés à l'histoire de la révolution cubaine et je tiens à signaler ici l'ouvrage qui me semble le plus travaillé le plus documenté et qui analyse finement l'attitude des intellectuels d'abord fervents partisans de Fidel Castro avant de s'en séparer avec fracas à l'occasion de l'affaire Padilla. on y trouve entre autres les noms de Sartre, Beauvoir et Vargas Llosa : il s'agit de « LaLune et le Caudillo » de Jeannine Verdès-Leroux ( Gallimard, 1989).

Précisons tout de même que Huber Matos fut condamné à 20 ans de prison à la Cabaña, qu'il refusa, question d'honneur dit-il, de fuir l'île comme il aurait pu le faire. Au cours du procès il affronta sans baisser les yeux Castro qui s'était intronisé procureur numéro un et il accompli ses 20 ans de prison, au jour près dans les pires conditions.

Quant à Camilo, on le sait, il disparut corps et bien avec son avion alors qu'il regagnait La Havane. Malgré des recherches « intensives » il ne sera pas retrouvé mais sera encensé par Castro avec toute l'enfase dont celui-ci est capable, il sera devenu le guérillero héroïque exemplaire mais sans doute quelque peu encombrant et sa mort laisse toute la place au seul « caudillo » auquel Camilo faisait de l'ombre puisque il était au moins aussi populaire que le Commandant jefe. La question ne sera jamais tranchée : Camilo a-t-il été assassiné par les Frères Castro ? Impossible se désolent certains historiens « officiels » avec cependant quelque gêne dans le propos. D'autres que l'on qualifiera prestement de vermine anti-castriste, historiens et une multitude de témoins, par exemple Benigno ce « guajiro » que le Che prit sous son aile dans la Sierra et qui le suivra jusqu'en Bolivie d'où il pourra fuir miracleusement pour finir ses jours en France à Villejuif.

L'épopée de Benigno est passée sous silence dans l'émission consacré par Iglesias à la révolution cubaine comme son passés sous silence les noms de Matos et de Padilla, cet écrivain qui fut obligé de faire des aveux dans le plus pur style stalinien ce qui ouvrit enfin les yeux aux intellectuels adulateurs De Castro.

Mais il suffit, il est temps de poser la question : alors Pablo Iglesias ! ce journalisme militant est-il un journalisme de vérité, un journalisme de rigueur intellectuelle ou... pure propagande ?

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