Dans la figure 1 ci-dessous, issue du site Covidtracker, nous avons fait apparaître sur la même période continue de 18 mois les courbes représentant les nouvelles admissions hospitalières, puis en réanimation, ainsi que le taux de positivité à l’issue des tests de dépistage du virus du Covid en population générale. Nous constatons ici quatre “vagues” ou pics épidémiques par rapport à ces indicateurs, celle de l’automne 2020 est communément attribuée à la souche virale “originelle” provenant de Wuhan, celle du printemps 2021 correspondait essentiellement au variant alpha (qualifié auparavant de variant “anglais”), puis a succédé le variant delta durant l’été, et enfin la vague actuelle, qui a débuté avec une résurgence de delta, à laquelle se sont ajoutées les infections liées au variant omicron. Dans le même temps, la vaccination (2 doses ou plus) de la population âgée de plus de 12 ans a augmenté progressivement, dès février 2021, jusqu’à l’atteinte d’un plateau équivalent à un taux proche de 90 % de la population cible.
Ainsi, la situation a évolué au regard des différents variants successifs, conférant l’acquisition progressive d’une immunité naturelle, complétée en principe par la campagne de vaccination massive qui devait amener fin 2021 à la protection définitive, pour la très grande majorité des français. Par ailleurs, on constate avec ces courbes qu’une hausse du taux de positivité, lors des différentes vagues, reflète évidemment une forte hausse des contaminations, mais semble aussi anticiper une forte hausse des hospitalisations (soit les formes plus graves de l’infection), qui se produisent généralement ensuite avec un décalage d’une à deux semaine(s). On voit que durant les vagues “alpha” ainsi que “delta”, un taux de positivité moyen de 7 % (mars à mai 2021) correspondait à des admissions journalières d’environ 1600-1800 personnes dans les services hospitaliers (et un quart de celles-ci étaient ensuite transférées en réanimation), et que pour un taux de 4 % (août 2021), quasi-inférieur de moitié par rapport au précédent, cela correspondait ensuite à une moyenne de 800-900 hospitalisations quotidiennes (avec toujours un quart de formes très graves associées). Il semble donc ressortir une forme de proportionnalité entre le taux de positivité et le niveau de gravité des infections, et cette proportionnalité n'apparaît pas, au premier abord, particulièrement dépendante du niveau de vaccination croissant tout au long de l’année 2021.

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Il est également à noter, dans la figure 2, que le nombre de tests a augmenté assez significativement depuis l’automne 2020 (quasiment 10 fois plus de tests hebdomadaires réalisés fin 2021 par rapport à la même période de l’année précédente), et qu’il devient alors délicat de se baser sur la seule indication du taux d’incidence. En d’autre termes, pour une population touchée dans son ensemble par le virus, selon des proportions comparables, lors des différentes vagues épidémiques, réaliser plus de tests induit proportionnellement plus d’infections détectées, et donc hausse mécanique du taux d’incidence. Il est ainsi préférable, comme fait auparavant dans la figure 1, de ne considérer que les variations du taux de positivité (qui ne dépend plus du nombre de résultats obtenus, dès lors qu’on considère des centaines de milliers de données pour un même estimateur), lorsqu’on souhaite établir par la suite une corrélation avec d’autres indicateurs épidémiologiques (ici les admissions hospitalières, puis en réanimation).

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C’est ainsi qu’en reportant l’évolution régulière des taux d’incidence (pour 1 million d’individus) en fonction de l’augmentations des hospitalisations hebdomadaires (également ramenées à 1 million d’individus), nous pouvons voir ci-dessous (figure 3) un décrochage (ou décorrélation) pour des taux d’incidence inférieurs à 200 pour 1 000 000. A l’inverse, nous constatons une relation assez linéaire entre le taux de positivité et les hospitalisations de septembre 2020 à décembre 2021. Nous retrouvons ainsi la proportionnalité que l’on supposait déjà auparavant, les points correspondants aux pics du printemps et de l’été 2021 étant particulièrement proches de la droite de corrélation apparaissant en pointillés bleus.

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Dans la figure qui suit, par souci de clarté, nous n’avons considéré que le taux de positivité en lien avec les nouvelles entrées hospitalières associées. On constate toujours l’alignement des points selon la droite de corrélation jusqu’à décembre 2021. Seule la donnée correspondant au pic actuel (début janvier 2022) se détache nettement. Aussi, c’est durant la dernière semaine de décembre 2021 que le variant omicron a pris le dessus sur le variant delta (le premier représentant au moins trois quarts des souches virales séquencées à partir de cette date).

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Ainsi, il semblerait que les vagues successives de l’automne 2020, puis du printemps et de l’été 2021, aient présenté des gravités augmentant proportionnellement avec les taux de positivité. Soit encore que quel que soit le pic épidémique, même durant les mois d'août-septembre 2021 et un taux de vaccination déjà assez conséquent de l’ensemble de la population (plus de 75 % des plus de 12 ans), cela se traduit très probablement par la même gravité globale, puis répercussion sur les hospitalisations pour infections Covid. Cela ne remet pas pour autant et entièrement en cause l’importance de la vaccination durant ces périodes, car nous avons pu constater en parallèle une diminution de la mortalité pour des niveaux d’hospitalisations comparables. Sans doute aussi que l’effet de la vaccination sur la réduction assez légère du risque d’hospitalisation, et de passage en réanimation, serait à mettre au regard de l’âge (et/ou des facteurs de risques aggravants comme les comorbidités) de la population infectée et vaccinée au préalable. Toutefois, cela interroge à nouveau sur la pertinence, voire le bénéfice réel, d’avoir contraint à une vaccination massive l’ensemble de la population adolescente et adulte, au vu de tels résultats ?

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D’autre part, si on en revient à la vague en cours cet hiver, on a vu que le nombre d’hospitalisations et de passages en soins de réanimations s’éloignait de la droite de corrélation, ce qui pourrait indiquer une baisse de la gravité malgré un taux de positivité pourtant jamais atteint auparavant, désormais proche de 20 %. On constate avec les deux corrélations précédentes (figures 4 et 5) que la projection d’un taux de positivité à un niveau aussi élevé aurait pu potentiellement entraîner le double d’admissions hospitalières (près de 400/1 M et par jour contre 213 observées effectivement, soit -45 %), ainsi qu’en réanimations (77/1 M par jour contre 35, soit -55 %). Par ailleurs, en comparant le pic de janvier 2022 (taux de positivité de 19 %) avec celui de septembre 2020 (taux de positivité proche de 14 %), on observe alors une gravité relative diminuée seulement d’un quart environ (-28 à -24 %), ce qui apparaît au final assez limité en termes de différences.
Au moins deux interprétations sont envisageables à ce stade :
- il est possible d’observer ici un effet plutôt modéré, et partiel, de la vaccination quant à la meilleure protection des personnes les plus vulnérables (d’autant qu’elles ont déjà reçu pour la plupart une dose de rappel),
- mais on pourrait aussi attribuer cela à la seule baisse de dangerosité intrinsèque du variant omicron, notamment par rapport aux souches virales antérieures.
En l’état, il paraît encore bien difficile de trancher entre ces deux suppositions et interrogations, alors que leurs réponses seraient cruciales à l’heure où un pass vaccinal va s’imposer à tous, sans discernement…