Bien qu’Emmanuel Macron tente par tous les moyens d’empêcher l’arrivée d’un gouvernement du Nouveau Front Populaire (NFP), il revient bien à cette coalition arrivée en tête le 7 juillet de proposer nom d’un Premier ministre issu de ses rangs.
Néanmoins, alors que le choix de cette personne devrait reposer sur des considérations politiques, notamment la capacité à garantir la mise en place des principales mesures du programme du NFP, une frange de sympathisants du NFP ou autres commentateurs semblent davantage faire reposer ce choix sur d’autres critères, relevant davantage de considérations petites-bourgeoises au sein desquelles l’anti-LFIsme, et ce faisant l’anti-mélenchonisme, tiennent une place de choix.
Un tel comportement n’est certes ni surprenant, ni nouveau, on l’avait vu à l’œuvre lors de l’épisode "primaire populaire » en 2022,mais il est toujours aussi affligeant.
Affligeant tout d’abord parce qu’il est toujours pénible de devoir subir les commentaires d’une amicale de petits-bourgeois pour qui le critère le plus dirimant concernant le choix d’un représentant politique reste le degré de proximité à l’ethos petit-bourgeois. Ainsi, le représentant politique ne doit pas parler trop fort (chez ces gens-là on sait se tenir), ni verser dans le conflit (entre personnes de bonne compagnie, on est tout à fait réceptif aux arguments rationnels, élever le ton est d’ailleurs un aveu de faiblesse) et encore moins se mettre en colère (car chacun le sait la colère est mauvaise conseillère). Si ce représentant est capable d’humour (plutôt subtil et de bon goût bien évidemment), a fréquenté les mêmes écoles et sait adopter une forme de coolitude chic, l’amicale petite-bourgeoise tombe alors en pâmoison et est même prête à enfiler ses baskets éthiques pour distribuer quelques tracts à deux rues de chez elles, dans les quartiers n’appartenant pas au secteur de l’établissement scolaire de leur progéniture. Le choix d’un représentant politique, notamment d’un Premier ministre, devrait pourtant relever d’autres considérations que celles de savoir si cette personne est digne ou pas de figurer dans l’un des dîners de cette amicale.
Affligeant ensuite car pour une partie d’entre-elles, ces personnes ne semblent pas se rendre compte du rôle d’idiots utiles qu’elles jouent et de l’instrumentalisation dont elles sont l’objet de la part de nos adversaires. Quand ce ne sera plus LFI qui posera problème, ce seront d’autres membres du NFP car au fond c’est le programme du NFP qui pose problème. Il suffit de voir les déclarations récentes de Maud Bregeon qui ajoute EELV à LFI dans la liste des indésirables. On serait donc tenté de dire à notre amicale « choisi ton camp camarade », la gauche ou la bourgeoisie.
Affligeant enfin, car il y a quand même une forme d’ingratitude et de sectarisme à exclure a priori un membre de LFI, et notamment son chef de file, de la liste des candidats possibles à la fonction de Premier ministre. En effet, sans LFI, nous connaitrions aujourd’hui la situation de l’Italie, c’est-à-dire l’extrême droite au pouvoir et la disparition de la gauche. Peu de forces au sein du NFP, peuvent se prévaloir du fait d’avoir sauvé la gauche (ceci est même rendu beaucoup plus difficile quand certains de ses membres ont participé à des gouvernements au cours du quinquennat Hollande ou ses ont peu opposés à la politique menée durant ce quinquennat). S’agissant de la capacité à rassembler, souvent invoqué comme étant un point faible de LFI, on peut aussi se dire d’une force qui a préféré la NUPES au fait « de se compter » aux législatives de 2022 (quand d’autres partenaires ont fait le choix inverse aux élections européennes) et qui a accepté de laisser à ses partenaires un nombre important de circonscriptions en 2024, qu’elle offre un certain nombre de garanties, au moins à la hauteur de celles des autres prétendants. Si l’on considère de plus les résultats obtenus aux élections en 2017 et 2022 on peut se dire que cette capacité de rassemblement dépasse les seules forces politiques et concerne aussi les citoyens, ce qui devrait normalement être le plus important. Enfin, si l’on s’intéresse à la clarté idéologique et à la capacité à « tenir la ligne » sur les aspects programmatiques les plus importants du programme du NFP, là encore, il ne semble pas que LFI soit particulièrement mal placée, d’autres partenaires étant peut-être dans une position plus inconfortable sur ce plan-là (notamment celles qui comprennent en leur sein des gens ayant soutenu la réforme des retraites ou s’étant opposés au programme de la NUPES). Tous ces éléments mis bout à bout, il est donc difficile de comprendre cette exclusion a priori de Jean-Luc Mélenchon et plus largement de LFI de la part de notre amicale petite-bourgeoise.
En conclusion il serait appréciable que cette amicale puisse considérer pendant quelques jours encore que son mode de vie et ses goûts ne s’imposent pas à l’ensemble des électeurs de gauche et surtout qu’ils ne constituent sûrement pas des critères pertinents en politique. Si de plus cette même amicale pouvait prendre conscience de son caractère ultra-minoritaire et du côté insupportable de sa prétention à vouloir imposer ses choix, qui peut parfois jouer un rôle de repoussoir pour un grand nombre d’électeurs, alors nous aurions fait de grands progrès.