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Billet de blog 23 mars 2025

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LFI, la caricature et l’injonction à reconnaitre une faute

L’éphémère diffusion par LFI d’un visuel caricaturant Cyril Hanouna semble avoir réactivé l’entreprise de « Corbynisation » de Jean-Luc Mélenchon et de LFI. Si ces méthodes ne sont pas surprenantes venant des adversaires déclarés de LFI elle sont plus étonnantes venant de soutiens déclarés à la lutte antiraciste, au point d’interroger sur la solidité de cet antiracisme.

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La diffusion durant quelques heures par LFI d’un visuel (un visuel et non une affiche comme il est parfois écrit puisqu’à ma connaissance, il n’y a pas eu d’impression ni de diffusion autrement que numérique) caricaturant Cyril Hanouna est à nouveau le prétexte à réactiver le « rayon paralysant de l’accusation d’antisémitisme ».

Alors que cet épisode aurait pu permettre de soulever un débat intéressant et salutaire sur les dangers liés à des outils d’intelligence artificielle non régulés (on parle quand même d’un outil, Grok semble-t-il, qui semble s’appuyer sur l’imaginaire nazi) dont l’usage est malheureusement appelé à se généraliser ou sur la nécessite de renforcer la culture et la sensibilité de la population à l’histoire des années 1930 (ce qui serait bien nécessaire dans la période actuelle) , il semble bien que l’ensemble du spectre politique et médiatique ait préféré y voir une bonne occasion d’attaquer et d’isoler LFI.

En effet, loin de se limiter à l’extrême droite et aux médias qui la soutiennent ouvertement, trop heureux de faire oublier leurs liens passés et présents avec l’antisémitisme, ces attaques contre LFI ont été portées par un large panel (partis, commentateurs, médias…) regroupant des adversaires déclarés de LFI, mais aussi des acteurs entretenant davantage le flou quant à leur rapport à LFI, voire se déclarant carrément des alliés de ce mouvement politique.

Du côté des ennemis déclarés, outre la droite et l’extrême droite, on a donc retrouvé sans surprise le PS, Le Monde, et plus globalement toute la petite bourgeoisie, dont ils sont le porte-voix, qui ne parvoient toujours pas à réaliser que l’OPA opérée sur la gauche durant plus de 30 ans, s’est piteusement terminée avec un quinquennat Hollande dont l’énergie et l’efficacité en matière de lutte contre le racisme et les inégalités sociales fut inversement proportionnelle aux milliards déversés en faveur du patronat…ainsi qu’à la progression électorale de l’extrême droite.

Ce fut donc l’occasion pour le « quotidien de déférence » de publier le 21 mars un éditorial relevant moins du journalisme que du militantisme anti-LFI, mêlant l’insulte et le mensonge. Outre un titre évoquant de supposés « mensonges de Jean-Luc Mélenchon », supposés mensonges dont il ne sera plus vraiment fait mention dans la suite du texte, si bien que l’on ne sait pas sur quoi ils seraient censés porter, l’édito en question évoque un risque de « renouer avec les dérives antijuives qui n’ont pas toujours épargné » la gauche (c’est pourtant quand même bien la droite que ces « dérives » n’ont pas épargnée sans que ce risque ne fasse l’objet d’un tel  édito), avant de conclure par un parallèle entre Mélenchon et Doriot (les esprits taquins remarqueront d’ailleurs que le parallèle avec ce sinistre personnage semble autorisé pour Mélenchon mais moins pour Roussel…).

Le PS et son arrière-cour (PCF, SOS racisme), avaient quant à eux déjà alimenté la polémique une semaine auparavant en demandant des excuses dans un réflexe petit-bourgeois bien typique consistant à réduire les enjeux du combat politique à des questions de bonnes manières applicables lors de leurs dîners en ville (le « il parle trop fort » ou « il ne présente pas ses excuses » n’étant qu’une énième variante du « il n’est pas digne de venir à notre table où le savoir-vivre, le bon-goût et la tempérance sont des vertus cardinales »). Excuses qui auraient été bien vaines dans la mesure où elles auraient été suivies dans la seconde où elles auraient été prononcées d’éditos et de commentaires du type « ils s’excusent, c’est donc bien qu’ils sont antisémites ». Ces demandes d’excuses sont par ailleurs assez incongrues dans la mesure où le visuel a été rapidement retiré et où plusieurs dirigeants de LFI ont reconnu qu’ils s’agissait d’une erreur. On pourrait également rappeler que l’on parle d’un visuel généré par une IA et se demander si la ressemblance avec les caricatures des années 1930, certes évidente quand on met les visuels côte à côte, aurait été détectée par tous les donneurs de leçon du moment (le niveau de culture de certains permet d’en douter).

Les attaques ne se sont toutefois pas limitées au cercle de la bien-pensance, puisqu’elles sont également venues d’acteurs que l’on aurait pu penser (naïvement rétorqueront certains et ils n’auraient pas tort) plus proches de LFI ou faisant preuve à son égard d’une hostilité moins revendiquée que les premierscités. On citera notamment Marine Tondelier, dont le positionnement politique est décidément toujours aussi flou dès qu’elle sort de la punchline préparée, qui n’hésite pas dans sa réponse à établir un parallèle entre le RN et LFI. On pourrait également mentionner le podcast l’Esprit critique qui nous délivre une leçon de morale hors sol dénotant un manque certain de sens politique (le fameux « mais c’était si simple de s’excuser »). Enfin, pour faire honneur au média qui abrite ce blog, je ne peux m’empêcher de citer le « parti pris » de sa présidente et directrice de la publication, qui certes de façon un peu plus subtile, fait porter sur LFI les faiblesses de la lutte antiraciste. Ainsi, le chapo de l’article évoque « L’incapacité de La France insoumise et de Jean-Luc Mélenchon à reconnaître leurs fautes sur l’antisémitisme » tandis qu’une partie substantielle de l’article est consacrée à « LFI et son déni » quand il n’est fait mention que des « ambivalences socialistes ». Pourquoi donc ces affirmations aussi tranchées concernant LFI et ces pudeurs (de gazelle ?) à l’égard d’un parti dont la prise de pouvoir a toujours permis au FN/RN de prospérer et dont certaines figures se sont distinguées par des paroles ou des propositions qui sont un peu plus que des ambivalences, à l’image d’un Président de la République proposant la déchéance de la nationalité, d’une présidente de région qui propose d’interdire des manifestations propalestiniennes ou d’un groupe de députés applaudissant, alors que le massacre de la population palestinienne par l’armée israélienne avaient déjà largement débuté, au « soutien inconditionnel à Israël » ?

Encore une fois, si les attaques venant d’adversaires politiques dont la lutte contre le racisme n’est guère la priorité, quand ils ne comportent pas dans leurs rangs des personnes ouvertement racistes, étaient attendues, il peut sembler plus surprenant que ces attaques viennent également de rangs se revendiquant du camp de la lutte antiraciste. En effet l’affaiblissement de la force politique la plus résolue dans ce combat et la plus forte sur le plan politique relève alors, soit de la bêtise, soit d’un antiracisme de façade cédant bien vite face à une conception bourgeoise de ce que devrait être la gauche…ou un peu des deux ?

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