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Billet de blog 21 juin 2023

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« Polaris », l'étoile d'Hayat

Capitaine de bateaux dans l’Arctique, Hayat navigue loin des hommes et de son passé en France. Quand sa sœur cadette Leila met au monde une petite fille, leurs vies s’en trouvent bouleversées. Guidées par l’étoile polaire, elles tentent de surmonter le lourd destin familial qui les lie. « Polaris », une odyssée intime d'Ainara Vera sort en salle ce 21 juin avec le soutien du label « Oh My Doc ».

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Bande-annonce | POLARIS de Ainara Vera © ACID CinéIndépendant

« Quel chemin prendre quand on est perdu ? » Sur les vagues brumeuses de l’Arctique, Hayat, capitaine de navire chevronnée juronne après son moteur en panne : « Ça me casse le couilles ».

Elle a choisi de s’expatrier en Finlande pour laisser derrière elle son passé « maudit » tandis que sa sœur cadette, Leïla met au monde une petite fille. Dans un somptueux portraits croisés, fait d’un subtil montage et servi par une photographie splendide jouant des contrastes entre la lumière blafarde de l’arctique et la chaleur du sud de la France comme de deux expressions de la personnalité des deux sœurs, la jeune cinéaste espagnole Ainara Vera capte comment les liens se tissent ou se délitent sur fond de tragédie familiale…

Illustration 2

Ou comment l’ainée protectrice « naturellement convaincue qu’on ne peut pas l’aimer » et sa cadette insouciante apprennent à lutter contre les éléments, contre les déterminismes qui façonnent nos vies malgré nous.

Accompagnant leur long chemin de reconstruction, Polaris fait du mystère qui nimbent les deux sœurs, l’objet d’une quête universel sur comment trouver sa place dans la société quand le manque d’amour et de confiance en soi, en l’autre sont là…

Casser le cycle familial

Si la polarité des sœurs qui se construisent dans un monde filmé sans homme apparent imprègne le film, la réalisatrice met au premier plan leur complicité, les doutes de la maternité, entre mouvement et sédentarité pour s'occuper de la vie qui nait et les oblige à re-questionner leur rapport à elle-même pour tenter de casser le cycle familial de la « malédiction ».

Illustration 3

Dans les entretiens qu’ Ainara Vera a pu accorder, il est beaucoup question de juste distance dans la manière dont elle a pu approcher ses femmes : « En documentaire, le réalisateur doit trouver la distance exacte à laquelle il se situe par rapport à ses personnages. Trouver l’endroit exact qui permet de les regarder sans être aveuglé par la vie. Quand on est trop proche d’eux, on les perd de vue. La réalité est beaucoup trop bruyante. »

Dans ce pudique et envoutant double portrait, l’émotion n’est ainsi jamais surlignée. La cinéaste explique ainsi sa démarche dans le dossier de presse : « L’art est lié à ce qui ne se révèle pas, à tout ce qui reste dans la pénombre. Je ne voulais pas réaliser un documentaire qui raconte les souffrances que ces deux sœurs ont endurées. Il fallait qu’on puisse regarder leur vie à travers un prisme plus spirituel et philosophique qui nous montre comment l’amour et le manque d’amour affectent et orientent nos vies. »

Les images tournées en scope - immensité des espaces naturels passant de la mer à la neige, des fjords immense au soute des bateaux - sont somptueuses et la bande sonore entre dialogue et silence réalisée avec le talentueux compositeur franco-tunisien Amine Bouhafa créé une connexion entre les mondes et tisse des liens poétiques qui nous rapprochent plus d’« une dimension mentale que d’une bande- son naturaliste ». La musique n’est jamais illustrative et prend une place narrative qui lui est propre.

Le visible et l’invisible

Illustration 4

Dans un entretien mené par le critique Cédric Lépine et publié dans Le Club, la cinéaste lui confie avoir voulu inclure uniquement les moments révélateurs « jouer avec les contraires, le visible et l'invisible, le conscient et l'inconscient, le mouvement et l'immobilité, la rationalité et l'intuition. Les opposés qui forment une unité qui se complètent. »

« Quand on fait des documentaires, je crois qu’il faut que l’éthique et l’esthétique soient indissociables. En plaçant la caméra à un endroit précis, on expose notre point de vue et notre manière d’approcher les personnes qui nous entourent. C’est une question d’éthique. Je rêve toujours qu’il se produise une vraie rencontre entre le spectateur et les personnes que je filme. En tant que réalisatrice, c’est très important pour moi d’être un canal qui permet aux personnes que je filme de se montrer telles qu’elles sont. Je suis censée les protéger du regard du spectateur, évidemment, mais en même temps, il est important de donner accès à ce qu’elles sont intimement. Tout en respectant leurs paroles. Je dirais que c’est une responsabilité d’un ordre presque spirituel. Il faut que je leur laisse de l’espace, que mon regard ne les étouffe pas. Faire du cinéma est une manière d’entendre la vie pour moi. Il faut observer et laisser de la distance. Le temps (de tournage et de montage) permet de mieux comprendre les choses. Je dirais même que ce projet m’a permis de voir la vie d’une nouvelle manière »

Tenir le cap, trouver sa voie, voilà la leçon que nous offre Polaris, un film qui brille comme une lueur d’espoir au bout de la nuit.

Illustration 5

Polaris d'Ainara Vera - 78 min / Production - Distribution : Point du Jour - Les Films du Balibari, Ánorâk Film, Jour2Fête / Sortie en salle le 21 juin.

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Illustration 6

Ce film a reçu le label “Oh my doc !” créé en 2020 par France Culture, la Cinémathèque du documentaire, l’association Les Écrans, la plateforme Tënk et Mediapart afin de chaque mois soutenir la sortie en salle d’un documentaire remarquable.

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