« On nous appelle la génération smartphone, des jeunes paresseux, irresponsables, sans emploi, la tête dure et creuse comme une noix de coco. Et si on reprenait ces insultes, qu’on se les réappropriait, qu’on les renvoyait à la figure de la vieille génération pour leur faire savoir que nous pouvons être tout cela et fabuleux malgré tout ? » Université d'Ibadan, Nigeria. Un groupe d'étudiants projette Darrat de Mahmat-Saleh Haroun. « Ce n'est pas seulement un club de cinéma. Nous sommes ici pour parler de films afin d'élargir nos horizons », remarque une étudiante lors d'une séance. Les films abordent toutes sortes de questions : intersectionnalité, féminisme, décolonisation, genre...
Petit à petit, l'amphithéâtre du ciné-club se transforme en une véritable agora politique où s’affine le regard et s’élabore une parole critique.

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La « Coconut Head Generation», initialement utilisée de manière péjorative pour décrire des jeunes perçus comme étroits d'esprit et dénués de réflexion, prend alors un tout autre sens.
Transformant ce stigmate, les étudiants se réapproprient aujourd'hui l'expression pour en faire un symbole de leur émancipation intellectuelle et de leur revendication et l’ériger comme un étendard dans sa lutte pour un meilleur Nigeria.
Alain Kassanda filme avec précision l’organisation et la tenue des débats, les interventions, notamment celle d’un jeune photographe ayant documenté les conditions de vie des étudiants à Lagos. Son attention soutenue à cette jeunesse ouverte, cultivée, mobilisée, le conduit dans les rues d’Ibadan et certaines manifestations durement réprimées du mouvement « End SARS » (contre les brutalités policières), où la nécessité de lutter invoquée par les films s’invite aussi de manière décisive dans la vie des étudiants.
Entre débats agités, manifestations étudiantes et répressions brutales, le film témoigne avec une sincérité brute l'évolution progressive de cette jeunesse nigériane confrontée à un monde en pleins bouleversements.

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« Le film montre la force du cinéma, un médium qui permet à des personnes de vivre la même expérience pendant un temps donné. Et, ensuite, de décider ensemble ce qu’elles font de cette expérience-là. En l’occurrence, ces étudiants ici peuvent y voir des films qui parlent de ce que cela leur fait en tant que spectateurs, mais aussi en tant que citoyens. C’est l’aspect citoyen qui est important. C’est ce qui fait communauté. Et il y a une parole qui devient performative, parce que cela ne reste plus que dans l’enceinte de la salle, mais cela se trouve aussi dans la rue pour réclamer un avenir meilleur, une meilleure gouvernance, la fin des violences policières et ainsi de suite… » détaille le réalisateur dans un entretien accordé à RFI.
Natif de Kinshasa en RDC, Alain Kassanda arrive en France à l’âge de 11 ans. Après des études de communication, il organise des cycles de projections et plusieurs festivals dans différents cinémas parisiens. Il devient ensuite programmateur du cinéma d’art et d’essai, Les 39 Marches, en région parisienne. En 2015, il s’installe à Ibadan, au sud-ouest du Nigeria. Il y réalise Trouble Sleep, un moyen-métrage qui appréhende la route du point de vue d’un chauffeur de taxi et d’un collecteur de taxes. Parallèlement, il tourne les premières images de ce qui deviendra Coconut Head Generation. De retour en France, il donne la parole de ses grands-parents dans le long métrage, Colette & Justin qui entremêle récit familial et histoire de la décolonisation du Congo. Coconut Head Generation est son troisième film et a obtenu le Grand Prix au festival Cinéma du Réel en 2023.
Retrouvez ici un entretien avec le réalisateur publié dans le Club Mediapart par le festival Cinéma du Réel.

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Coconut Head Génération, France, Nigeria • 2023 • 89 minutes • Écriture et Réalisation : Alain Kassanda,Musique originale : Jr EaKEe, Production : Ajímátí Films
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Ce film a reçu le label “Oh my doc !” créé en 2020 par France Culture, la Cinémathèque du documentaire, l’associationLes Écrans, la plateforme Tënk et Mediapart afin de chaque mois soutenir la sortie en salle d’un documentaire remarquable.