Il y a un groupe de musique que j'aime bien, ZZ Top. Enfin, que j'aimais bien. Avec le temps ils ont... Ben, ils ont évolué, autrement qu'à mon goût donc j'aurais facilement tendance à en dire du mal mais à tort. C'est comme ça, tels n'évoluent pas et on apprécie, tels évoluent et on apprécie, tels n'évoluent pas et on n'apprécie pas, tels évoluent et on n'apprécie pas, parce qu'on a soi-même évolué, ou non, et qu'on reste accordé ou non avec tels et tels, plutôt que de dire inutilement du mal, éviter de faire de la musique avec les personnes qui jouent autrement que soi. Finalement, rares sont les gens dont on peut dire que là, vraiment, c'est faux. Qu'ils auraient mieux fait de se ranger des voitures. Bon ben du coup...
Il y a un groupe de musique dont j'aime bien beaucoup de trucs, ZZ Top.Notamment une chanson, Jesus just left Chicago. Humour sérieux, ça cause d'un type nommé Jesus qui traverse tout le pays (les État-Unis) du nord au sud, de l'est à l'ouest, «bossant d'un bout à l'autre et à tous les endroits entre» («Workin' from one end to the other and all points in between»). On ne sait pas trop qui est ce Jesus, celui que tout le monde il en cause ou un autre? Eh! Y a des pays où toutes les femmes se nomment Marie et où tous les hommes se nomment Jésus, ou Joseph. Alors, savoir qui est qui... Je vous cause de cette chanson à cause, ou du fait de ce vers:
Took a jump through Mississippi, well, muddy water turned to wine.
Muddy Water, Eau Boueuse, est le surnom du Mississippi. Ce vers pourrait, ainsi que deux ou trois autres, donner à croire que le Jesus de la chanson ça serait bien celui dont tout le monde cause vu que quand il passe par le Mississippi «l'eau boueuse se transforme en vin» mais ça se pourrait que le gars qui raconte ça soit un peu mytho – un peu mythomane –, ou que ce soit ce Jesus qui se prendrait comme qui dirait pour le Roi du Monde, sauf que ça serait un roi du monde un peu traîne-misère, beaucoup traîne-savates. Savoir qui est qui, qui dit quoi...
Muddy Waters est le nom d'un chanteur et guitariste, essentiellement de blues, parfois un peu de rhythm'n'blues, dont le nom d'état-civil est peu ordinaire, McKinley Morganfield, Muddy Water le nom d'une chanson de 1926, Muddy Waters le nom d'une chanson de 2015. C'est aussi le nom d'un joueur et entraîneur de football américain, Frank "Muddy" Waters, donc moitié surnom. Le musicien est natif de l'État du Mississippi, dans son cas “ça explique”. Le footballeur n'a pas de lien apparent avec ce fleuve et cet État, du coup “ça n'explique pas”. Ouais. Disons que “ça n'explique pas”. La chanson de 1926 cause du fleuve et de l'État, celle de 2015 du musicien donc indirectement du fleuve et de l'État. Il y a une chanson de Bobby Gentry, Ode to Billie Joe, une chanson curieuse à divers titres, entre autre les vers inhabituellement longs, quinze pieds, qui se termine ainsi,
And me I spend a lot of time pickin' flowers up on Choctaw Ridge
And drop them into the muddy water off the Tallahatchie Bridge
«Et moi je passe pas mal de temps à cueillir des fleurs du côté de Choctaw Ridge / Et je les lance dans l'eau boueuse du pont de Tallahatchie». Ceux qui connaissent l'adaptation française par Joe Dassin même sans connaître la version originale auront peut-être reconnu la fin de Marie-Jeanne, «Et moi, de temps en temps j'vais ramasser des fleurs du côté des Essonnes / Et je les jette dans les eaux boueuses du haut du pont de la Garonne». Une adaptation très fidèle, avec de petites modifications pour la longueur des vers ou pour l'euphonie, des noms de lieux et de personnes “français”, le seul changement important est l'inversion des deux principaux personnages, dans l'original une narratrice et un jeune homme, dans l'adaptation un narrateur et une jeune femme, mais ça ne change rien de significatif au récit. Même les toponymes correspondent: ville imaginaire, rivière réelle. La Tallahatchie est un affluent du Mississippi et un cours d'eau boueux – et Bobby Gentry est native de Chickasaw County, Mississippi. Sauf le footballeur tout ça ramène au fleuve et à l'État. ZZ Top est un groupe de “blues texan” mais le premier vers de la chanson citée est «Jeus just left Chicago and is back to New Orleans». Donc Jesus venait de l'État. Comme le mentionne Wikipédia, «La Nouvelle-Orléans suit un méandre du Mississippi». On y ajoute «d'où son surnom The Crescent City (la ville croissant)», ce qui ne me semble pas une conséquence si logique. Dans l'article anglophone on parle du méandre mais plus prudemment, le surnom «fait référence» à la forme du cours du fleuve à cet endroit.
J'ai du le mentionner dans d'autres billets (encore un truc de rhéteur, à mi-chemin de l'euphémisme et de la prétérition, je ne dis pas que je ne l'ai pas dit ou ne le dirai pas, ni ne diminue la chose mais c'est pas loin: bien sûr que j'ai mentionné ce dont je vais parler. J'utilise souvent ces formes qui visent à créer une connivence entre le rédacteur et son lectorat, une méthode de bonimenteur. Comme écrit dans l'article de Wikipédia sur la prétérition, «C'est une figure de rhétorique par excellence, en ce qu'elle influence l'attitude de l'interlocuteur; elle éveille son attention, ou attise sa curiosité, commente un raisonnement». Et oui, ça sert à ça la rhétorique, mettre les auditeurs ou lecteurs dans sa poche. Je dois le dire, ça marche mieux à l'oral. J'écrivais “un peu” de mal – là c'est un euphémisme – sur Emmanuel Macron il y peu en le traitant de bateleur de foire et en disant que ses discours de campagne de 2017, valait mieux pas les passer à l'écrit, mais c'est injuste: la rhétorique orale a des ressorts communs mais diffère de celle écrite. Le ciné et la télé, et plus encore la radio, ont porté un rude coup à la rhétorique orale classique. Cela dit les bonimenteurs se sont adaptés, et malgré tout beaucoup de vieilles ficelles restent assez efficaces. Je dois dire qu'à l'écrit ou dans les discours très préparés à l'oral, la rhétorique classique reste très efficace, à preuve les Grands Discours du même Macron, qui passent très bien à l'écrit. Comme le disait récemment Alain Duhamel sur France Culture, la “plume” de Macron est l'une des plus brillantes de la V° République, d'après lui la plus brillante, ce qui est exagéré. Par contre ça faisait un bout de temps qu'on n'en avait pas eu de si brillante. De l'autre bord c'est peut-être le manque de talent des trois derniers présidents qui affadissait leur rhétorique. Sauf sur un point: Hollande est un bien meilleur improvisateur que Macron, il n'a pas spécialement besoin que quelqu'un lui concocte des “éléments de langage”. J'en parlais dans le même billet, il y a deux formes de pratiques d'acteurs, la “canne” et la “broche”, le canevas et la brochure, Hollande est meilleur pour la canne, Macron meilleur pour la broche – pour être de nouveau méchant, Macron il lui faut du tout cuit, donc de la broche...), euh? Qu'est-ce que j'ai du mentionner? Quelque chose, c'est sûr – j'en dis tant! Voilà, on digresse, on digresse, et on perd le fil. À l'oral j'évite de trop digresser quand je sais à-peu-près où ira mon discours, c'est plus prudent. Donc, j'ai du mentionner un truc dans d'autre billets mais quoi? Je me relis vite fait. Bon, j'ai du le mentionner. Passons.
Les personnes... Le français a une particularité, le mot “personne” désigne tout et le contraire de tout puisque “personne” désigne aussi “nulle personne”. Une particularité pas si particulière, en grec ancien, et peut-être en grec moderne, il en va ainsi. Le film Mon nom est personne réfère à l'Odyssée et à la plaisanterie que fait Odyssée (Ulysse) au cyclope Polyphème quand il lui demande son nom, sa réponse est la phrase qui forme le titre du film, le drôle étant qu'en grec aussi l'équivalent sémantique de “personne” signifie “quelqu'un” et “nulle personne”. Le cas français dérive d'une évolution de la langue qui a fait que certains substantifs “positifs” utilisés dans des formes adjectivales en complément d'une marque de négation ont acquis un sens “négatif” même sans cette marque, comme personne, donc, ou comme “jamais” qui équivaut originellement à “toujours”, ce qui persiste dans des formes figées, le plus souvent en fin de proposition: “je t'aime à jamais” équivaut à “je t'aime pour toujours”. Le mot implique le sens “toujours” mais pour des sentences qui portent sur le passé ou qui s'appliquent à des événements définitifs, «qui aurait jamais cru» ou «il nous a quitté à jamais» par exemple, le premier cas porte explicitement sur le passé et vaut pour «qui aurait depuis toujours cru», le second est formellement similaire à l'exemple amoureux mais dans les deux cas le sens “toujours” n'émerge pas vraiment parce que ce qui est “dans le passé” est “révolu”, donc n'est pas “pour toujours”. Il y a aussi le mot “rien” qui à l'origine signifie “chose” mais signifie aujourd'hui “nulle chose” sauf dans des expressions figées comme “ne [...] rien à rien” ou “ne [...] à rien de rien” où le second est en usage de substantif et signifie “chose”; de même dans “pas rien” il signifie “chose”, le mot négatif étant ici “pas”, dire «ce n'est pas rien» signifie «c'est [quelque] chose». Et bien sûr un “moins que rien” est un “moins que chose”, donc ici “rien n'est pas rien”. Vaut mieux (ne) pas trop élucider la langue, ça rend fou...
Il y a une autre raison à la polysémie contradictoire de “personne”, le mot latin dont il découle comprend en germe tous les sens du français contemporain. La ou le persona (pas sûr du genre, a priori féminin mais possiblement neutre) est un masque de théâtre d'un genre particulier, le mot dérive d'un verbe, me rappelle pas la forme latine mais c'est le verbe “sonner”, ce masque était fait pour “sonner à travers”, en français actuel on dirait un haut-parleur ou un porte-voix. À dire vrai, tous les masques de théâtre sont en partie faits pour ça, ce sont des résonateurs, des amplificateurs, la différence entre la persona et par exemple les masques de la commedia del arte est la portée, les premier étaient destinés aux tragédies et comédies de théâtres antiques où il fallait atteindre par la voix des spectateurs très distants, d'où la nécessité d'une forte amplification donc d'un assez grand masque qui couvrait toute la face et une partie au moins de la gorge. La “personnification”, la représentation d'une personne, dérive d'une autre fonction du masque, une amplification du visage, une “grosse face” au traits accentués visible et interprétable de loin, la forme et l'expression du visage représenté était d'identification immédiate, on voit encore de tels masques dans certains genres du théâtre japonais, notamment le théâtre no. De cet usage provient la “personne morale”, qui représente une personne physique, ou une personne collective, ou aucune personne, formellement une personne collective. La “personne physique” est un individu mais aussi un masque en ce sens que ça concerne cet individu comme “acteur social”.
Un fleuve est une personne parce que c'est un individu, il a un nom propre qui le singularise et un rôle social, c'est une personne morale mais pour certains c'est aussi une personne physique, plus d'un dans nos sociétés “non primitives” sont assez animistes. En fait, tout humain est spontanément animiste, si vous vous cognez contre un obstacle, vous faites probablement comme moi, vous lui reprochez in petto ou par la parole ce qu'il vous a fait, ce n'est qu'en un second temps que certains reportent la cause de la rencontre sur eux-mêmes, d'autres sur “les circonstances”, ce qui ressort tout de même d'un tendance animiste ou totémique vaguement rationnelle, sauf si “les circonstances” est un synonyme de “le manque de vigilance”, enfin d'autres en restent à leur première attribution, ce n'est ni “moi” ni “mon manque de vigilance” ni “les circonstances” la cause effective du choc mais la table ou la porte. Je ne vous connais pas donc je ne sais pas ce qu'il en est de vous mais parmi les personnes (celles physiques et humaines) que je connais, beaucoup ont un rapport très animiste ou totémique ou magique à leur réalité immédiate et considèrent réellement que certains objets voire dans les cas les plus profonds tous les objets sont dotés d'intention et agissent effectivement pour ou contre eux. Certaines, rares cela dit dans ma société, la France, l'admettent. Elles ne vont le plus souvent pas proprement se définir comme animistes mais admettent qu'elles supposent une intentionnalité de certains objets ou de tous. Certaines, beaucoup moins rares, allez, j'y vais de ma mise en exergue de mot, certaines vraiment beaucoup moins rares, pour le dire, une majorité des membres de ma société et de pas mal d'autres sociétés “non primitives” pratiquent un animisme “non conscient”: elles vous tiennent des propos qui démontrent leur conviction que certains objets sont dotés d'intention, vous leurs dites que non, c'est une chose impossible, et elles vous expliquent très rationnellement le pourquoi du comment, la preuve effective que ces objets ont une autonomie réelle, “pensent et agissent par eux-mêmes”. Il en va en la matière comme en toute croyance: difficile de démontrer par démonstration raisonnée et argumentée qu'une certaine croyance n'a aucune consistance. Dites à un chrétien que son hypothèse d'une “cause première” n'a aucune validité, à un fanatique de Donald Trump que ce gars ne cesse de mentir et de dire tout et le contraire de tout, à un des partisans qu'Emmanuel Macron ne fait pas ce qu'il dit et ne dit pas ce qu'il fait, je vous prédis un franc insuccès. Bien sûr, si vous adhérez à la doctrine chrétienne ou à l'idéologie macronnienne vous ne trouverez pas mes exemples très pertinents. Comme quoi nul n'est à l'abri...
L'animisme n'est pas un problème en soi, en fait ça me semble une approche intéressante de la réalité, pour mon compte je suis une sorte d'animiste pour la simple raison que je sais, plutôt que de le croire, que beaucoup d'objets “non vivants” de la réalité ont une certaine autonomie, une sorte de puissance d'agir, mais de là à leur attribuer une intentionnalité il y a une distance. Certes, on peut dire qu'il y a de l'intentionnalité dans ces objets mais elle ne naît pas d'eux, ils n'en sont que les vecteurs. Ce sont des extensions d'êtres vivants qui leurs ont transféré une parcelle de puissance d'agir et d'intentionnalité. Pour le citer une fois encore, Marshall McLuhan a selon moi assez bien résumé la chose et même, trop bien:
«Les conséquences individuelles et sociales de tout médium – c'est-à-dire, de toute extension de nous-mêmes – proviennent du changement d'échelle produit dans nos entreprises par chaque extension de nous-mêmes, ou par toute nouvelle technologie» (traduction à la volée de «The personal and social consequences of any medium – that is, of any extension of ourselves – result from the new scale that is introduced into our affairs by each extension of ourselves, or by any new technology»).
Je ne suis pas un traducteur émérite ni un si bon connaisseur de l'anglais, donc j'aime autant citer ma source initiale. Ce passage est assez peu équivoque donc ça me paraît une traduction assez valide. Il existe une traduction de ce texte de McLuhan mais comme elle est fautive sur un point important je me suis méfié, d'où celle que j'ai faite. J'en parle par ailleurs pour d'autres raisons, le mot français “médium” a largement perdu son acception latine explicite, transférée dans le mot qui en est issu mais a connu l'usure du temps, “moyen”, alors que dans l'usage qu'en a McLuhan dans son contexte, les milieux savants anglophones d'Amérique du Nord, “medium” est une importation du mot latin dans sa forme et sa signification, le mot commun, qui dérive aussi de ce mot latin après passage par le français pratiqué en Normandie, fut “saxonnisé”, ce qui aboutit à “meaning”. Tiens ben, une nouvelle digression qui va prolonger celle du billet «Inutilement gentil?» sur des points complémentaires. Soit ici précisé, j'écris souvent, et c'est assez exact, que je rédige mes billets à la va vite et sans ordre, mais je n'écris pas n'importe quoi n'importe comment. Si on lit un de ces billets d'apparence dispersée sans le relier à d'autres on y perdra beaucoup parce qu'assez souvent je poursuis et approfondis une digression d'un des billets, qui n'a pas nécessité d'être approfondie à cet endroit et dans ce cadre, dans d'autres billets, comme sujet principal ou comme nouvelle digression. On peut dire que le thème général de l'ensemble des billets de “Ma Pomme” – du “blog” intitulé «Ma Pomme», celui où figurera ce billet-ci – est, comme dit dans un billet en cours de rédaction et intitulé «Ondes», «les complots et les conspirations», termes que j'y définis plus précisément (peut-être: je ne peux certifier ce que comportera un billet en cours de rédaction). Lire ce billet sans le relier à «Inutilement gentil?» et «Ondes» fera donc perdre à mon possible lectorat une part non négligeable de la signification de l'ensemble. Chacun des trois est “sans ordre” en lui-même et l'ensemble “sans ordre” au sens où leur ordre d'écriture n'induit pas une antériorité de tel sur tel, par exemple je développe dans «Ondes» des parties qui éclairent ce billet mais dans ce billet j'écris des choses qui sont “prolongées” dans des parties déjà rédigées de «Ondes». Cette digression ci est, cela sans préméditation, une illustration “concrète” par l'exemple d'une affirmation dans une réflexion “abstraite” sur le fait que le passé comme l'avenir sont “dans le présent”: quand je rédige un billet j'ai la tranquille certitude que d'autres textes de moi ou d'autres auteurs ont complété, complètent ou complèteront ce qui n'est qu'esquissé ou ne concerne qu'un aspect des choses.
Le principal, mais non le seul loin de là, des animismes contemporains tourne autour de la notion d'intelligence artificielle: supposer qu'un artifice, qu'une «extension de nous-mêmes», a “de l'intelligence”, revient à le supposer doté d'une âme, doté d'une capacité de discernement propre et d'une autonomie, d'une “puissance d'agir” indépendante du contexte. Or, aucune “extension de soi”, aucun moyen artificiel, ce que je nomme plus largement “prothèse”, c'est-à-dire extension de soi dépendante de sa propre action pour agir, n'a d'intelligence propre. Il y a effectivement “de l'intelligence” dans les artifices informatiques mais celle que lui fournissent leur environnement. En tout premier, leur “intelligence” a nécessairement une cause première extérieure sous les aspects d'une source d'énergie électrique: les puces RFID ne sont “actives” que si elles sont proches d'une source d'énergie électromagnétique qui les “électrise”; en réponse elles irradient à leur tour de manière stéréotypée et analysable par la même source. Comme elles ont en général une “intelligence” extrêmement limitée, en gros, l'émission d'une série d'impulsions analysables en une séquence de 0 et de 1, ce qui donne une information très pauvre, un “numéro de série”. Selon les cas, la puce a un numéro unique ou fait partie d'une série d'objets qu'il n'est pas intéressant de singulariser et portant tous le même numéro. La prothèse qui récupère cette information doit pouvoir l'associer à un ensemble d'informations qui lui permettront de déterminer de quel objet il s'agit. Ces informations sont tantôt locales (gestion de stock dans un entrepôt ou un magasin), tantôt distantes (mise en relation d'une carte de retrait ou de crédit avec un organisme payeur ou créditeur, identification du détenteur nominal d'une pièce d'identité), dans tous les cas l'“intelligence de second niveau” n'est toujours pas située dans l'objet mais dans une action antérieure, celle d'individus réellement autonomes qui ont conçu le procédé, le logiciel d'analyse et de mise en relation, l'organisation des données associés dans une “base de données”, une BD, et le logiciel en capacité d'interroger cette BD. Je ne poursuis pas plus cette investigation, de nombreuses personnes plus compétentes que moi ont produit des ouvrages ou articles qui font une analyse serrée et consistante des raisons qui valident cette affirmation: la notion d'“intelligence artificielle” est un nom commercial sans validité d'un point de vue effectif. Je parle de «personnes plus compétentes que moi», en ce cas ça n'est pas exact, j'ai d'assez bonnes compétences en informatique, par contre ce n'est pas très intéressant de poursuivre dans le cadre de mes discussions locales, les billets de ce “blog”. Si ces questions ont votre intérêt je vous donne un point d'accès: Antonio Cassilli sur son site perso, sur Wikipédia et sur France Culture (en bas de la page de France Culture, un lien renvoie vers une page dédiée qui relie à d'autres émissions avec lui ou sur lui et ses travaux). En prime, une interview de Libération, ««Antonio Casilli: “Le mythe du robot est utilisé depuis des siècles pour discipliner la force de travail”», dont le titre vous donne l'indice qu'il y parle d'un sujet proche de celui esquissé ici, mais d'autre manière. Multiplier les points de vue sur un objet est la meilleure manière de le percevoir dans toutes ses dimensions.
Pour rappel, mon point de départ: Muddy Waters «est le nom d'un humain, donc d'une personne. Et le nom d'un fleuve, donc d'une personne. Et d'une chanson, donc d'une personne. Si c'est le nom de tout le monde et de n'importe qui ou quoi, c'est le nom de personne! Voilà: un nom de personnes». Je relève une chose imperceptible: «nom de personne», puis «nom de personnes». J'écris en première intention pour des personnes de mon genre, des personnes qui font attention aux détails. D'un certain point de vue Jean-Marie Le Pen a raison quand il déclare à propos des chambres à gaz dans les camps d'extermination: «Je n'ai pas étudié spécialement la question, mais je crois que c'est un point de détail de l'histoire de la Deuxième Guerre mondiale». Considérant l'ensemble de la séquence “deuxième guerre mondiale” et en tant qu'événement local, ça ne constitue qu'une séquence assez marginale de la séquence globale; par contre, en tant qu'événement inséré dans une séquence plus large c'est un point primordial, très significatif et même, un des points les plus significatifs, la séquence “solution finale” dans laquelle cette séquence s'insère est de fait la plus significative de toute la séquence qui part de la fondation du parti nazi jusqu'au paroxysme de la période 1941-1945. Tellement significative pour les dirigeants du parti nazi qu'à la fin de cette période, de septembre 1944 à avril-mai 1945, ils ont préféré mobiliser une très grande part de leur logistique pour maintenir ou accélérer le processus “solution finale” plutôt que de la mobiliser pour consolider leur front oriental. Je ne vais pas disserter plus sur la question, si vous voulez des détails sur ce supposé détail selon ce qu'en a dit Le Pen, je vous conseille de parcourir les pages de Wikipédia sur la période, et plus spécialement les bibliographies (car comme en ce qui me concerne Wikipédia n'est qu'un point d'entrée, mais contrairement à moi ses rédacteurs prennent soin de citer leurs références pour qu'on puisse s'informer plus amplement), par contre je vous invite à considérer comme un “point de détail” cette partie la plus visible de la “solution finale” placée sous l'étiquette “Shoah”, de ne pas vous laisser prendre par vos sentiments immédiats, souvent ils s'accrochent aux points les plus saillants qui dans des processus sociaux sont, comme on dit, «la partie émergée de l'iceberg»: la tentative de destruction de tous les Juifs d'Europe fut un crime impardonnable mais n'est qu'un élément dans un projet beaucoup plus vaste, en large partie réalisé ou en cours de réalisation, d'élimination de tout ce qui, selon les critères des idéologues du parti nazi et de ses responsables, devait être “sorti de l'humanité”, les Roms, les “déficients” (handicapés, fous, débiles), les Slaves, les homosexuels, les “communistes”, les... La liste est très longue, très très longue.
Donc, Muddy Waters «est le nom d'un humain, donc d'une personne. Et le nom d'un fleuve, donc d'une personne. Et d'une chanson, donc d'une personne». Et donc, «si c'est le nom de tout le monde et de n'importe qui ou quoi, c'est le nom de personne! Voilà: le nom de personnes». Pour les nazis comme pour vous et moi, certains entités «sont des personnes», d'autre non. Leurs critères, les vôtres et les miens divergent: pour un nazi, “la race germanique“ est une personne, “la race juive” ne l'est pas. Le but de toute société est de “protéger les personnes”, donc ce qui est “une personne” mérite protection, ce qui “n'est pas une personne” ne mérite pas protection et dans certains cas, mérite élimination, par exclusion ou par annihilation. Pour un nazi toujours, “la démocratie” n'est pas une personne, “l'avant-garde de la nation germanique” donc le parti nazi, en est une. Ergo, “la démocratie” ne mérite pas protection ou mérite destruction. Dans la liste des Muddy Waters, les humains et le fleuve m'apparaissent une personne, la chanson, non. Pour un défenseur acharné du mal nommé “droit d'auteur” dans sa version supposément anglo-saxonne du “droit de copie” qui concerne assez peu les auteurs mais concerne beaucoup les détenteurs de ce droit de copie, la chanson est une personne, les auditeurs de la chanson personnifiés en “le public” n'en est pas vraiment une, donc pour eux “les droits de la chanson” sont de plus grande valeur que “les droits du public”. Les détails sont parfois plus importants que les gros trucs: pour vous, les droits de la personne “chanson” sont-ils réellement plus importants que ceux de la personne “auditeur”? Selon votre réponse, vous établirez une priorité entre le droit des personnes morales et ceux des personnes physiques, entre les personnes comme fictions sociales indéterminées, des personnes symboliques, et les personnes comme êtres humains déterminés, des personnes réelles. En ce qui me concerne les droits des personnes réelles priment les droits des personnes symboliques mais c'est affaire d'opinion. Je dois le dire, je tiens beaucoup à cette opinion mais si ce n'est pas votre cas on peut en discuter. Ou bien, vous pouvez en discuter avec vous-même. Discuter avec vous-même de cette question: est-ce que les droits des personnes morales sont supérieurs, égaux ou inférieurs à ceux des personnes physiques?
Pour conclure, une information intéressante dont j'avais discuté en 2005, lors du débat français concernant le référendum portant sur le supposé projet de Constitution européenne (supposé parce que structurellement ça ne formait pas vraiment une Constitution). Voici le point: parmi les principes intangibles, les “droits fondamentaux” que ce texte énonçait, figurait la proscription de la peine de mort; parmi les “droits des personnes” énoncés dans les autres parties de cet énorme texte figurait la mention que les droits des personnes physiques, notamment ces “droits fondamentaux”, s'appliquaient aux personnes morales, ergo les personnes morales ne peuvent être “condamnées à mort”. Une question m'occupe de longue date, celle énoncée précédemment: les droits des personnes morales sont-ils supérieurs, égaux ou inférieurs à ceux des personnes physiques? J'ai ma réponse: les droits des personnes morales doivent toujours être inférieurs à ceux des personnes physiques; la réponse de nos actuels gouvernants est inverse; probablement certains de mes lectrices et lecteurs potentiels auront la réponse moyenne, “droits égaux”.
Ça se discute, tout peut se discuter. Comme je ne suis pas du genre violent, je consens à la réponse de mes responsables politiques même si je préfère la mienne. Comme je mets au plus haut la préservation des personnes physiques, si quelque jour mes responsables politiques (mais cela vaut pour tout “responsable” de ma société, notamment dans le secteur dit économique) m'invitaient à consentir à leur réponse en me priant fermement de me priver des moyens de me préserver pour les céder à une personne morale, je n'y consentirai pas. Je ne suis pas violent mais je ne consentirai jamais à renoncer à ma vie en faveur d'une non personne, d'un être de fiction, et en ces cas je saurai répondre à la violence par la violence. C'est mon opinion et je m'y tiens.