Pour poursuivre un peu le billet précédent, «Le passé et le futur sont toujours pareils, le présent toujours différent», quelques remarques sur la question du passé me semblent de quelque intérêt. Je l'observais dans le billet précédent, ce qui avant-hier participait du futur participe ce jour du passé. C'est un truisme, une vérité d'évidence, mais dont on ne tire pas toujours les conséquences: le passé est l'ensemble des événements advenus, donc le passé ne cesse de se modifier, chaque instant des événements ont lieu qui une fois achevés appartiennent au passé. Les trois moments du temps chronologique, le passé, le présent et le futur, peuvent se définir ainsi: le passé est constitué par tous les événements advenus, le futur par tous ceux non advenus, le présent par tous les événements en cours de réalisation. Le présent est le moment de l'inchoatif, à l'origine une notion de grammaire, un temps verbal du latin «qui indique le déclenchement ou la progression graduelle d'une action», et reprise en philosophie et en sciences humaines pour désigner un événement en cours de réalisation, “à son début”. Le terme dérive du verbe inchoare, «commencer». On peut dire que le présent est donc le moment de l'inachevé; tout ce qui n'est pas commencé est dans le futur, tout ce qui est achevé est dans le passé, le reste dans le présent. Cette description ne résout rien quant à la détermination des trois moments du temps chronologique, cela dit, mais permet de bien les définir.
Hier un nombre très important d'événements a eu lieu, un nombre incalculable, qui dépasse assurément et incommensurablement le nombre d'atomes dans l'univers car chaque atome connaît lui-même un certain nombre d'événements; pour les événements concernant les humains c'est un nombre très largement supérieur à sept milliards; aujourd'hui, les événements constituant le passé – ce qui désigne proprement les événements ayant laissé une trace dans la mémoire des humains – pour cette journée sont en nombre très inférieur; dans un mois ils seront encore moins nombreux, dans un an toujours moins, dans un siècle une fraction limitée et très en-deçà de sept milliards restera dans la mémoire de l'humanité. Le passé n'est donc pas proprement l'ensemble des événements advenus mais l'ensemble des événements dont il reste une trace dans la mémoire d'au moins un humain. Comme je l'exposais dans le billet cité, le présent comme séquence observable ne peut excéder trois ou quatre générations car il est constitué de la mémoire des humains encore vivants; de même le passé comme séquence observable ne peut excéder les deux ou trois générations antérieures, celle des humains morts qui ont été les contemporains des humains encore vivants; le futur déterminable – non prédictible mais envisageable – ne peut excéder deux générations, ce qui correspond à celles qui sont à la fois “dans le passé“ et “dans le futur”, les générations extrêmes étant, pour la plus récente “dans le futur”, pour la plus ancienne “dans le passé”; on peut dire que l'extension du futur déterminable correspond à ce qu'on peut nommer les générations “actives”, celles qui par leur activité réalisent l'essentiel des actions considérées comme socialement utiles. Ça n'exclut bien sûr pas les autres générations de l'utilité sociale, mais indirectement quant à l'imaginaire concernant le futur déterminable.. Le “passé socialement utile” est donc constitué pour l'essentiel par l'imaginaire social des générations “actives”.
Il m'arrive de penser à l'imaginaire social de Marine Le Pen. D'évidence il diffère assez de celui de son père. C'est que leur mémoire “historique” diffère profondément: pour Jean-Marie le “contemporain”, le “présent historique”, correspond à la période 1870-1990, avec une dominante de la période 1910-1970, le “passé historique” à la période 1830-1870, le “futur historique” est glissant, au départ plutôt 1950-1980, à la fin plutôt 1980-2010; vers 1980 il passe dans la classe des vivants “hors contemporanéité”, s'il n'y a pas de fatalité une large part d'humains cesse de pouvoir se projeter dans un futur qui va au-delà du moment statistique de sortie de la “vie active”. Tout ça avec des guillemets car ces noms conventionnels rendent assez mal compte de la réalité observable mais je fais avec. Entre Jean-Marie et Marine il y a deux générations d'écart, ce qui implique un décalage égal des périodes, pour elle le “présent historique” est 1910-2010 avec une dominante 1950-1990,et un “futur historique” qui glisse de 1990-2020 à 2020-2050. Comme relevé dans le billet «Le passé et le futur [...]»,
«En 1880, les “anciens” sont [...] les tenants d'un ordre social antérieur à 1848 [...]; en 2020 [...] les références des “anciens” sont tributaires des modèles de société de la première moitié du XX° siècle – en ce début de XXI° siècle, en France aucun mouvement politique actif, “représentatif”, ne se réclame d'un modèle “Ancien Régime” ou “napoléonien”, tous se disent “républicains”, parce que les générations anciennes sont celles de la III° République donc le passé référentiel est républicain».
Jean-Marie Le Pen est intermédiaire, son imaginaire du passé historique est pré-républicain mais enraciné dans le XIX° siècle, la période de la seconde Restauration et du Second Empire; comme il s'est positionné dans la conservation et même la réaction, il se rattache plutôt aux traditions conservatrices de cette période qu'à celles réformatrices et progressistes – d'un point de vue structurel le conservatisme institutionnel domine durant cette période mais c'est aussi celle où l'imaginaire républicaine se consolide et “prépare l'avenir”, les républicains de 1870-880 ont les mêmes références que les “anciens” mais ils en retiennent ce qui fonde les idéologies des “modernes”, donc le républicanisme. Pour la génération de Marine Le Pen il n'y a plus incompatibilité entre la République et le conservatisme ou la réaction parce que même les anti-républicains les plus virulents ont été conduits, dans la décennie 1930, à exprimer leur refus dans le cadre institutionnel républicain, ce qui a contribué à le renforcer; on a même ce paradoxe ultime de l'État Français de triste mémoire qui s'est trouvé dans l'obligation de mettre en place son projet “anti-républicain”... dans un cadre républicain. Cela dit, l'Occupant de l'époque, le régime nazi, fut confronté au même problème dans son pays, mettre en place une “révolution nationale” non révolutionnaire, un régime anti-républicain de fait qui fut amené à être républicain de droit. Remarquez, c'est le problème de tous les conservatismes: on ne peut à la fois dire vouloir conserver et ne pas le faire, l'époque actuelle le démontre, cette fois relativement à la démocratie: les régimes autoritaires de ce début de XXI° siècle ont à l'évidence pour projet de détruire les institutions démocratiques mais sont amenés à se prétendre les premiers défenseurs de la démocratie, de fait ils agissent contre elle, de droit ils la maintiennent, et dans une société républicaine le droit prime le fait; à court terme ils l'affaiblissent, à plus long terme ils la consolident et même, ils la renforcent, puisqu'ils se révèlent incapables de défaire ce qu'ils se proposaient de mettre à bas. Marine Le Pen a un imaginaire du passé “républicain” et un imaginaire du présent “démocratique” parce que son passé historique est républicain et son présent historique démocratique. Je suppose que son projet est réellement la réaction, en gros, revenir à une situation sociale d'avant la première guerre mondiale, mais en inscrivant son action dans le cadre des institutions actuelles elle glisse vers la conservation, c'est-à-dire le renforcement des institutions actuelles.
Le paradoxe des conservateurs et réactionnaires “anciens” est qu'ils se réfèrent à un passé peu ancien (il y a aussi des réactionnaires et des conservateurs “modernes” mais eux au moins savent que leur passé de référence est celui récent) alors qu'ils affirment se référer à un passé aussi ancien qu leur société ou presque. Que l'on soit “ancien” ou “moderne” on se légitime du passé pour orienter le présent vers un certain futur, et souvent les “modernes” ont pour référence un passé plus ancien que celui des “anciens”, on peut dire que les “anciens” se réfèrent à une tradition continue, les “modernes” ayant pour référence un “ailleurs” dans le temps ou/et dans l'espace. Pour exemple, la «querelle des Anciens et des Modernes»: tous se réfèrent au même passé car tous participent du courant “humaniste”, censément à l'Antiquité, factuellement à la période désormais nommée Renaissance. Le récit historique a deux aspects, celui factuel et celui idéologique; d'un point de vue factuel il n'y a pas de renaissance au sens où cette notion a été élaborée puis cristallisée entre l'époque concernée, les XV° et XVI° siècles, et le tournant des XVIII° et XIX siècles, censément la redécouverte des “antiques” et le renouvellement des structures sociales consécutives, qu'on nomme proprement humanisme. De fait donc, les “antiques” ne sont pas redécouverts car ils n'ont pas vraiment été oubliés, l'opposition réelle était entre les “scolastiques“ qui figurent les “anciens”, et les “humanistes” qui figurent les “modernes”. Et comme les Anciens et les Modernes de la querelle du XVII° siècle, c'est moins tant la référence que l'interprétation qui importe: la référence commune ce sont les philosophes antiques de l'école socratique, principalement platoniciens et aristotéliciens. Dans le contexte, après une longue domination des courants néo-platoniciens, notamment ceux d'inspiration chrétienne, Aristote et ses successeurs reviennent au premier plan. Pour des raisons contextuelles, entre la Renaissance et la période classique il y a une inversion: au XV° siècle, les “anciens” sont partisans d'une interprétation contemporaine des antiques, les “modernes” partisans d'une imitation des antiques; au XVII° siècle c'est l'inverse. Ou non. Ou oui. En fait la question n'est pas là: ce qui définit “les Anciens” et “les Modernes” concerne le rapport de chaque groupe à la superstructure sociale, au “pouvoir”; au moment où il apparaît, le groupe qui deviendra les scolastique est dans son contexte “moderne” car en rupture avec la tradition. Dans l'article de Wikipédia sur la Renaissance on propose une analyse intéressante:
«Selon l'historien René Rémond, une “Renaissance” se caractérise par:
* l'apparition de nouveaux modes de diffusion de l'information;
* la lecture scientifique des textes fondamentaux;
* la remise à l'honneur de la culture antique (littérature, arts, techniques);
* le renouveau des échanges commerciaux;
* les changements de représentation du monde».
Le point 3 est discutable, je veux dire: est mise ou remise à l'honneur une “tradition” qui est en même temps une rupture dans la tradition, dans le contexte des XII° à XIX° siècles en Europe, la “tradition de rupture” se place en opposition à la tradition “chrétienne”, d'où ce recours à des traditions locales antérieures à l'apparition du christianisme; factuellement l'usage de “l'antique” a peu à voir avec l'Antiquité réelle, beaucoup à voir avec l'usage antérieur et récent, deux ou trois générations, de cette tradition. Aux XII° et XIII° siècles, les scolastiques sont en rupture avec la tradition installée en leur temps; à la fin du XIII° siècle et surtout durant le XIV° leur courant s'impose et devient à son tour la tradition installée; le courant qui émerge aux XIV° et XV° siècles et qui se veut, qui est, en rupture, doit donc s'opposer à la tradition scolastique; à son tour, après bien des péripéties, il devient au XVI° siècle la tradition installée, d'où une opposition de “modernes” qui se positionnent dans une approche de l'antique similaire à celle des scolastiques, donc opposée à celle des “modernes” de la Renaissance qui entretemps sont devenus les “anciens”. La question n'est donc pas celle de «la remise à l'honneur de la culture antique» mais celle de la mise à l'honneur d'une tradition “non traditionnelle” dans un contexte donné.
Fondamentalement, l'opposition est plutôt celle des traditions “autochtones” et “allochtones”. Les humains étant assez mobiles et transportant leur culture avec eux, aucune tradition n'est vraiment autochtone depuis assez longtemps, si on prend les principales “traditions” en Europe, toutes sont perçues au départ comme allochtones, celle “romaine” s'appuie sur les cultures d'Asie Mineure, de Mésopotamie et d'Égypte, celle “germaine” est arrivée d'Asie Centrale, spécialement de sociétés installées au nord de la Mer Noire et sur la rive gauche du Danube; bien sûr celle “chrétienne” s'origine, dans sa première expansion, au Moyen-Orient, dans sa seconde en Asie Mineure – en Empire romain d'Orient. Etc. Avec le temps ces cultures se sont “autochtonisées” mais sans que ce soit jamais définitif, pour exemple cette convocation de l'Antiquité gréco-latine en tant que tradition: selon les cas, elle peut servir à renforcer le caractère supposé autochtone des traditions dites chrétiennes (cas des scolastiques) ou au contraire à l'affaiblir (cas des humanistes des XV° et XVI° siècles).
La proposition de René Rémond ne décrit pas ce qu'est une “Renaissance” mais ce qu'est une “révolution”. Entre guillemets en ce sens que le terme est récent pour décrire ces processus. Dans tous les cas, le point important est le premier de la liste, «l'apparition de nouveaux modes de diffusion de l'information». C'est que, ce qui structure une société est précisément les modes de diffusion de l'information: dès lors que ceux-ci sont modifiés très profondément tant qualitativement que quantitativement, la structure sociale est modifiée, devient autre. De ce fait, la caractérisation des “anciens” et des “modernes” n'est pas proprement liée à ce que chaque groupe défend, au contenu doctrinaire de leur idéologie, celui-ci n'importe qu'en ceci: il renforce ou affaiblit la superstructure; aux XII° et XIII° siècles, renforcer la religion chrétienne c'est renforcer le “pouvoir spirituel”, donc s'opposer à la superstructure qui est aux mains du “pouvoir temporel”; aux XVII° et XVIII° siècles c'est l'inverse. Bien sûr ça n'a pas grand sens d'opposer ces deux “pouvoirs”, car tout pouvoir est à la fois “spirituel” et “temporel”, la question est surtout celle de la prééminence de l'une ou l'autre instance.
Dans la proposition de René Rémond, les quatre autres points découlent du premier, je ne sais pas comment lui-même considérait sa proposition mais s'il supposait que ces cinq points étaient des conditions préalables nécessaires pour une “Renaissance”, il avait tort: les échanges commerciaux sont liés aux modes de diffusion de l'information, sont une des modalités de sa diffusion, si elle se modifie ces échanges se renouvellent. Bien sûr, selon les contextes ça peut aller dans l'autre sens: quand un colon instaure son mode d'échange commercial dans une colonie, il y modifie les modes de diffusion de l'information pour les adapter au nouveau modèle économique et commercial instauré dans cette colonie. Ce qu'il désigne comme «lecture scientifique des textes fondamentaux» peut se décrire autrement: lecture des textes fondamentaux selon les règles d'une nouvelle rationalité. Modifier les modes de diffusion de l'information conduit nécessairement à changer la représentation du monde donc l'analyse qu'on porte sur lui, ce qui amène à relire les “textes fondamentaux” à la lumière de la “raison nouvelle”.
Rémond, né en 1918 et mort en 2007, est un homme de son temps, pour lui “rationalité” et “science”, au sens que ce mot a pris à partir du XIX° siècle, sont des quasi-synonymes; cette forme de rationalité a ses racines dans l'Époque Moderne, qui commence à la Renaissance, d'où ce point, la “lecture scientifique des textes fondamentaux” comme marqueur d'une “Renaissance”; le XX° siècle et ce début de XXI° siècle ont largement démontré que la relecture des “textes fondamentaux” peut s'appuyer sur une rationalité anti-scientifique ou ascientifique et apparaître pour les tenants de ces rationalités une “renaissance” ou une “révolution”. Le dernier point et troisième dans l'ordre de la liste, la remise à l'honneur de la culture antique, est lié à un contexte, l'Époque Moderne et le début de l'Époque contemporaine, en gros du milieu du XV° siècle au milieu du XIX°. Comme discuté ici, il s'agit de mettre en avant une tradition contradictoire à celle dominante et pour cela n'importe quelle tradition fait l'affaire. D'ailleurs, dès la fin du XVIII° siècle et plus nettement à partir du siècle suivant penseurs politiques et philosophes ont cherché cette “anti-tradition” non dans la seule Antiquité gréco-latine mais un peu partout dans l'espace et le temps – cas par exemple de Schopenhauer et de l'hindouisme, de Nietzsche et du zoroastrisme, cas de nombreux courants qui puisent dans le bouddhisme, le taoïsme, les diverses traditions chamaniques, etc. Et bien sûr, cas des “fascismes” d'Europe centrale et orientale qui contrairement au fascisme italien se réfèrent à la même période mais aux opposants à la tradition gréco-romaine, les “Germains”, les “Huns”, etc.
Le passé ne cesse de se modifier car le présent ne cesse de le faire. René Rémond est un contemporain de Jean-Marie Le Pen. Contrairement à lui il a une lecture qu'on dira non idéologique du passé, en revanche l'expression de son analyse repose sur les idéologies formatrices de son temps, il est d'une période de rationalisme scientifique et modérément mais nettement positiviste, d'où sa description. Contrairement à un Le Pen l'analyse est consistante, on peut, comme moi ici, développer une analyse différente mais convergente à partir de la sienne, on peut en quelque sorte traduire sa proposition en des termes adaptés au contexte scientifique actuel parce qu'elle est elle-même d'ordre scientifique, on ne peut pas traduire les analyses et les propositions de Le Pen ainsi car elles n'ont aucun caractère de scientificité, il est rationnel à sa manière, mais d'une rationalité autre, incompatible avec celle scientifique. C'est notamment l'erreur fondamentale d'une bonne part des opposants à Trump: ils le supposent irrationnel d'où leur supposition jusqu'ici indémontrée qu'à force de dire des “contre-vérités” et de répandre des “fake news” il finirait par se discréditer et perdre la confiance des électeurs.
Comme je l'explique depuis presque aussi longtemps que ce type est président de son pays, il est rationnel, mais d'une autre forme de rationalité que celle de ses opposants – soit dit en passant, la rationalité de Joe Biden est tout aussi distante de la rationalité scientifique mais plus recevable pour les tenants de la tradition dominante –, raison pourquoi entre 2016 et 2020 il a renforcé cet électorat: 62 millions contre 67 millions; la probable victoire de Biden (ce 8 novembre 2020 à 5h les résultats restent incertains) n'est pas due à un affaiblissement électoral de Trump mais à un encore plus fort renforcement de Biden (74 millions pour lui contre 65 millions pour Clinton). Si les détracteurs de Trump avaient écouté ses supporters ils sauraient ceci: beaucoup d'entre eux savent et disent que Trump raconte n'importe quoi, notamment beaucoup de conneries et de mensonges, ce qui ne les empêche pas de le soutenir et de voter pour lui, parce que de leur point de vue c'est le candidat “le plus sincère”. Ça implique que pour eux, la rationalité ne repose pas sur la vérifiabilité des propos mais sur la sincérité de leur émetteur. Pour Rémond et moi, le discours sur le passé historique est factuel et vérifiable; il a une analyse un peu différente dans la forme et le fond de la mienne mais nous convergeons en ceci: les principaux traits qui signent une “Renaissance” et le fait que la période ainsi nommée conventionnellement est un cas parmi bien d'autres, tous ceux où l'apparition de nouveaux modes de diffusion de l'information induit un profond changement dans les structures sociales.
(Correctif au 9 novembre, 8h40. Le décompte final donne 71 millions d'électeurs pour Trump, près de 10 de plus qu'en 2016, et 77 millions pour Biden, soit 12 de plus que pour Clinton. Tiens ben, je vais pondre un petit billet là-dessus)
Comme précédemment, la suite, s'il doit y en avoir, à votre libre réflexion.
Ah oui! Une une réflexion que je me faisais mais qui n'a pas trouvé place dans le texte qui précède. Comme le mentionne l'article «Querelle des Anciens et des Modernes», Boileau est le principal meneur des “Anciens”, or on y lit ceci:
«De 1653 à 1674, les partisans d’un merveilleux moderne se singularisent contre les “Anciens” [...]. Le conflit éclate en 1664 quand Jean de la Fontaine fait paraître Joconde ou l'infidélité des femmes, imitation très libre du chant XXVIII de l'Orlando furioso de l'Arioste, qui prend le contrepied de la traduction littérale [par] le poète Jean de Bouillon [...]. Le Joconde de La Fontaine connaît un vif succès, brillamment défendu par l'auteur anonyme d'une Dissertation sur Joconde, publiée en 1669 et dont Boileau s'attribuera tardivement la paternité».
Dit autrement, le principal meneur des “Anciens” est aussi le brillant défenseur d'un des plus éminents représentants des “Modernes”, et s'en vante. Comme mentionné encore dans l'article,
«Si tel est le débat manifeste, Fumaroli suppose d’autres enjeux: “Tout au long de la Querelle, qu’il s’agisse d’Euripide ou d’Homère, ce sont sous Louis XIV les Anciens qui admettent ce qu’il y a de vif, de déconcertant, de déchirant dans la représentation de la vie humaine par les poètes antiques, tandis que les Modernes sont favorables à des conventions morales et esthétiques uniformes et confortables”. Pour lui, sous l’apparent progressisme des Modernes se cachent aussi des enjeux de pouvoir. Boileau est proche de Port-Royal. En défendant les Anciens, il défend aussi, au nom de la diversité des héritages, des marges de liberté dans la République des lettres».
Il n'y a donc pas réelle contradiction entre la position de Boileau comme principal représentant des “Anciens” et sa défense du Joconde de la Fontaine, d'autant plus que beaucoup des “Anciens” et les “Modernes” étaient de fait en convergence deux décennies avant que la querelle débute, bref, le passé est mobile, les positionnements des uns et des autres dépendent moins de lui que de leur rapport à lui dans le contemporain...