Il faut comprendre que ces sources supposées ont souvent un lien ténu avec les idéologies ou les “traditions” convoquées, il en va en ici comme en toute chose, les ressources on les trouve en tous lieux mais une fois qu'on en dispose on les transforme selon ses propres règles. Le concept de la “Pachamama” est andin mais sa reviviscence récente en Amérique latine a un rapport distant à celui précolombien, cette partie du monde s'est “créolisée” au sens où l'entendait Édouard Glissant, elle a connu ce «processus qui en présence de plusieurs cultures en crée une nouvelle». Comme l'ajoute l'article de Wikipédia sur le concept de créolisation, «ce processus s'applique à la formation culturelle des Amériques»; comme il l'ajoute encore, «pour Édouard Glissant, le processus est irréversible. Il n'y a pas de possibilité de retour en arrière»; comme il ne l'ajoute pas mais pour avoir entendu plus d'une fois Glissant sur ce sujet, celui-ci ne limitait pas ce processus aux Amériques et à leur histoire récente, la créolisation est un processus ancien, universel et permanent, pour cette évidente raison qu'en tous lieux et en tous temps la circulation, libre ou forcée, des personnes et des idées, des coutumes et des langues, met en présence plusieurs cultures, et qu'en résulte une culture nouvelle.
Mon pays, la France, a connu comme toute autre partie du monde une succession de créolisations, en remontant simplement aux époques dites historiques, en gros deux millénaires et demi pour la zone “Europe” du Continent eurasiatique (sauf quelques zones restreintes où ça commença plus tôt, cette période est celle la plus courante qu'on puisse qualifier d'historique, la créolisation est un processus bien plus ancien mais dans sa forme récente attestable elle dépasse rarement les deux à trois millénaires et au-delà de trois millénaires est assez locale), on a la superposition de plusieurs moments de créolisation, celle assez brève et limitée (surtout au sud et “grecque”, à l'est et “germanique”) d'avant -300, celle assez brève mais plus intense à la fois “grecque” et “romaine”, ces deux moments et le suivant intervenant dans une zone “celtique”, sinon que dans ce troisième moment, celui “gallo-romain”, la fusion des cultures fut nettement accentuée du fait de la mainmise “romaine” sur ce territoire “gaulois”; ensuite une processus long de pénétration plus forte des cultures “germaniques” qui intervint conjointement avec l'arrivée d'une autre culture, elle-même résultant d'une créolisation, venue du Levant (la zone actuelle comprenant la Palestine, le Liban et une partie de la Syrie et de l'Irak) adoptée sous le nom de “christianisme” (tenant compte d'une “sensibilisation” antérieure moins importante par les première et seconde diasporas “juives” – les deuxième et troisième sinon que la première n'alla pas jusqu'en Europe), et la suite. Puis, il y a aussi la “créolisation en retour”: quand une “métropole” provoque dans des zones périphériques de son “empire” une créolisation, elle en reçoit un effet en retour, au minimum par une modification de son propre substrat culturel (pour exemple récent, la France a certes colonisé une partie de l'Afrique du Nord et très notablement “francisé” l'Algérie, mais aujourd'hui le plat préféré des Français est le couscous, quand on aime on “kiffe”, quand on baise on “nique”, quand on parle de son chien on l'appelle un clebs ou un clébard, et on va camper avec sa guitoune, alors qui a créolisé qui?), et bien souvent par un “retour à l'envoyeur” – à partir du II° siècle de l'ère commune les empereurs “romains” venaient presque tous des provinces conquises, et un peu plus d'un siècle plus tard ce furent non plus des expatriés mais des natifs de ces provinces qui prirent la fonction.
Le concept de “Pachamama” tel qu'il se réalise aujourd'hui est certes en lien avec la tradition ancienne mais c'est aujourd'hui un syncrétisme, si vous interrogez les Andins qui l'ont revivifiée, dans leur grande majorité ils se diront “chrétiens” 'de même pour les adeptes du vaudou dans les Antilles ou ailleurs, ceux du candomblé au Brésil, etc).. Sa diffusion “occidentale” l'a inévitablement modifié dans le creuset nouveau d'un autre ensemble lui-même résultant de multiples syncrétismes culturels, religieux, politiques, etc. Et quel que soit le lieu où il a émergé ou “réémergé” il répond à une question d'aujourd'hui:
«Au XXIe siècle, de nombreux peuples autochtones d'Amérique du Sud fondent leurs préoccupations environnementales sur ces anciennes croyances, affirmant que des problèmes surviennent lorsque les gens prélèvent trop sur la nature parce qu'ils prélèvent trop sur la Pachamama».
Et aussi de nombreux peuples allochtones ou métissés de cette zone, et de nombreux collectifs qui se rattachent à des peuples autochtones ou allochtones dans diverses régions du monde, et tous pour le même motif, «leurs préoccupations environnementales». Il s'agit d'une tentative récente sous une forme nouvelle pour modifier la voie que suivent certaines sociétés en usant des moyens même de ces sociétés à la fois sur les plans de la symbolique juridique et de celle plus intime, plus profondément inscrite en elles, qu'on peut nommer leur inconscient. Cette idée, en ce cas, que l'article de Wikipédia nomme «ces anciennes croyances», selon laquelle «des problèmes surviennent lorsque les gens prélèvent trop sur la nature parce qu'ils prélèvent trop sur […]». Factuellement, c'est une redondance: “la Pachamama”, “la Terre-Mère”, ou “la nature”, c'est la même réalité, si on doit lui donner un nom on peut la nommer “le tout” ou “la totalité”, le mieux étant de ne pas la nommer, car nommer c'est diviser, et le tout est indivisible. Il est composite, constitué de parties, mais est le tout. Nommer c'est nécessairement désigner une partie du tout, et non le tout. Et tout aussi factuellement, ce n'est pas une croyance mais un constat, s'il y a croyance elle est de l'autre côté, celui que défendent les “diviseurs”, qui par exemple divisent la réalité en “la nature” et “la culture”. La proposition exacte est: «des problèmes surviennent lorsque les gens prélèvent trop». Sur qui, sur quoi? Peu importe, seul importe «prélever trop», car “prélever sur la partie” c'est aussi prélever trop sur le tout puisque le tout est indivisible. Le problème profond des individus hautement guidés par le symbolique est leur propension à nommer donc à diviser. Les sagesses les plus efficientes le disent, le tout est “l'innommable”, “le sans nom”, car nommer le tout est toujours une erreur. Cela conduit à la première division, celle entre “le tout” et “le soi”, de laquelle naissent toutes les autres divisions.
Je reviens à une de mes propositions, disons, philosophiques, très élémentaire, la “tripartition”, en fait une quadripartition: le tout se répartit entre l'idée ou l'esprit ou l'intangible, la matière ou le corps ou le tangible, et la réalité qui est l'union de l'intangible et du tangible, le quatrième élément étant le lien: puisque le tout est indivisible, ses parties sont indivisiblement liées. Le premier de tous les problèmes est celui-là, ne pas tenir compte de l'indivisibilité du tout, de “la réalité”, de “la nature”, de […] – de l'innommable qui devrait rester innommé. Je me prétends réaliste mais d'un réalisme non diviseur, j'admets le concept d'idée, ou esprit, ou énergie, celui de fait, ou corps, ou matière, j'admets aussi celui de réalité, sans lui attribuer de caractéristique autre que “ce qui relie le corps et l'esprit”, ou l'énergie et la matière, ou l'intangible et le tangible, réalité qui est peut-être une fragment du tout et peut-être non, qui est peut-être liée à l'esprit et au corps ou peut-être le lien même, ni esprit ni corps ou indistinctement esprit et corps comme est indistinctement énergie et matière tout fragment de réalité et la réalité dans sa totalité – cf. le concept “scientifique” de «dualité onde-corpuscule». Scientifique entre guillemets non parce que je mets en doute sa scientificité mais parce que ce n'est que la version qu'on peut qualifier d'objective, donc adaptée à notre temps, d'un concept ancien, très ancien, l'indivisibilité du tout et de ses parties, qui est un constat et non une croyance.
On peut dire, je dis en tout cas, que la reviviscence du concept de “Pachamama” a deux motifs, et bien, indivisibles: réactiver le vieux concept d'unité du tout et “réenchanter le monde”, c'est-à-dire tenter de faire pencher la société, nos sociétés donc celle globale, du côté de “l'esprit”. Pour un réaliste il importe peu qu'on s'appuie sur une idéologie “idéaliste” ou “matérialiste”, dans l'un et l'autre cas elle génère de la division, importe de savoir aller de l'une vers l'autre quand l'une domine trop. En notre époque, les idéologies dominantes sont matérialistes, donc il est nécessaire de réactiver des idéologies idéalistes. Celles les plus proches dans l'espace ou dans le temps sont sans effet car quand la dominante est d'un côté, toute idéologie d'ici et de maintenant est inefficace car estimée inefficiente ou dangereuse ou les deux, d'où la nécessité d'aller en chercher d'autres, qui “viennent de loin” dans le temps ou l'espace ou les deux – le plus souvent les deux. La plus grande évidence du fait que «des problèmes surviennent lorsque les gens prélèvent trop» on l'a au quotidien: tous nos problèmes les plus cruciaux viennent de ce que nous prélevons trop, et trop de tout: les uns disent “trop d'énergie”, les autres “trop de matière”, les réalistes disent, l'énergie et la matière étant un tout indivisible, quoi qu'on prélève “en trop”, c'est à la fois et indissociablement de l'énergie et de la matière, une “énergie potentielle” sous la forme apparente de matière, une “matière potentielle” sous la forme apparente d'énergie. Dans une société “matérialiste” le “trop” immédiat, “premier” est “de la matière”, le but étant de la convertir en “de l'énergie”. Comment prélever “de la matière”? En dispersant “de l'énergie”. Ah ben oui, c'est la méthode. Une société “matérialiste” procède à l'excès à cette opération curieuse: dépenser trop d'énergie pour mobiliser de la matière en vue de la convertir en de l'énergie, avec la conséquence de produire “des déchets” qui sont… de la matière. Mais la matière convertie produit “des déchets” qui sont… de l'énergie. L'indivisibilité de la réalité est un fait, la croyance est du côté de ceux qui la supposent divisible. Peu importe qu'ils se prétendent “matérialistes” ou “idéalistes” (en général ils se supposent “réalistes”, ce sont les tenants d'idéologies opposées qui les réputeront “de l'autre sorte”), dans tous les cas le divisionnisme résulte en la même conséquence, l'excès de prélèvement de “quelque chose” qui est selon eux “de l'énergie” / “de l'esprit” ou “de la matière” / du coprs”, qui est d'un point de vue réaliste indifféremment les deux.
Quelle que soit l'orientation d'une société il n'est qu'un moyen de la corriger, en passer par la loi. Au XVI° siècle, et aux deux suivante, encore, qui avaient pourtant commencé d'aller vers un changement de paradigme, vers une idéologie dominante “matérialiste”, les débats les plus vifs concernant une mise en cause “réaliste” ou “matérialiste” de l'idéologie dominante “idéaliste” vinrent souvent devant les tribunaux, souvent ceux ecclésiastiques, ce qui permit (au risque de leur vie) aux tenants des idéologies dominées de leur donner une audience qu'elles n'auraient pas eu avec autant d'éclat, et ce fut aussi le moyen de faire évoluer la loi. Au XXI° siècle, les réalistes comme les idéalistes doivent aller devant la justice ou organiser eux-mêmes des sortes de “procès populaires” dans le but de faire entrer dans la loi des concepts “non matérialistes” afin de corriger cette orientation, pour parvenir à un nouvel équilibre – nouveau et provisoire, comme toujours jusqu'ici.
Pour revenir brièvement sur le concept de la “Pachamama”, il est assez évident qu'il n'est qu'une version exotique d'un concept ancien dans la zone que je décris parfois comme «mon espace civilisationnel» non parce qu'il m'appartient mais parce que je lui appartiens, en gros ceci:

Agrandissement : Illustration 1

Le plus souvent je propose cette carte, ou une autre d'extension assez proche et d'époque (à peine) plus récente:

Agrandissement : Illustration 2

Le concept d'«Eurabia», “Eurabie”, est mentionné comme “complotiste” dans l'article de Wikipédia, ce qui me semble inexact. Dans un assez récent billet, «Comploteurs et complotistes», je propose de distinguer les deux termes: le premier désigne les personnes qui supposent qu'il y a “des complots”, que ce soit ou non le cas (selon le principe: même les paranos ont des ennemis), le second ceux qui conçoivent et réalisent des complots. La légende ironique «L’Eurabie existe! Je l'ai rencontrée…» (il y une coquille dans la légende de l'image. Tant pis…) rend compte du fait illustré par la carte de l'Empire romain du II° siècle que, et bien, “l'Eurabie” existe, et cela depuis longtemps, au moins deux millénaire, selon moi presque trois mais assurément depuis environ deux millénaires et demi de manière continue même si, selon les époques, il y eut des ruptures “politiques”. Si vous disposez d'une carte qui recense les territoires “européens” et leurs colonies, dominions et “mandats” de la fin des années 1930 vous contemplerez, à quelque chose près, la carte de l'Eurabie. Pour la partie au sud de la Méditerranée c'est assez exact selon moi, pour celle au nord c'est moins clair, l'extension de “l'Europe” vers l'est a varié dans le temps, tantôt pas plus loin que l'ouest de la Mer Noire, tantôt jusqu'à l'est de la Mer Caspienne; les tenants du concept d'“Eurabia” me semblent timides, ou ont un intérêt politique à ne pas le dire, les deux ne s'excluant pas, mais les Tchétchènes et tous ces métèques caucasiens au nord-est de la Mer Noire, c'est un peu (et même beaucoup) les “bicots” de l'Empire russe, vous ne trouvez pas? Cette “théorie” pseudo-scientifique est la continuation du fantasme d'extrême-droite né sur les brisées de (selon leur point de vue) l'horrible fin de la domination impérialiste sur le monde, selon un schéma assez ancien (on trouve cela dès le III° siècle chez certains “penseurs” de l'Empire romain en cours d'affaiblissement – surtout dans sa partie occidentale): l'idée que cette évolution est le signe d'une “décadence” avec l'hypothèse “collapsologique” d'une imminente “fin du monde” causée par l'invasion des “hordes sauvages” venant de l'est pour se venger de la domination de l'Empire, qui résulterait en un “Grand Remplacement”. Ça vous évoque quelque chose? Oui, les théoriciens dudit “Grand Remplacement” n'ont pas inventé grand chose, ça n'est que la resucée des trois ou quatre précédentes “théories” de cette eau qui naquirent après celles de ces III°-V° siècles. C'est sûr que quand on a conquis avec brutalité d'immenses territoires et soumis par la violence ses habitants, lorsque le vent tourne on peut avec raison s'inquiéter des possibles retours de bâton…
La “Paachamama”, la “Terre-Mère”, ça aussi c'est vachement nouveau, vachement exotique, vachement inédit, par chez nous. Euh mais! Attends! Euh… C'est quoi déjà le nom de cette entité antique? Je l'ai sur le bout de la langue… Ah oui! Ça me revient: «Gaïa». Et ça veut dire quoi déjà, “Gaïa”? Ah oui, ça me revient! “Terre”. Comme dit l'autre (comme dit Wikipédia), «Gaïa […] est la déesse primordiale identifiée à la “Déesse Mère”». Je ne vous fais pas l'historique de la chose, tant ça devrait vous paraître évident: l'histoire de l'humanité est une longue suite d'alternances entre le postulat d'une “entité primordiale” tantôt “mâle”, tantôt “femelle”, tantôt indissociablement “mâle et femelle”. Comme l'explique l'article «Déesse Mère» de Wikipédia:
«Les expressions modernes Déesse Mère ou Grande Déesse ou encore déesse primordiale font référence à l'hypothèse contestée que divers cultes auraient été rendus à une même « mère universelle » du Paléolithique à aujourd’hui.
Ces expressions renvoient à un supposé culte primitif de la fertilité qui selon certains théoriciens aurait été universellement pratiqué à la fin de la Préhistoire. Ce culte, dans lequel la figure de la femme aurait tenu une grande place et revêtu une dimension sacrée, aurait consisté essentiellement en une vénération de la Terre, de la fertilité et de la fécondité.
Cette hypothèse, qui assimile abusivement des objets ou des pratiques éloignés de milliers de kilomètres et de milliers d'années sur des critères très superficiels, est considérée par les spécialistes comme artificielle et fantaisiste.
Certains mouvements panthéistes, néopaganistes ou féministes, présentent la Déesse mère comme une divinité précédant historiquement les dieux masculins des religions abrahamiques, et proposent d'en restaurer le culte. Des dénominations semblables existent dans les autres langues: Magna Mater, Grande Madre, Mother Goddess…».
Comme cette introduction ne l'expliqua pas, ni l'article d'ailleurs, cette hypothèse indémontrable est ambivalente est a servir autant aux tenants d'une “divinité primordiale” mâle que femelle: dans les versions “féministes” (parfois plus que vaguement féministes) l'entité primordiale mâle résulte d'un “complot masculiniste”, dans celle masculiniste (sans guillemets car là c'est sans équivoque) le remplacement de l'entité primordiale femelle par celle mâle a résulté en un progrès, et le retour toujours possible, toujours craint, d'un culte de la Déesse-Mère comme une menace, comme une régression toujours possible, et considérée comme toujours catastrophique. Toutes ces “théorie” et “hypothèses” n'ont guère à voir avec la réalité effective, il s'agit d'un discours sur la réalité symbolique sous-tendant l'idéologie dominante. Pour des raisons diverses, un peu partout (autant que je sache, partout) dans le monde les idéologies “immobilistes” ou “régressistes” ou “cycliques” sont associées au féminin, celles “mobilistes” ou “progressistes” ou “linéaires” associées au masculin. Vous connaissez ce symbole je suppose:

Pour une fois je ne ferais pas mon tatillon, donner son nom exact dans la tradition taoïste, sa symbolique première et tout le tremblement parce que dans ce billet m'importe sa symbolique dans mon aire civilisationnelle (qui, au fait, s'est étendue ces derniers siècles: actuellement, elle intègre les Amériques ainsi que les grandes îles d'Océanie, plus quelques autres territoires un peu partout, parfois grands, parfois petits, parfois (pour les petits surtout) aussi intégrés que les premiers cités, parfois “créolisés” sans que la part “européenne” soit toujours prédominante. Pour les Amériques c'est équivoque: celles anglophones sont nettement “européennes” (faut dire que les natifs y sont résiduels), celles “latines” (hispanophones, lusophones, francophones) c'est variable, ça va de résiduel (Argentine notamment) à prédominant (jusqu'à plus de 60% des populations actuelles) en passant par tous les degrés, plus une part variable “africaine” et une part plus ou moins grande “mixte” (“métis”), avec des dominantes culturelles tout aussi variables et pas nécessairement en rapport avec les proportions de peuples allochtones, autochtones et mixtes. Donc, “mon” aire civilisationnelle, et principalement celle “européenne” (y compris dans ses extensions américaines et océaniennes – je précise, américaines au sens strict, pour les États-Unis seuls j'use du mot récent “étasunien”, plus exact). Dans cette aire c'est clair, on dit “le symbole du Yin et du Yang” ou “le Yin-Yang” et toutes les personnes le connaissant savent que c'est ce symbole-là. Elles savent aussi que “le Machin” c'est “masculin” et “le Bidule” c'est “féminin”. Ne me demandez pas lequel est lequel, je ne fixe pas, en toute hypothèse “Yin” c'est “masculin” et “Yang” c'est “féminin” pour une raison culturelle: dans mon aire, on a tendance à placer en premier “le masculin”, mais comme je ne puis affirmer que cet ordre des mots est local (possible que ce soit celui du tao) et ne sais pas ce qui vient en premier dans cette philosophie; je suppose sans le certifier que c'est le même ordre que par chez moi. De toute manière ça n'a pas d'importance parce qu'il s'agit ici d'une lecture “occidentale”, c'est-à-dire, une lecture typique de mon aire.
Un-e “occidental-e” fera des associations “spontanées” (en fait, conditionnelles, “pavloviennes”) pour les “principes” “masculin” et “féminin”: le blanc est “intuitivement” masculin, le noir est “intuitivement” féminin; le “principe masculin” est actif, solaire, aigu, “long” (linéaire), le “principe féminin” est passif, lunaire, obtus, “rond” (sphérique). Donc le Yin (si masculin) a toutes ces caractéristiques “masculines”, le Yang (si féminin) toutes ces caractéristiques “féminines”. Et les autres association conditionnelles. Bien sûr il s'agit d'une généralité inexacte, il en va là comme pour la “Déesse Mère”, les personnes, disons, sans idéologie très déterminée auront tendance à intégrer les associations considérées les plus communes mais pas toutes, et souvent il y aura des variations selon les affiliations de chacun-e à des groupes idéologique plus ou moins formels, en revanche une personne très “masculiniste” ou très “féministe” fera des associations parfois (souvent) très distantes de celles les plus ordinaires. Le fait est que la “spontanéité” de la majorité des individus est très en lien avec la représentation sociale de la réalité véhiculée par l'idéologie dominante et par celles secondaires les plus partagées: ma proposition d'associations est très discutable mais selon moi assez juste, d'ailleurs je vérifie ça tout de suite avec Wikipédia, qui en ces domaines est très conformiste:
Pour le Yin: lune, nuit, obscurité, froid, passif, féminin, nord, hiver, gauche, terre, pair, 6, 8;
Pour le Yang: soleil, jour, lumière, chaud, actif, masculin, sud, été, droite, ciel, impair, 9, 7.
Si vous ne le saviez pas, désormais (et jusqu'à ce que vous l'oubliiez, comme moi) vous le savez, c'est l'inverse de ma proposition mais ça n'a guère d'importance, il n'y a que les vétilleux et les convaincus qui attachent de l'importance au fait de savoir que Yoptudu c'est “féminin” et Yoptidi c'est “masculin”, ou l'inverse. Je ne connais pas suffisamment le tao ni le Yi King, le “Livre des Révélations”, pour certifier que cette liste correspond à celle de la classification en Chine, c'est vraisemblable cela dit, les Chinois sont assez peu différents des Étasuniens, des Kanaks ou des Français. En tout cas ces listes, comme vous le constatez, correspondent à beaucoup de mes propositions mais si vous avez une conception “spontanée” des attributs “masculins” et “féminins”, ou une certaine connaissance de ces associations conventionnelles, vous le saviez déjà, que vous y adhériez ou non, perso je n'adhère pas mais quand on veut discuter le coup avec un-e “occidental-e” c'est utile de les connaître. Ah oui, important: humide est “féminin”, sec est “masculin”. Vues les listes, c'est assez évident
La symbolique “sexuelle” ou “de genre”, comme vous préférez, est très importante, car les réalités symbolique les plus importantes pour les membres d'une société ont un genre ou un sexe, et pas le genre ou le sexe grammatical, elles sont “femmes” ou “hommes”. Des fois c'est un peu compliqué, comme la patrie par exemple, très équivoque: elle est souvent figurée en femme, par contre son nom l'associe au masculin, c'est le lieu du père, du pater. Certes, le “lieu du père” n'est pas le père mais ce qui lui appartient ou auquel il appartient, une femme ou une mère est alors concevable, n'empêche, une construction lexicale comme «la mère patrie» est vraiment équivoque, une sorte d'être hybride, un monstre, à la fois et indistinctement père et mère. Disons que sexualiser ou genrer des réalités symboliques est aventureux…
Ce genre de symbolisme a son intérêt pour orienter les attitudes sociales. Considérez la devise française définissant le régime et la société:
Liberté, égalité, fraternité.
Les trois termes sont syntaxiquement “féminins”, ce qui n'a pas ou guère d'effet sur son “genre sémantique”, c'est-à-dire le “sentiment de genre” (de “genre biologique” ou de “genre comportemental”) plutôt que le sens, la signification qui seraient indicatifs d'un “genre biologique”; ça se rapporte plutôt à la manière “spontanée” dont on figurerait cette réalité ou dont on l'imaginerait être si elle avait le don de parole, ou ce qu'elle serait dans un discours figuratif; ça se rapporte notamment aux figures de style telles que l'allégorie, la personnification et la prosopopée. Pour un Français la liberté est plutôt féminine, l'égalité plutôt neutre, “non genrée”, la fraternité plutôt masculine. La France de 1789 est une société “masculine” dans sa composition au sens où seuls ses membres hommes et majeurs sont des citoyens au sens plein, jouissant ou pouvant jouir de tous les droits civils et civiques; l'égalité (qui vaut formellement pour les femmes et les mineurs d'âge ou de statut, si dans les faits ça n'est pas si évident) de la devise concerne avant tout, pour certains, ne concerne que ces citoyens nominalement de plein droit, la liberté, la «liberté chérie» du chant qui devint l'hymne national est ce que revendiquent, possèdent et défendent les citoyens; cette devise l'exprime clairement: la société française, du fait de la revendication d'égalité, est une “société de frères”, une “fraternité”, et ces “frères” possèdent et défendent “leur bien”, la liberté, ils la “chérissent”, c'est en quelque manière “leur chérie”.
En théorie on est loin de ça en 2024, les mineurs sont toujours des citoyens partiels, ils ne disposent que d'une partie des droits civils et d'aucun droit civique, les étrangers ont un statut ambigu, certains disposent de beaucoup de droits civils, tous d'un socle élémentaire de ces droits, et certains disposent de quelques droits civiques; les nationaux majeurs disposent, quelle que soit leur affiliation à un sexe ou genre, indiquée par le premier chiffre de leur numéro d'inscription au RNIPP, au «Répertoire national d'identification des personnes physiques» – le numéro INSEE ou plus couramment encore, numéro de sécurité sociale, 1 pour “homme”, 2 pour “femme”, 3 pour “indéterminé” (j'ai découvert ça quand j'étais étudiant avec des camarades venus d'ailleurs: les étrangers n'ayant pas indiqué de sexe ou genre sont chiffrés 3, jusqu'à vérification – sur simple déclaration je précise…) –, de tous les droits civils et civiques, sauf circonstances exceptionnelles (une condamnation peut s'accompagner de peines complémentaires, dont notamment la privation de tout ou partie des droits civils ou/et civiques, et certains majeurs, ceux sous tutelle ou sous curatelle, ne jouissent pas de tous leurs droits civils et civiques tant qu'ils sont sous ces régimes). C'est nominal, comme le dit la sentence, «Nul n'est censé ignorer la loi», c'est-à-dire que nul, connaissant une certaine loi, n'est censé ne pas en tenir compte, mais parfois la coutume est plus forte que la loi. Par exemple, le “nom d'épouse” est coutumier, la loi dit que le seul nom légal d'une personne physique, de sa naissance à sa mort, est son nom patronymique inscrit sur un registre d'état-civil; dans un formulaire c'est le nom à inscrire; on peut, connaissance la coutume, ajouter ensuite l'indication “Nom d'épouse” (ou désormais, “Nom d'époux”, non que ce nom soit devenu légal pais certaines évolutions récentes font que le “nom de famille” qui sera transmis aux enfants peut être indifféremment celui d'une femme ou d'un homme, et bien sûr il y a le cas des couples d'hommes) mais on ne devrait pas trouver d'abord “Nom”, ensuite “Nom de jeune fille”, puisque seul celui ci est le nom légal.
En pratique, ce que montre l'exemple “mineur” (enfin, pas si mineur que ça) du “nom de jeune fille”, mention qu'on trouve encore couramment dans des formulaires édités par des administrations d'État ou assimilées, cette égalité formelle “entre les sexes” (ou “entre les genres”) n'est pas si réelle que ça, possible que la femme soit l'avenir de l'homme, ce qui induirait que l'homme est le passé de la femme, mais alors, un passé qui pèse encore de tout son poids dans le présent de 2024. Et j'ai dans l'idée que ça va durer encore un peu…
Les sociétés “Yadlajoy” – bon d'accord, tant que je m'en souviens, c'est-à-dire le temps de rédaction de ce billet,on dira – les sociétés “Yang” ou “masculinistes” ou “paternalistes” ou “fraternalistes” (incidemment, on pourrait dire “adelphie” à la place de “fraternité”, les adelphes étant tous les enfants d'un même parent, sans distinction de sexe ou genre) ont des caractéristiques “masculines”, voir la liste plus haut. D'où, y opposer un mode de régulation sociale “Yin” ou “féministe” a du sens, de la signification. Peu importe que le concept de “Déesse Mère”, sous le nom de “Gaïa” ou de “Pachamama” et autre personnification ou allégorie ait une validité historique faible, importe qu'elle désigne les attributs étiquetés “féminins”, importe de valoriser la nuit, le froid, la passivité, l'hiver, la gauche (associée au sentiment plutôt qu'à la raison, au secondaire plutôt qu'au principal) et aussi le pair, donc la parité, bref, la lenteur, la tempérance, l'équité plus que l'égalité, la pondération, le repos.
Il y a quelques temps, précisément en octobre 2019, j'avais conçu un projet, qui n'a pas eu d'écho mais ça ne m'ennuie pas tant que ça, car je suis adepte de la lenteur – comme disait Descartes en son temps, «ceux qui ne marchent que fort lentement peuvent avancer beaucoup davantage, s'ils suivent toujours le droit chemin, que ne font ceux qui courent, et qui s'en éloignent…» –, au titre général «…Passage en décembre…» (avec ce sous-titre ironique, «Passage, passages, passeurs… Tout passe, alors passons!»). Une des parties, qui reprend le titre général, «Passage en décembre...», a pour sous-titre «L'hiver arrive, qui prépare le printemps...»; la troisième partie de l'ensemble, «Fruits de saison, la récolte», a un sous-titre encore plus explicite: «C'est l'automne, le temps de récoltes, pour passer l'hiver et préparer le printemps..», et sa page de présentation explique assez bien la démarche qui sous-tend le projet:
«L'hiver est la saison du repos, donc la saison la plus active: on consomme le fruit monté de terre, et on en préserve les semences; on consomme le fruit cueilli des plantes, et on en préserve les semences; on consomme le fruit mûri en terre, et on en préserve les semences; puis on sème, on plante, on enfouit les semences. Et tout au long de l'hiver, on rêve le fruit à venir du milieu du printemps au milieu de l'automne.
L'hiver est la saison où l'on construit le fruit de l'avenir avec le fruit du passé.
L'hiver est la saison du présent».
Selon moi, ce projet est “féminin” dans son essence ou esprit ou idée, “féministe” dans son apparence ou corps ou matière. Je ne parle pas de la saison entre le printemps et l'automne dans cette présentation parce qu'elle n'a pas beaucoup d'intérêt, c'est celle du mouvement donc la moins active, le temps de l'agitation, qui n'est pas l'action mais l'apparence de l'action, le temps de la dépense sans but autre que la dépense. Elle est nécessaire dans le “cycle de la vie” mais sous cette apparence de grande vitalité c'est le temps de la mort, et elle est nécessaire car elle prépare la “résurrection”, c'est-à-dire le moment où l'ancienne génération transmet le “principe de vie” à la nouvelle génération.
Je cause de ce projet, qui a mon avis n'a plus trop d'intérêt sinon celui d'être une trace, et à son petit niveau une réserve de propositions destinées aux génération à venir, parce qu'il illustre ce que je disais précédemment: c'est un projet “féminin” qui est à la fois un exemple et un élément de réponse à la question: que faire? Faire pour qu'advienne un futur “féminin”, le temps de la lenteur et du repos, le temps de la terre, nue et froide et stérile en surface, mais en laquelle germe ce qui constituera les éléments nécessaires au temps d'entre le printemps et l'automne. D'où l'intérêt de la symbolique de la “Terre Mère” en ce temps, en ce début de troisième millénaire.
Pragmatiquement, j'y reviens, pour que ça se passe d'une manière pas trop pénible il faut en passer par la loi. Mais passer par elle contre elle et non avec elle. Je ne parlerai pas plus des “antispécistes”, ce sont des gens aussi peu intéressants que les “végans”, ils ne veulent en rien rompre avec l'état des choses, au contraire leurs projets nécessitent la persistance de cet état des choses, la persistance de l'agitation, qui est acceptable, pour le nommer, en été, inacceptable quand l'été s'achève. Ces gens sont à la fois “terroristes” (ils n'hésitent pas, pour les plus radicaux d'entre eux, à mener des actions destructrices, y compris destructrices de la vie) et “légalistes” au pire sens, chicaniers mais ne mettant surtout pas en cause un système de loi qui favorise les projets spécieux de ce genre, des projets fondamentalement antisociaux. Ils passent par la loi avec elle, mais si cette loi leur contrevient, ils s'en affranchissent, et comme leurs idéologues et dirigeants sont “à l'abri des lois”, “au-dessus des lois”, ils s'indiffèrent profondément des conséquences possibles de cette ignorance de la loi car elles ne les atteignent pas. L'autre voie, celle qui veut en passer par la loi mais contre elle, est au contraire très respectueuse de la loi et de ses limites, et s'ils en dépassent les limites ils le font par eux-mêmes, et non par l'entremise de leurs “disciples”, de “la piétaille”, de “la chair à canon”. Leur but est d'infléchir la loi par les moyens de la loi, non de la renforcer en sachant qu'ils peuvent sans risque s'en affranchir. Dans une discussion en cours de rédaction je parle de cela: les lois qui sanctionnent les faits de corruption sont très sévères, ne supposent aucune circonstance atténuante et supposent en revanche des circonstances aggravantes, or elles ne sont jamais appliquées car les personnes visées sont “au-dessus des lois” pour la simple raison que les juges sont leurs semblables, qu'ils s'identifient à eux, ce qui, cotre la loi même, les incite à l'indulgence, cela sans mauvaise intention, c'est une chose normale que de ne pas vouloir léser son semblable, et le même juge qui sera extrêmement sévère envers un “dissemblable” (par exemple, qui infligera la peine maximum prévue, voire, contre la loi encore, un peu plus que le maximum, à un pauvre type qui a commis de petits larcins), énoncera une peine avec sursis, voire un non-lieu, à un “semblable”, parce qu'il s'identifie inconsciemment (ou parfois consciemment) à lui.
Le concept de génération à la sauce Strauss-Howe et autres fumistes malveillants de ce genre est une connerie et une saloperie, et les “Digital Natives” un concept creux à stricte usage de propagande au service des agités qui nous gouvernent, je n'ai plus rien à dire là-dessus.
M'est avis que ce billet a beaucoup de qualités malgré son aspect foutraque. Mais je suis assez mauvais juge de moi-même et de ma prose.
Ah oui, au fait, très mauvaise idée que celle farfelue de vouloir écrire un Traité du zen et de l'entretien des motocyclettes: outre qu'il en existe déjà un, le zen c'est pas trop mon truc, les motocyclettes moins encore, autant laisser ça aux personnes de talent qui ont quelque chose à en dire.