En relisant l'addendum II du billet précédent, «Quand les choses doivent changer, elles changent» j'ai constaté un oubli, sans grand intérêt dans le contexte de cet addendum II mais d'un certain intérêt en général, la question des révolutions, ou inversions de phases, ou bascules. Je développe ça par ailleurs, on dira ici que mes lectrices et lecteurs le savent, l'univers est à la fois énergie et matière et l'univers est fractal, chaque parcelle de l'univers est donc à la fois énergie et matière. Non alternativement mais indifféremment, un électron par exemple n'est pas onde ou particule mais “onde-particule”, ce que la mécanique quantique nomme la «dualité onde-corpuscule». Comme écrit dans l'article de Wikipédia,
«Cette dualité démontre en réalité l'inadéquation - ou plus exactement l'incomplétude - de chacune des conceptions classiques de “corpuscules” ou d'“ondes” pour décrire le comportement des objets quantiques».
Sans trop développer, la caractérisation d'un objet quantique comme onde ou particule ne dépend pas d'un état à un instant donné mais de la manière dont on observe cet objet à un moment donné: si on observe la lumière avec un instrument optique on la percevra comme onde, si on l'observe avec une cellule photo-électrique on la percevra comme corpuscule, cf. le réputé «principe d'incertitude» théorisé par Werner Heisenberg, selon quoi «toute amélioration de la précision de mesure de la position d’une particule se traduit par une moindre précision de mesure de sa vitesse et vice-versa». Dit autrement, la caractérisation d'une particule ne dépend pas de son état réel mais de la manière dont on l'observe. Conséquence,
«un objet quantique [possède] à la fois une fréquence et un vecteur d'onde, et donc [a] une certaine extension en espace et en temps: il ne peut ainsi être ni parfaitement localisé, ni avoir une énergie parfaitement définie».
Une société étant un fragment de l'univers a les même caractéristiques donc est indifféremment onde et corpuscule, énergie et matière. Perceptivement, un objet sous son aspect “matière” est compact et statique, sous son aspect “énergie”, diffus et dynamique; pour prendre mes caractérisations, il est sous son aspect “matière” une structure, sous son aspect “énergie” un processus. Perceptivement toujours, ou subjectivement, quand un “soi” agit sur le monde le résultat de son action est “extérieur”, il y a une solution de continuité entre l'action et sa conséquence. D'un point de vue objectif ce n'est pas si évident, la lumière peut je crois illustrer au mieux l'écart entre perception subjective et observation objective.
Jusqu'au XX° siècle et au développement à la fois de la relativité einsteinienne et de la mécanique quantique, la lumière fut l'objet de discussions sans fin entre les partisans d'une théorie ondulatoire et ceux d'une théorie corpusculaire, à quoi s'ajoutaient les rares tenants d'une hypothèse d'indétermination, d'une hypothèse “onde-corpuscule” pas très éloignée dans ses fondements de la démonstration d'Heisenberg, de son théorème, avec ce défaut que les tenants d'une telle hypothèse n'ont pas disposé avant le XX° siècle des outils conceptuels et expérimentaux permettant justement de poser un théorème et de passer du stade de l'hypothèse à celui de la théorie. Désormais cette question est réglée, du moins dans le cadre de la science physique qui concerne les moindres particules composites ou hadrons, celle en-deçà de l'atome mais au-delà des particules élémentaires, des quarks et des leptons (bien que le caractère de particule élémentaire soit discutable pour les leptons mais ça ne concerne pas le propos de ce billet) puisque tout objet de l'univers est indissociablement et indifféremment onde et corpuscule, on peut dire que la lumière apparaît principalement onde, accessoirement corpuscule, et que les “particules” justement apparaissent principalement particules, accessoirement ondes.
Fut un temps, à une époque où à la fois j'étais moins informé sur les principes de la mécanique quantique et ceux-ci n'étaient pas aussi établis – et donc remis en question –, j'avais développé un discours sur l'univers qui dans son imprécision et son aspect, disons, poétique, n'était pas si loin des hypothèses actuelles les plus consistantes, celle d'un univers essentiellement plein et non pas essentiellement vide. Comme dit, j'étais beaucoup moins informé – c'est que, entre ce moment, la toute fin du XX° siècle, et cette année 2020, s'est grandement développé un outil puissant permettant aux personnes curieuses de s'informer et se former, celui qu'on nomme “Internet” – mais même pour une personne peu versée en sciences physiques et en mathématiques il était déjà évident que le vide de la mécanique “classique” n'avait pas beaucoup de signification dans le cadre de la mécanique quantique, que ce vide n'était pas vide. D'une certaine manière et même de toutes les manières le vide quantique est la validation théorique et empirique de l'hypothèse de l'éther physique.
Premier point, la lumière n'existe pas comme objet déterminé, il s'agit d'une fraction d'un objet plus vaste, l'électro-magnétisme, considéré principalement sous l'aspect des ondes électro-magnétiques. Deuxième point, il n'existe aucun lieu de l'univers où l'on ne puisse observer l'électro-magnétisme sous son aspect ondulatoire, mais comme tout objet de l'univers est à la fois onde et corpuscule, constater l'onde c'est aussi constater un flux de corpuscules. D'où l'on en peut conclure que l'univers est essentiellement plein. Cela dit, on eut aussi le décrire comme essentiellement vide mais encore plus vide qu'il ne le semble en tant qu'univers matériel: la matière étant composée de corpuscules et les corpuscules étant un des aspects d'objets indifféremment corpuscules et ondes, si l'on suppose qu'un de ces aspects est essentiel et l'autre accidentel, si l'aspect essentiel est l'onde et si l'onde n'est pas “corpusculaire”, alors les corpuscules sont des accidents transitoires, des sortes d'illusions perceptives. Personnellement je suppose qu'aucun aspect n'est premier, comme dit le caractère corpusculaire ou ondulatoire d'un objet ne dépend pas d'une quelconque essence mais de la manière dont on l'observe: si on observe avant tout son mouvement il apparaîtra plutôt onde, si on observe avant tout sa position il apparaîtra plutôt corpuscule. À partir de ces considération j'avais proposé une représentation de l'univers comme une sorte de toile – dans la version initiale de 1998-1999 j'usais d'autres termes – avec une trame et une chaîne, la “matière” étant un nœud entre la trame et la chaîne. Les points nodaux étant assez rares et diversement répartis l'univers apparaît donc essentiellement vide avec ça et là des “concrétions”, des nœuds, plus ou moins nombreux et proches – les planètes et étoiles comme des sortes de pelotes....
Considérant cela il devient difficile de supposer une solution de continuité entre le “soi” et le “non soi”: agir sur le monde est un mouvement donc une onde, ce qui signifie qu'en agissant le “soi” se propage dans le “non soi” et inversement quand le “soi” est agi, agité, le “non soi” se propage dans le “soi”. Avec les deux phénomènes “ondulatoire” et “corpusculaire” de base, les ondes électro-magnétiques et les neutrinos, on constate que les objets “matériels” sont pour ces phénomènes presque invisibles, qu'ils les traversent comme s'ils n'étaient pas là, sauf rares rencontres occasionnelles. Ça ne signifie pas que ces phénomènes n'agissent pas sur la “matière”, notamment les ondes électro-magnétiques ont une certaine capacité à la disperser et la déstructurer ou au contraire à l'augmenter et la structurer (interaction entre photons et électrons). Et maintenant, le sujet de cet addendum devenu billet, les sociétés en tant que phénomène énergétique, donc ondulatoire.
Les humains, et tous les vivants sur la Terre, sont soumis à une illusion puissante; celle du temps chronologique, celui rythmé par le mouvement des objets célestes, en tout premier le Soleil et la Lune. Savoir en ce XXI° siècle que c'est une illusion ne change rien au fait que la vie de chaque vivant est réglée sur ce temps chronologique, il est inscrit dans leur chair, si profondément et anciennement inscrit en eux que par exemple le rythme circadien auquel tous les humains répondent quelques semaines après leur naissance est, comme son nom l'indique, “autour de” la durée du jour, et varie selon deux influences, le contexte et l'horloge interne. Comme le mentionne l'article, ne disposant pas des points de repère habituels de durée du jour les vivants, au moins de la branche des mammifères, tendent à un rythme propre d'environ 25 heures mais certains individus ont génétiquement un rythme autre, plus court dans les exemples cités; comme il le mentionne aussi, si on crée un contexte artificiel d'alternance jour / nuit de 20 heures, l'organisme adapte son cycle veille / sommeil à cette durée. Et ainsi pour les autres cycles, déterminés notamment par le cycle de la lune (lunaison et phases), par celui du mouvement de la Terre sur son axe et relativement au soleil (saisons, année). Les multiples calendriers rendent compte de la multiplicité des situations, en tous les cas tous les calendriers solaires ou luni-solaires “tempérés“ tendent à déterminer une année, un certain nombre de mois correspondant en gros ou en détail à une lunaison, donc 28 à 29 jours, au moins quatre saisons – le cas le plus commode, correspondant aux solstices et équinoxes –, une semaine de sept à quinze jours, le cas commun étant celle de sept jours, soit en gros une des quatre phases d'une lunaison. Je nomme ça des cycles car ils sont perceptivement tels, c'est l'Éternel Retour, celui régulier de phénomènes prévisibles, lunes “montante” et “descendante”, pleine lune et lune noire, solstices et équinoxes avec, après les équinoxes, raccourcissement ou allongement de la durée diurne, et bien sûr tous les phénomènes associés, réchauffement de l'atmosphère en été, refroidissement en hiver, qui induisent des cycles chez tous les animaux et végétaux liés à ces changements d'ensoleillement et de température, etc. J'en parle comme d'une illusion en ce sens que la perception de ces changements est tributaire des conditions locales, ma description de ces cycles ne vaut que pour les parties de la planète situées en gros entre le cercle polaire et les tropiques, aux pôles il n'y a que deux saisons et un jour dure un an, à l'équateur il n'y a pas de saisons et une très faible variation de la durée diurne entre les équinoxes, et autres variations locales selon les contextes.
Le temps chronologique induit une interprétation de la durée comme “circulaire” et comme “linéaire”, l'éternel retour du même et l'éternel changement – comme le dit la vieille sentence concernant le temps linéaire, «on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve», et pour le temps cyclique, un très grand nombre de cosmogonies suppose donc un “éternel retour”, une succession des “âges” similaire à celle des saisons, comme dans la cosmogonie des âges de l'humanité, où se succèdent un âge d'or, un âge d'argent, un âge d'airain, parfois un âge des héros, et un âge de fer. Dans le mythe complet, l'âge de fer est destiné à voir la fin de l'humanité, et de toute chose, après quoi reviendra un âge d'or. Sous un autre aspect le dogme chrétien de la “fin des temps” est assez proche de cette cosmogonie puisqu'il annonce la fin de l'humanité en tant que dégradée et sa résurrection “au paradis”, “dans la Cité de Dieu” ou, variante, la Jérusalem céleste, donc le retour à la situation initiale, le retour au jardin d'Éden. Que ce soit explicite ou implicite, les idéologies eschatologiques, de la “fin dernière” ou “fin du monde” ou “fin des temps”, sont des idéologies ou cosmogonies de l'éternel retour, et que ce soit explicite ou implicite elles calquent leur dogme sur le cycle annuel en zone tempérée: le solstice d'hiver est le moment de la “renaissance”, celui où le jour (la période diurne) cesse de diminuer et commence à augmenter, le solstice d'été est “le début de la fin”, les “âges” étant: la période autour de l'équinoxe de printemps pour l'âge d'or, du solstice d'été pour l'âge d'argent, de l'équinoxe d'automne pour l'âge d'airain, du solstice d'hiver pour l'âge de fer. Le temps linéaire est tributaire d'un fait certain: chaque individu et spécialement, en ce qui nous concerne, chaque humain a un début et une fin, et chaque génération d'humains succède à chaque précédente et prépare chaque suivante. Ces deux conceptions du monde ne sont pas incompatibles, cela dit, le temps linéaire est aussi une succession de petits temps cycliques puisque chaque génération va de l'ascension au déclin et que les générations se succèdent.
Il y a une autre conception du devenir des sociétés, qu'on peut nommer ondulatoire. Comme c'est la mienne je la dis réaliste mais bon, c'est une opinion, certes basée sur une observation de la réalité nettement détachée de l'illusion chronologique, donc plus consistante que les conceptions cycliques ou celles linéaires, ou celles combinant les deux, mais toutes ces conceptions sont des représentations, donc ni plus ni moins vraies les unes que les autres. Disons que la conception “ondulatoire” a un seul avantage, mais à long terme: elle se vérifie. Ce n'est pas le cas pour les conceptions cycliques et linéaires. Cela n'empêche qu'une société à cosmogonie cyclique ou linéaire peut durer très longtemps en se structurant selon son idéologie. Le temps ondulatoire est une cosmogonie de rats, mais on ne fait pas une société d'humains avec les seuls rats et leur seule idéologie, parce qu'une société est à la fois cyclique, linéaire et ondulatoire, pour être clair le temps ondulatoire est la conciliation des deux autres temps, raison pourquoi à long terme les rats ont raison mais à court ou moyen terme ils ont tort. Qu'est une onde? Un truc de ce genre:
Mais aussi un truc de ce genre:
Et encore un truc de ce genre:
Un truc de ce genre, encore un:
Et pour finir un truc de ce genre:
Agrandissement : Illustration 5
Une onde n'est pas un objet, à coup sûr une onde n'est pas une structure mais n'est pas non plus un processus, une onde est une trace, la trace d'un mouvement qu'on peut supposer initié par un objet concret; mais comme cet objet concret ne peut se mouvoir de son propre mouvement il n'est qu'un moment dans une longue suite de “causes” et de “conséquences”, chaque cause diffuse un mouvement et chaque conséquence reçoit un mouvement, l'onde n'est pas le mouvement en lui-même mais la trace de ce mouvement. Une autre image expliquera mieux mon propos:
Une onde est la trace de la diffusion d'un mouvement, le seul moyen de l'observer est de la constater à l'interface entre deux milieux de densité différente, en ce cas seulement elle apparaît comme une onde, dans tous les autres cas – mais dans celui-ci aussi, sauf au niveau de l'interface – le mouvement se diffuse dans toutes les directions de manière erratique; les ondes animées ne montrent pas le phénomène tel qu'il se constate mais tel qu'on peut l'imaginer par l'observation de sa diffusion à l'interface entre deux milieux de densité différente nettement séparés, ici entre de l'air et de l'eau mais on l'observerait aussi bien entre par exemple de l'eau et de l'huile, ou entre un liquide et un solide. Dans un épisode du feuilleton The Big Bang Theory que j'ai regardé récemment par inadvertance – ce n'est pas vraiment le genre de séries que j'ai plaisir à revoir, une fois suffit, quand ce n'est pas de trop... – le petit groupe de “héros” de cette série fait une chose amusante: il dépose un liquide faiblement visqueux sur un film plastique recouvrant un haut-parleur d'ampli, ce qui provoque un mouvement erratique, le liquide se met en lévitation, dans une forme vaguement sphérique, “patatoïde”, et se déforme dans tous les sens; ce qui illustre que le son ne se diffuse pas comme une onde uniforme mais suit les lois de dispersion d'un mouvement brownien. Comme on peut le voir dans la dernière image ci-dessus, le point de départ de la diffusion produit un mouvement beaucoup moins lisse et “ondulatoire” que ne le sont les cercles plus distants, parce qu'en se diffusant le mouvement s'affaiblit et agite moins le milieu, ce qui égalise le mouvement, du moins à l'interface; dans les deux milieux sa diffusion reste erratique beaucoup plus loin et plus longtemps.. Les ondes sont donc d'autres illusions perceptives mais il se trouve que les sociétés sont des sortes d'interfaces et que selon la manière de les observer on constatera des ondes sphériques ou linéaires, à simple train ou double train. L'imaginaire social, qui ne repose que sur les représentations cosmogoniques et idéologiques, aura tendance donc à opter pour une interprétation purement cyclique, ou purement linéaire, ou combinant les deux, ou ondulatoire, parce qu'une société est une sorte d'interface.
Tout objet de cet univers est polarisé, est “positif” à un point et “négatif” au point opposé. Là encore j'en aurais à dire mais à notre niveau et à celui de cette discussion, le niveau des individus et des sociétés, c'est une proposition acceptable. Quand un mouvement se diffuse, ce qui provoquera les mouvements secondaires, la dispersion de ce mouvement, est une opposition entre les objets; l'alternance de mouvements “vers le haut“ et “vers le bas” à l'interface entre deux milieux, peut être traduit ou mentionné comme mouvements “positifs” et “négatifs”, une alternance de “tensions” et de “détentes”, ou d'excitations et de désexcitations, ou d'attractions et de répulsions. Ma proposition d'un temps chronologique purement linéaire est inconsistante bien que ce type d'idéologies revienne souvent, mais ça ne peut pas durer, le dernier moment historique où ce type d'idéologies eut une brève vraisemblance est le très court moment, moins de deux ans, après l'effondrement du “bloc soviétique” en 1989, vous savez (ou peut-être ne le savez-vous pas?) le moment de la “fin de l'Histoire”, le néo-néo-hégélianisme ou même néo-néo-néo-hégélianisme, j'ai perdu le compte, du moment – soit dit en passant, l'auteur du papier qui suscita cet engouement, Francis Fukuyama, était beaucoup plus consistant dans son propos que la caricature médiatique qui découla de la publication de son article puis de son livre sur le sujet, certes c'était inconsistant en tant qu'analyse de la situation réelle du temps mais pas si infondé sur la question centrale, «l'idée que la progression de l'histoire humaine, envisagée comme un combat entre des idéologies, touche à sa fin avec le consensus sur la démocratie libérale qui tendrait à se former après la fin de la guerre froide», mais il ne tenait pas compte à la fois de l'opposition externe, les tenants d'autres idéologies, qui n'ont pas disparu d'un coup d'un seul entre novembre 1989 et l'été 1990, et continuent de s'agiter trente ans plus tard, et l'opposition interne: il y a de nombreuses interprétations de ce qu'est la “démocratie libérale”, pas toujours, pas souvent convergente, si même le consensus sur cette notion s'était établie ça ne signifiait en rien la fin des idéologies, puisque sa promotion est aussi idéologique que sa dénégation. Allez, pour accabler un peu ce pauvre Fukuyama, lors de la publication de son livre en 1992, le moment de la “fin de l'Histoire” était déjà achevé, les idéologies avaient repris du poil de la bête, et leurs partisans les armes. Quoi qu'il en soit, le temps linéaire, le progrès infini et sans heurts, a pu être imaginé mais ne s'est jamais réalisé sinon un court moment dans des contextes restreints. Amusant de penser que le promoteur, un bref moment, de cette forme de “fin de l'Histoire”, de «l'unité dans l'unité», est un citoyen du pays dont la devise est «L'unité dans la diversité»...
Le temps cyclique est bien représenté par la dernière image animée, celle légendée «Harmonique animée deux tons». Du moins, par un des moments. Les phases “hautes” sont celles “positives”, gratifiantes, les âges d'or et d'argent, celles “basses” sont celles “négatives”, dégradantes, les âges d'airain et de fer. L'imaginaire cyclique conçoit les phases hautes comme une progression, celles basses comme une régression, donc le moment négatif est un retour vers le moment initial. Le temps mixte, à la fois linéaire et cyclique, correspond à la deuxième image, «Onde progressive animée», il y a une “flèche du temps”, celle de la ligne rouge médiane, et un mouvement alterné entre phases “hautes” et “basses”, la ligne médiane est quelque chose comme la “normale”, la position que l'on vise, les phases des moments d'excès et d'insuffisance relativement à elle. Bien sûr, l'analyse du moment est tributaire de l'idéologie dont on est porteur: considérant l'opposition “gauche” contre “droite” par exemple, d'évidence “le plus haut” de la droite sera “le plus bas“ de la gauche, et réciproquement. Ça n'est pas si simple bien sûr, “gauche” et “droite” ont beaucoup plus en convergence qu'en divergence, et les tenants de la “droite” et de la “gauche” ne forment pas deux ensembles cohérents, il se peut, à un instant donné, que les franges les plus “centristes” de gauche et de droite soient dans la perception convergente d'un “haut” alors que les extrêmes des deux tendances s'accordent sur l'opinion que c'est un “bas” même si elles n'en tirent pas les même conséquences. Bon, je vois qu'il me faut creuser cette question de polarité, de négatif et de positif.
Excursus: plus ou moins plus, plus ou moins moins.
Dans je ne sais plus quel billet je discute de cette question: les polarités “plus” et “moins” sont... plus ou moins déterminables, et plus ou moins fixes. Les mots sont des pièges, nommer les choses c'est leur donner de la réalité, supposer que la réalité des noms coïncide avec la réalité des choses est toujours une erreur, même quand c'est exact. On dira que la polarité est un fait, en outre un fait observable, mais à un niveau d'observabilité limité, en-deçà ou au-delà elle devient inobservable: quelle est la polarité de l'univers? Quelle est la polarité d'un objet neutre de masse non nulle mais non mesurable et non observable sinon indirectement, tel que les neutrinos? Et parlant d'eux, les trois objets composites formant les atomes sont nommés électrons, protons et neutrons; les électrons sont chargés négativement, les protons chargés positivement, et les neutrons sont, et bien, sont neutres. Ah! Au fait, les électrons ne sont pas des objets composite. Enfin, ne sont peut-être pas des objets composites, ça me semble douteux mais on dira que ce n'en sont pas. Ouais, je sais, le “modèle standard minimal“ nous dit qu'ils sont élémentaires mais justement, ce modèle pose des problèmes depuis quelque temps. Passons... En tout cas, les neutrons sont neutres, sont de charges électrique nulle, mais ont un “moment magnétique” négatif et une “polarisabilité”; faut dire, les quarks ne sont pas neutres, il y a donc une logique à ce qu'un neutron ne soit pas aussi neutre que ce qu'on en dit puisqu'un neutron est composé de trois quarks dont, un de charge positive, deux de charge négative. Censément, la charge des quarks négatifs, ou quarks “down”, est de -1/3e, moins un tiers de charge élémentaire, celle des quarks positifs ou quarks “up” de +2/3e, conclusion les charges s'équilibrent donc le neutron est neutre. Certes neutre, mais d'une neutralité tendanciellement négative... Et comme relevé, les neutrinos ne sont pas neutres. Bref, ces questions de charges, de masse et de polarité ne sont pas aussi binaires, ou ternaires (positif, négatif, nul) qu'il en semble. Les mots disent la réalité mais en la simplifiant considérablement.
Fin de l'excursus.
Même la réalité physique n'est pas aussi simple et linéaire que sa description ne le propose, alors pour la réalité sociale... Les sociétés sont des faits, des objets de la réalité observable, mais la représentation qu'on en a assez distante de cette réalité effective. Pour obtenir une image assez consistante même si imparfaite de l'univers il a fallu un temps très long pour développer les outils conceptuels et observationnels permettant d'aller au-delà des apparences, je le dis souvent dans mes billets les humains en tant que groupes ont la mémoire courte et ont du mal à discerner au-delà de trois à cinq générations dans le passé, de une à deux dans le futur. À cela pas mal de raisons, les deux principales étant que pour aller au-delà il faut se donner le temps d'y réfléchir, un temps dont peu disposent, et qu'il faut vouloir avoir du discernement, ce que peu veulent, soit qu'ils manquent de capacités de discernement, soit qu'on les conditionne à n'en pas avoir, soit enfin que les deux se se combinent.
Les êtres humains naissent et parfois demeurent inégaux en fait, sans compter que souvent on les rend inégaux en fait, ou en droit. Dans la nature, dans ce qu'on nomme en ces temps nature, il n'y a pas de droits, il n'y a que des faits, la notion de “droits naturels” est un oxymore, une expression aux termes contradictoires: pour qu'il y ait droits il doit y avoir loi, et la loi est un fait de culture. Les seuls droits admissibles dans une société sont ceux qu'elle décrète tels. Il n'y a pas non plus de droits imprescriptibles. Deux de mes références sont la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen (la DDHC) de 1789 et à un moindre degré, la Déclaration universelle des droits humains (la DUDH) de 1948. Les deux me posent problème, la première car dans sont article 2 elle parle de «la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme», la seconde car dans son préambule elle mentionne «la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et leurs droits égaux et inaliénables», les deux car dans leurs articles premiers respectifs, la première énonce que «les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits», la seconde que «tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits». Si c'était exact, à quoi bon faire une déclaration concernant ces droits et la manière de les établir et les maintenir? Tous les êtres humains naissent, c'est sûr, car pour être il faut naître. Mais ils ne naissent pas tous libres, ce que reconnaît l'article 4 de la DUDH:
«Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude; l'esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes».
Les esclaves ne sont pas libres et égaux en droits, mentionner que l'esclavage est proscrit c'est mentionner en creux qu'il existe, donc que les humains ne naissent pas tous libres et égaux ni en fait ni en droit. En cette année 2020 finissante, sauf rares et transitoires situations nulle entité politique n'admet de droit la possibilité de l'esclavage mais c'est récent, comme mentionné dans l'article «Esclavage» de Wikipédia, section «Les abolitions», le dernier État qui l'ait aboli est le Pakistan, et seulement en 1992, soit 44 ans après promulgation de la DUDH, et entre ces deux dates plusieurs entités politiques continuent de pratiquer de droit l'esclavage (Arabie séoudite, Mauritanie, Bhoutan, Tibet, etc.), bref, et pour paraphraser qui vous savez, on ne naît pas libre, on le devient quand les conditions s'y prêtent, et elles ne s'y prêtent pas toujours.
La fin de l'article 1 laisse aussi à songer:
«[Les êtres humains] sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité».
Hormis le dernier mot, qui me chiffonne (de longue date et assurément en 1948, “adelphie” et son équivalent anglais qui pourrait être “siblinghood” est plus extensif et censément plus exact que “fratenité” et “brotherhood” (mot employé dans la version anglophone) qui excluent en parole les sœurs alors que la DUDH est censée s'appliquer à tous les humains, hormis cela donc, cette phrase laisse entendre que les êtres qui ne seraient pas doués de raison ou/et de conscience ne sont pas humains. Est-ce qu'un être généalogiquement relié à l'espèce et manquant de raison ou de conscience n'est pas humain? C'est une question, et dans bien des entités politiques la réponse est: ils ne le sont pas. Y compris en France, pays dont je suis citoyen. Plus largement, cette réponse est celle des courants eugénistes et dans la majorité des entités politiques l'eugénisme se pratique, certes pas aussi ouvertement que dans les décennies qui précédèrent et suivirent la proclamation de cette déclaration mais il se pratique, et pas seulement en direction des humains généalogiques supposés ne pas disposer, ou pouvoir disposer, de raison ou de conscience. En France on pratique, en tout cas dans ce début de nouveau millénaire, l'eugénisme préventif sous la forme de l'interruption réputée volontaire de grossesse “pour raisons médicales”, ailleurs, aux États-Unis par exemple, on préfère promouvoir celui curatif et en outre on le pratique à la sauvage, au petit malheur la malchance. Autre différence, en France ce qui pose problème est plutôt la “raison”, ou son absence supposée, aux États-Unis plutôt la “conscience” et son absence supposée ou avérée. Dans tous les cas, l'eugénisme est un bon instrument pour déterminer ceux qui dans une société peuvent assez ou très aisément être sortis de l'humanité. En Chine par exemple l'eugénisme assez égalitaire, “démocratique”, cela lié au fait d'un contrôle de la population lui aussi “égalitaire”: tout le monde surveille tout le monde. En Inde au contraire il est très inégalitaire, les deux principaux critères sont le sexe et le statut social, les femmes et les basses castes sont “plus ou moins humaines”, plutôt moins, et on y pratique facilement l'IVG pour les filles et la stérilisation forcés pour les membres des basses castes qui ont le défaut supplémentaire d'être pauvres. Dans un pays comme la France, comme dit la “raison”, ou plutôt son absence, est un motif admis pour conseiller l'IVG “pour raisons médicales”, mais ça n'est qu'un des aspects d'une appréciation plus large, celle de la “normalité”: si on s'en écarte trop du côté de la déficience on figure aisément dans la liste des candidats à la “non naissance”, à l'avortement provoqué. Ce qui fait s'interroger sur deux autres articles de la DUDH, le deuxième, alinéa 1:
«Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation».
Et le troisième:
«Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne».
L'eugénisme est contradictoire à ces «droits inaliénables», sa pratique empêche donc leur application pleine et entière. Ladite pratique étant courante dans la majorité, probablement la totalité des entités politiques, ils sont donc inapplicables. On pourrait poursuivre l'élucidation des trente articles de la DUDH et des dix-sept de la DDHC pour constater que pas mal de ces droits supposés “naturels” et “imprescriptibles” ou “inaliénables” sont prescriptibles ou aliénables, .selon les contextes et les moments. Je dois avouer que j'ai une préférence pour la DDHC parce qu'elle est plus explicite en ce qui concerne les limites de ces droits et leur aliénabilité ou prescriptibilité. Je pense notamment à l'article 16, alinéa 1, première phrase, de la DUDH:
«A partir de l'âge nubile, l'homme et la femme, sans aucune restriction quant à la race, la nationalité ou la religion, ont le droit de se marier et de fonder une famille».
Le mot “nubile” est tautologique dans ce contexte: est “nubile” «qui est en âge d'être marié», et l'“âge nubile” est celui «autorisant le mariage». Bref, peut se marier qui est en âge de se marier. De ce fait, le reste de cet article est difficilement applicable. Le voici en son entier:
«1. A partir de l'âge nubile, l'homme et la femme, sans aucune restriction quant à la race, la nationalité ou la religion, ont le droit de se marier et de fonder une famille. Ils ont des droits égaux au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution.
2. Le mariage ne peut être conclu qu'avec le libre et plein consentement des futurs époux.
3. La famille est l'élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l'État».
Si dans une entité politique on fixe cet “âge nubile” à l'âge de naissance, le «libre consentement des époux» sera une vue de l'esprit; l'alinéa 3 est sibyllin: la famille des époux passant contrat ou les familles respectives de ces époux, leur parentèle? Si dans une entité politique donnée on considère la famille au sens large, la protection de la famille par la société n'induit pas nécessairement la protection des futurs époux quant à leur liberté de contracter. Pour être clair, quand on formule ces “droits inaliénables” d'une manière trop imprécise, ils se révèlent aisément aliénables. Je ne voudrais pas qu'on me suppose détracteur d'un droit humain universel, simplement on ne l'instaure pas avec une déclaration trop vague et non contraignante. Un autre texte, directement relié à la DUDH, la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (la CSDH) de 1950 du Conseil européen (revue et complétée plusieurs fois entre 1970 et 1994), est beaucoup plus intéressant de ce point de vue, parce qu'il est contraignant pour les parties contractantes à cette convention, parce qu'il est beaucoup moins évanescent, “idéaliste”, et parce qu'il intègre la définition des instruments permettant de contrôler l'application de la déclaration des droits et leurs respects, et le cas échéant de sanctionner les manquements, la Cour européenne des droits de l'Homme – des droits humains.
Soit dit en passant, les institutions européennes du Conseil de l'Europe et de l'Union européenne constituent un meilleur modèle d'évolution des rapports entre entités politiques, le problème constant lors de l'extension des intégrations est de restaurer le rapport d'équité entre l'instance de moindre niveau, l'individu, et celui de plus haut niveau, “la société”, seul à même de permettre l'égalité de tous devant la loi. Censément, pour une société toutes les personnes sont égales, de fait toutes sont inégales; la personne de plus haut niveau est la société elle-même, qui est une “personne morale”; pour remédier à ce problème on doit inventer un processus qui instaure l'équité, raison pourquoi il est nécessaire de définir et de défendre les droits fondamentaux de la personne humaine, qui doivent être supérieurs à tous autres droits, notamment ceux des personnes morales. La société a, comme toute autre personne, des intérêts propres qui peuvent aller contre les intérêts d'autres personnes, morales ou physiques, mais une société doit limiter drastiquement la défense de ses intérêts propres quand cela concerne ses rapports avec les personnes qui la composent, raison pourquoi le respect des droits des individus, des personnes physiques, prévaut sur tout autre. Mais proclamer ces droits sans créer l'instance permettant de les faire respecter est sans effet. La DUDH est sans effet au niveau de la plus haute instance concernée, l'ONU, car elle est non contraignante, comme dit, et de ce fait aucune instance n'a été créée pour faire respecter ces “droits humains”. C'est bête à dire mais énoncer les droits mais ne pas prévoir une Cour pour les faire respecter est inutile.
Le défaut initial, et toujours présent, de l'Organisation des Nations unies est de ne concerner que des personnes morales, les nations. Il existe plusieurs instances qui sont des cours de justice ou en font fonction mais toutes ne prennent en compte que des personnes morales, en général des États, parfois des organisations internationales “non gouvernementales”, non rattachées à un État particulier, même l'instance qui semble le plus proche de concerner le droit des personnes, la Cour pénale internationale, ne peut être saisie que par un État ou par le Conseil de sécurité de l'ONU et que pour des crimes collectifs, génocide, crimes de guerre, crimes contre l'humanité; en revanche seules des personnes physiques peuvent être mises en accusation, la question s'est posée de poursuivre les personnes morales privées mais non les personnes morales publiques. C'est dû à la logique même qui sous-tend les règles de l'ONU: les États ne sont pas considérés comme des ensembles d'individus mais comme des individus et sont souverains; il y a certes des limites à cette souveraineté mais rares sont les cas où elles sont prises en compte, pour cela il faut l'accord explicite ou tacite des cinq membres permanents du Conseil de sécurité, ça exclut déjà toute mise en cause de ces cinq États et de leurs alliés, les rares cas où cette souveraineté fut suspendue, parfois contre les règles même de l'ONU, concernent des États sans protecteurs et sans intérêt stratégique. Le fait que le Conseil de l'Europe ait dès le départ décidé d'une convention contraignante concernant les droits des individus et que la Cour européenne des droits humains puisse être saisie par toute personne physique ou morale permit de mettre en place un processus de régulation des rapports entre les individus et les instances de plus haut niveau; ça ne s'est pas fait d'un coup d'un seul mais du moins ça a permis de créer une jurisprudence depuis 70 ans que cette cour existe, laquelle constitue une base solide pour établir l'équité entre les individus et les entités politiques supranationales. Comme mentionné, un problème constant est l'extension des intégrations quand se produisent des intégrations de sociétés, d'autant qu'existent plusieurs formes de régulations, les quatre principales étant celles “nationales”, “fédérales”, “confédérales” et “impériales”, plus des types informels, “anarchistes”, qui de ce fait ne sont pas proprement des régulations par intégration.
Pour faire simple, dans la régulation nationale l'ensemble de la société a un seul corpus législatif pour tout son territoire et une gestion centralisée; les trois autres formes ont en commun au moins deux niveaux de régulation, celui global et celui des entités réunies dans cette société globale, la spécificité des empires est qu'une de ces entités, la métropole, définit le corpus commun, lequel prévaut sur tous les autres; dans les fédérations et confédérations les entités secondaires ont une autonomie large et peuvent développer un corpus législatif concurrent de celui global qui prévaut sur lui, pour autant qu'il ne soit pas en contradiction avec les conventions passées entre entités secondaires; la plus grande différence entre les fédérations et confédérations et la manière dont le corpus commun se constitue: dans une fédération le niveau global a une autonomie de décision et crée son droit, dans les confédérations le droit commun résulte de compromis, de conventions, entre les entités secondaires.
Pour paraphraser le début du précédent billet, «Inversion de la réalité», on est rarement tout l'un, chaque société combine en soi du nationalisme, de l'impérialisme et du (con)fédéralisme mais en doses variables et selon des modalités diverses. Dans chaque société une des formes peut dominer mais il y a toujours des pans de régulation qui ressortent d'autres formes. Au-delà de la structure formelle et de la structure réelle, deux éléments interviennent pour déterminer le droit: sa définition du bas vers le haut ou du haut vers le bas et la primauté des personnes morales ou des personnes physiques. L'anarchie pure est le seul mouvement de bas en haut et la primauté absolue des personnes physiques, la tyrannie pure est le seul mouvement de haut en bas et la primauté absolue des personnes morales. Sauf dans des expériences de peu d'extension ou de durée, anarchie pure et tyrannie pure ne se rencontrent pas., et en tout cas pas dans des sociétés larges et durables, au-delà d'une certaine population et d'une certaine extension territoriale “faire société” nécessite toujours des compromis, donc des formes “impures”. Sans définir un seuil précis, ces limites sont vite atteintes, un régime “pur” requiert que tous les membres de la société se connaissent, que tout membre puisse être atteint par tout autre dans un délai raisonnable, pas plus qu'un ou deux jours, et soit assurément identifiable. Dans une entité aussi vaste que la défunte région Auvergne ou aussi peuplée que le département de la Seine-Ville de Paris c'est irréalisable, raison pourquoi dans une société large la cohésion sociale est basée sur des compromis qui permettent de simuler la réalisation de ces trois conditions. Mais justement, comme ce sont des compromis les conventions qui les établissent sont toujours fragiles et toujours contournables.
Donc, la question des révolutions, ou inversions de phases, ou bascules. Une société large est un compromis entre formes concurrentes de régulation, et une société large tend à s'élargir. Quand a lieu un élargissement les compromis anciens, pour autant qu'ils aient trouvé un certain équilibre, sont remis en cause et suscitent une rupture d'équilibre.
Fatigué de ce billet. On dira qu'il est terminé. Selon moi, en lisant les quelques billets un peu ou très (parfois trop) longs publiés récemment ou qui le seront sous peu on aura un ensemble où les éléments non développés dans l'un le sont dans un autre, souvent mis en lien “pour information”. Il y a pas mal de redites mais ce qui dans un billet fait l'objet d'un développement long est généralement condensé dans les autres, on n'a donc pas nécessité à tous les lire si la version condensée paraît suffisante à la lectrice, au lecteur.