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Billet de blog 23 avril 2024

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Pour Rima Hassan et Mathilde Panot

Ayant publié, le 9 novembre dernier, une lettre à la France insoumise sur l’antisémitisme, je tiens d’autant plus à exprimer ma colère et mon indignation face aux convocations de Rima Hassan et Mathilde Panot devant la police.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le 9 novembre dernier, j’ai publié sur ce blog une lettre à la France insoumise sur l’antisémitisme sur laquelle je suis rapidement revenu dans un autre texte. Travaillé par un lien affectif à l’idée d’Israël dont je savais qu’il était lacéré par la réalité de l’Etat d’Israël, ayant beaucoup d’amis dans ce cas, je ressentais le besoin que leur peine, leur stupéfaction, soit prise en compte au lendemain des massacres du 7 octobre : un événement ne doit jamais être ni divorcé de ses causes, ni réduit à celles-ci. Plusieurs prises de parole de la France Insoumise m’ont, à ce moment-là, suffisamment blessé pour que j’y réagisse par cette malheureuse lettre. Six mois ont passé.

Six mois de sang. Les bombes, les meurtres de civils fièrement perpétrés par les soldats de « l’armée la plus morale du monde », enfin la famine. Dans l’ombre des massacres à Gaza, l’offensive en Cisjordanie. L’accomplissement de la longue dérive fascisante de la population israélienne dont l’immense majorité, paraît-il, approuve la violence infligée aux Gazaouis. La complicité honteuse des grandes puissances. La multiplication, en France, de déclarations plus ignobles les unes que les autres, justifiant ouvertement le génocide des Gazaouis. Meyer Habib, député de la nation, qualifiant les Gazaouis de « cancer ». Yonathan Arfi relayant à l’Elysée les thèses de Benjamin Netanyahou au nom des Français de confession juive, dont heureusement certains s’opposent avec force à l’Etat qui se prétend le leur. Et l’immonde renversement des choses, dont la marche contre l’antisémitisme fut la mise en scène : l’extrême droite érigée en défenseur des Juifs et la gauche en antisémites.

Six mois qui ont donc confirmé toutes les analyses de la France Insoumise. Laquelle a réussi le coup de maître de présenter la candidature de Rima Hassan aux élections européennes : la voici convoquée par la police et, désormais, Mathilde Panot. Ces convocations constituent, de la part du gouvernement, une mise hors-la-loi d’un discours de paix seul compatible avec une lutte véritable contre l’antisémitisme, la soumission obligatoire au dogme du « choc des civilisations » qui frappe l’impérialisme du sceau du Bien et la résistance du sceau du Mal. Elles tracent pour l’avenir la ligne de front.

Que ce soit sur la Palestine que s’opère la grande clarification du débat politique français est en un sens aberrant. Le conflit israélo-palestinien serait donc la métonymie de l’ordre du monde. L’indignation face à tout ce que notre monde charrie de pire se focalise sur le drame qui se joue entre la rivière et la mer, là où l’impérialisme, le colonialisme et le racisme forment avec l’antisémitisme un nœud qu’aucun glaive ne pourra jamais trancher et qu’il faudra dénouer. 

C’est donc l’Etat, toujours prompt à s’inquiéter de « l’importation du conflit Israélo-Palestinien », qui aura choisi de faire de la Palestine l’épreuve de vérité pour tous les acteurs politiques en France. Si la liberté d’opinion est la condition élémentaire, non négociable, de la démocratie, alors tous ont l’obligation de la défendre quelle que soit leur opinion personnelle. Nous compterons les voix, dans tous les camps, qui défendront Rima Hassan et Mathilde Panot.

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