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Les trains de nuit : une mobilité d'avenir
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Billet de blog 19 août 2019

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CFF souhaite coopérer avec la SNCF et RENFE pour des trains de nuit Zurich-Barcelone

“Oui au train de nuit” vous propose un extrait de l'interview de Toni Häne, directeur Voyageurs des chemins de fer suisses CFF. Toni Häne parle de ponctualité, des chantiers, et il déclare surtout vouloir des trains de nuit !

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En France, la SNCF a négligé les trains de nuit pendant des années. Aujourd'hui le gouvernement s'y intéresse à nouveau, comme activité à promouvoir en compétition avec de nouveaux opérateurs. Les CFF pour leur part expriment le besoin de coopération. Alors quel est l'avenir des trains de nuit, compétition ou coopération ?

Selon la compagnie autrichienne ÖBB, qui relance les trains de nuit en Europe de Hambourg jusqu'à Rome, « le train de nuit est un secteur particulier qui ne peut fonctionner qu’avec des coopérations transfrontalières fortes »1. Ainsi, les trains de nuit ÖBB sont tractés par des locomotives italiennes, allemandes ou suisses et les billets sont vendus aussi par les chemins de fer allemand2. «  La concurrence seule ne résoudra rien, c'est plutôt la coopération entre les compagnies des différents pays qui est la clef de la réussite des trains de nuit en Europe. » a déclaré Kurt Bauer, manager ÖBB3.

Lors du lancement du nouveau train de nuit multibranche au départ de Berlin en décembre 2018, M. Bauer a encore analysé que « ce projet est issu de la coopération avec les compagnies ferroviaires publiques de pas moins de cinq pays – l’Allemagne, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie et la Hongrie. Des compagnies ferroviaires privées ne pourraient pas aboutir à un tel résultat ».4

Interview de Toni Häne (extrait) : "Aujourd’hui, beaucoup de voix s’élèvent pour demander davantage de trains de nuit. Quelle réponse leur apportez-vous ?

Nous analysons la demande. Nous voulons savoir sur quelles relations nous pouvons compter sur un taux de remplissage suffisant, y compris en dehors de la période estivale. Les trains de nuit pour Berlin et Hambourg sont complets des semaines à l’avance. Des trains supplémentaires seraient sans doute utiles. Et nous examinons aussi d’autres destinations. Personnellement, je veux le retour du train de nuit pour Barcelone. C’est clairement ma priorité.

Illustration 1
De nouveaux trains de nuit sont nécessaires au départ de la Catalogne et de l'Espagne

Et que faut-il pour que ces projets se concrétisent?

Avant tout, il faut une volonté commune de proposer cette offre. Si les chemins de fer français et espagnols participent, nous pourrons faire rouler ce train de nuit. Je crois que la demande serait au rendez-vous. Mais à condition, en effet, que nos partenaires jouent le jeu. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé pour ÖBB. Avant de reprendre les trains de nuit allemands, les Autrichiens nous ont demandé si nous pouvions les aider à Zurich. Aujourd’hui, Zurich est le deuxième pôle de trains de nuit en Europe après Vienne.

Demandez-vous des subventions ou la prise en charge d’un éventuel déficit ?

Aujourd’hui déjà, nous ne rentrons pas dans nos frais en ce qui concerne les services que nous fournissons en lien avec l’offre de trains de nuit d’ÖBB. Notre priorité est de déterminer pour quelles relations il existe une vraie demande. Puis nous devrons contacter les chemins de fer partenaires concernés. Ce n’est qu’à ce moment-là que se posera la question de la rentabilité et d’un éventuel financement d’amorçage.

Le Conseil fédéral pourrait exiger que vous préleviez annuellement 30 millions de francs suisses sur les bénéfices réalisés sur les grandes lignes pour les consacrer à un réseau de trains de nuit.

Ce ne serait guère pertinent. Il faut mettre l’argent là où une demande avérée existe. Si nos clients et nos chemins de fer partenaires jouent le jeu, nous serons ravis de faire circuler des trains de nuit à destination de Barcelone ou d’autres métropoles européennes. Nous pourrions aussi proposer de nouvelles relations de jour vers Bologne et Turin. Qu’au bout du compte une péréquation soit nécessaire me semble assez évident. Et si c’est ce que veulent les usagers du rail, les CFF seront au rendez-vous."

Article original : Pascal Tischhauser interview Toni Häne, "Le nombre de chantiers va augmenter", Blick.ch, 7 août 2019

2ème controverse : revenir sur terre pour estimer le potentiel respectif de la Grande Vitesse et des trains de nuit

Le train de nuit Zurich-Barcelone a circulé jusqu'en 2012. Il a été supprimé un mois avant l'ouverture de la Ligne à Grande Vitesse (LGV) Perpignan-Barcelone. Finalement, la LGV a pris une part de marché très réduite : en 2015, entre la France et l'Espagne, 100 millions de passagers ont pris la voiture, 12 millions l'avion, 7 millions l'autocar, 1,3 millions les différentes voies ferrées5. La LGV n'a transporté que 800 000 voyageurs. La LGV Perpignan-Figueres a même vécu une faillite par manque de trafic (seulement 15% du trafic voyageur prévu a été réalisé, et 8% du trafic fret6). Refinancée par les États, le difficile équilibre économique de cette LGV reste à trouver7.

En 2006, les Talgos de nuit et de jour transfrontaliers avaient eux aussi transporté 800 000 voyageurs jusqu'à Montpellier, Zurich, Milan et Paris8. La LGV n'a donc pas attiré plus de voyageurs, malgré le très lourd investissement.9 En France et en Espagne, le potentiel des LGV continue à être clairement surestimé pour les distances de plus de 750 km. Il existe aujourd'hui encore un « mythe » du TGV qu'on croit capable de proposer des voyages presque instantanés. Or sur les distances de 750 à 1500 km, le voyage dure nécessairement plus de 3 à 10 heures, ce qui est long et peu attractif de jour. Le train de nuit est nécessaire pour arriver tôt et pour voyager en dormant, donc sans perte de temps !

Aujourd'hui le voyage en train de jour de Zurich à Barcelone dure plus de 10h et oblige à plusieurs changements. En 2012-2013, la suppression des trains de nuit entre l'Espagne et Paris/Zurich/Milan a été précipitée et elle n'était pas justifée. Alors bientôt une renaissance ?

Références

1 « Pourquoi l'Autriche reste attachée aux trains de nuit », Le Figaro, 4 mars 2019

2 « ÖBB Nightjet – voyager en train de nuit à des prix de rêve », sur le site de la Deutsche Bahn

3 Patrick Sacristan, Le Parlement Européen réfléchit à la relance des trains de nuit, La Semaine des Pyrénées, 9 fév. 2018

4 Ouiautraindenuit, Un nouveau train de nuit Berlin-Vienne/Budapest/Przemyśl sur les rails !, Mediapart, 11 déc. 2018

5 Source Plataforma Transport Public de Catalogne et Air transport statistics, Eurostats.

6 SNCF Réseau rapport financier semestriel 2016, PriceWaterhouseCoopers, ErnstYoung, 30 juin 2016

7 Lionel Steinmann, Le besoin de réduire les pertes menace les lignes Paris-Barcelone et Paris -Genève, Les Echos, 25 juil. 2017

8 En 2006, le trafic ferroviaire grandes lignes internationales (Talgo) transportait 811 000 passagers entre la péninsule ibérique et le reste de l'Europe. A ceux-ci, il resterait à ajouter une partie des 260 021 passagers des TdN Paris-Portbou et Strasbourg/Luxembourg-Portbou transportés en 2015, ainsi qu'une partie de ceux du Paris-Irun, Genève-Irun et Vintimille-Irun supprimés en 2013-2017. A titre de comparaison, la LGV a transporté 826 439 passagers en 2016 : les milliards d'investissement LGV ont échoué à faire progresser le report sur le rail...

9 TGV France - Espagne : la bonne stratégie ?, TransportRail, 13 sept. 2016

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