Suite à l’alerte lancée par le collectif « Oui au train de nuit », 85 000 personnes ont signé la pétition pour sauver les trains de nuit Paris-Berlin et Paris-Vienne. De nombreux parlementaires et élus locaux se sont exprimés pour.
« Oui au train de nuit » avait déjà dénoncé les arguments trompeurs de la direction SNCF pour démanteler les trains de nuit nationaux, ce qui a contribué à enclencher la relance des trains de nuit dès 2017. Aujourd’hui, avec l'arrivée du nouveau PDG de la SNCF en novembre 2025, il est temps de tourner la page de 3 intox encore véhiculées par le groupe SNCF, pour cette fois-ci, relancer les trains de nuit internationaux et améliorer les trains de nuit nationaux. Ceux-ci souffrent encore de nombreux dysfonctionnements.
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1) Commercialisation : SNCF Connect cache un train pour en montrer un autre
SNCF Connect ne vend pas les billets pour les trains de nuit Paris-Berlin et Paris-Vienne, et n’affiche même pas ces trains, alors que la SNCF reçoit une subvention de l’État pour les opérer. Le voyageur doit deviner qu'il faut aller sur le site de la compagnie autrichienne ÖBB (oebb.at) pour acheter un billet, astuce que peu de français connaissent. On imagine aisément que la fréquentation, déjà remarquable avec 70 % de taux d’occupation, serait encore meilleure si cette offre était visible.
La SNCF a suspendu la vente en 2024 et annonce la reprendre courant 2026, c’est-à-dire lorsque les trains de nuit seront démantelés. SNCF Connect vend le train ICE de jour Paris-Berlin (en coopération DB-SNCF), mais pas le train de nuit (en coopération ÖBB-DB-SNCF). La différence de traitement entre les 2 trains interroge. Le problème est plus généralisé qu’il n’y paraît et Oui au train de nuit alerte depuis 2016 sur les biais de vente de la plateforme SNCF.
Pour corriger le tir, SNCF Connect peut sans attendre faire un geste et afficher au moins un message ou un bandeau avec un lien vers la plateforme de vente des chemins de fer autrichiens ÖBB.
« Oui au train de nuit » déplore aussi le manque d’information sur les trains de nuit nationaux. Il arrive que ceux-ci n’apparaissent pas sur SNCF Connect, sans que le voyageur ne sache s’ils sont en attente de confirmation (ce qui arrive souvent) ou s’ils sont définitivement annulés pour cause de travaux. Par exemple, le train de nuit Paris-Tarbes est censé être quotidien, mais ne circule (presque) aucun samedi ni dimanche. Le voyageur a besoin de le savoir pour planifier ses voyages. L’affichage de tous les trains financés par les pouvoirs publics est nécessaire, avec des messages spécifiques, dont certains ont parfois déjà été mis en œuvre, mais désormais supprimés sur SNCF Connect :
- « en attente de confirmation, s’inscrire à l’alerte réservation » ;
- « train non programmé pour cause de travaux » (ou à défaut un bandeau explicitant les jours de non circulation)
- « non vendus sur le site, en vente sur oebb.at » ;
2) Communication : sortir des comparaisons biaisées avec le TGV
La SNCF explique que le TGV est plus rentable car chaque place « peut être occupée par jusqu’à quatre passagers différents par jour ». Ce n’est pas vrai partout. Le TGV Paris-Berlin fait le trajet en 8 heures et ne réalise de fait qu’un unique aller simple par jour, à égalité avec le train de nuit. Et la SNCF elle-même explique que sur ce TGV Paris-Berlin, entre 75 % et 85 % des passagers font le trajet de bout en bout, ce qui signifie que la plupart des places ne sont en réalité vendues qu’une seule fois.
Enfin, sur certains trajets comme Paris-Vienne, il n’existe tout simplement pas de TGV direct. En réalité la SNCF compare des choux et des carottes, avec des trajets beaucoup plus courts en TGV (par exemple Paris-Lyon – 500 km) qu’en train de nuit (Paris-Berlin – 1000 km).
Sur certaines liaisons, le train de nuit peut coûter moins cher au contribuable que la grande vitesse
Pour la grande vitesse, un des principaux coûts est la construction de l’infrastructure. Or celle-ci est payée… par le contribuable. Ces financements publics pour l’infrastructure constituent donc une subvention indirecte, qui se chiffre en dizaines de milliards d’euros. Difficile dans ce cas de parler de « rentabilité », quand les gains sont pour l’opérateur et les coûts assumés par le contribuable.
Même avec cette subvention indirecte, la « rentabilité » du TGV n’est possible que sur les liaisons principales, globalement entre Paris et les principales métropoles. Sur d’autres liaisons, comme les liaisons transversales région-région, la desserte des villes moyennes ou certaines liaisons internationales, le train de nuit peut coûter moins cher en financement public que de construire de nouvelles lignes à grande vitesse.
En réalité, trains de nuit et TGV se complètent et ont chacun leur domaine de pertinence. Cesser de les opposer dans la communication montrera que la SNCF est enfin sortie du « tout TGV » et qu’elle considère les deux options sans a priori.
Le train de nuit peut même contribuer à compenser la tendance préoccupante du recul des dessertes sur le réseau TGV. Selon les données de l’Autorité de régulation des transports (ART) entre 2017 et 2024, « le niveau de dessertes effectives a reculé de 7% au global et reste en deçà de son niveau de 2017 pour toutes les catégories d’agglomération, à l’exception des agglomérations de plus de 700 000 habitants » De leur côté, les 5 lignes actuelles de trains de nuit permettent de desservir 48 villes qui n’ont pas d’arrêt TGV et 36 villes de moins de 10000 habitants, dont 12 communes de moins de 1000 habitants.
En conséquence, nous appelons la SNCF et l’État à communiquer que :
- Le ferroviaire en général ne fonctionne pas sans financement public. Ni le train de nuit, ni le TER ni la construction de Lignes à Grande Vitesse, ne peuvent exister sans. C’est donc un non-sens de démanteler un train de jour ou de nuit avec pour critère strict la « non-rentabilité ».
- C’est le moment de tourner la page des années 2010 où la SNCF communiquait sur la « non rentabilité » des trains de nuit et poussait ainsi les pouvoirs publics à démanteler l’offre.
- Le train de nuit s’autofinance plutôt bien, à un taux supérieur aux trains régionaux et Transiliens.
- Le train de nuit complète efficacement les lignes LGV.
3) Exploitation : optimiser pour obtenir à nouveau une subvention
La SNCF n’envisage pas d’exploiter les trains de nuit internationaux sans subventions, alors que son homologue Deutsche Bahn (DB) le fait, et ce non seulement pour le Paris-Berlin, mais aussi pour les nombreux Nightjets opérés avec les chemins de fer autrichiens (ÖBB) et Suisses (SBB). La DB supporte probablement de légères pertes, qui sont acceptables d’autant plus qu’il s’agit d’un marché émergent. Trenitalia est dans la même situation et communique que le train de nuit Marseille-Rome lancé sur certaines dates en 2025 est déficitaire mais que l’opérateur « peut se permettre cet investissement, en tant que leader de la mobilité ». Cela donne l'impression que l'ambition de la SNCF pour les trains de nuit reste en-deça de celle de Trenitiala.
La SNCF supporte des investissements et des pertes d’une tout autre ampleur avec Ouigo Espagne, par exemple. Elle y a envoyé des rames TGV (alors qu’il en manque sur le territoire français). Elle a investi pour cela 700 millions d’euros, et le total des pertes sur 4 ans atteint 150 millions d’euros en 2024. Pour comparaison les trains de nuit internationaux ont besoin d’environ 5 millions d’euros par an, avec une marge d’optimisation importante tant sur la commercialisation que sur l’exploitation du train. La SNCF discrimine-t-elle les trains de nuit au point de refuser d'investir quelques millions pour tester le marché, alors qu'elle investit des centaines de millions d'euros quand il s'agit des TGV à l'étranger ?
Dans une étude complète datant de 2021, le ministère des Transports concluait que les lignes Paris-Berlin et Paris-Vienne peuvent à terme couvrir leurs frais d’exploitation (hors investissements dans le matériel, qui dans le cas présent est apporté par l'Autriche). L’exploitation des trains de nuit nationaux, même en desservant des territoires peu denses, s’autofinance déjà autour de 50%, ce qui est un très bon score puisque les transports publics s’autofinancent fréquemment à un niveau bien inférieur. L’exploitation des liaisons entre grandes métropoles peut davantage s’approcher de l’autofinancement.
Pour cela, un effort d’optimisation important semble manquer pour :
- Circuler en trains entiers, au lieu de demi-trains se recombinant en milieu de trajet. Cela permet d'éviter le détour et le passage obligé par centre de manœuvre de Mannheim. Éviter une manœuvre et le temps d’attente des différents demi-trains améliore les horaires et augmente la fiabilité.
- Supprimer le passage obligé à Mannheim ouvre la possibilité d'itinéraires bis supplémentaires et facilite ainsi d'éviter les nombreuses zones de travaux.
- Lancer un service quotidien (action promise mais pas encore réalisée). Cela améliore la visibilité de l'offre et permet de négocier de meilleurs horaires et une meilleure fiabilité des circulations avec les gestionnaires du réseau ferré.
- Les trains entiers quotidiens sont plus capacitaires, plus fiables et plus visibles. Cela permettrait de réduire le besoin de subvention par voyageur. Or justement, le ministre des Transports Philippe Tabarot déplore que la SNCF demande 85€ par voyageur (voir vidéo min 16') pour exploiter ces trains. Optimiser est donc une action déterminante et attendue pour motiver l’État à accepter la facture.
- [A découvrir prochainement : notre lettre ouverte au PDG de la SNCF pour optimiser les trains de nuit internationaux.]
Vers un changement culturel pour les trains de nuit
Alors, le nouveau PDG de la SNCF corrigera-t-il le tir pour communiquer plus positivement pour les trains de nuit, optimiser la commercialisation et l’exploitation et renégocier une subvention auprès de l’État ?
Pour obtenir un tel changement d’attitude de la SNCF et de l’État, « Oui au train de nuit » appelle les voyageurs :
- à Signer la pétition sur https://agir.greenvoice.fr/p/berlin
- aux « rassemblements pyjama » en novembre et en décembre, pour la « dernière » circulation des Paris-Vienne/Berlin. Comme pour la suppression du Paris-Nice en 2017, nous chanterons « ce n’est qu’un au revoir train de nuit », car nos trains de nuit reviendront ! S’inscrire sur ouiautraindenuit.wordpress.com/agenda et réserver les dates !