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Les trains de nuit : une mobilité d'avenir

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Billet de blog 5 novembre 2025

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Les trains de nuit : une mobilité d'avenir

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Lettre ouverte au PDG de la SNCF : propositions pour consolider les trains de nuit

Les trains de nuit internationaux Paris-Vienne et Paris-Berlin sont menacés de démantèlement en décembre 2025. Plus de 90 000 citoyens et de nomnbreux élus demandent de redéployer ces services avec plus d’ambition. Oui au train de nuit contribue avec une lettre ouverte au nouveau PDG de la SNCF Jean Castex pour relancer et consolider les trains de nuit.

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Les trains de nuit : une mobilité d'avenir

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Les trains de nuit internationaux Paris-Vienne et Paris-Berlin sont menacés de démantèlement en décembre 2025. Plus de 90 000 citoyens ont signé pour redéployer ces services avec plus d’ambition. De nombreux élus sont prononcé pour.

Les chemins de fer autrichiens ÖBB ont fait savoir qu'ils seraient prêts à relancer ces liaisons, même après plusieurs mois d'interruption, dès lors que la France offrira à nouveau une coopération positive.

De son coté, la SNCF a abandonné ses partenaires, dans les délais extrêmement courts, les plaçant en situation de difficulté, ce qui n’est pas acceptable. Plusieurs autres dysfonctionnements sont à résoudre. La fréquentation de ces deux lignes est élevée, et il existe des pistes pour améliorer l'équilibre économique. Une action de la SNCF est donc attendue pour renouer le dialogue et pour reprendre et améliorer l'exploitation des trains de nuit internationaux, éventuellement avec une subvention renégociée. Ce changement d’attitude de la SNCF sera bénéfique aussi pour les trains de nuit nationaux.

1) Améliorer l’information voyageur et la commercialisation

Illustration 1
Le Premier ministre Jean Castex informe les voyageurs lors de l’inauguration du train de nuit Paris-Nice le 21 mai 2021

1.1) Afficher l’ensemble des trains de nuit, même ceux qui sont perturbés

SNCF Connect n'affiche plus les deux trains de nuit internationaux que la SNCF opère, Paris-Vienne et Paris-Berlin. Non seulement le voyageur ne peut pas y acheter les billets, mais il n'y trouve pas les horaires ni même l'information sur l'existence du train. Le voyageur doit deviner qu'il faut aller sur un site autrichien oebb.at pour acheter un billet pour l'Allemagne, astuce que peut de français connaissent. (Le site de l’opérateur Allemand DB a fréquemment dysfonctionné lui aussi pour les trains de nuit). On imagine aisément que la fréquentation, déjà remarquable avec 70 % de taux d’occupation, serait encore meilleure si cette offre était rendu visibile.

La SNCF a suspendu la vente en 2024 et annonce la reprendre courant 2026, c’est-à-dire lorsque les trains de nuit seront démantelés. SNCF Connect vend le train ICE de jour Paris-Berlin (en coopération DB-SNCF), mais pas le train de nuit (en coopération ÖBB-DB-SNCF). La différence de traitement entre les 2 trains interroge.

L'information manque également à propos de la circulation des trains de nuit nationaux organisés par l’État. Il arrive que ceux-ci n’apparaissent pas sur SNCF Connect, sans que le voyageur ne sache s’ils sont en attente de confirmation (ce qui arrive souvent) ou s’ils sont définitivement annulés pour cause de travaux. Pour rappel, sur certains territoires excentrés, le train de nuit est l’unique train longue distance disponible par jour. L’usager attend d’être informé précisément si le train circule ou non. Il serait donc idéal d’afficher toutes les circulations demandées par les Obligations de Service Public (OSP). Pour cela des messages spécifiques sont attendus :

  • « en attente de confirmation, s’inscrire à l’alerte réservation ». Ce message a déjà été mis en œuvre par le passé (sur Oui.sncf), mais a disparu depuis. En 2025 il apparaît à nouveau, uniquement lorsque l’usager paramètre sa recherche pour « rechercher uniquement les trains de nuit ». Par ailleurs cette nouvelle « alerte réservation » ne semble pas fonctionner…
  • « train non programmé pour cause de travaux » (ou à défaut un bandeau expliquant les jours de non circulations) : c’est une innovation nécessaire. Cela permettra à l’usager de savoir qu’il doit chercher une autre solution plutôt que d’attendre que le train sorte à la vente.
  • « non vendus sur le site, voir sur oebb.at » (ou à défaut un bandeau vers le site oebb.at) : ce message a été préparé dès 2024 par SNCF Voyageurs, mais finalement jamais mis en œuvre.

1.2) Vers une plateforme de vente non biaisée (entre OSP et SLO) ?

Pour aller plus loin, Oui au train de nuit dénonce (depuis 2016) que certains paramétrages du moteur de recherche SNCF Connect biaisent la vente. Ils font disparaître des combinaisons de trains Intercités et TER (trains sous convention - en Obligation de Service Public - OSP), visiblement pour mieux vendre les TGV (ou autres trains en service commercial - autrement appelé Service Librement Organisé - SLO). Rappelons que de telles pratiques sont à la limite à la fois de l’abus de position dominante et du refus de vente. Elles privent le voyageur d’accès à certains services publics ferroviaires, pourtant financés par le contribuable. Ces pratiques sont à corriger. Pour cela SNCF Connect, ayant actuellement le statut d’agence de voyage, gagnerait à recevoir certaines obligations de neutralité :

  • Afficher tous les trains conventionnés, même ceux n’ayant pas obtenu leur sillon.
  • Voir les propositions pour une plateforme de vente non biaisée au chapitre 7 ici. Il s’agit – entre autres – de pouvoir acheter jusqu’à 5 correspondances et choisir le type de train (fonction qui dysfonctionne sur SNCF Connect).
  • Autre exemple : SNCF Connect ne prend pas en compte correctement les réductions pour un utilisateur disposant de plusieurs cartes de réduction. Le voyageur ne peut alors pas bénéficier de l’ensemble des réductions auxquelles ses cartes lui donnent droit. C’est notamment le cas lorsque le trajet comporte une section en train de nuit avec correspondance en TER. Il existe une solution de contournement du problème qui consiste pour l’utilisateur à décocher pour chaque tronçon certaines des cartes de son profil au moment de la requête pour pouvoir bénéficier du tarif le plus avantageux auquel lui donne accès ses différentes cartes. Mais, cela suppose une connaissance avancée que très peu d’usagers possèdent.
  • Retrouver ici de nombreux autres biais de vente à corriger.
  • SNCF Gares & connexions s’interroge sur l’installation d’automates de vente multi-opérateurs. Effectivement SNCF Gares & Connexions, en tant que filiale de SNCF Réseau, est bien placée pour recevoir des missions d’information voyageur et de vente non biaisée avec obligation de neutralité. Vendre les billets pourra en outre générer des recettes pour mieux financer le fonctionnement des gares.
  • A terme, si SNCF Connect ne réussit pas à informer de manière satisfaisante le voyageur, la question peut se poser de transférer cette activité de vente à une entité neutre, tout en évitant de morceler encore l’écosystème ferroviaire. Aussi une entité déjà existante, et ayant déjà un lien fort avec le voyageur, telle que SNCF Gares & Connexions pourrait être une option pour accueillir SNCF Connect..

1.3) Informer sur les trains de nuit étrangers circulant en France 

La SNCF ne dispose pas de matériel roulant pour lancer seule des trains de nuit internationaux. Elle peut par contre :

  • coopérer pour faciliter l'arrivée d'autres acteurs afin de mieux connecter la France à l’Europe.
  • Trenitalia a lancé un train de nuit Marseille-Rome à l'été 2025, sur quelques dates. Face au succès, ce service sera reconduit avec plus circulations à l’été 2026. Informer sur l'existence de ce train de nuit (avec a minima un bandeau vers le site Trenitalia, pour que le voyageur  non expert trouve où acheter le billet), voire vendre les billets, aidera à rentabiliser ce train et ouvrir davantage de dates de circulation.
  • Les trains de nuit sont une activité fragile, ce qui justifie un traitement spécifique. Est-ce que la SNCF peut s'engager à informer sur les horaires de tous les trains de nuit circulant en France ?
  • Et pour aller plus loin : proposer aux opérateurs des partenariats pour vendre les billets ? C'est une action peu coûteuse et qui génère même un bénéfice, tout en améliorant la desserte du territoire national. Cela permettra de favoriser le ferroviaire dans la compétition multimodale, sans coûter plus au contribuable.

L’ex-ministre des Transports François Durovray a confirmé le besoin d’une évolution, si besoin via une action des pouvoirs publics pour assigner des obligations à la plateforme de vente en position dominante : « À un moment je crois que SNCF-Connect vendra des billets Trenitalia, soit parce que la loi l’obligera, soit parce qu’il aura intérêt » (voir la vidéo min 9′).

2) Renforcer l'équipe SNCF Intercités de nuit

Les trains de nuit souffrent de nombreux dysfonctionnements. Ce sont les trains les plus complexes à produire : les trajets sont parmi les plus longs ; ils circulent sur le réseau classique vieillissant, confronté à de nombreux travaux, plus encore en horaire de nuit. Ils ont par ailleurs été négligés pendant plusieurs décennies. Un retard important a besoin d’être comblé.

Au printemps 2021, une équipe renforcée "task force" a été dédiée spécifiquement à résoudre les difficultés des trains de nuit, avec succès, ce qui a permis de relancer des lignes et à doubler la fréquentation.

Toutefois, cette "task force" de 3 personnes a été dissoute en avril 2024. Pourtant la remise à niveau des trains de nuit est loin d’être achevée. Les trains de nuit restent le parent pauvre de la SNCF, après plusieurs décennies de sous-investissement. Actuellement sur de nombreuses lignes de nuit, près d’une circulation sur 3 est fortement perturbée (non-circulation ou retard). Or ne pas pouvoir circuler coûte cher : les salaires sont à payer et de nombreux coûts fixes sont à couvrir alors que les recettes commerciales correspondantes ne rentrent pas. De même, les nombreux retards de plus de 30 minutes obligent à rembourser les billets. Fiabiliser les circulations grâce a une "task force" améliorera l'autofinancement. Au vu des nombreuses difficultés encore à résoudre, la SNCF pourra-t-elle recruter et remettre en opération une telle "task force" ?

L'équipe renforcée est nécessaire entres autres pour :

  • résoudre avec SNCF Connect les défauts d'information voyageurs et de commercialisation
  • négocier avec SNCF Réseau et mettre en service des itinéraires bis lorsque les trains de nuit ne peuvent pas circuler sur leur itinéraire nominal pour cause de travaux. SNCF Intercités a lancé en septembre 2025 un itinéraire bis via Grenoble pour Briançon, ce qui représente une avancée importante. Mais elle manque de moyens pour étudier en même temps les nombreux autres itinéraires bis pourtant nécessaires aussi pour les autres lignes.
  • négocier avec SNCF Réseau la mise en œuvre de travaux avec voie contiguë circulée à vitesse réduite (entre 15 et 30 km/h), dans les cas où aucun itinéraire bis n'est disponible.
  • A noter : les entreprises du BTP se montrent réticentes aux travaux sur voie contiguë circulée. Elles emploient en effet de nombreux intérimaires parfois sur des missions courtes, donc peu formés, ce qui fait craindre pour leur sécurité. Un effort de formation et de fidélisation des équipes serait à étudier. 

3) Optimiser le service pour améliorer l'autofinancement 

Le rapport TET du gouvernement Castex, publié en mai 2021 [à retrouver en version complète ici], a conclu que l’exploitation des trains de nuit internationaux peut atteindre l’équilibre (hors acquisition du matériel roulant). L’exploitation des trains de nuit français, même en desservant des départements ruraux, s’autofinance déjà autour de 50%1, ce qui est un très bon score puisque les transports publics s’autofinancent généralement à un niveau bien inférieur. L’exploitation des liaisons entre grandes métropoles européennes pourrait s’approcher de l’autofinancement, grâce à un effort important pour optimiser le service. Dans le cas du Paris-Berlin/Vienne, de nombreuses optimisations sont ainsi possibles :

  • Circuler en trains entiers monobranches (au lieu de trains multibranches se recombinant en milieu de trajet, à Mannheim). Éviter le passage obligé via Mannheim, l’attente des autres demi-trains (et donc de cumuler leurs retards) et le temps de manœuvre, permet d’arriver plus tôt à destination donc aider à éviter certains travaux, dont ceux qui ont lieu en France en matinée.
  • Éviter le passage obligé via Mannheim augmente le nombre d'itinéraires bis possibles, donc permet de mieux circuler malgré les travaux. Au final, cela rationalise la production, augmente la fiabilité et améliore les horaires (qui actuellement sont très dégradés, avec un départ vers 19h de Paris et une arrivée après 09h à Berlin, ce qui contraste avec les horaires mieux optimisés du Nightjet Berlin-Zurich, par exemple).
  • Passer à un service quotidien (action promise mais pas encore réalisée) permettra de donner de la visibilité aux trains de nuit et aussi de négocier de meilleurs sillons avec les gestionnaires d'infrastructures. En effet ceux-ci accordent plus de priorité aux services quotidiens.
  • Interrogée, ÖBB se montre disposée à apporter des rames supplémentaires pour ainsi dédoubler la capacité avec au moins un train quotidien, avec la possibilité de faire circuler 2 trains, au moins certains jours.
  • Pour cela la SNCF a besoin de personnel bilingue. Jusqu'à maintenant c'est TER Grand Est qui fournit le personnel, mais en quantité peut-être insuffisante pour passer à un service quotidien. Quelles sont les pistes pour disposer de davantage d’agents bilingues ?
  • Autre ressource déjà demandée par ÖBB mais apparemment restée sans réponse positive de SNCF : un espace pour au moins 2 trains est à demander à Paris Est. Or l’espace ferroviaire sur Paris-Est semble désormais mal adapté pour les rames tractées et pour la préparation des trains de nuit. Actuellement le train de nuit stationne pendant 2 heures à quai en gare pour sa préparation, ce qui est difficilement généralisable pour démultiplier le nombre de trains de nuit.
  • Il est donc nécessaire de réserver de l'espace pour à l'avenir pouvoir stationner les trains en journée (voies de garage) et préparer les trains (installations).
  • À l’avenir il convient d’anticiper le besoin d’un atelier de maintenance, pour les nombreuses destinations internationales attendues par les voyageurs, vers Hambourg, Copenhague, Malmö, Prague, Varsovie et bien d’autres destinations du Centre, du Nord et de l’Est de l’Europe. L’unique technicentre actuel pour les trains de nuit en France, situé proche de la gare d’Austerlitz est déjà proche de la saturation et reste par ailleurs inadapté pour les trains vers le Sud-Est et l’Italie. D’autres technicentres sont donc attendus. Le rapport TET a montré le besoin de 4 technicentres, dont 2 sur la région parisienne. Vu que la plus grande partie de l’Europe se situe géographiquement dans cette orientation, le secteur de Paris-Est pourrait être un bon emplacement pour accueillir un technicentre.
  • La configuration avec une locomotive en tête et une autre en queue n’est toujours pas pleinement autorisé en France, alors qu’elle l’est en Italie. Pour rappel l’Italie est le pays de l’UE qui affiche la plus forte fréquentation dans ses trains de nuit, avec 2 millions de voyageurs par an. Ce choix de l’Italie est donc à considérer avec attention. Cette configuration permet d’éviter des manœuvres en gare et ainsi apporter aux rames tractées les mêmes avantages que les rames automotrices.
  • Autre solution : homologuer en France le nouveau matériel Nightjet ÖBB, qui inclut une voiture pilote et pourra (prochainement) être aussi bien tracté que poussé par la locomotive. Pour cela aussi les autorisations pour une exploitation à pleine capacité et pleine vitesse semblent nécessaires.
  • La relance de la liaison Paris-Berlin/Vienne est une bonne occasion pour négocier avec ÖBB un arrêt à Nancy (les jours où le train passe par Strasbourg) et un arrêt à Forbach et/ou Sarrebruck quand le train est détourné via Forbach. (Cet arrêt à Forbach/Sarrebruck est d’autant plus important, que Strasbourg n’est alors pas desservie). Cela améliorera le remplissage du train, grâce au large bassin de population autour de Nancy-Metz-Luxembourg et plus largement sur l’Est de l’Hexagone.
  • Pour avancer plus rapidement vers l'amélioration des services, l’État et/ou la SNCF gagnera à convoquer un Comité de Suivi des Dessertes Ferroviaires (CSDF) annuel, aussi pour les trains de nuit internationaux. Les CSDF sont déjà en place avec succès pour les trains de nuit nationaux conventionnés. La convention signée avec l’État semble placer le train de nuit dans le cadre des OSP, ce qui réglementairement oblige à un CSDF, même si celui-ci n’a pas encore eu lieu.
  • Dans tous les cas, installer un comité de lignes sera positif aussi pour les trains de nuit en Open Access (et a fortiori ceux bénéficiant de subvention de démarrage) puisque mobiliser les usagers, élus et associations permet un retour efficace pour améliorer la qualité de service. Cela permettrait de résoudre les problèmes au plus tôt, pour aussi éviter que les usagers se voient obligés de dénoncer les dysfonctionnements via la presse, au risque de ternir l’image du service.
  • En juin 2025, le PDG de la SNCF a déploré la fragmentation des technicentres (cf vidéo min. 46’) qui induisent des surcoûts dans le ferroviaire. Les trains de nuit, dont la mission est de desservir de nombreux territoires ruraux, sur un espace géographique large et dispersé, souffrent particulièrement de la nouvelle tendance où chaque ligne doit disposer de son technicentre dédié. Pour les trains de nuit, une approche différente est à envisager. Cela passe par une exception pour mieux partager les technicentres en faveur de cette activité. La SNCF pourrait-elle faciliter l'accès aux technicentres pour les trains de nuit ?
  • Par exemple, le train de nuit Paris-Aurillac/Rodez aurait besoin de pouvoir entretenir ses locomotives thermiques au technicentre EIV de Brive-la-Gaillarde. Interpellé par le député du Cantal, le ministre des Transports confirme étudier de « confier certaines opérations à l'Etablissement Industriel Voie (EIV) de Brive-La-Gaillarde, des discussions sont en cours entre SNCF Réseau et SNCF Voyageurs afin d'y aboutir. » À noter : SNCF Réseau a un devoir de neutralité. Donc accepter de réparer des locomotives des Intercités de nuit – même ponctuellement – peut l’obliger à accepter les demandes d’autres opérateurs, à l’EIV de Brive, voire dans toute la France. C’est donc une charge supplémentaire. Toutefois, l’activité de maintenance peut générer des recettes et contribuer à déployer des trafics générateurs de péages. Le Gestionnaire d’Infrastructure LISEA construit d’ailleurs un grand technicentre dans cet objectif. Une étape intermédiaire pourrait être de donner aux trains de nuit un statut d’activité fragile et d’assigner à SNCF Réseau la mission d’ouvrir ses technicentres – dans un premier temps – à ce secteur en particulier.

4) Le train de nuit représente un optimum économique sur certaines liaisons

4.1) Communication : sortir des comparaisons biaisées avec le TGV

La SNCF communique que le TGV est par nature plus rentable car chaque place « peut être occupée par jusqu’à quatre passagers différents par jour ». Ce n'est pas vrai partout. Par exemple  le TGV Paris-Berlin fait le trajet en 8 heures et ne réalise de fait qu’un unique aller simple par jour. La SNCF explique de plus que sur ce TGV Paris-Berlin, entre 75 % et 85 % des passagers font le trajet de bout en bout, ce qui signifie que la plupart des places du TGV ne sont en réalité vendues qu’une seule fois, à égalité avec le train de nuit. Enfin, sur certains trajets comme Paris-Vienne, il n’existe tout simplement pas de TGV direct. 

Avec cet argument, la SNCF compare des choux et des carottes : elle met dans la balance des trajets en TGV beaucoup plus courts, de 500km, équipés de LGV, comme par exemple Paris-Lyon (où effectivement le train de jour peut réaliser plusieurs allers-retours par jour, mais qui sont trop courts en distance pour un voyage de nuit), et des trains de nuit (typiquement Paris-Berlin 1000km, ou Paris-Aurillac 600 km, non équipé de LGV).

4.2) Pour certaines liaisons, le train de nuit peut coûter moins cher au contribuable que la construction d'une ligne à grande vitesse

Pour la grande vitesse, un des principaux coûts est la construction de l’infrastructure. Or celle-ci est payée par le contribuable. Ces financements publics pour l’infrastructure constituent donc une subvention indirecte, qui se chiffre en dizaines de milliards d’euros. 

Même avec cette subvention indirecte, la « rentabilité » du TGV n’est possible que sur les liaisons principales, globalement entre Paris et les principales métropoles. Sur d'autres liaisons, comme la desserte des villes moyennes, les liaisons transversales région-région, ou certaines liaisons internationales, le train de nuit peut coûter moins cher en financement public, en comparaison avec la construction de nouvelles lignes à grande vitesse. Par exemple, le projet de TGV Poitiers-Limoges aurait pu nécessiter 80 % de subventions sur l'opérationnel. Le train de nuit peut donc – sur certaines liaisons – s'avérer moins dispendieux pour le contribuable que le TGV. Par exemple, le train de nuit peut être considéré comme un optimum économique pour desservir Briançon et Aurillac, où la grande vitesse n'est pas envisagée et n'atteindrait pas de rentabilité.

En réalité, trains de nuit et TGV se complètent et ont chacun leur domaine de pertinence. Cesser de les opposer dans la communication montrera que la SNCF est enfin sortie du « tout TGV » et qu’elle considère les deux options sans a priori.

A noter : le TGV plaît visiblement aux directions des chemins de fer – dans toute l’Europe – car il est plus simple à opérer (peu d’heures de trajet, donc peu d’heures de travail) et qu’il se concentre sur les corridors principaux, ce qui simplifie plus encore la gestion. Cela ne veut pas dire qu’il faut abandonner l’aménagement du territoire, la desserte des villes moyennes, les liaisons transversales, et les liaisons internationales, comme malheureusement cela a été la tendance en France - mais pas en Autriche - ces dernières décennies.

Le train de nuit peut même contribuer à compenser la tendance préoccupante du recul des dessertes sur le réseau TGV. Selon les données de l’Autorité de régulation des transports (ART) entre 2017 et 2024, « le niveau de dessertes effectives a reculé de 7% au global et reste en deçà de son niveau de 2017 pour toutes les catégories d’agglomération, à l’exception des agglomérations de plus de 700 000 habitants ». De leur côté, les 5 lignes de nuit actuelles permettent de desservir 48 villes qui n’ont pas d’arrêt TGV et 36 villes de moins de 10000 habitants, dont 12 communes de moins de 1000 habitants.

En conséquence, nous appelons la SNCF et l’État à communiquer que :

5) Accepter un risque commercial pour renégocier les aides

5.1) Les opérateurs étrangers acceptent des pertes pour les trains de nuit

Trenitalia en Italie et Deutsche Bahn (DB) en Allemagne exploitent les trains de nuit de la marque autrichienne Nightjet sans subventions. Pour la DB, il ne s’agit pas que du Paris-Berlin, mais aussi des nombreux autres Nightjets. Ces opérateurs supportent probablement de légères pertes, qui sont d'autant plus acceptables qu’il s’agit d’un marché émergent.

De la même manière, Trenitalia communique que le train de nuit Marseille-Rome lancé sur quelques dates en 2025 est déficitaire mais que l’opérateur « peut se permettre cet investissement, en tant que leader de la mobilité ». Cela donne l'impression que l'ambition de la SNCF pour les trains de nuit reste en-deça de celle de Trenitalia.

5.2) La SNCF réalise des pertes/investissements importants pour le TGV à l’étranger

La SNCF supporte par contre des investissements et - pour l'instant - des pertes d’une tout autre ampleur, à l’international, par exemple avec Ouigo Espagne. Elle a investi pour cela 700 millions d’euros, et le total des pertes sur 4 ans atteint 150 millions d’euros, dont 45 millions en 2024. Pour comparaison les trains de nuit Paris-Vienne/Berlin ont besoin d’environ 5,6 millions d’euros par an2, avec une marge d’optimisation importante tant sur la commercialisation que sur l’exploitation du train.

La SNCF discrimine-t-elle les trains de nuit au point de refuser d'investir quelques millions d’euros pour tester le marché, alors qu'elle investit des centaines de millions d'euros quand il s'agit des TGV à l'étranger ? Pour rappel, la SNCF porte une responsabilité dans le démantèlement des trains de nuit au cours des années 2010 : voir ici une autre déclaration d’un PDG de la SNCF qui, bien que non-étayée, jette un discrédit et a contribué à démanteler les trains de nuit (voir vidéo min 3’40’’). La SNCF gagnera donc désormais à être plus proactive pour réanimer le service, au moins pour une question d’image.

5.3) Le prix du billet d’avion va augmenter : l’alternative train de nuit est attendue d’urgence, pour 12 millions de voyageurs par an au départ de la France

L’ONG Réseau Action Climat a montré qu’avec le train de nuit un marché émergent de 12 millions de voyageurs par an au départ de la France est à conquérir (soit l'équivalent d'environ 10 % du trafic aérien).

Côté concurrence intermodale, Airbus abandonne l’avion à hydrogène, qui au final apparaît comme une « fausse-promesse verte », destinée à repousser les réglementations contraignantes. Le secteur est également incapable de produire les carburants alternatifs (SAF) en quantité suffisante. Cela signifie qu’il ne remplira pas ses objectifs 2030 de décarbonation. Malgré un lobbying au moins aussi intense que celui du tabac, cette situation peut potentiellement amener à relancer la suppression des niches fiscales de l’aérien, d’autant plus que les États recherchent des recettes. Ainsi en France, la Taxe Sur les Billets d’Avion (TSBA) a doublé en 2025. L’avion est également soumis au marché carbone SEQE-UE, qui renchérit le CO2.

Or cette augmentation du prix de l’aérien – qui est le concurrent frontal du train de nuit – aidera justement le train de nuit à enfin mieux s’autofinancer. Pour rappel, au 20ème siècle, lorsque l’aérien était onéreux, les déplacements européens se réalisaient massivement en train de nuit, et ceux-ci généraient un bénéfice pour les opérateurs ferroviaires. La fin des niches fiscales de l’aérien rééquilibre la concurrence pour que – à nouveau – chaque mobilité puisse vivre.

Attention toutefois : l’augmentation du prix du billet d’avion impactera de nombreuses familles. N’oublions pas les gilets jaunes, quand les gens se sont sentis coincés. Si les opérateurs ferroviaires manquent le redémarrage des trains de nuit, les pouvoirs publics risquent d’être contraints de subventionner... l’aérien, qui sera la seule mobilité disponible sur de nombreuses origines-destinations européennes. La fenêtre d’action est donc étroite :

  • La SNCF gagnera (comme le font déjà les opérateurs en coopération) à accepter d’investir et assumer des risques (qui sont relativement modestes), pour les trains de nuit à partir des années 2025.
  • Il s’agit de réanimer l’alternative train de nuit pour être prêts à répondre aux besoins de mobilités européenne décarbonée et capter les subventions pour cela sur la décennie 2030.

5.4) Accepter un risque pour renégocier une subvention avec l’État

Le rapport TET du gouvernement Castex a montré que les trains de nuit internationaux peuvent être opérés en Open Access, sans subvention d’exploitation, ce qui implique d’accepter une prise de risque pour l’opérateur. C’est probablement sur ce point qu’un changement culturel est nécessaire à la SNCF, pour :

  • accepter de voir le train de nuit international comme un investissement et un risque à porter.
  • ce changement culturel est nécessaire aussi pour que la SNCF devienne force de proposition en direction de l’État et de l’UE pour faire évoluer le cadre réglementaire et les modalités du soutien public, et ainsi construire le modèle économique des trains de nuit internationaux. (Voir ci-dessous en partie 8).

 La SNCF demande entre 5,6 millions d'euros par an² à l'État pour les trains de nuit Paris-Vienne et Paris-Berlin. Plusieurs questions :

  • La SNCF facture généralement des frais de structure et des prises de bénéfice pour les trains conventionnés. Dans ce cas, le « déficit » réel est moindre que la subvention demandée. Supporter en interne une partie du risque et des pertes de lancement aidera à convaincre l’État de renégocier une aide. Par exemple, au vu des déclarations ministérielles, réduire la facture d’environ 30 % montrerait l'engagement de la SNCF et pourrait être décisif². Pour relancer les trains de nuit, chaque acteur a en effet besoin de faire un geste.
  • Aujourd’hui alors que la SNCF donne l’impression qu’elle ne veut pas perdre le moindre euro avec les trains de nuit, et afin de montrer son implication, la SNCF pourra-t-elle préciser quelle part elle accepte de porter sur le risque et les pertes du lancement des trains de nuit internationaux ?
  • En mai 2025, le PDG de la SNCF Jean-Pierre Farandou déclare à propos des trains de nuit [voir vidéo minute 28’] : «  Paris-Barcelone peut être que ça peut être rentable », à condition que le matériel soit apporté, « au moins en partie, par l’État ». La SNCF gagnera donc à continuer à étudier le marché des trains de nuit internationaux et rester position sur ce trains de nuit phare qu’est Paris-Berlin pour optimiser l’exploitation et faire progresser le niveau d’autofinancement, en vue de démarrer cette autre ligne à l'avenir.
  • S’engager sur des objectifs, avec un calendrier de transition vers une fréquence quotidienne, une amélioration de la fiabilité, de la commercialisation, la publication d’indicateurs de performance, la création d’un comité de suivi annuel ouvert au public, aidera à convaincre l’État de renégocier une subvention.

6) Encourager la SNCF à investir pour desservir de préférence la France

Dès 2019, le PDG de la SNCF Jean-Pierre Farandou a déclaré : « Le développement à l'international comporte des risques. Vous ne connaissez pas les pays […] Vous avez forcément une part de risque supplémentaire. […] C'est encore plus vrai quand vous vous éloignez des logiques OCDE. Quand vous rentrez dans un pays sud américain, africain ou asiatique forcément la part de risques augmente. [...] Le développement à l’international se fera, mais en étant très attentif [...] qu'on ne s'embarque pas dans des aventures qui occasionneraient des pertes financières. La priorité c'est plutôt la France. » [vidéo, minute 10h32’].

De son côté, la Cour des Comptes allemande a critiqué que le gouvernement ait autorisé DB à poursuivre une politique d’expansion internationale dans environ 140 pays en assumant les risques et sans bénéfices pour l'Allemagne. Le président de la Cour souligne que les bénéfices « restent à l’étranger » : « la DB n’a pas encore utilisé les bénéfices générés à l’échelle internationale pour financer des chemins de fer en Allemagne, mais les a réinvestis à l’international. Dans le même temps, les risques économiques des activités mondiales de DB peuvent être préjudiciables aux chemins de fer allemands ou au gouvernement fédéral. » Le message est passé et en 2023 la DB vend sa filiale à l’étranger Arriva pour se recentrer sur le ferroviaire national. Le message a eu un écho aussi en France, puisqu’en 2018, le PDG de la SNCF posait encore comme objectif de réaliser 50 % du chiffre d’affaire à l’étranger.

Pour Ouigo Espagne, la SNCF a envoyé des rames TGV à l'étranger alors qu'il en manque en France. Or investir en open access à l'étranger représente un risque, comme cela a été mis en évidence, en 2020, en cas de pandémie. Il y a énormément à faire pour le ferroviaire en France et les capitaux manquent pour tout faire. Dans ce contexte, est-ce que l’État et son entreprise publique SNCF pourraient clarifier que la priorité des investissements soit vraiment la France ?

7) Débloquer les gares frontières pyrénéennes et lancer une coopération CFF-SNCF-Renfe

Les institutions ferroviaires espagnoles et françaises sont en conflit et ne respectent plus les accords UIC sur le passage des frontières pourtant signés de longue date, dès 1922. Le blocage administratif en arrive à tel point que, depuis 2022, aucun train de voyageur, ni SNCF ni Renfe, ne traverse les 2 kilomètres qui séparent les gares frontières de Hendaye et Irun

De même, entre les gares de Cerbère et Portbou, les trains de nuit ne peuvent plus traverser la frontière. À noter : ce sont les institutions françaises (EPSF et SNCF Réseau) qui ont initié le blocage. Leurs homologues espagnols (AESF et ADIF) se sont contentées de reproduire l’absurdité, en accordant toutefois un délai et plusieurs dérogations successives. Ailleurs en Europe des situations similaires ont connu une résolution positive. Le blocage est donc d’abord ancré du côté français.

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Accord de coopération DB-CFF-ÖBB-SNCF pour relancer de nouveau trains de nuit © DB CFF ÖBB SNCF

Effet domino, la Suisse a renoncé à lancer un train de nuit Zurich-Perpignan-Barcelone, entres autres parce que les CFF ne pouvaient pas coopérer à la fois avec Renfe et avec SNCF, puisqu’ils sont en conflit (lire page 65). S’ajoutent à cela les difficultés de circulation en France et le niveau des péages, en particulier sous le tunnel Perpignan-Figueres. Le train de nuit Zurich-Barcelone était initialement prévu dans l’accord de coopération DB-CFF-ÖBB-SNCF de 2020. La Suisse a finalement préféré envoyer un train de nuit traverser toute l’Allemagne, malgré les nombreux travaux qui y ont lieu, avec pour destination Malmö en Suède. Le conflit SNCF-Renfe prive donc la France d’un train de nuit cofinancé par la Suisse, pour 10 millions d’euros par an…

8) Porter les demandes auprès des pouvoirs publics

8.1) Valider les financements pour le matériel roulant : s’engager pour le schéma à 10 lignes

Le 27 novembre 2022, le président de la République a annoncé : « En 2030 notre pays comptera une dizaine des lignes de trains de nuit »

En février 2025, l’État a lancé une procédure pour le leasing de 180 voitures neuves de trains de nuit pour les 5 lignes existantes, avec une option jusqu’à 340 voitures pour le schéma à 10 lignes. Activer la tranche optionnelle permet des économies d’échelle pour réduire le coût unitaire des rames, et diminuer aussi les coûts d’exploitation. Une de ces 10 lignes prévues est internationale : Paris-Barcelone. A propos de cette ligne le PDG Jean-Pierre Farandou a déclaré « si on veut aller vite et fort dans les trains de nuit, je pense que c'est mieux de réfléchir à l'investissement au moins dans le matériel roulant par l’État.[...] Cet investissement s’il peut être porté par l’État, au moins en partie, ça aidera ». [Vidéo du PDG, minute 28’].

Le ministre des Transports Philippe Tabarot a déclaré le 24 octobre 2025 : « Nous activerons probablement dans le courant de l'année prochaine également la tranche optionnelle. » (voir vidéo min. 15’40). Cette commande a été annoncée et repoussée d’année en année depuis 2021. Pour éviter de repousser encore, les députés ont adopté le 28 octobre un amendement en commission pour valider sans délais la commande de ces 340 voitures nécessaires pour lancer le schéma à 10 lignes promu par le président de la République.

Il y a donc besoin d’un effort conjoint :

  • De l’État pour activer la tranche optionnelle pour le schéma à 10 lignes.
  • De la SNCF pour s’engager à se porter candidate pour exploiter Paris-Barcelone, avec cette aide de l’État sur le matériel et éventuellement une exploitation en SLO (au risque de l’opérateur).
  • A noter : Les trains de nuit ne disposent pour l’instant que d’un unique technicentre en France. Le rapport TET identifie le besoin de 4 technicentres pour les trains de nuit. Il conseille de positionner 2 nouveaux technicentres, à Nice et sur la façade Atlantique, pour relancer les transversales. Au moins un des deux serait à financer sans délai pour réaliser le schéma à 10 lignes. 
  • Notons aussi que des technicentres pour les trains Corails sont installés à Strasbourg et Chambéry, mais semblent saturés. Il serait idéal d'échanger avec les régions pour étudier les possibilités pour - à l'avenir - lancer des trains de nuit au départ de ces technicentres.

8.2) Appuyer les subventions d’exploitation sur les économies de CO2

Plusieurs actions sont à envisager pour mieux renégocier des subventions d’exploitation avec l’État :

8.3) D’autres types de subventions pour motiver les opérateurs ?

Au vu de l’échec apparent de la subvention de démarrage, d’autres options seraient également à étudier entre l’État et les opérateurs pour améliorer la viabilité des trains de nuit. Ces solutions peuvent venir en complément d’une convention OSP :

  • La Belgique offre des subventions pour payer les péages et les coûts énergétiques, jusqu’à 2 millions d’euros par an, auprès de tous les opérateurs de trains de nuit, de manière non discriminatoire. Cela simplifie l’attribution. En effet, la réglementation européenne complique considérablement l’attribution de Subventions de Service Public (OSP) pour les trains internationaux.
  • A noter : actuellement, au vu des tarifs pratiqués sur SNCF Connect, les voitures 1ere classe semblent générer à peu près les mêmes recettes que les 2eme classe. Les passagers payent environ 50 % des coûts environ et les subventions contribuent pour un montant équivalent. Cela signifie que les voitures 1ère classe demandent plus de subvention par passager. D’une manière générale, les conforts les plus luxueux occupent plus d’espace par passager, et, donc consomment un part plus importante des subventions. Attribuer la subvention par passager peut contribuer à rendre le train de nuit plus attractif pour tous (en particulier pour ceux qui recherchent les petits prix, en priorité sur le confort), et en même temps augmenter les recettes commerciales, en particulier grâce à la contribution de la classe affaire, moins sensible au prix. Cette subvention peut plus facilement être distribuée de manière non discriminante au bénéfice de tous les opérateurs des trains de nuit, et à la fois éviter d'être trop fortement détournée au profit de trains de luxe. 
  • Pour réanimer l’activité trains de nuit, les Gestionnaires d’Infrastructure ont à fixer les prix des péages au coût marginal pour tous les trains de nuit, qu’ils soient conventionnés (OSP) ou en open access (SLO). Il s’agit en effet d’une activité réputée fragile. La législation européenne recommande en conséquence des péages au coût marginal pour éviter d’exclure cette activité du réseau ferré. Cette action est à porter aussi pour le tunnel Perpignan-Figueres, le tunnel sous la Manche et la LGV Tours-Bordeaux, etc.
  • Dans tous les cas, il est important que la SNCF communique publiquement sur les types de subventions qui lui paraissent adaptés pour reprendre l’exploitation du Paris-Vienne/Berlin.

Ces nouvelles formes d’aides ou de subvention pourraient permettre de s’approcher plus encore de l’autofinancement, par exemple pour le Paris-Berlin. Elles aideraient aussi à attirer les opérateurs des trains de nuit des pays voisins, surtout si la SNCF offre sa coopération, par exemple avec :

8.4) Porter des demandes auprès de l’Allemagne, avec l’aide diplomatique de la France

Le 24 octobre 2025, le ministre des Transports Philippe Tabarot a dénoncé un manque d'implication outre-Rhin pour les trains de nuit : «L’Allemagne ne participe pas au financement de ces trains qui desservent pourtant son territoire. J'ai essayé d’amorcer avec mon homologue allemand un dialogue pour envisager une contribution de leur part. » (cf vidéo min. 17 )

L’Allemagne est l’un des grands pays qui bloque la relance des trains de nuit en Europe (même si de nouveaux trains de nuit internationaux y sont régulièrement lancés, et ce, plus qu’en France, alors même que la France est une destination particulièrement attendue). Trois pistes de négociations sont à promouvoir :

  • En Allemagne il n’existe aucun niveau politique qui soit Autorité Organisatrice de la Mobilité pour financer des obligations de service publique (OSP) pour les trains longue distance. Le territoire allemand est mieux équilibré démographiquement, même si l’Est du pays montre certains signes de déprise. Dans tous les cas, l’État fédéral ne souhaite pas remédier au manque d’AOM, probablement de peur de crouler sous les demandes des territoires. La piste des subventions OSP est donc difficile à activer, mais d’autres actions sont possibles :
  • L'Allemagne est l'un des rares pays à imposer une TVA (à 7%) sur les trains internationaux (ce qui contraste avec la France). Cela constitue un biais de concurrence face à l'aviation qui, sur les mêmes trajets, bénéficie d'une TVA à 0%. Étant donné cette compétition inéquitable, il serait idéal que l'Allemagne fasse un geste pour que le train de nuit paye une TVA alignée sur celle de l'aviation. L'effort diplomatique de la France peut aider à cette victoire qui – vu la position géographique centrale de l'Allemagne – aidera à la relance des trains de nuit en Europe. Plutôt que de subventionner en OSP, ce que l'Allemagne refuse, réduire la TVA spécifiquement sur les trains de nuit, secteur fragile, est une action plus simple, qui peut représenter le même montant, voire un montant moindre.
  • Autre point important : il serait idéal que le Gestionnaire du réseau ferré DB Netz programme les travaux au moins 3 à 6 mois à l'avance, et réduise au maximum le recours aux travaux d'urgence, décidés au dernier moment, dans la période des 3 derniers mois avant les circulations. Ces travaux de dernière minute ont un effet désastreux, puisque les trains sont déjà à la vente. Cela oblige à modifier les horaires des billets déjà vendus, voire à annuler le train. Les trains de nuit sont tout particulièrement impactés par cette pratique, puisqu'ils parcourent de grandes distances, de nuit, ils ont plus de chance de rencontrer une zone de travaux.

8.5) Faire évoluer le cadre réglementaire européen

Les paquets ferroviaires européens sont mal adaptés à l’activité train de nuit. Toutefois, depuis 2021, l’UE a lancé un plan d’action (malheureusement non-financé) et tente timidement de faire évoluer le cadre. L’État et la SNCF gagneront à être force de proposition pour construire le modèle économique des trains de nuit européens (voir les propositions de l’ONG Back-on-Track) :

  • Simplifier l’attribution de subventions de type Obligations de Service Public (OSP) pour les trains internationaux. Actuellement chaque pays n’est autorisé à subventionner que le tronçon national de la ligne. Ainsi, selon la réglementation européenne, la Suisse ne peut guère subventionner le train de nuit Bâle-Malmö, puisqu’il parcourt très peu de kilomètres en Suisse. Pourtant la Suisse veut apporter 50 millions d’euros sur 5 ans. L’UE gagnera donc à réviser sa position.
  • Complication additionnelle, la subvention semble accordée au titre du « cabotage », donc entre 2 gares nationales. La France se voit donc dans l’impossibilité de contribuer à relancer le train de nuit Hendaye-Lisbonne, pourtant utilisé par de nombreux français, puisque la ligne ne dessert qu’une seule gare en France.
  • Par ailleurs les OSP étant à attribuer par appel d’offre (AO), si les 2 pays lancent chacun un AO et l’attribuent à 2 opérateurs différents, cela peut aboutir à une situation de blocage : la réglementation européenne n’oblige pas les opérateurs choisis à coopérer pour assurer la liaison. Des solutions complexes sont à expérimenter, comme publier un AO commun, ou à stipuler une obligation de coopérer… ou peut-être plus efficace : faire évoluer la législation européenne.
  • Au lieu de freiner les OSP, alors que les trains de nuit tendent à disparaître sur ce continent, au moment même où on en a besoin pour la planification écologique, l’UE est à la bonne place pour devenir AOM pour les trajets internationaux. Elle pourrait à ce titre cofinancer les OSP internationales, par exemple via le programme Connecting Europe Facility for Transport (CEF), doté de près de 40 Md€ sur 6 ans. Une implusion de la France est à donner pour que le CEF soit utilisable pour cofinancer les trains de nuit.
  • Un des budgets CEF apporte 790 millions d’euros aux projets répondant à des besoins civils et militaires le long du réseau transeuropéen de transport. Les trains de nuit ont montré leur efficacité pour l’évacuation de civils et de blessés pendant le conflit Russie-Ukraine. La SNCF et/ou l’État gagneront à répondre à cet appel à projet, qui pourrait cofinancer par exemple le matériel roulant, ou d’autres actions.
  • L’homologation des nouvelles voitures tractées a besoin d’être simplifiée. Alors qu’au 20ème siècle ces voitures étaient autorisées dans toute l’Europe, aujourd’hui la réglementation impose une homologation séparément dans chaque pays, ce qui coûte 1 million d’euros par pays. Cela représente une somme et un délai importants pour souvent de petites séries de voitures. Une homologation simplifiée, par groupe de pays, serait souhaitable, au moins pour les voitures non motorisées.
  • Il convient également de valider l’homologation des réaménagements intérieurs pour toute l’Europe, lorsque cette homologation a été réalisée dans un pays, à égalité avec ce qui se fait pour l’homologation des véhicules à pneus.
  • Retrouver le plaidoyer complet Oui au train de nuit avec 10 actions pour l’UE.

Qui sommes-nous ?

Le collectif Oui au train de nuit est composé uniquement de bénévoles, ce qui offre une grande indépendance. Le collectif est heureux de collaborer avec tous les acteurs, dans une démarche transpartisane.

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Le 10 décembre 2023, le futur PDG de la SNCF Jean Castex était déjà aux côtés de« Oui au train de nuit », pour inaugurer le Paris-Aurillac

Notes :

1 L'ART publie les recettes commerciales des TET de nuit(42,7 M€ en 2023) et le trafic en train-km (2,04 Mtrain-km en 2023). Le ministère des Transports publie la contribution publique moyenne sur les IC de jour et de nuit par train-km (16,7 €/train-km). Cela donne une contribution publique à 34,07 M€ en 2023, soit un taux d'autofinancement de 55,7% (moyenne sur les TET de jour et de nuit). Sur plusieurs années d'affilée le taux d'autofinancement est remarquablement stable à 55% (sauf en 2020 à cause du Covid).

2 Le 24 octobre 2025, le ministre des Transports Philippe Tabarot a déclaré « l’État subventionnait le Paris-Vienne/Berlin à hauteur de 85€ par billet, contre environ 65 € pour les lignes françaises  » (cf vidéo min 16’). Au vu de la fréquentation de 66 000 passagers en 2024, cela correspond à une subvention de 5,6 millions d’euros par an. Une diminution d’environ 30 % de la subvention demandée par la SNCF pourrait aider à convaincre l’État de renégocier une aide...

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