
La mort de Morgan Keane, 25 ans, pris pour un sanglier par un chasseur alors qu’il coupait du bois à la porte de chez lui, à Calvignac (Lot), le 2 décembre 2020, pourrait bien cette fois faire basculer vers une vraie réforme sécuritaire à la chasse, réclamée surtout depuis des accidents de chasse 2019-2020 en hausse. Mais ce qui a été le catalyseur des doléances de cette réforme par le public, est la création par des ami(e)s de Morgan Keane du collectif « Un jour un chasseur », qui recueille des témoignages de tirs accidentels de chasseurs, et vers aussi des « non-chasseurs », en passant parfois par des maisons, voitures et autres animaux domestiques troués comme des passoires par des balles perdues ! Car il faut bien reconnaître que depuis la mort de Morgan Keane, les vœux pieux du ministère de tutelle de la chasse n’ont pas véritablement fait avancer le dossier de la sécurité, d’autant que le lobby de la chasse reste actif dans les arcanes du gouvernement, et que les « potentielles » voix des chasseurs (passés de 2 à 1 million en quelques décennies) ne plaident pas en faveur d’avancée, si l’on sait que ces « voix » peuvent peser aussi aux élections… Deux évènements viennent pourtant de faire évoluer les choses, même s’il faut rester prudent pour espérer que, cette fois, une vraie réforme sécuritaire à la chasse, avec des mesures révolutionnaires, soit rapidement légiférée.
Plus de 100.000 signatures sensibilisent le Sénat aux tirs accidentels de chasseurs
PREMIER ÉVÈNEMENT : « Un jour un chasseur » a déposé sur la plateforme de e-pétitions du Sénat une pétition « Morts, violences et abus liés à la chasse : plus jamais ça ! » qui a dépassé le seuil des 100.000 signatures, ce qui permis la mise en place d’une commission sénatoriale pour étudier les conditions d’accès à la chasse, le niveau actuel de sa sécurisation y compris pour le public, voire les failles dans les deux cas, et proposer des mesures en conséquence. Mila Sanchez, l’une des cofondatrices de « Un jour un chasseur » était entendue par la commission mardi 7 décembre 2021, commission « conjointe de contrôle sur la sécurisation à la chasse » qui va aussi mener une enquête de terrain.
EN VIDÉO, au Sénat, l'audition poignante intégrale de Mila Sanchez, du collectif « Un jour un chasseur », initiatrice de la pétition contre les accidents de chasse, et donc à l'origine avec le collectif de la mise en place d'une commission sénatoriale pour étudier une réforme sécuritaire de la chasse.
Accidents 2020-2021 influencés par le confinement à « prendre avec précaution »,
et automobiliste tué par une balle
DEUXIÈME ÉVÈNEMENT, tragique celui-là : le samedi 30 octobre 2021, un automobiliste qui roulait sur la 4 voies Nantes-Rennes, a eu le cou traversé par une balle perdue tirée à plusieurs centaines de mètres. Dans un état critique, il est décédé le 5 novembre suivant des suites de sa blessure, 3ème mort de la saison 2021-2022. L’Office français de la Biodiversité (OFB), par la voix de Bérangère Abba, secrétaire d’État à la Biodiversité (et chasse), a également révélé (tardivement le 30 novembre 2021) un bilan saison de chasse 2020-2021 de 80 blessés et 7 morts (dont Morgan Keane), bilan présenté comme « en baisse » mais que l’OFB recommande « de prendre avec précaution en raison d’une saison particulière (sous confinement) ». D’autant qu’il faut y rajouter cette saison encore les dits « incidents » 2020-2021, entendez par là les balles perdues dans les habitations, bagnoles et autre animaux domestiques pris pour du gibier (et dont le détail n'était pas donné dans les communiqués officiels),
les voilà :
↓(Tableaux des incidents - en plus des tirs accidentels sur humains - des trois dernières saisons de chasse, par le « réseau sécurité à la chasse OFB – DPPC »)↓



L’accident mortel d’Ille-et-Vilaine (30 octobre 2021) a aussitôt poussé aussi cinq maires à exiger des mesures auprès de Barbara Pompili, des mesures qui rejoignent celles souhaitées par une grande majorité de Français(e)s, et portées aussi depuis la mort de Morgan Keane par le collectif « Un jour un chasseur ». Reste à savoir ce que va en faire la ministre de la Transition écologique et solidaire, et surtout à quel horizon, dans un contexte post-présidentiel 2022 peu favorable aux « vagues » impopulaires…
↓(Lettre rendue publique par la ville de Laillé)


Reste que les accidents et incidents de chasseurs et autres balles perdues de chasse, récurrents, sur tout et n’importe quoi, sont devenus un problème sociétal dénoncé par une grande majorité de Français(e)s qui ne sentent plus en sécurité dans la nature, et même chez eux ! Songez que pour les 7 accidents mortels 2020-2021, selon certaines sources, l’un des présumés chasseurs tireurs avait 77 ans, un autre tireur était positif au test alcoolémique, ou encore un troisième tireur était âgé de 16 ans !
Réforme de la sécurité à la chasse
D’où l’absolue nécessité d’une réforme de la sécurité à la chasse draconienne immédiate, même impopulaire au niveau des chasseurs, car une vie n’a pas de prix, et l’on va bientôt atteindre 450 morts à la chasse depuis 2000 ! Ainsi, dès la saison prochaine 2022-2023, une visite médicale et vue ANNUELLE AGRÉÉE pour valider le permis de chasse pourrait être rendue obligatoire (cela n’est aujourd’hui pas le cas…). Mais aussi un périmètre de chasse interdite d’au moins 300 mètres des voies et habitat (calqué sur le tir longue distance maximum autorisé) ; un taux d’alcool maximum pour chasser qui serait le même que pour conduire ; la fin de carabines qui peuvent tirer à 3 km et ne sont pas nécessaires pour le gibier de France, ou encore une formation continue obligatoire du chasseur ramenée de 10 ans à 5 ans. La liste des mesures sécuritaires pour les chasseurs du XXIème siècle, et un territoire habité nouveau, n’est pas exhaustive ! Reste à savoir si la prise de conscience et le courage politique seront au rendez-vous !