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Billet de blog 14 novembre 2015

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Attentats: il faut une politique de paix et non de guerre !

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Les attentats sont à peine terminés, les familles n'ont pas encore retrouvé leurs proches ou les corps de ceux-ci que le président de la République prononce un discours où il évoque "la guerre". Il a raison d'utiliser ce mot puisque c'est une guerre dans laquelle il a engagé la France en lançant ses bombardiers au Moyen-Orient. Après les attentats de janvier, on comprend bien la logique d'une telle entreprise. Sauf qu'elle est inutile et même contre-productive.

On a vu les résultats engrangés par l'armada américaine en Irak. Le président Chirac avait eu la sagesse de ne pas y aventurer la France, parce qu'il pressentait que la guerre de Bush était une guerre de religions. Depuis, des anciens militaires de Saddam Hussein sont devenus les chefs de guerre de Daesh. Les drones et bombardiers n'ont pas permis de les faire reculer et nous les finançons parfois sans le savoir en mettant du gasoil dans notre véhicule. On a ainsi créé une richissime base arrière du terrorisme international. Beau résultat.

Les mesures sécuritaires n'ont, à l'évidence, pas permis d'empêcher des attentats. Nos dirigeants ne mesurent pas à quel point le monde change. Les terroristes ne communiquent plus en cousant des messages dans la doublure de leur veste, ils échangent dans le "web profond" sur lequel aucun service de sécurité n'a aucun contrôle. Les frontières ne sont plus celles de l'Europe du XIXe siècle et nos économies sont fondées sur leur effacement. L'extrême droite a beau brailler, cette mutation est durable, qu'on la souhaite ou non. Rien n'empêchera les armes de circuler.

La limitation des libertés et les lois sur le contrôle de nos échanges électroniques ne peuvent rien empêcher. Les victimes de Charlie étaient menacées, protégées par des gardes du corps de la police et elles sont néanmoins mortes. La police et l'armée, en dehors de leur pouvoir de réassurance, n'ont aucune capacité à empêcher des attentats. Rien ne vous empêchera de descendre dans la rue et de tirer dans la foule. A moins de mettre un homme en armes tous les dix mètres. Et l'exemple égyptien nous montre que même cette hypothèse est illusoire.

Quoi que l'on en dise, les terroristes de janvier étaient des amateurs. Ils ont laissé partout des traces (une carte d'identité) au lien de disparaître pour recommencer ou de semer la panique plus longuement. L'un d'entre eux a choisi un petit magasin où il mourrait en ne faisant que peu de victimes. Passons sur ceux qui ont voulu attaquer une base navale avec un couteau ou bien se sont tiré une balle dans la jambe...

Tuer avec un fusil automatique est d'une simplicité enfantine. Mais on est passé, cette fois, à un niveau supérieur. Des artificiers ont fabriqué des ceintures d'explosifs qui ont parfaitement fonctionné. Les tueurs ont choisi des sites où ils pourraient s'attaquer à une foule de gens. Rien n'empêche qu'ils perfectionnent encore leurs actions et il faut espérer que nos centrales nucléaires et sites Seveso sont bien protégés. L'un d'entre eux a déjà été pris pour cible cet été.

En revanche, on voit bien comment la stratégie des terroristes est efficace. Leur désir de semer la guerre civile est exaucé et il suffit de lire les messages de l'extrême droite pour s'en faire une idée. Puisque les stratégies employées se révèlent totalement inefficaces, il faut donc en changer.

Il est donc légitime de se poser quelques questions que l'on entendra pas dans les médias de masse. Ou exceptionnellement.

Pourquoi la France continue t-elle de se considérer comme l'alliée de pays qui favorisent directement ou indirectement le terrorisme ? Pourquoi, dans certains cas, leur vend-on des armes ?

L'Arabie Saoudite, pays d'origine du Salafisme et qui se rend coupable de crimes de guerre au Yemen. La Turquie, en train de verser dans ce qui ressemble de moins en moins à une démocratie et dont le rôle est pour le moins trouble. L'Egypte, tombée dans une dictature sanglante. Et la liste est longue. Ce faisant, la France se pose clairement sur l'échiquier de certains conflits sans permettre de résoudre ceux-ci. Des victimes innocentes en paient le prix à Paris.

Pourquoi ne se pose t-on pas la question des déterminismes qui poussent des hommes (et parfois des femmes) à sombrer dans une idéologie ultra violente et suicidaire ?

Cette question est complexe et multiple et nécessite donc des réponses aux mêmes qualités. Mais il faut observer qu'une partie de la jeunesse des quartiers populaires est tombée dans la haine de ce qui est son seul pays. Faut-il passer sous silence le fait que Mohamed Merah, Mehdi Nemmouche (musée juif de Bruxelles), les frères Kouachi ont tous passé des années dans les foyers de l'enfance? Sans parler de Kelkal... Cela n'explique rien et justifie encore moins. Mais cela semble un indicateur social commun que l'on ne peut passer sous silence, au risque de s'enfoncer dans le même aveuglement.

Il y a actuellement trois millions d'enfants qui vivent sous le seuil de pauvreté en France, au beau milieu d'une richesse ostentatoire. Combien d'entre eux finiront dans l'ultra violence, soit contre eux-mêmes, soit contre les autres via des idéologies religieuses ou politiques délirantes ?

Il est devenu interdit de poser cette question publiquement, au risque d'être soupçonné d'entretenir une sympathie pour les terroristes. Or, il se fait que les Musulmans sont largement sur-représentés parmi les catégories les plus pauvres de la société française, là où les djihadistes recrutent. Du coup, la France se comporte vis-à-vis de certains d'entre eux comme un pays ex-colonisateur, socialement violent pour ses anciens colonisés qui continuent de subir un racisme institutionnel (on a jeté aux oubliettes la limitation des contrôles au faciès), géographique, social, économique... Tous ceux qui affichent un drapeau français sur leurs réseaux sociaux ne semblent pas avoir compris cet enjeu.

Encore une fois, il ne s'agit pas de justifier l'attitude violente d'une infime minorité, mais de se questionner sans fard sur ce qui la nourrit. Et de reconnaître que cette analyse est perpétuellement dévoyée par l' (extrême) droite pour criminaliser l'ensemble des Musulmans (et plus largement les pauvres).

Car il ne s'agit plus d'une guerre entre des pays, entre des armées qui désirent envahir un territoire. Poursuivre la même politique conduira à aggraver la situation, les mêmes causes produisant les mêmes effets. La seule solution qui s'offre à nous est une stratégie de paix. Plus longue et plus complexe, elle n'offre aucune alternative.

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