Intro 3 – Du racisme en Nouvelle-Calédonie au racisme en général ; et vice-versa
On peut jeter un œil sur l’un de mes billets, début 2023, sur Le Club de Médiapart ; au moins au premier point qui traite du racisme[1] ; y est d’ailleurs repris, comme ici, ce qui se trouve dans le recueil de petites histoires Nouvelles calédoniennes, entre Éros et politique[2] : on écrit toujours le même livre…
* L’antiracisme de Jules Garnier : à marquer d’une pierre blanche sur le Caillou
Dans Voyage à la Nouvelle-Calédonie, 1867-1868 (op.cit.) l’inventeur des aciers inoxydables au nickel s’avère aussi et surtout ethnologue très progressiste, notamment dans un court passage de ses voyages (V – Kanaks et colons – Ce qu’on peut tirer des indigènes). Certes, cette dernière expression est malheureuse, mais attendez ! Il écrit donc Kanaks, et avec la notation du pluriel ; pour l’époque, rien d’étonnant, puisque le terme provient de l’hawaïen et que les anglophones étaient dominants avant l’arrivée des Français en 1853.
En revanche, il avait tout compris des conneries racistes que l’on racontait juste après la prise de possession, et que l’on raconte encore, sur ces Kanak : des fainéants qui n’aimaient pas travailler, car se contentant d’une petite rétribution en monnaie ; et si celle-ci venait à augmenter, ils travaillaient moins[3]. Cependant, il n’emploie jamais les mots racisme et raciste, et pour cause[4], mais utilise le mot race. Ce comportement n’est justement pas, selon Garnier, celui du Kanak à la fin du XIXe siècle : il refuse de travailler, car (le contraire parfait de l’hypothèse de la Target Economy) il est trop mal payé et surtout mal nourri. Quelques bonnes feuilles de ce Garnier-ethnologue : « ... cependant, j’ai souvent entendu des colons soutenir que le Néo-Calédonien [à l’époque, il s’agit évidemment du Kanak, PC] ne pouvait être pris au sérieux comme travailleur ; quelques-uns même vont plus loin et souhaitent la disparition de cette race [on va revenir sur l’utilisation du mot « race », désormais politiquement incorrect ; pour Garnier aucune méchanceté dans son emploi, PC] ; il est vrai que ces terribles logiciens sont ceux qui connaissent ordinairement le moins les indigènes et le pays. Ceux-là aussi refusent la moindre intelligence aux kanaks, sans s’être jamais donné, un seul instant, la peine de la rechercher et d’étudier sa nature pour l’utiliser à leur profit ; et il est peut-être heureux pour les Néo-Calédoniens qu’il en soit ainsi »[5]. La négation de « l’intelligence des Kanak », si ce n’est pas du racisme, c’est quoi ! Des archéologues se prétendant « scientifiques » auront ce même comportement raciste ; mais un peu de patience…
Il est vrai aussi que Garnier eut une dent contre certaines tribus non pacifiées et un peu cannibales qui dégustèrent quelques-uns de ses copains[6]...
* Long retour sur le racisme et l’antiracisme en général, introduction[7]
Le racisme anti-nègre ou anti-noir n’est en effet pas le principal trait de l’histoire du Caillou ; il existe certes (et des deux côtés : les anti-blancs ne sont pas rares) mais n’est que sous-jacent : un Non-Dit (ou très rarement dit) à donc encore marquer d’une pierre blanche ; d’où, en creux, l’importance de cette apparente longue digression. On a en effet peu entendu, depuis 1853, « salle nègre » ou même « sale noir » : la date n’est pas anodine (abolition de l’esclavage oblige…) ; il a fallu trouver des produits de substitution ! Mais ça revenait au même : Garnier avait déjà tout compris !
Les « races », ça n’existe pas ! On sait maintenant que la diversité génétique est beaucoup plus importante entre les individus d’une même population qu’entre groupes différents[8] ; mais les racistes existent toujours, et ça risque de durer. Depuis l’UNESCO, le mot race[9] est politiquement très incorrect : on doit dire ethnie : la future Kanaky sera pluriethnique, point ; mais l’ISEE nc (Institut de statistique et étude économique de Nouvelle Calédonie, l’INSEE (Institut national de statistiques et d’études économiques) locale, préfère même communauté à ethnie qui aurait encore des relents de racisme[10]. Plus que des relents ! Jean-Loup Amselle[11] montre ses origines coloniales : « Ethnie est une forme atténuée de race, et à vrai dire ces deux mots ont des origines communes dans leur acception actuelle, ils proviennent du colonialisme du XIXe siècle et de l’anthropologie physique, selon laquelle les caractères physiques des groupes déterminent leurs pratiques ». Max Weber proposait de « jeter par-dessus bord le concept général d’ethnie »[12].
Sympathique, mais à côté de la plaque si l’on regarde de plus près ce que nous disent les dictionnaires pour ethnie : du grec ethnos, groupe d’êtres d’origine ou de condition commune, nation, peuple ; groupe humain qui partage une même culture, en particulier pour la langue et les traditions ; groupement humain qui possède une structure familiale, économique et sociale homogène, et dont l’unité repose sur une communauté de langue, de culture et de conscience de groupe. Pas un mot sur la gueule des gens ou leur couleur ; pourtant, ça existe la couleur et autres phénotypes comme disent les pédants avec leur jargon (ensemble des caractères apparents d’un individu ; opposé au génotype) !
* Racisme et théories de l’évolution
Paradoxalement, le racisme trouve quelquefois son origine dans les théories de l’évolution. Encore une provocation ! Encore un peu de patience…
La première théorie de l’évolution du vivant (donc opposée de fait au fixisme ou au créationnisme de la Bible) a été établie au début du XIXe siècle par le français Jean-Baptiste Lamarck[13] qui sera le premier à tenter l’explication ; cependant, pour lui, l’évolution n’est alors qu’une adaptation à l’environnement : le cou de la girafe s’allonge pour manger les feuilles des arbres hauts ; ce que l’on nommera plus tard l’hérédité des caractères acquis, l’allongement étant hérité par les descendants. Le Britannique Charles Darwin commit une véritable Révolution ; il proposa une théorie de l’évolution très différente, au milieu du XIXe siècle, dans son livre De l’origine des espèces au moyen de la sélection naturelle (de 1859, juste après Gobineau sur lequel on reviendra) : ce sont des variations génétiques fortuites (certaines girafes ayant par hasard le cou plus long survivront mieux que les girafes ordinaires et leurs descendants se reproduiront mieux) ; rien à voir avec l’hérédité des caractères acquis. L’homme descend du singe, fut le résumé (partiellement inexact) de la théorie de Darwin, souvent caricaturé en singe[14]. On sait moins qu’Alfred Russel Wallace, un autre Britannique, cofonda avec Darwin cette théorie de l’évolution par la sélection naturelle ; et chez eux, il n’y a pas le moindre brin de racisme, ou alors, de temps en temps, de tous petits brins ; mais pas plus que chez Proudhon ou Marx dont les saillies racistes et antisémites sont mieux connues.
En revanche, Herbert Spencer et ce qui est devenu le « darwinisme social » (terme péjoratif jamais revendiqué par ses tenants) interrogent, pour le moins ; Spencer croit avec Lamarck contre Darwin, à ce qui sera plus tard nommé cette hérédité des caractères acquis. Et il affirme que la concurrence du marché, où l’État ne doit surtout pas intervenir sur la sélection naturelle, car elle va procéder, spontanément donc, à « la sélection des plus aptes » : ce n’est plus la girafe qui est étudiée, mais la société humaine. De la reproduction sexuée à l’économie, il n’y a évidemment qu’un pas. Et vive le progrès par le libéralisme économique ; Spencer est sans doute le précurseur des économistes libertariens : très libéraux en économie, très réacs politiquement et socialement ! Spencer s’oppose en revanche au colonialisme… car soutenu par l’État qui utilisera cependant un dérivé des conceptions spensériennes, celui de la « lutte des races », pour fonder le caractère civilisationnel des conquêtes[15].
Et ce n’est pas fini ! Francis Galton, cousin de Darwin, fut fasciné par sa théorie de l’évolution, mais était convaincu, lui aussi, que les progrès de la civilisation entraînaient une dégénérescence de l’espèce humaine, et pas seulement par les relations sexuelles interethniques. C’est l’inventeur de l’eugénisme : la sélection artificielle en faveur de l’amélioration de la race humaine ; car il est persuadé, conséquence de ses études statistiques[16], que l’intelligence dépend plus de l’hérédité que de l’environnement culturel et social et croit, évidemment, aux concepts de « race inférieure » et de « race supérieure ». Et l’eugénisme n’a pas été mis en œuvre que par les nazis, loin de là. Comme Benjamin Franklin qui n’a pas inventé que le paratonnerre, mais aussi le libéralisme économique et « Time is money », Galton est un touche-à-tout : en météorologie, il est l’inventeur du mot anticyclone et des premières cartes météo ; il découvre aussi que les empreintes digitales de l’humain ne varient pas tout au long de sa vie, ce qui fit le bonheur des policiers ; c’est surtout un matheux grand statisticien : il invente le coefficient de corrélation et la droite de régression (deux outils de base des statisticiens) pour mieux analyser les régressions[17] dans l’hérédité des humains.
* Le racisme dur et la classification des races
La première analyse vraiment raciste, à cheval sur les XVIIIe et XIXe siècles, est celle d’un dénommé Blumenbach, un Allemand chercheur en « craniométrie » qui divisa l’espèce humaine en cinq races : la mongole ou jaune, l’américaine ou rouge, la caucasienne ou blanche, la malaise ou marron, l’éthiopienne ou noire. C’est déjà à partir de là que se développa la hantise que les « races inférieures » l’emporteraient sur les « races supérieures », que leur sang serait empoisonné et que l’on assisterait à une « dégénérescence raciale » : il est sans doute le premier à parler de la dégénération (Abartung) un cousin de la régression.
Il n’y a pas que les Allemands comme premiers théoriciens du racisme ! Le Français Gobineau eut plus de succès. Il classa alors les races : la blanche, intelligente ; la noire, sensible mais vigoureuse ; la jaune, industrieuse. La « race supérieure » est bien entendu la blanche, elle-même subdivisée en caucasiens (aryens germains et francs, celtes et slaves) et sémites. Gobineau avait cependant oublié d’être antisémite et évoquait donc, malin comme un singe, certaines supériorités chez les races qu’il considérait comme inférieures : par exemple la sensualité et la vigueur des Noirs, le caractère industrieux des Jaunes. C’est un grand classique du racisme : les noirs courent vite et ont le sens du rythme[18], les juifs sont très forts en affaires financières... Il ne fut pas du tout anti-juif, mais il eut cependant un succès fou chez les nazis. Le métissage, c’est la mort de la « race » blanche parce que son sang doit immanquablement être contaminé par celui des autres. Ah ! La pureté et la saleté ! On va y venir…
La plupart des grands penseurs, ceux dont on nous rebattait les oreilles, de l’école au lycée, étaient bêtement racistes[19]. Avant le racisme, on ne parlait, affirme-t-on souvent, de race que[20] pour caractériser les différences entre espèces des animaux d’élevage, soumis d’ailleurs à une sélection artificielle ancestrale. Une espèce est formée par l’ensemble des êtres vivants qui peuvent se reproduire entre eux et se ressemblent beaucoup ; mais au sein d’une même espèce, il existe en général des différences, dont de couleur (chats gris, chats noirs, chats roux, etc.) qui définissent les races, et pas seulement par la couleur (un chat gris peut être un Chartreux, un Persan, un Bleu russe, etc.). La notion raciste de « race » humaine en tant que groupe, n’est qu’un dérivé de cette classification et n’est vraiment apparue en Europe qu’avec la traite négrière.
* La noblesse du mot race
Je ne vais pas défendre l’emploi de ce mot (ce serait désespéré), mais son histoire est pour le moins contradictoire, car son origine flirte avec la noblesse.
Avant le racisme contemporain, le mot race était...« racé ». Le dictionnaire Le Robert indiquait (et indique toujours) les deux sens du mot : « 1. Famille illustre, considérée dans sa continuité[21] (La race des Capétiens) ; synonymes : ascendance, descendance, sang ; 2. Catégorie de personnes formant une communauté, ou apparentées par le comportement. « La race des seigneurs » (traduction de Nietzsche) ». Avec racé, on atteint des sommets grâce aux mots croisés[22]. Race était en fait synonyme de peuple, de culture, de lignage ; comme ethnie. Bien avant la traite négrière qui a institutionnalisé le racisme anti noir en Europe, mais peu avant le décret de l’Alhambra de 1492 (après la prise de Grenade : la fin de la fameuse Reconquista) qui expulsa les Juifs et les Maures (ces derniers n’étant pas noirs, sauf quelques-uns) s’était établi dans la péninsule Ibérique un système de certificat de pureté de sang (limpieza de sangre). Et les nobles races qui tenaient tellement à leur pureté se sont éteintes par endogamie, par exemple, justement, la descendance de Charles Quint et des Habsbourg ; on dit encore « fin de race » dans cette même veine.
Je pensais que lignage était un brin dépréciatif et lignée plus noble ; ce n’est pas le cas selon les lettrés (on dit une lignée d’artistes, pas un lignage d’artistes, mais un homme de haut lignage, pas un homme de haute lignée). Quoique… Le lignage concerne en fait l’ascendance (le passé) alors que la lignée se projette sur la descendance (l’avenir). Mais c’est sans doute plus compliqué : on trouve par exemple « lignage : ensemble de personnes qui appartiennent à la même lignée » ; et, selon le dictionnaire Le Robert, race est bien l’un des synonymes de lignage…
* Que dire de cette acception du mot race-lignée en Nouvelle-Calédonie ? Elle colle parfaitement ; et des deux côtés !
Pour les Kanak, le culte des ancêtres est primordial : ne dit-on pas sociétés lignagères pour désigner ce type de société ? Plus curieux est sans doute l’obsession pour tous les Caldoches de l’appartenance à une famille, et surtout à une Grande famille : Les Lafleur, Les Pentecost, Les Lavoix, Les Jeandot, et bien d’autres (mais pas tant que cela pour les Grandes) presque comme on disait Les Capétiens ou Les Habsbourg… Bien sûr, leur grandeur est définie par leur fortune ; mais on parle peu sur le Caillou, contrairement à la Métropole, des Grandes fortunes : la lignée prime sur le fric.
* Nègre = esclave, et le racisme sordide étendu aux non-noirs, avec l’antisémitisme
Pas de noblesse pour le mot nègre dont l’origine est bien sordide. Dans les vieux dictionnaires, par exemple le premier de l’Académie française de 1762, nègre est le synonyme d’esclave ; dans d’autres, plus tard, au mot nègre était écrit plus simplement : « Voir esclave ». Malgré le mouvement littéraire de la négritude, de Césaire et Senghor, le mot nègre est toujours proscrit, le mot noir étant évité, « homme de couleur » (ridicule) est devenu désuet, enfin sont arrivés dans le « Neuf-Trois » black puis renoi en verlan. Malgré tout, la négritude n’a jamais permis au mot nègre de garder sa fierté, et c’est bien dommage.
Les mots racisme et raciste n’apparaissent donc en français qu’à la fin du XIXe siècle, et dans un journal antisémite, La Libre Parole de Drumont ; les deux mots n’entrent dans le Larousse qu’en 1932. Si les mots racisme et raciste sont récents, c’est la plus vieille bêtise du monde pour s’assurer de son identité par rapport aux « autres », aux étrangers qui sont bien étranges ; et la langue, les coutumes, la religion firent l’affaire. Le racisme n’est que la face sombre de la xénophobie (en grec ancien, xénos veut dire étranger) : la phobie de ce qui est étrange, car étranger (du latin classique extraneus, du dehors, extérieur, qui n’est pas de la famille, du pays). Les Grecs anciens qualifiaient les étrangers de Barbares, car leur langage leur était incompréhensible, dont le bruit leur semblait à l’oreille comme une série ininterrompue de borborygmes (gargouillements, gargouillis internes aux intestins) incompréhensibles. Pas de racisme (quoique…) dans cette appellation, seulement de la xénophobie ; mais la couleur de peau, ou le nez crochu affublé aux Juifs[23], ça se voit mieux que les gargouillis qu’on entend à peine.
* Les Kanak rarement traités de nègres ; on préféra mélanésien, mot apparemment plus politiquement correct, en fait plus sordide[24] ! Et, heureusement, l’esclavage avait été aboli depuis peu…
Les Kanak ont la peau noire, très noire ; on ne les a donc jamais ou rarement traités de nègres ni même de noirs ; c’est fin[25] curieux. Peut-être, tout simplement, qu’après l’abolition de l’esclavage en 1848[26], il fallait en Calédonie, pour les Blancs, trouver autre chose… Les Caldoches ne développèrent ainsi qu’un racisme particulier où la couleur de peau n’était et n’est toujours pas le trait dominant ; mais colonisateurs et racistes quand-même, ça oui. Et quand ils évitaient le mot canaque, ils employaient le mot mélanésien ; c’était, et c’est toujours, en fait pire ! Pourquoi ?
Ce ne sont pas les Caldoches qui ont taxés les Kanak de Mélanésiens, mais bien avant 1853, l’explorateur français Dumont d’Urville qui forgea en 1831 le terme Mélanésie, pays peuplé par des Noirs par opposition aux autres îles océaniennes. Toutefois, ces Noirs sont plus noirs que noirs si l’on fouine un peu. Le mot méla vient du mot noir en grec ancien (d’où la mélanine qui permet la coloration de la peau pour éviter les coups de soleil). Mais ça signifie bien plus que ça : le grec malas vient du sanscrit mala, tache, saleté[27], devenu en latin malus. Le Mélanésien est donc plus que noir : il est sale ; même dans esclave ou nègre, on se contente de noir mais aucune référence à la saleté n’apparaît. L’idéologie raciste continue en effet d’associer la blancheur de la peau à la pureté, à la neutralité, plus même : à l’universalité (le blanc en physique n’est-il pas le mélange parfait combinant toutes les couleurs du spectre solaire ? Le noir étant l’absence absolue de lumière[28]…
Exit donc le mépris du Noir (grâce à l’abolition de l’esclavage ?) introït autre chose. Il a toujours existé sur le Caillou un certain mépris des Blancs envers les Kanak, surtout de la part des loyalistes, des Caldoches, mais aussi de la plupart des Métros. Et ça continue ; aujourd’hui encore. On ne dit pas « Sale race ![29] » (ça se disait beaucoup en Algérie française) on dit simplement (je l’ai entendu mille fois) : « Ils se contentent de peu, mais c’est leur culture ; ils n’aiment guère se défoncer au travail (on évite de dire « Ce sont des fainéants ! ») parce que (dit-on pour ne pas paraître trop raciste…) « l’argent a peu d’importance pour eux, car ils préfèrent le loisir[30], souvent, le lundi[31], ils désertent leur boulot et perdent un jour de salaire, se reposant de leurs cuites du week-end) mais c’est leur culture ; bref, ils sont nonchalants, mais c’est leur culture ». Et l’on rajoute souvent, ponctué d’un éclat de rire : « Peut-être ont-ils raison ! ». Ce n’est pas tout. Les Kanak ne profiteraient pas ou peu des discriminations positives à leur égard, notamment de la formation[32] ; et ils adoreraient l’assistanat. Pas de racisme là-dedans bien sûr : juste une critique envers les pauvres, il faut bien trouver quelqu’un à haïr ; Salauds de pauvres[33] !
* Le racisme caché en Calédonie sous l’opposition des communautés et l’opposition politique
Peut-être pas de racisme, mais une forte animosité entre les ethnies du Caillou… Le fameux seuil de tolérance (rien à voir, évidemment, avec le racisme ; tu parles[34] !) à 12 % pour que des problèmes naissent pour les majoritaires, n’est jamais dépassé pour toutes les communautés au niveau global (sauf pour le couple Kanak-Européens) ; mais il l’est largement en Province Sud envers les Wallisiens-Futuniens[35], et des deux côtés… Contre les Wallisiens mis à part, moins de racisme apparent envers les autres communautés océaniennes et asiatiques[36], largement en dessous de ce seuil de tolérance. Et, ça fait plaisir (mais ça interroge) pas le moindre racisme des Européens envers les Caledoun, les Arabes (en fait surtout Kabyles) descendants des bagnards installés sur le Caillou, surtout dans la région de Bourail, après la Révolte des Mokrani en Algérie en 1871[37]. Le racisme, souvent caché donc, revient quelquefois au galop quand le Kanak Rock Wamytan insulta l’un de ses collègues par : « Sale blanc, retourne chez toi à Wallis ! ».
Notes
[1] Voir (on y reviendra) :
Racisme et Caillou, Lapita, MPA Et grands débats encore, tout ça à Nouméa ! | Le Club (mediapart.fr)
[2] Encore de la pub gratuite ; cette quatrième nouvelle s’intitule Racisme -- Métissage ++ : du désamour au retour à l’Amour ; voir :
[3] Il critique d’ailleurs ce que des économistes appelleront bien plus tard la Target Economy, l’Économie de cible : si l’on augmente la rétribution du travail, celui qui n’est pas encore un homo oeconomicus dit rationnel va travailler moins, car il se contente d’un revenu cible déjà fixé.
[4] Ils n’existaient pas encore ! Voir :
Comment est né le mot "racisme" ? (radiofrance.fr)
[5] Garnier continue en décrivant les échanges des kanak et des colons : « La plupart de ces gens-là font avec les kanaks des échanges pour lesquels ils donnent un œuf pour un bœuf ; lorsqu’ils emploient les indigènes, ils les rétribuent souvent fort mal, de sorte qu’ils en trouvent difficilement pour un nouveau travail ; c’est alors qu’ils s’empressent de déclarer que cette engeance n’est bonne à rien. En disant que l’on ne paye pas assez le kanak qui travaille, je sais que j’attaque de front les idées de la plupart des colons de Nouvelle-Calédonie, toujours enclins à trouver au contraire que les indigènes sont trop payés ». Presque un marxiste, ce Garnier ; va savoir s’il n’a pas collaboré à la publication du Capital de Marx en 1867, les dates correspondant bien ! Et de décrire ensuite que tous les travaux, même techniques, sont le fait des Kanak (pêcheurs, marins, courriers, etc.) : ils n’étaient pas que des portefaix. Et d’évaluer le rapport entre le salaire payé aux kanak et aux « ouvriers blancs » : un rapport d’un à dix... Garnier envisage même qu’en payant correctement les Kanaks, ils entreraient dans le moule de l’homo oeconomicus : « Mettez ces hommes à la tâche : vous les verrez s’exténuer pour augmenter leurs gains, vous les verrez devenir cupides, s’habiller bientôt convenablement, se civiliser ». Là, un gros grain de paternalisme (« Mettez… » et « convenablement »… mais le lecteur remarquera le rapport fait par Garnier entre se civiliser et devenir cupide… Il cite quelques exemples, avec photos à l’appui, de cette entrée des kanak dans le Nouveau Monde. Il termine son analyse socioéconomique en se référant au « Capitaine Paddon », le fameux commerçant anglais qui se trouvait sur l’île Nou bien avant l’arrivée des Français à Port-de-France devenu Nouméa, et qui fit fortune grâce, selon Garnier, à son comportement avec les Kanak qui en faisaient l’éloge : « ... j’ai appris que Paddon était d’une grande générosité, qu’il payait sans jamais marchander, faisant même des largesses quand il était satisfait ». Le repoussoir du colon français.
[6] Les amateurs de voyeurisme des anthropophages peuvent consulter un article du Point, Le tour du monde des cannibales #10 : les Kanaks ont les crocs ; on y trouve en particulier des récits de Garnier que nous avons évités :
[7] Je ne résiste donc pas (je me répète…) à reprendre ce thème déjà abordé dans nombre de mes écrits ; par exemple, donc, dans Nouvelles calédoniennes Entre Éros et politique ou dans un feuilleton qui précède celui-ci sur Le Club de Médiapart : une uchronie (juxtaposée à l’Histoire) sur les anars et les marxistes ; voir la première Saison (et les autres si affinité) :
Toutes les Saisons sont maintenant en ligne.
[8] La génétique moderne, au milieu du XXe siècle seulement, avec la mise en évidence de la structure en double hélice de l’ADN (l’acide désoxyribonucléique) a montré que le concept de race n’est pas pertinent pour caractériser les différents sous-groupes géographiques de l’espèce humaine.
[9] On utilisera maintenant souvent ce mot sans guillemets, sans italique et sans vergogne : une provocation ? Non, on expliquera plus loin pourquoi.
[10] Ethnie ne veut rien dire, c’est un cache-sexe, comme on disait les Israélites plutôt que les Juifs. L’UNESCO recommanda malgré tout, au milieu des années 1950, de remplacer race par ethnie ; et elle se fit aider par certains qui allaient devenir de grands noms : l’un des premiers écrits de Claude Lévi-Strauss, publié en 1952 dans le cadre des recherches de cette institution pour lutter contre le racisme, où son écrit Race et Histoire met en pièces l’Essai sur l’inégalité des races humaines du Français Arthur de Gobineau, « Essai » (qui fut souventes fois « transformé ») paru en 1853 (pour la première édition, partielle) : la date de la prise de possession par la France de la Nouvelle-Calédonie.
[11] Anthropologue et ethnologue, qui a écrit l’article ethnie dans l’encyclopédie Universalis,
[12] Dans Économie et société de 1922, parce qu’il le juge trop flou.
[13] Lamarck est un disciple de Georges-Louis Leclerc, devenu sur le tard comte de Buffon qui chevaucha la plus grande partie du XVIIe siècle, et de Carl von Linné, naturaliste suédois à l’origine de la classification dite binomiale, devenue aujourd’hui la règle scientifique ; en clair, classification qui nomme les êtres vivants par un genre et une espèce. Les deux n’étaient pas souvent d’accord, mais c’est de là que, plus tard, on ne se contenta pas de classer (obsession des sciences du XVIIIe siècle) les végétaux et les animaux, mais aussi, en passant, les hommes. Car Buffon et Linné s’y aventurèrent : on est bien au cœur du sujet ! Pour le premier, les races étaient réversibles par le changement de climat ; mais, selon lui, « La zone propice au développement des qualités les plus éminentes est l’Europe ». Pour le second, le mélange des races serait désastreux, parce qu’il se ferait au détriment de la race la mieux dotée ; devinez laquelle !
[14] Plus généralement, toute forme de vie aurait un ancêtre commun selon une théorie récente de la fin du XXe siècle : le LUCA (Last Universal Common Ancestor, clin d’œil probable envers Lucy, australopithèque découverte en 1974 par une équipe dont les Français ne retiennent que feu le paléontologue Yves Coppens) ou, en français, le DACU (Dernier ancêtre commun universel). Plus tard, Darwin développera sa théorie de l’évolution pour l’espèce humaine dans La Filiation de l’homme et la sélection liée au sexe : il n’y a pas que la génétique, il y a aussi le désir ; heureusement.
[15] Et ça a bien rebondi à la fin du XXe siècle où le darwinisme social utilise l’éthologie humaine (étude scientifique du comportement de l’espèce humaine) et la génétique pour fonder la sociobiologie avec, en 1975, Sociobiology, l’essai du biologiste « sudiste » américain Edward Wilson qui consacra en outre le terme biodiversité que les écolos adorent. Beaucoup considèrent que cette nouvelle « science » est tout simplement raciste. Comme la doctrine du choc des civilisations où le racisme est mal caché.
[16] Digression dans l’apparente digression, mais toujours au cœur de notre sujet ; car on va en proposer, des statistiques… La statistique, c’est, bien sûr, la science de l’analyse des états de la nature, l’étude méthodique des faits, sociaux ou non, par des procédés mathématiques : son étymologie viendrait du latin status, état (sans majuscule, de stare, se tenir) ; rien à voir avec la politique ! Tu parles ! Le mot statistique fut inventé par un professeur de l’université de Göttingen en Allemagne : un économiste nommé Gottfried Achenwall (1719-1772) qui aurait, au milieu du XVIIIe siècle, créé le mot Statistik, dérivé de la notion allemande de Staatskunde (instruction civique) où l’État avec une majuscule (Staat) est central. On trouve aussi que le mot vient de l’italien statista, homme d’État : la statistique représentant pour Achenwall l’ensemble des connaissances que doit posséder un homme d’État. Le Britannique William Petty l’avait d’ailleurs précédé avec son Essai d’Arithmétique politique de 1682, dans la même veine pour définir les statistiques où la population avait toujours été l’obsession fondamentale des États, la comptabilité des hommes. Pas d’État central sans statistiques, pour les Chinois du troisième millénaire avant notre ère, les Pharaons ou les Incas. Et les statistiques « ethniques » ont toujours existé ; en France, elles furent sévèrement contrôlées et officiellement réservées aux seuls recensements de Nouvelle-Calédonie. L’ISEE du Caillou va probablement produire plus de stats par habitant que sa mère l’INSEE !
[17] Le terme employé par Galton provient, nous enseigne Wikipédia, de la régression vers la moyenne : « Les enfants de personnes de grande taille avaient eux-mêmes une taille supérieure à celle de la population en moyenne, mais inférieure à celle de leurs parents (toujours en moyenne), sans que la dispersion de taille au sein de la population totale soit réduite pour autant ». Le terme régression n’est alors pas aussi politique et raciste qu’il en a l’air.
[18] Qui ne connaît pas la blague (antiraciste pour ceux qui en douteraient) de deux hommes d’affaires noirs à Dakar (Capitale du Monde en 2100 ou après) écoutant à l’envi un petit cireur de chaussures blanc chantant avec ferveur, pendant sa tâche, « Ah le petit vin blanc / Qu’on boit sous les tonnelles / Quand les filles sont belles / Du côté de Nogent !… ». L’un dit alors : « On dira ce que l’on veut des Blancs, mais quel sens du rythme ! ».
[19] Aristote, pas tant que ça, pourtant il défendait l’esclavage ; mais ils étaient rarement noirs à Athènes, les esclaves ; il « démontrait » l’infériorité des femmes à qui il manquait le zizi (il eut bien plus tard des émules !). Au XIVe siècle, Ibn Khaldoun, le grand précurseur arabe de la sociologie qui avait pourtant oublié d’être con, écrivait que « Les seuls peuples à accepter vraiment l’esclavage sans espoir de retour sont les nègres, en raison d’un degré inférieur d’humanité, leur place étant plus proche du stade de l’animal ». Pourtant, sa famille avait été virée de la Séville andalouse en 1248 lors de la Reconquista ; il naît à Tunis. Même Voltaire qui écrivait au siècle des Lumières que « La race des nègres est une espèce d’hommes différente de la nôtre, comme la race des épagneuls l’est des lévriers ». Cherchait-il à justifier ainsi qu’il s’était enrichi par la traite négrière ? Mais il ne parlait pas d’une race supérieure ; ouf !
[20] C’est faux : on verra plus loin que le mot race était utilisé auparavant de façon noble pour les humains.
[21] Corneille s’y est repris à deux fois pour donner tout son honneur au mot race dans ce sens. D’abord, lors d’une engueulade avec le père de Chimène : « Don Diègue, mettant l'épée à la main. Achève, et prends ma vie après un tel affront, Le premier dont ma race ait vu rougir le front ». Ensuite avec son fils Rodrigue à qui il venait de demander s’il avait du cœur : « Ton illustre audace fait bien revivre en toi les héros de ma race ; c’est d’eux que tu descends, c’est de moi que tu viens ». Comment le racisme a-t-il pu salir ce mot ! Comment les antiracistes ont-ils pu accepter de ne plus l’employer ! Mektoub ! Littéralement : C’était écrit, (participe passif du verbe kataba, écrire, prédestiner). Putain de destin !
[22] En 4 lettres pour racé : Bien né ; De bonne lignée ; De première classe ; Qui a du chien ; Typé. En 5 lettres pour racée : Élégante ; Qui fait preuve de distinction. En 5 lettres pour racés : Qui ont de la classe. En 6 lettres pour racées : Distinguées. On croit rêver…
[23] Rappelez-vous les caricatures de Macron au nez crochu dont certaines firent, heureusement, scandale ; voir et avec un débat) :
caricature de Macron au nez crochu - Recherche (bing.com)
[24] On va voir pourquoi ce mot fut mis en italique précédemment.
[25] Fin est un mot souvent utilisé par tous les Calédoniens : c’est fin joli (pour très joli) ; fin mal barrés (pour très mal barrés), etc.
[26] Pour une fois, on ne va pas développer cette hypothèse (peu courante et sans doute personnelle) ; le lecteur devra se contenter de l’article de Wikipédia s’il veut affiner ses connaissances, non pas sur cette hypothèse mais sur cette abolition, commencée en 1791 mais remise en cause par Napoléon 1er :
Décret d'abolition de l'esclavage du 27 avril 1848 — Wikipédia (wikipedia.org)
Les Anglais du Royaume-Uni ont précédé (de peu) les Français ; d’abord par l’abandon de la traite en 1807, puis de l’esclavage lui-même en 1833 grâce à l’action de l’Anti-Slavery Society ; voir :
Abolition de l'esclavage au Royaume-Uni — Wikipédia (wikipedia.org)
[27] Black est peut-être beautifull, mais pas en sanscrit ; en anglais, ça viendrait de brûler ou briller, ce qui est un peu plus contradictoire. L’allemand est plus direct : schwarz viendrait de l’indo-européen suordos (noir, mais aussi dans le sens de sale) qui a donné le latin sordeo (être malpropre) et le français sordide : on comprend donc enfin notre manière de souligner ce mot… En langues latines, le mot blanc (ou blanco, bianco ou branco) vient bizarrement du germanique blank (brillant, clair, sans tache : tout est dans le sans tache) qui signifie également, curieusement, nu ; quand les Blancs sont arrivés, les Kanak étaient donc aussi des Blancs...
[28] Et dans la science des blasons, l’héraldique, le blanc se dit « d’argent » ; ça colle mieux…
[29] Rien à voir avec la Nouvelle-Calédonie mais beaucoup avec la critique du racisme, cette pièce de théâtre de Tania de Montaigne fut diffusée sur France 5 le 12 mai (date de l’abolition de l’esclavage de 1848) ; elle est en replay, mais pour pas longtemps). Après, il faudra vous débrouiller :
Sale race en replay - Place au spectacle (france.tv)
[30] Rappelons aux lecteurs non-économistes que la théorie économique dominante (celle desdits néoclassiques qui a remplacé, à la fin du XIXe siècle, la théorie dite classique de la valeur travail expliquant les prix par la quantité de travail, car théorie développée par les marxistes, elle sentait désormais le soufre) explique justement le comportement du salarié « offreur de travail » par le choix entre le loisir et le travail ; exit ainsi la pénibilité du travail (dont l’étymologie latine provient d’un instrument de torture, le tripalium, comme la croix de crucifixion, mais avec trois pieux au lieu de deux). Je n’accepte de travailler plus que si l’on augmente mon salaire horaire, car je perds une heure de loisir ; or le loisir est un bien précieux mais plus sa consommation augmente, plus son utilité marginale (le plaisir marginal) baisse (la « désutilité marginale du travail » disent les pédants) comme quand on consomme n’importe quoi ; donc, perdre une heure de loisir présente une utilité marginale croissante de ce loisir. Vous suivez ? Donc, pour compenser cette perte de plaisir, il faut augmenter les salaires pour inciter les offreurs de travail à travailler plus pour gagner plus (comme disait Sarkozy). Ce n’est vrai que si ledit effet de substitution est dominant (il est sensé l’être pour les homo œconomicus dits rationnels ; à l’inverse, si ledit effet revenu l’emporte, je décide de travailler moins pour le même revenu : c’est le principe de la Target Economy déjà évoquée plus haut, que l’on adore appliquer aux primitifs non encore entrés dans la modernité (comme « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire » du même Sarkozy…). Sans connaître ce concept récent d’Économie de cible, Garnier considérait déjà les Kanak comme des homo œconomicus.
[31] Cet effet lundi particulier est l’un des clichés les plus courants que beaucoup de patrons invoquent pour se plaindre de leurs salariés kanak ; ça arrive sans aucun doute, mais est-ce généralisable ?
[32] D’abord le Programme « 400 Cadres » (Accords de Matignon-Oudinot de 1988 qui précise : « dans le but de rééquilibrer le partage de l’exercice des responsabilités, un important programme de formation de cadres particulièrement de cadres mélanésiens, doit être engagé dans les meilleurs délais » ; puis le Programme « Cadres Avenir » (Accord de Nouméa de 1998) financé à 90 % par l’État et à 10 % par la Nouvelle-Calédonie. Succès selon certains, résultats mitigés selon d’autres.
[33] La sortie de Grangil-Jean Gabin dans le film (1956) La Traversée de Paris, sortie reprise de façon très critique par Coluche et par le film éponyme de 2019.
Voir (encore une digression…) l’article de septembre 2014 écrit par Hubert Huertas dans Médiapart sur l’opinion des Français sur ces salauds de pauvres assistés ; et on ne parle pas encore (Zemmour était encore buvable) des immigrés qui viennent, comme « casoces » particuliers, manger le pain des français de souche… Glaçant ; voir :
Pourquoi les Français adhèrent au «Salauds de pauvres» | Mediapart
[34] Il s’agit bien d’une cohabitation, souvent sans le moindre contact amical (mais on travaille ensemble) avec l’ « Autre ». Dans les dîners barbecue-brochettes des Métros, pas un Kanak ou un Wallisien (si, de temps en temps chez certains) rarement un Caldoche, et vice-versa. On compte sur les doigts d’une main quand on rencontre un Kanak dans les conférences ou manifestations au Centre culturel Tjibaou ou dans les quelques théâtres. N’aiment-t-ils par la culture, la vraie, la nôtre, ou ont-ils d’autres chats à fouetter ? On rencontre, on l’a indiqué, peu ou pas d’Européens dans les manifestations kanak, mais c’est plus rationnel.
[35] Combien de fois, avec des amis de plusieurs communautés dont Kanak et Métis (il n’y avait pas de Wallis…) j’ai entendu cette litanie habituelle contre cette ethnie : « Ils passent leur temps à la messe ; mais quand ils en sortent, ils n’arrêtent pas de mentir ; oui, ce sont tous des menteurs ! ». En en venant presque aux mains, je ne pus convaincre mes interlocuteurs (dont les Kanak) de leur connerie qu’en leur disant : « Que pensez-vous des Européens qui affirment que tous les kanak sont des fainéants et des assistés ? ».
[36] Mais les Jaunes (Vietnamiens Tonkinois arrivés depuis longtemps, puis les Chinois-Vietnamiens après l’arrivée de quelques boat people) sont, malgré leur discrétion légendaire, souvent mal perçus.
[37] Voir, écrit par Louis-José Barbançon et Christophe Sand, Caledoun : histoire des Arabes et Berbères de Nouvelle-Calédonie, édité par Bourail, Association des Arabes et amis des Arabes de Nouvelle-Calédonie, 2013 ; voir sur la Toile :
https://searchworks.stanford.edu/view/11486709
Voir aussi une interview de TV5 Monde expliquant l’insurrection des Mokrani et ses rapports avec le Caillou :