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Billet de blog 29 janvier 2015

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La petite séquence paysanne : « La partie de boulonnaise »

Les éclaircies et premiers rayons de soleil de cette fin d’hiver et printanier, ont fini par assécher les dunes blanchâtres du chantier, offrant un terrain de jeu au sol idéal à poquer les coups, de prendre l’air et de sortir son nez des vestiaires poussiéreuses de l’usine à kaolin de la CCCG. (China Chimies Coporate Groupe).     Après la pause casse croute, les ouvriers se libèrent aux abords de l’usine à kaolin, se la jouant à la boulonnaise, une pétanque de mécano en bataille de boulons de 32, ou peut-être ben du 50 et à vue de nez, un temps repos pour s’exercer à l’adresse à placer l’hexagone rouillé à épouser le cochonnet, peaufiner les coups et d’exceller à se préparer pour la boule marseillaise lors des prochains concours locaux. La partie va bon train, Bob l’intello fait équipe avec Meskamm, face à la doublette Bouédec et Coat l’ouvrier migrant venu du Sénégal.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les éclaircies et premiers rayons de soleil de cette fin d’hiver et printanier, ont fini par assécher les dunes blanchâtres du chantier, offrant un terrain de jeu au sol idéal à poquer les coups, de prendre l’air et de sortir son nez des vestiaires poussiéreuses de l’usine à kaolin de la CCCG. (China Chimies Coporate Groupe). 

    Après la pause casse croute, les ouvriers se libèrent aux abords de l’usine à kaolin, se la jouant à la boulonnaise, une pétanque de mécano en bataille de boulons de 32, ou peut-être ben du 50 et à vue de nez, un temps repos pour s’exercer à l’adresse à placer l’hexagone rouillé à épouser le cochonnet, peaufiner les coups et d’exceller à se préparer pour la boule marseillaise lors des prochains concours locaux. La partie va bon train, Bob l’intello fait équipe avec Meskamm, face à la doublette Bouédec et Coat l’ouvrier migrant venu du Sénégal.

Le Gareg, Koant, Kemener, Moal et quelques autres compagnons font bande à part. Aussi loin que proche du terrain de jeu, à peine discret qui s’entend porté par le courant d’air, et l’on y perçoit les slogans du délégué syndicaliste et meneur de la revendication permanente,  tous attentifs à l’écoute du « missionnaire en savane » des Monts d’Arrée.            

C’est au tour de Meskamm, il cible, vise, balance, et pointe sa charge. Agitations et exclamations, bras au ciel à bénir le saint patron des boulons, et l’approche parait si bien serrée, Bob et Coat s’avancent à vérifier le coup bénit.

Bob : « C’est la notre ! »

Coat : « Oh! Hop pas là ! Pas si vite. Regarde là ;  la boule de Bouédec…c’est la gagne »

Bob : « Arrête de déconner... C’est net » ce tournant et cherchant l’avis des spectateurs, puis se rapproche.

Meskamm : « Oh ! C’est bon quoi ! Il est à nous le point, ça ce voit d’ici »

Coat : « Attends, attends. Faut le vérifier »

L’enjeu est si précieux,  Bob saisit l’occasion  d’y prendre mensuration, et de sa poche inspecte de son mètre maitre à jauger, s’agenouille au plus près du centre des opérations, étire la mesure, se retourne  ...

Bob : « Bord à bord 115 mm contre 117 pour vous, il est à nous le point ! »

Coat : « Et depuis quand, que c’est de bord à bord ? Ce n’est pas de la pétanque, c’est d’ la boulonnaise ! Pas vrai Meskamm ! »

C’est bien connu, dans ces petits  jeux ou chacun a ses règles, la mauvaise foi et la p’tite triche, c’est rien que de la stratégie, de la guérilla psychologique, déstabiliser l’adversaire pour gagner la partie, même si y a pas de prix ni de podium à conquérir, surtout de ne jamais perdre la face, ça donne l’air d’être efficace. Les deux joueurs accroupis mimant la difficulté à mesurer le litige, prennent tout leur temps à départager le point, pas facile de jauger un cochonnet d’une boule à six faces.

Coat : « Tiens d’axe à l’axe, on est à !!!…. » Il mesure et après de multiples vérifications. « Tiens pile poil 142 contre 142 mm, pas besoin d’un  pied à coulisse ! » Il remesure se lève, change d’angle, remesure, puis ...

Coat : « Égalité, point à rejouer ! »

Durant toutes ces épreuves et contrôles exagérés, les comparses entament quelques menues négociations à l’abri des oreilles curieuses,  la discussion baisse de plus d’un ton...

Coat : « Bob, c’est con, mais j’aurais besoin d’un peu de Lockheed, tu peux voir çà ! »

Bob : «Il t’en reste déjà plus ? »

Coat : « Si, si, mais çà m’évite de revenir demain » .../...puis se détournant,  visant de vigilance vers l’impatient viseur Bouédec « Je crois bien qu’on va arrêter de jouer, y'a plus moyen avec Bouédec, toujours à râler  »

Bob : « Parait que sa femme s’est barrée »

Coat : « Ouais je sais, mais enfin bon, on n’y peut pas grand chose ! »

Bob : « Dis donc si ta bagnole bouffe autant de Lockheed, t’as intérêt à faire gaffe. ... Sérieux ! »

Coat : « Ouais ! Je sais ! en plus c’n’est pas la mienne! C’est pour ma fille. Tu comprends, J’peux pas la laisser aller comme ça ! »

Bob : « T’as une bouteille ? Ou tu préfère prendre un jerrican ? »

Coat : « Non, non ! Quand même, j’ai pris une bouteille. Ça ira pour cette fois ! »

Attentifs  et perplexes à cette longue expertise des deux arbitres, Meskamm et Bouédec trépignent  à attendre le résultat du coup,  jonglant et regonflant d’impatience avec leurs six faces.

Bouédec : « Putain, mais mettez-vous d’accord ! »

Coat : «Bon... bon, c’est bon ! Soyons bons joueurs… » Les choses étant dites, se retourne et rejoint son pote.

Bob : « C’est pour nous, comme je t’avais dit ! Tire Bouédec, c’est à ton tour »

Bouédec à son colistier : « Vas-y toi, tu pointe  d’abord, et si çà va pas je tire »

Coat : « D’accord. C’est bon ; Je l’envoie là bas…à coller  juste au  cochonnet. »

Bouédec: « Le boulonnet  tu veux dire. ...Le boulonnet .....  Allez vas y. »

Coat s’agenouille, vise, balançant comme pendule à bras, se repose, se relève, s’agenouille à nouveau,  remet en mouvement sa mécanique, hésite à jeter le boulon, la concentration est à son comble.

De la tribune spectaculaire installée de l’autre coté de la piste à boulonnaise, encombrée de trois farceurs rassemblés à jauger d’intérêt corrosif sur les jongleurs de boulons à six pans, ne manquant pas de commenter les tires ou pointages au cochonnet, à tous les coups le ton est hilare, la pause causerie digestive à se marrer avant de remettre le couvert à nourrir la machine à kaolin, qu’est jamais rassasiée à son appétit de produits, tonnage de poudre blanche pour la faïence au service de la finance.  

En attendant, on n’est pas là pour faire autre chose qu’à se prendre du temps à se marrer  des joueurs à six pans.

 « Eh ! Coat c’est quoi ton truc ? , le mouvement à perpète ? » ... L’autre railleur, ...  « Eh ! Coat met  de l’huile, sinon tu vas finir par te gripper »  Coat excédé par les sarcasmes se résout sans trop de conviction à lancer son boulon qui retombe lourdement dans la glaise asséchée, à mille centimètres du cochonnet.

Coat : « Nul ! Putain de bordel de merde, mais que  j’suis nul ! Et arrêtez de me gonfler, bande d’enfoirés ! »  

Lescop en tournée d’inspection rejoint le groupe un chouia tire au flan, tout en pressant le pas il avertit la troupe de reprendre le boulot. Coat soulagé d’échapper au jugement dernier, quand apparait le contremaître empressé de remettre les machines à broyer. Ni médaille, ni podium, zéro gagnant dans les deux camps. « Ouf ...ouf. »

Lescop : « Putain les mecs …Faut pas pousser quand même ! Z’avez vu l’heure ? » Lève les bras au ciel, priant le seigneur des saigneurs,  les rabaisse, tapote de la main sur sa toquante. Voyant le peu d’entrain, un peu plus désabusé qu’à l’habitude, s’en retourne et rebrousse chemin. Opportuniste le Bouédec profitant de l’occasion, et passablement à cran de voir la gagne lui échapper, le rattrape en quelques enjambées, double le chef et d’un demi tour lui fait face à face, visage grimaçant, perdre une partie de boulonnaise à la cause d'un chefaillon, mais c’est incroyable, mais c’est inadmissible !

Bouédec : « Quoi ?qu’est-ce t’as à  dire, t’es pas content, t’as peur que ton  kaolin se fasse la valse ? »

Lescop sidéré, détourne Bouédec, cherchant un appui compatissant du coté des compagnons qui lentement, tranquillement, tout doucement quittent nonchalamment le terrain de jeu. Le Gareg, délégué et meneur d’un autre jeu, suit le mouvement et l’attention aux tensions,...

Le Gareg : « C’est bon Bouédec,  laisse tomber !

Un trublion farceur : « Au pied Bouédec ! ....   Au pied ! »

Bouédec bombe le torse se plante à nouveau face devant du contremaître, ce qui ne manque pas de  provoquer un éclat de rire généralisé, fier et satisfait de sa charge,  Bouédec  jubile de la trouille qu’il a foutue à Lescop.

Moal: « Arrête tes conneries Bouédec »

Koant : « Cà va pas Bouédec, hein ! Faut te calmer… »

La troupe s’éparpille, à chacun son chemin et  rejoint son poste, c’est encore l’heure de reprendre le labeur.

 §

Un filet d’huile coule tranquillement dans le récipient. Fondu au noir .... À suivre

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Les précédentes séquences :

La petite séquence paysanne : «La nuit céleste et poésie d’assoiffés»

28 octobre 2014 |  Par Patrig K

La lune au zénith pleine et angélique, scintillante d’éclats de cristal, diffuse sur la campagne endormie sa lueur fantomatique et mystérieuse de rêverie féérique. Un vol de chauve-souris, une nuée de lucioles éphémères et légères, hibou au loin hulule. Les deux phares d’un véhicule s’égarent dans une interminable ronde noctambule. Surgit des cimes le monstrueux vaisseau, l’immobile voyageur et improbable refuge salvateur, imposant son ombre de nulle part, sans gène ni peine à éteindre la lumineuse nuit des Monts d’Arrée.

La petite séquence paysanne : La partie de domino

30 août 2014 |  Par Patrig K

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30 août 2014 |  Par Patrig K

Suite à une alerte en pleine nuit, une panne à l'usine de kaolin en Berrien, les gardiens de la nuit, comme ils aimaient à se vanter d'en être, sont appelés à remédier au problème, une écluse d'amenée d'eau serait restée bloquée par des détritus brassés par les pluies torrentielles de ces derniers jours. Bob et Koant sont à la manœuvre.

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