Du 14 novembre 2015 au 7 janvier 2016, 3 021 perquisitions administratives ont été menées dans le cadre de l’état d’urgence. On a déjà dit dans un précédent billet à quel point ces mesures étaient attentatoires aux libertés fondamentales – et hors de contrôle effectif de tout juge, contrairement aux assignations administratives pour lesquelles, au moins formellement, un juge de l’urgence peut-être saisi pour mettre fin aux ou moduler les effets de l’assignation.
Leur bilan est dérisoire. Dans ses Vœux aux forces de sécurité publique prononcés le 7 janvier 2016, le président de la République a indiqué que l’état d’urgence a, via les perquisitions administratives, « mis à jours 25 infractions en lien direct avec le terrorisme ». Ce chiffre, déjà extraordinairement faible, masque en réalité deux types d’infractions, comme l’a bien relevé Le Monde.
21 des infractions constatées concernent des infractions relatives au délit d’apologie du terrorisme (qui figurait dans la loi du 29 juillet 1881 sur la presse avant d’être inséré par la loi n° 2014-353 du 13 novembre 2014 à l’article 421-2-5 du Code pénal), découvertes notamment lors des fouilles des ordinateurs (« posts » sur Facebook, sur Twitter…) autorisées par la loi du 20 novembre 2015. Rien ne dit que ces infractions déboucheront sur des condamnations.
Restent 4 procédures confiées au parquet antiterroriste de Paris – trois enquêtes préliminaires, une mise en examen – dont là encore nul ne peut savoir si elles conduiront ou non à des condamnations.
A supposer que tel soit le cas, le taux de « succès » des perquisitions administratives sera donc, au mieux, de 0,1%. Il est peu probable que ce chiffre augmente, l’effet de surprise ayant disparu et chacun étant désormais avisé du risque d’être perquisitionné.
Il faudra bien un jour tirer les enseignements de ce chiffre heureusement minuscule, à savoir :
- d’une part qu’il y a sans doute un (grave) problème de fonctionnement des services de renseignement et de police, qui avaient « carte blanche », pour que 3 000 des 3 021 perquisitions administratives menées l’aient été en vain au regard de la prévention du terrorisme (quelques armes, dont des sabres japonais, ont été trouvées ici et là, ainsi que des produits stupéfiants) ;
- d’autre part, que contrairement à ce qu’indiquent ceux des décideurs publics qui alimentent les angoisses et hystérisent les tensions pour, au fond, justifier leurs fonctions et tenter de créer la cohésion autour d’eux (c’est « l’Etat sécuritaire », dont on peut trouver une manifestation récente dans le discours que le Premier ministre a tenu le 9 janvier 2016 lors de la cérémonie d’hommage organisée par le CRIF), la société française est très largement une « société de confiance », comme il y en a peu dans le monde.