Un acte administratif irrégulier qui est annulé par le juge administratif doit normalement disparaître rétroactivement de l’ordre juridique : toutes les mesures prises sur son fondement sont en principe réputées avoir disparu en même temps que cet acte.
Ce principe est inverse lorsque c’est une loi qui est jugée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel, saisi sur renvoi de la Cour de cassation ou du Conseil d’Etat dans le cadre de la procédure des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) : l’acte ne disparaît normalement que pour l’avenir (il est abrogé et pas annulé, comme le précise l’article 62 alinéa 2 de la Constitution), à une date éventuellement postérieure à celle à laquelle son inconstitutionnalité a été constatée, et ses effets passés sont conservés, sauf si le Conseil constitutionnel décide que les personnes qui avaient formé des recours contentieux au jour où il s’est prononcé peuvent bénéficier de l’inconstitutionnalité. Ce mécanisme de la QPC est donc loin d’assurer, en pratique, la prévalence des libertés constitutionnelles… Au surplus, le Conseil constitutionnel fait toujours une pesée entre les droits et libertés fondamentaux invoqués par le demandeur et des considérations tenant à la bonne marche des pouvoirs publics : au nom d’un « objectif de sauvegarde de l’ordre public » – qui est le faux-nez du pouvoir discrétionnaire que se reconnaissent les neuf membres du Conseil constitutionnel –, le Conseil peut pétrir la Constitution en fonction d’appréciations politiques, c’est-à-dire subjectives.
Il n’est donc pas surprenant que les trois inconstitutionnalités relevées par le Conseil constitutionnel (par des décisions des 19 février, 23 septembre et 2 décembre 2016) à propos de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence ont été toutes trois neutralisées, ce qui veut dire concrètement que des dispositions législatives pourtant contraires à des droits fondamentaux constitutionnels peuvent (ou ont légalement pu) être appliquées par l’administration et peuvent même servir de fondement à des poursuites pénales.
C’est cela, la réalité de l’Etat de droit « à la française » : les droits fondamentaux sont toujours mis en balance avec la raison d’Etat, enrobée dans le cadre de l’état d’urgence sous les termes plus présentables des « nécessités de l’ordre public ». On va le voir avec chacune des trois censures décidées par le Conseil constitutionnel.
1 – S’agissant des quelque 800 perquisitions réalisées entre le 14 et le 20 novembre 2015, le Conseil constitutionnel, dans une décision n° 2016-567/568 QPC du 23 septembre 2016 évoquée ici, a jugé que leur fondement juridique – à savoir le 1° de l’article 11 de la loi du 3 avril 1955 dans sa rédaction antérieure à la loi du 20 novembre 2015 – était contraire à la Constitution.
Mais il a aussitôt gelé les effets de cette inconstitutionnalité, en décidant souverainement qu’elle ne pouvait être invoquée pour contester la légalité d’aucun des 800 ordres de perquisition pris sur ce fondement, y compris ceux qui faisaient l’objet d’une demande indemnitaire formée auprès des préfets ou d’une contestation devant le juge administratif ou le juge pénal à la date du 23 septembre 2016.
Cette décision du Conseil constitutionnel résulte de deux QPC qui lui avaient été renvoyées par la chambre criminelle de la Cour de cassation en juin 2016.
A la suite de cette décision du 23 septembre 2016, la chambre criminelle de la Cour de cassation, ressaisie du litige, a tranché l’un des deux pourvois dans un arrêt du 13 décembre 2016 (pourvoi n° 16-82.176). Au cours d’une perquisition administrative réalisée le 20 novembre 2015 dans un local d’habitation à Vaux-en-Velin, les forces de l’ordre avaient découvert des stupéfiants ainsi qu’un pistolet à plomb. Les personnes se trouvant dans le local perquisitionné avaient été mises en examen deux jours plus tard et placées en détention provisoire. Pour contester ces actes de procédure judiciaire, ces personnes avaient soutenu que l’ordre de perquisition pris par le préfet du Rhône était irrégulier, car pris sur la base d’une disposition de la loi du 3 avril 1955 contraire à la Constitution, et par conséquent que les opérations de police judiciaire découlant de la perquisition étaient elles-mêmes irrégulières.
La Cour de cassation a rappelé – comme elle l’a fait par un second arrêt du 13 décembre 2016 rendu à l’égard d’une perquisition administrative de l’état d’urgence (pourvoi n° 16-84.794) – que le juge pénal est par l’effet de l’article 111-5 du Code pénal habilité à contrôler la légalité d’actes administratifs – ici des ordres préfectoraux de perquisition – qui déterminent la régularité de la procédure pénale.
Mais cette habilitation trouve une limite dans l’autorité des décisions du Conseil constitutionnel : les personnes intéressées ne peuvent se défendre en invoquant l’inconstitutionnalité du 1° de l’article 11 de la loi du 3 avril 1955, quand bien même c’est le litige qu’ils ont formé qui est à l’origine de la déclaration d’inconstitutionnalité. Cette inconstitutionnalité ne peut davantage être soulevée devant le juge administratif saisi d’une demande d’annulation d’un ordre de perquisition pris entre les 14 et le 20 novembre 2015 ou d’une demande de réparation pour faute résultant d’une perquisition effectuée aux mêmes dates – ce qui au passage « fausse » les statistiques contentieuses en faveur du taux de rejet des recours. Et cela à la fois en raison du système de la QPC, qui prévoit une disparition pour l’avenir seulement de la disposition législative inconstitutionnelle, alliée au bon – ou le mauvais – vouloir des neuf membres du Conseil constitutionnel, qui ont accentué le caractère platonique de cette inconstitutionnalité en refusant d’en faire bénéficier ceux qui avaient formé un recours au 23 septembre 2016.
2 – S’agissant des saisies des données informatiques réalisées au cours des perquisitions administratives entre le 14 novembre 2015 et le 19 février 2016, le Conseil constitutionnel, dans une décision n° 2016-536 QPC du 19 février 2016, a jugé qu’elles étaient contraires au droit au respect de la vie privée, faute pour leur régime d’être suffisamment précisé par le législateur. Cette décision a eu pour important effet concret d’interdire les saisies informatiques pour l’avenir, à compter du 19 février 2016, jusqu’à ce que la loi du 21 juillet 2016 remédie à cette carence.
Mais quel sort devait alors être réservé aux saisies informatiques effectuées jusqu’au 19 février 2016 ? La décision du Conseil constitutionnel indique l’inconstitutionnalité des saisies « prend effet à compter de la date de la publication de la présente décision ; elle peut être invoquée dans toutes les instances introduites à cette date et non jugées définitivement ».
Cela interdisait-il aux forces de l’ordre de procéder à l’analyse et à l’exploitation des données saisies du 14 novembre 2015 au 19 février 2016, comme l’auteur de ce blog avait pu l’indiquer ici ? Point du tout, a décidé le Conseil d’Etat dans deux affaires relatives à des personnes assignées à résidence depuis novembre 2015.
Il importe de souligner que ces contentieux portaient sur des actes administratifs adoptés le 22 juillet 2016, et donc postérieurement à la décision du 19 février 2016, de sorte que la réserve posée par le Conseil constitutionnel paraissait devoir jouer en faveur des personnes concernées.
La première de ces affaires concerne une personne assignée à résidence depuis le 14 janvier 2016, dont l’assignation a été renouvelée trois fois depuis (à chaque prorogation de l’état d’urgence).
Cette personne contestait l’assignation renouvelée par arrêté du 22 juillet 2016 pris par le ministre de l’Intérieur. Le Conseil d’Etat avait été saisi le 31 octobre 2016 comme juge d’appel du référé-liberté ; alors que la loi invite ce juge à se prononcer dans un délai de 48 heures, il a rendu son ordonnance n° 404790 le 16 novembre 2016 rejetant la demande de la personne assignée… 360 heures après sa saisine. Le ministre de l’Intérieur ayant fondé son assignation sur le fait qu’il résultait des éléments recueillis à la suite d’une perquisition administrative du 10 décembre 2015 que l’intéressé, qui possédait (en toute légalité) un « drapeau noir » et une arme factice, avait posté sur son compte Facebook plusieurs messages de soutien à une organisation terroriste, l’assigné demandait que cet élément de fait soit mis à l’écart, par application de la décision du Conseil constitutionnel du 19 février 2016. Le juge des référés du Conseil d’Etat a rejeté cet argument, au motif que l’inconstitutionnalité relevée par cette décision n’a pris effet qu’à partir du 19 février 2016 : les données saisies avant cette date sont « sanctuarisées » et pouvaient donc légalement fonder l’assignation à résidence du 22 juillet 2016.
La seconde de ces affaires concernait une personne assignée à résidence depuis le 24 décembre 2015.
Ici encore, alors que cette personne avait saisi le Conseil d’Etat le 31 octobre 2016, le juge des référés s’est prononcé au-delà du délai de 48 heures, par une ordonnance n° 404787 du 16 novembre 2016. L’assignation à résidence décidée le 22 juillet 2016 était notamment fondée sur le fait que les résultats d’une perquisition administrative menée au domicile de l’intéressé le 10 décembre 2015 avaient eu le résultat suivant « la consultation, sur place, de cet ordinateur [par les forces de l’ordre], a révélé le téléchargement sur le disque dur de plusieurs revues de propagande jihadiste et l'exploitation, postérieurement à la perquisition, des fichiers copiés lors de celle-ci a révélé la présence de plusieurs vidéos représentant des scènes d'exécution et de violence ». Ici encore, le juge des référés a décidé que l’opposabilité de ces éléments n’était pas affectée par la décision du Conseil constitutionnel : ils peuvent donc valablement fonder le renouvellement d’une assignation en juillet 2016 et éventuellement en décembre 2016. A l’assigné qui se défendait en soutenant alors qu’il avait « consulté des sites d'information générale en raison de son intérêt pour la situation en Syrie (et) que la présence des documents et vidéos litigieux ne révèle aucune adhésion de sa part aux thèses jihadistes », le juge des référés du Conseil d’Etat répond, en validant l’assignation à résidence, qu’il « ne résulte pas de l'instruction que les conclusions que le ministre (…) a tirées de la découverte, au domicile de l'intéressé, d'un pistolet à air comprimé et des éléments figurant dans son ordinateur doivent être regardées comme utilement remises en cause ».
Autrement dit, les données saisies entre le 14 novembre 2015 et le 19 février 2016 peuvent toujours être légalement exploitées et servir de base à la fois à des incriminations pénales (indépendamment de la durée de l’état d’urgence) et à des mesures administratives de restriction des libertés (tant que dure l’état d’urgence), alors même que ces saisies ont été réalisées sur la base d’une disposition législative que chacun sait contraire à la Constitution mais dont l’inconstitutionnalité n’a pris effet qu’à compter de la décision du Conseil constitutionnel du 19 février 2016.
3 – S’agissant enfin de la conservation des données informatiques copiées à l’issue des perquisitions administratives de l’état d’urgence, la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-600 QPC du 2 décembre 2016 a jugé que le I de l’article 11 de la loi du 3 avril 1955 modifié par celle du 21 juillet 2016 était contraire au droit au respect de la vie privée en ce qu’il ne prévoit pas de durée maximale de conservation de certaines de ces données.
Avant le 21 juillet 2016, le I de l’article 11 de la loi du 3 avril 1955 ne disait rien de la durée de conservation des données copiées – celles alors recueillies peuvent donc être conservées et exploitées indéfiniment…
Depuis la loi du 21 juillet 2016, le I de l’article 11 de la loi du 3 avril 1955 prévoit des règles de conservation dans trois cas de figure, alors qu’il peut y en avoir quatre :
- la destruction immédiate des données copiées (et la restitution des matériels saisis) en cas de refus du juge administratif d’autoriser leur exploitation – on se demande qui contrôle et vérifie cette destruction ;
- la conservation selon les règles prévues par le Code de procédure pénale des données ayant conduit à la découverte d’une infraction ;
- si le juge a autorisé leur exploitation, les données copiées qui ne révèlent pas de menace ayant justifié la saisie doivent être détruites dans un délai de trois mois. Le texte de l’article 11 de la loi du 3 avril 1955 prévoit à cet égard que : « À l’exception de celles qui caractérisent la menace que constitue pour la sécurité et l’ordre publics le comportement de la personne concernée, les données copiées sont détruites à l’expiration d’un délai maximal de trois mois à compter de la date de la perquisition ou de la date à laquelle le juge des référés, saisi dans ce délai, en a autorisé l’exploitation ». Par parenthèse, on ne comprend pas très bien le choix laissé par ce texte quant au point de départ du délai de conservation des données ne caractérisant pas une menace à l’ordre public, qui nait soit de la date de la perquisition, soit de la décision du juge des référés. Cette alternative est mystérieuse, et il semble réaliste de considérer que le point de départ du délai de trois mois est constitué par la seule autorisation d’exploitation donnée par le juge des référés.
Mais on le voit, la loi est muette sur la durée de conservation des données copiées lorsque le juge autorisé leur exploitation et que ces données, sans aucunement constituer une infraction pénale, caractérisent une menace à l’ordre public au sens de la loi de 1955, menace qui justifierait par exemple que l’intéressé soit assigné à résidence pendant la durée de l’état d’urgence.
Selon le Conseil constitutionnel : « le législateur n’a prévu aucun délai, après la fin de l’état d’urgence, à l’issue duquel ces données sont détruites ». A la différence des trois hypothèses précédentes, ces données doivent nécessairement être conservées au moins le temps de l’état d’urgence, pour avoir un effet utile. Encore faut-il que la loi précise qu’il doit en être ainsi…
Le Conseil constitutionnel a considéré que ce silence était constitutif d’une violation du droit au respect de la vie privée, lequel interdit que des données informatiques soient collectées sans limite temporelle de conservation.
Il a cependant décidé de reporter au 1er mars 2017 l’entrée en vigueur de cette inconstitutionnalité. Cette date est d’autant plus scandaleusement lointaine par rapport à celle du 2 décembre 2016, jour où l’inconstitutionnalité a été relevée, que le Conseil constitutionnel savait que la 4ème prorogation prenait fin le 22 janvier 2017 et qu’une loi devait être adoptée d’ici là pour que la 5ème prorogation puisse avoir lieu.
On aurait pu penser que le législateur se serait saisi toutes affaires cessantes de cette inconstitutionnalité – ce n’est pas rien que de laisser l’administration appliquer quotidiennement une disposition législative que chacun sait contraire à un droit fondamental. On aurait pu penser que l’Assemblée générale du Conseil d’Etat allait suggérer au Conseil des ministres d’inclure dans le projet de loi du 10 décembre 2016 portant 5ème prorogation de l’état d’urgence une disposition visant à remédier à la carence constatée par le législateur. On aurait pu penser que le législateur lui-même trouverait indispensable, pour « coller » au plus près aux canons de l’Etat de droit idéal, de modifier la loi du 3 avril 1955 sur ce point à l’occasion du vote de la loi du 19 décembre 2016 prorogeant l’état d’urgence pour la cinquième fois.
Et bien non ! La loi du 19 décembre 2016, publiée au Journal officiel du 20 décembre, ne résout pas l’inconstitutionnalité relevée 17 jours auparavant…
Comment expliquer ce (nouveau) silence du législateur, et avant lui de l’Assemblée générale du Conseil d’Etat ?
Sans pouvoir donner de réponse assurée, essayons de suivre quelques pistes.
La première d’entre elle procède du rapport n° 220 du 14 décembre 2016 de la Commission des Lois du Sénat (p. 17), qui indique ceci : « Alors qu’il en aurait eu la possibilité, le Gouvernement a cependant choisi de ne pas proposer de nouvelles dispositions sur ce point dans le cadre du présent projet de loi, dans la mesure où l’entrée en vigueur de la censure aura pour effet d’assujettir ces données caractérisant la menace à un délai de conservation de trois mois, ce qui apparaît raisonnable ».
On est donc informé que c’est de manière délibérée que le projet de loi de 5ème prorogation n’a pas remédié à l’inconstitutionnalité du I de l’article 11 de la loi de 1955, et ainsi a choisi de ne pas régler la question de la conservation des données caractérisant une menace, car pour elles, à compter du 1er mars 2017, il est annoncé qu’un délai de conservation de trois mois s’appliquera.
Mais alors, d’où vient ce délai de trois mois évoqué par la Commission des Lois du Sénat ?
Lisons le texte de l’article 11 de la loi du 3 avril 1955 tel qu’il sera applicable le 1er mars 2017, lorsque la censure prononcée par le Conseil constitutionnel entrera en vigueur : « À l’exception de celles qui caractérisent la menace que constitue pour la sécurité et l’ordre publics le comportement de la personne concernée, Les données copiées sont détruites à l’expiration d’un délai maximal de trois mois à compter de la date de la perquisition ou de la date à laquelle le juge des référés, saisi dans ce délai, en a autorisé l’exploitation ».
Le commentaire par le Conseil constitutionnel de sa décision du 2 décembre 2016 indique que (p. 10) : « Une abrogation immédiate de ces dispositions aurait entraîné des conséquences manifestement (sic) excessives: les données caractérisant la menace ayant justifié la perquisition auraient dû être détruites au terme du délai de trois mois fixé dans la loi pour les données sans lien avec cette menace ».
Ainsi, à partir du 1er mars 2017 et sans réaction du législateur, le délai de trois mois prévu pour la destruction des données sans lien avec la menace s’appliquera à la destruction des données en lien avec la menace.
Cette interprétation est « validée » par la Commission des Lois de l’Assemblée nationale dans son rapport n° 4298 du 12 décembre 2016 (p. 37) : « En revanche, aucune règle n’est prévue s’agissant de la destruction – après la fin de l’état d’urgence – des données copiées caractérisant une menace sans conduire à la constatation d’une infraction. (…) [En raison de la censure prononcée par le Conseil constitutionnel], la durée de conservation des données copiées caractérisant une menace sans conduire à la constatation d’une infraction sera donc de trois mois, durée peu éloignée du droit commun en matière de conservation de données de renseignement (ex : article L. 822–2 du code de la sécurité intérieure), ce qui ne soulève donc aucune difficulté ».
Aucune difficulté ? Vraiment ? Mais si tout aussi simple que l’a écrit la commission des Lois de l’Assemblée nationale, pourquoi le Conseil constitutionnel a t-il considéré que l’application immédiate de ce délai de conservation de trois mois aux données caractérisant une menace « aurait entraîné des conséquences manifestement excessives » ?
C’est que le texte applicable à partir du 1er mars 2017 ne prévoit pas que, pour les données copiées caractérisant une menace sans conduire à la constatation d’une infraction, la destruction doit attendre la fin de l’état d’urgence. Il indique, on l’a vu, que ces données doivent être détruites trois mois après l’autorisation d’exploitation délivrée par le juge administratif des référés. Avant comme après le 1er mars 2017, aucune règle ne sera prévue pour la destruction « après la fin de l’état d’urgence » des données copiées caractérisant une menace ; c’est donc pendant l’état d’urgence que, le cas échéant, ces données devront être détruites (d'où les conséquences qualifiées de "manifestement excessives" par le Conseil constitutionnel, la destruction de ces données empêchant alors qu'elles puissent continuer à justifier une assignation à résidence), tout comme les données dont l’exploitation a été autorisée mais qui ne caractérisent pas une menace.
. Pour les données caractérisant une menace dont le juge avait autorisé l’exploitation trois mois avant le 1er mars 2017, cette date devrait conduire : en pratique, à leur destruction pendant l’état d’urgence ; en droit, à l’interdiction pour l’administration de s’appuyer sur ces données pour prendre ou même maintenir une mesure restrictive de liberté.
. Pour les données caractérisant une menace dont le juge aura autorisé l’exploitation après le 1er mars 2017, une application littérale du texte de l’article 11 de la loi devrait conduire : en pratique, à leur destruction dans les trois mois de cette autorisation, et ceci alors que l’état d’urgence court jusqu’au 15 juillet 2017 ; en droit, à l’impossibilité de prendre une mesure restrictive de liberté pour une durée supérieure à celle pendant laquelle ces données peuvent être exploitées.
Conjectures que tout cela ? Ou pas ? L’avenir le dira. Mais il aurait paru en tout état de cause nécessaire qu’à l’occasion de la 5ème prorogation de l’état d’urgence, le législateur se soit saisi – autrement que dans deux paragraphes figurant dans des rapports parlementaires – de l’inconstitutionnalité relevée par la décision du Conseil constitutionnel du 2 décembre 2016, quitte, pour assurer la suprématie de la Constitution et une meilleure garantie des droits individuels, à procéder à l’abrogation anticipée des termes que le Conseil constitutionnel a laissé applicables jusqu’au 1er mars 2017.