I - Dans un article publié sur Médiapart, Louise Fessart relate une perquisition administrative conduite le 1er décembre 2015 et son annulation un an plus tard, le 1er décembre 2016, par le tribunal administratif de Lille, en raison de l’insuffisance de motivation dont l’arrêté préfectoral ordonnant la perquisition était entaché : l’arrêté se bornait à affirmer que « le comportement et les activités [de l’intéressé] constituent une menace pour l’ordre et la sécurité publics », et au cours de la procédure devant le tribunal administratif, le préfet s’était contenté d’indiquer que le « requérant avait par son attitude intrigué et attiré l’attention de son entourage, ainsi que des services chargés du renseignement territorial », et que « les éléments recueillis par les services de renseignement sur l’intéressé constituaient un faisceau de présomptions suffisant pour autoriser ces perquisitions dans un contexte de menace terroriste importante ».
Cette affaire est caractéristique de la manière dont les perquisitions administratives ont été utilisées au début de la mise en place de l’état d’urgence : il s’agissait d’un outil commode et inespéré permettant aux services de renseignement d’actualiser les données en leur possession relatives à des personnes supposées présenter une dangerosité au sens très permissif de l’article 11 de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence.
Le fait que l’ordre préfectoral ait été insuffisamment motivé n’est guère étonnant : à la date où il avait été adopté, il paraissait peu envisageable qu’il puisse faire l’objet d’une demande d’annulation devant le juge administratif, dans la mesure où celui-ci ne peut en principe pas être saisi d’une telle demande dès lors que l’acte litigieux a produit tous ses effets. Ce n’est que par l’avis rendu le 6 juillet 2016 par l’Assemblée du contentieux du Conseil d’Etat qu’un tel recours a été ouvert contre une perquisition administrative ayant déjà été effectuée au jour où le tribunal administratif est saisi.
Dans l’affaire relatée par l’article de Louise Fessart, l’annulation de l’arrêté pour défaut de motivation a procuré une satisfaction morale, « pour l’honneur », au demandeur.
Au-delà du cas d’espèce, Louise Fessart s’interroge plus largement : « Seul le juge administratif peut contrôler, s’il est saisi, les perquisitions menées dans le cadre de l’état d’urgence. Mais ce contrôle n’a lieu qu’a posteriori, une fois les dommages causés. Il n’est donc pas très protecteur. Est-il au moins effectif ? ».
Près de 5 000 perquisitions administratives ont été effectuées depuis le 14 novembre 2015, au coût moyen de 15 000 euros/perquisition, soit un coût total encore provisoire de 75 millions d’euros.
Vingt d’entre elles ont donné lieu à l’ouverture par le parquet d’une enquête pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, soit un taux de « succès » très éventuel (rien ne dit que ces enquêtes ont abouti ou aboutiront à une condamnation pénale) de… 0,4% !
Moins d’une centaine d’entre elles ont fait l’objet d’un recours contentieux de la part des personnes intéressées devant un tribunal administratif, soit un taux de recours direct (ces perquisitions peuvent également être contestées devant le juge pénal si elles ont servi de base à une contravention ou à une peine) inférieur à 2%.
S’il fallait s’en tenir au critère du nombre de recours pour mesurer l’effectivité de la saisine du juge administratif (comme le préconisait le vice-président du Conseil d’Etat : « Le nombre de recours enregistrés depuis un an montre que l’on fait confiance à la justice » : Le Monde, 19 novembre 2016), le chiffre de 2% parle de lui-même : les personnes concernées par les perquisitions administratives semblent ne pas faire confiance à la justice, ou en tout cas vouloir l’éviter. On soulignera à nouveau au passage que la mesure la plus utilisée de l’état d’urgence depuis le 21 juillet 2016, à savoir l’autorisation donnée par les préfets d’effectuer des fouilles de bagages et de véhicules et des contrôles d’identité (762 arrêtés préfectoraux d’autorisation pris entre le 22 décembre 2016 et le 9 mars 2017), ne fait pour sa part l’objet d’aucun contentieux devant la juridiction administrative !
Cependant, allons plus loin que les apparences.
II - Pour contribuer à mesurer cette effectivité, le présent billet rapporte l’exemple d’un jugement rendu le 1er décembre 2016 par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne (reproduit ci-dessous en annexe), qui montre que l’illégalité de l’ordre préfectoral de perquisition administrative n’entraîne pas nécessairement un droit à indemnisation
Dans certains contentieux relatifs à la légalité des ordres préfectoraux de perquisition pris sous l’empire de la loi du 3 avril 1955, les demandeurs peuvent en effet souhaiter obtenir réparation des conséquences matérielles ou morales de cette opération de police administrative. Ils doivent alors former une action en responsabilité devant le tribunal administratif – après avoir en vain saisi l’administration d’une demande préalable d’indemnisation amiable –, qui doit être introduite par un avocat.
Dans l’affaire jugée le 1er décembre 2016 par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, la perquisition avait été effectuée de nuit le 6 janvier 2016, et les forces de l’ordre avaient saisi les données informatiques des personnes se trouvant dans le local perquisitionné.
Les requérants avaient saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de trois demandes. Comme le tribunal administratif de Lille, celui de Châlons-en-Champagne a fait droit à la demande d’annulation de l’ordre de perquisition en raison de son insuffisante motivation ; mais à la différence du litige tranché par le tribunal administratif de Lille, les requérants demandaient deux types de conclusions supplémentaires.
A – Les unes tendaient à l’indemnisation des conséquences de la perquisition administrative, réalisée de nuit et « avec violence » selon les requérants.
On pourrait penser que puisque l’ordre de perquisition administrative a été annulé, les demandeurs avaient un droit automatique à être indemnisés de la réalisation d’une opération de police illégale. Point du tout ! Car la jurisprudence exige un lien de causalité entre le fait dommageable (le défaut de motivation) et le préjudice allégué. Après annulation de l'ordre de perquisition pour un vice de forme ou de procédure, il y a donc une nouvelle discussion sur sa légalité qui s'instaure au stade de la demande indemnitaire afin de vérifier si l'ordre de perquisition aurait pu être légalement pris : le préjudice allégué ne saurait trouver sa cause directe et certaine dans le vice de forme ou de procédure sanctionné par une annulation pour excès de pouvoir. En l'occurrence, décide le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, ce lien de causalité fait défaut puisque, quoique mal motivé, l’ordre de perquisition était justifié par les éléments suivants, « établis » (ou plus exactement assénés sans preuve objective aucune à leur appui) par une note des services de renseignement :
. les requérants auraient selon leur bailleur une attitude de repli et d’isolement ;
. des enseignants du fils aîné des enfants des demandeurs suspecteraient (sic) une fraude à la dispense scolaire pour certaines activités ;
. la requérante a irrégulièrement dissimulé son visage dans l’espace public deux ou trois ans avant l’ordre de perquisition (en 2012 et 2013) ;
. la requérante a posté en mai 2012 (trois ans et demi avant la perquisition) « un mail faisant état de son souhait de vivre en Arabie Saoudite ».
Ces éléments sont considérés par le tribunal administratif comme caractérisant « une menace pour la sécurité et l’ordre publics » au sens de la loi du 3 avril 1955 sur l’état d’urgence.
On reste bouche bée devant cette conclusion qui apparait arbitraire, et qui vient tout simplement valider une perquisition administrative « au faciès ».
Les requérants peuvent a priori sembler peu sympathiques, éventuellement sectaires et avoir une conception rétrograde de l’exercice de la religion musulmane ; mais de là à inférer des quatre éléments ci-dessus que le préfet avait des « raisons sérieuses » de penser que le comportement des requérants constituait, dans un contexte de risque terroriste, une menace pour l’ordre public au 6 janvier 2016, il y a un pas qu’il est regrettable que le juge administratif ait franchi ! On ne comprend pas comment, au cas d’espèce, l’ordre de perquisition a été considéré comme proportionné à sa finalité…
Clairement, sous couvert de menace terroriste, la perquisition en cause (comme la quasi-totalité de celles effectuées au titre de l’état d’urgence) avait pour principal objet de permettre aux forces de l’ordre de vérifier les renseignements concernant les personnes « radicalisées » se trouvant dans le local perquisitionné.
Reste que, quoique illégal car insuffisamment motivé sur le terrain de la demande d’annulation pour excès de pouvoir, l’ordre de perquisition s’avère… justifié sur le terrain de la demande indemnitaire…
Le tribunal administratif accepte cependant d’indemniser les demandeurs pour le préjudice moral qu’ils ont subi, car la perquisition avait eu lieu de nuit alors que le préfet ne justifiait pas qu’elle n’aurait pu être menée de jour en raison de circonstances particulières ; les moyens mis en œuvre par les forces de l’ordre étaient en quelque sorte disproportionnés par rapport à la « menace » détectée. Aux requérants qui demandaient 30 000 euros de réparation, le tribunal administratif a décidé, sans explication sur le montant retenu, d’allouer… 700 euros à titre de dommages-intérêts, soit 42 fois moins que ce qui était demandé.
B - L’autre chef de conclusions était relatif à la destruction des données informatiques saisies lors de la perquisition du 6 janvier 2016.
Dans une décision Ligue des droits de l’homme n° 2016-536 QPC du 19 février 2016, le Conseil constitutionnel a jugé contraires au droit au respect de la vie privée les saisies de données informatiques réalisées pendant les perquisitions de l’état d’urgence. Toutefois, le Conseil constitutionnel a précisé que cette inconstitutionnalité n’aurait d’effet que pour l’avenir, sauf pour les contentieux formés avant le 21 février 2016, date de publication au Journal officiel de la République française de la décision du Conseil constitutionnel.
Il en résulte que, sous réserve hypothétique d’un contentieux portant sur la légalité d’une perquisition administrative non définitivement jugé au 21 février 2016, toutes les données informatiques copiées avant cette date ont pu et peuvent aujourd’hui encore être légalement exploitées par le ministère de l’Intérieur, et ceci malgré l’inconstitutionnalité qui en théorie entache leur base légale (l’article 11 de la loi du 3 avril 1955 dans sa version d’origine).
A cet égard, comme indiqué ici, le Conseil d’Etat a déjà admis que le ministre de l’Intérieur avait légalement pu prendre, le 22 juillet 2016, un arrêté d’assignation à résidence assis sur des données informatiques saisies lors d’une perquisition administrative effectuée le 10 décembre 2015.
C’est donc sans surprise que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande de destruction des données informatiques saisies le 6 janvier 2016, dès lors que les requérants ont effectué une telle demande le 4 mars 2016, soit 15 jours après la décision du Conseil constitutionnel qui interdit ces saisies pour l’avenir seulement (sauf contentieux formé avant le 19 février 2016).
Ces données peuvent être conservées et exploitées indéfiniment par l’administration.
III – A partir du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, que peut-ont penser de l’effectivité du contrôle du juge administratif sur les perquisitions de l’état d’urgence ?
En apparence, ce contrôle semble effectif : les requérants ont obtenu à la fois l’annulation de l’ordre de perquisition pour un vice de nature formel (défaut de motivation) et une indemnité de 700 euros pour préjudice moral.
Mais d’un autre côté, en substance, le tribunal administratif, qui s’est prononcé un an après les faits, a validé a posteriori l’ordre de perquisition sur des motifs tenant – en clair – à la pratique rigoriste de leur religion par les intéressés ; il a acté que les données informatiques saisies le 6 janvier 2016 peuvent, ad vitam aeternam, être utilisées par les services de renseignement ; il a octroyé une réparation pour une somme qui n’est pas destinée à couvrir les dégâts matériels commis pendant la perquisition (et pour cause : l’ordre de perquisition étant justifié par la « dangerosité » des intéressés, l’opération de police administrative était légale).
En définitive, le sens de la réponse à la question ci-dessus varie nécessairement selon que l’on se place du point de vue de l’Etat, de la juridiction administrative ou des requérants…
Annexe : Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne 1er décembre 2016, n° 1600410
1. Considérant qu'aux termes de la décision litigieuse du 6 janvier 2016, le préfet de la Marne a ordonné de procéder, sans délai, à la perquisition des habitations, dépendances et locaux, occupés par Mme C. épouse de M. B. ; que cette intervention a été effectuée le jour même ; que les requérants demandent au tribunal, d'une part, d'annuler ladite décision et, d'autre part, de les indemniser du préjudice qui en serait découlé ;
Sur la légalité de l'ordre de perquisition :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1 de la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 : « L'état d'urgence déclaré par le décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015 portant application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 et le décret n° 2015-1493 du 18 novembre 2015 portant application outre-mer de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 est prorogé pour une durée de trois mois à compter du 26 novembre 2015 » ; qu'aux termes de l'article 2 de la même loi : « Il emporte, pour sa durée, application de l'article 11 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, dans sa rédaction résultant du 7° de l'article 4 de la présente loi » ; qu'aux termes de l'article 11 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 : « I.- Le décret déclarant ou la loi prorogeant l'état d'urgence peut, par une disposition expresse, conférer aux autorités administratives mentionnées à l'article 8 le pouvoir d'ordonner des perquisitions en tout lieu, y compris au domicile, de jour et de nuit, sauf dans un lieu affecté à l'exercice d'un mandat parlementaire ou à l'activité professionnelle des avocats, des magistrats ou des journalistes, lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que ce lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics [...] » ;
3. Considérant que, selon les termes de la décision du Conseil constitutionnel 2016-536 QPC du 19 février 2016, la décision ordonnant une perquisition doit être motivée ; qu'aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : « Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; [...] » ; qu'aux termes de l'article L. 211-5 du même code : « La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision » ;
4. Considérant qu'il découle de ces dispositions, ainsi que l'a précisé le Conseil d'Etat aux termes de son avis susmentionné que la motivation de la mesure de police dont s'agit doit comporter l'énoncé des considérations de droit et des motifs de fait ayant conduit l'autorité administrative à penser que le lieu visé par la perquisition est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics ; que le caractère suffisant de la motivation est apprécié en tenant compte des conditions d'urgence dans lesquelles la perquisition a été ordonnée ; qu'outre l'énoncé de ses motifs, la décision qui ordonne la perquisition doit porter mention du lieu et du moment de la perquisition ;
5. Considérant que si la décision litigieuse énonce, avec suffisamment de précision, les lieux et le moment à compter duquel la perquisition pourra être réalisée, elle se borne en revanche, à indiquer que Mme B. « est considérée comme radicalisée et [que son] comportement constitue une menace pour l'ordre et la sécurité publics » ; que faute de préciser, au moins de manière succincte, les éléments ayant pu conduire le préfet à estimer que l'intéressée était radicalisée alors qu'il n'est ni établi, ni même allégué, qu'une urgence absolue aurait fait obstacle à une motivation, les requérants sont fondés à soutenir que la décision litigieuse est entachée d'une insuffisance de motivation et qu'elle doit, pour ce motif, être annulée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête ;
Sur les conclusions indemnitaires :
Sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires :
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les requérants ont saisi le préfet d'une demande indemnitaire dont il a accusé réception le 3 mars 2016 ; que la décision implicite de rejet née du silence gardé sur cette demande deux mois plus tard a ainsi, en cours d'instance, lié le contentieux ; que par suite, la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires présentées par M. et Mme B. doit être écartée ;
Sur le bien-fondé de la demande :
7. Considérant que saisi d'une demande indemnitaire, le juge doit accorder réparation des préjudices de toute nature, directs et certains, qui résultent de l'illégalité fautive ; que le lien de causalité entre l'illégalité commise et le préjudice allégué ne peut notamment être retenu lorsque la décision est entachée d'une illégalité formelle et que la décision de perquisition aurait pu légalement être prise au vu des éléments dont elle disposait à la date à laquelle elle a été ordonnée ;
8. Considérant qu'étant intervenue pour vice de forme, l'annulation de la décision dont s'agit ne peut ouvrir droit à indemnisation des préjudices qu'elle a entraînés que dans la mesure où ladite décision s'avèrerait injustifiée au fond ou si l'illégalité externe est à l'origine d'un préjudice ; que la décision de perquisition du 6 janvier 2016 est fondée sur les éléments figurant dans une note blanche des services de renseignements, versée au débat contradictoire, qui mettent en évidence que le comportement familial a suscité des signalements des bailleurs sociaux quant à l'attitude de repli et d'isolement familial ; que, de même, des enseignants de l'école fréquentée par le fils aîné de Mme C. ont suspecté une fraude à la dispense scolaire pour les activités sportives et artistiques traduisant une rupture avec les règles applicables au milieu scolaire ; qu'en outre, Mme C. ne conteste pas avoir fait l'objet de plusieurs procédures pour port d'une tenue destinée à la dissimulation du visage dans un espace public en 2012 et 2013 ou avoir posté sur internet, en octobre 2012, un mail faisait état de son souhait de vivre en Arabie Saoudite ; que ces éléments, dont la matérialité n'est pas sérieusement contestée par les requérants, sont de nature à justifier la mesure de perquisition pris le par le préfet de la Marne ;
9. Considérant toutefois que le préfet ne justifie, ni même n'allègue, qu'une urgence particulière aurait rendu nécessaire que la perquisition soit réalisée de nuit ou qu'il aurait été impossible de la réaliser au cours de la journée ; que dans ces conditions, et alors notamment que la famille comporte deux jeunes enfants, dont l'aîné, âgé de onze ans, était en mesure de comprendre la situation et que le certificat médical du 7 janvier 2016 atteste que l'enfant n'a pu, le lendemain de la perquisition, se rendre à l'école, les requérants sont fondés à soutenir que la réalisation de nuit de la perquisition est à l'origine d'un préjudice moral ;
10. Considérant que dans les circonstances particulières de l'espèce, il sera fait une équitable appréciation du préjudice subi par les requérants en l'évaluant à la somme de 700 € ; que l'Etat versera cette somme aux requérants ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Considérant que si le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2016-536 du 19 février 2016, a déclaré contraires à la Constitution les dispositions de la seconde phrase du 3e alinéa du paragraphe I de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955, il a précisé que la déclaration d'inconstitutionnalité ne prend effet qu'à compter de la date de la publication de sa décision, effectuée au JORF le 21 février 2016, et peut être invoquée dans toutes les instances introduites à cette date et non jugées définitivement ;
12. Considérant que si la perquisition litigieuse a eu lieu le 6 janvier 2016, les requérants n'ont saisi le tribunal d'une requête que le 4 mars 2016, soit postérieurement à la déclaration d'inconstitutionnalité prononcée par la décision QPC 2016-536 ; qu'il s'ensuit que les intéressés ne sont pas fondés à demander qu'il soit enjoint au préfet de détruire les données informatiques qui auraient été copiées ; que leurs conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
13. Considérant que Mme C. a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à Me Toudjui-Blaghmi, avocate de la requérante, une somme de 1 500 €, sous réserve de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;
Décide :
Article 1er : L'arrêté du préfet de la Marne du 6 janvier 2016 est annulé.
Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme B. une somme de 700 (sept cents) € en réparation du préjudice subi.
Article 3 : L'Etat versera à Me E. une somme de 1 500 (mille cinq cents) € en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.