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1. Antithèse - Toi que je ne connais pas et qui lis ce – trop long – billet sans rien savoir ou presque de son auteur, il m’a tout à coup pris un besoin irrépressible de te tutoyer.
C’est que, en dépit de nos innombrables différences – d’âge, de sexe, de domiciliation, de métiers, d’orientation politique, de (non-)croyance… – , nous avons depuis mars 2020 tant de souvenirs communs, tant de mots nouveaux appris ensemble (« covid-19 », « cas contact », « cluster », « comorbidité », « confinement », « primo-vacciné », « distanciation sociale », « taux d’incidence », « QR code »…) et d’usage désormais multi-quotidiens, tant de gestes inédits devenus universellement naturels (le port du masque sanitaire, le frottement des mains dégoulinantes de gel hydro-alcoolique), tant d’habitudes perdues (la bise, la poignée de main, les éternuements en public sans craindre le courroux d’autrui) et tant d’épreuves partagées, qu’il me paraît qu’une sorte de communauté de destinée s’est tissée entre nous, comme si 67 millions d’histoires qui auraient dû rester parallèles s’étaient rejointes par la force de l’Histoire.
Le covid a fait de nous des camarades.
A toi, à moi, on a assuré que la France était en guerre contre un virus – ce qui aurait été drôle s’il ne s’agissait pas de nos réalités. Alors, dans un réflexe presque reptilien de solidarité nationale, il a semblé impérieux de « faire bloc » autour de la politique sanitaire nationale décidée dans le secret des conseils de défense élyséens, quoi qu’il en coûte à tout ce qui ne touche pas la santé publique – démolition des libertés individuelles augmentée d’une insensible accoutumance aux mesures sécuritaires, explosion de la dette à la charge des générations futures, paupérisation des déjà pauvres, augmentation des désordres psychologiques et même sanitaires...
A toi comme à moi, notre gouverne-ment infantilisateur a assuré : 1/ que nous étions incapables de placer correctement un masque sanitaire sur nos visages, et que de toutes manières ce genre de protection n’était d’aucune utilité contre un virus se propageant pourtant par voie aérienne ; 2/ puis que l’état d’urgence sanitaire serait temporaire ; 3/ puis que nulle entreprise n’était en capacité de concevoir des vaccins dans un délai raisonnable ; 4/ puis que le passe sanitaire instauré le 9 juin 2021 ne concernerait jamais les établissements du quotidien tels que cafés, cinémas et restaurants, et ne créerait jamais de distinction entre deux catégories de citoyens en fonction de leur statut vaccinal ; 5/ puis qu’il n’était pas question que les enfants de 12 ans et plus y soient soumis ; 6/ puis qu’il serait possible de ne plus porter de masque dans les lieux où s’applique le passe sanitaire, puisque les personnes vaccinées ne pourraient ni contaminer, ni être contaminées ; 7/ puis qu’il ne visait aucunement à obliger toute la population éligible à se faire vacciner ; 8/ puis que le passe sanitaire prendrait en tout état de cause fin le 30 septembre, ah non le 15 novembre ah non finalement le 31 juillet 2022 ; 9/ puis que la loi du 10 novembre 2021 de vigilance sanitaire se bornait à prolonger, en droit, jusqu’au 31 juillet 2022 les régimes législatifs d’exception créés au nom de la lutte contre le covid-19 mais pas, en fait, les mesures prises par le Premier ministre telle que le passe sanitaire ; 10/ puis qu’en tout état de cause un amendement n° 363 à la loi du 10 novembre 2021 adopté le 17 octobre grâce aux groupes majoritaires à l’Assemblée nationale était censé mieux encadrer – et donc limiter – le recours au passe sanitaire ; 11/ puis que l’immunité collective était atteinte lorsque 60, non 70, non 80, non 90, non 100% de la population éligible serait vaccinée ; 12/ puis qu’un seul vaccin serait requis pour bénéficier du passe sanitaire, non deux à la réflexion, en fait trois (pour l’instant) désormais vu que les anticorps diminuent en même temps que le virus mute, pour autant bien sûr qu’il ne s’agisse pas de l’AstraZeneca ou, si l’on a moins de trente ans, du Janssen.
Toi aussi, tu es docilement resté à ton domicile 23h/24 pendant 55 jours de mars à mai 2020, guettant à 20h la minute de communion républicaine qui a consisté à applaudir à tout rompre ces « premiers de corvée » dont le sort nous est aujourd’hui redevenu aussi étranger qu’il l’était dans le « monde d’avant », quand on ne les stigmatise pas désormais pour abandon de poste ou refus de vaccination. Nous expérimentions alors le confinement comme l'une des « armes » (sic) contre le virus, celle de type nucléaire qui rend toutes les autres acceptables grâce au chantage au re-confinement.
Certes, à la différence de moi, tu as peut-être unE chienNE, de sorte que je n’ai pas eu à cocher sous peine d’amende voire de prison en cas de récidive la case mon auto-attestation ministérielle de sortie dérogatoire justifiant que je prenais le risque insensé de me mouvoir dans l’espace public sur-saturé de covid-19 dans le seul but de satisfaire les besoins naturels de l’animal se trouvant au bout de ma laisse. Mais comme moi, tu as connu l'interminable couvre-feu et ses modulations horaires, ceux de 18h, de 19h, de 20h, de 22h – il y a peut-être eu 23h aussi, je ne saurais dire car tout se confond maintenant dans mon esprit au-delà du premier confinement. Et comme moi tu n’as jamais été informé par le gouvernement – ou le Parlement s'il exerçait sa fonction de contrôle – ni avant, ni après, de l’efficacité et de la stricte proportionnalité de ces considérables restrictions apportées aux libertés d’aller et de venir, de réunion, d’accès aux œuvres culturelles, et d’entreprendre. Qu’importe aujourd’hui, après tout : ce qui est fait ne peut plus être défait.
Où que tu résides sur le territoire français, en ville ou dans la campagne, en montagne ou en bord de mer, au sud ou nord, tu as avec moi vécu la fermeture des établissements et services « non essentiels », les remontées mécaniques hors service mais les stations de ski ouvertes « en même temps », les universités en mode visio tandis que les élèves des cours préparatoires suivaient leurs enseignements en présentiel dans les lycées, les vrais-faux confinements et leurs raffinements qui se sont traduits par des réglementations à la signature du Premier ministre byzantines, foisonnantes et sans cesse modifiées. Tu te rappelles qu’il y a un an, les centres commerciaux avaient cloisonné les rayons des livres devenus inachetables sauf via les livraisons d'Amazon, par souci de cohérence sanitaire avec les bibliothèques fermées ?
Quoique GauloisE prétendument réfractaire – les effets secondaires nationaux de la lecture assidue des albums d’Asterix et d’Obélix –, nous avons tout accepté de la politique sanitaire nationale. Est-ce que tu t’es sentiE « libre » – oui, c’est ce mot qui a alors été unanimement employé – « libre » donc, quand tu as enfin pu re-prendre un premier verre dans les cafés autorisés à rouvrir après je ne sais même plus lequel des trois confinements ? Il nous a manqué un Paul Eluard pour écrire en vers ou en prose l’ode à notre résistance domiciliaire collective, une Anna Marly pour composer la musique de l’équivalent contemporain du Chant des partisans, qui aurait pu s’appeler par exemple le Chant des confinéEs ; mais rien n’est perdu à cet égard tant que demeure, jusqu’au 31 juillet 2022 au moins, l’état de « vigilance sanitaire ».

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Qui n’a pas été archi-contre la vaccination obligatoire de tout ou partie de la population française puis, une fois vaccinéE, archi-pour ? Depuis que comme près de 90% des plus de 12 ans tu es vaccinéE, re-vaccinéE et bientôt re-re-vaccinéE as-tu des mots sévères contre ces 6 millions d’égoïstes non-vaccinéEs (celles et ceux ayant contracté le covid – 7 millions quand même – bénéficient d’une immunité naturelle, j’y reviens dans un instant) à cause desquels on sera obligés de maintenir le passe sanitaire ad covidam aeternam ? Souvenir d’ancien combattant contre le covid : l’hydroxichloroquine ! Tu étais pour ou contre ? Est-ce que à l’instar du président de la République et comme lui sans rien connaître à l’immunologie, tu as affirmé à qui voulait l’entendre que le professeur Didier Raoult était « un grand scientifique », alors qu’aujourd’hui tu ne verrais pas d’inconvénient à ce que ce bonimenteur d’ex-directeur de l’IHU de Marseille soit enduit de goudron et de masques sanitaires usagés en guise de plumes ?
Dès leur annonce plusieurs jours avant qu’elles ne se tiennent – suspens, suspens ! –, nous avons de conserve spéculé sur le sens des allocutions télévisées du président de la République ; toi et moi avons été contraintEs de les regarder en entier dès 20h, malgré leur éprouvante et narcissique longueur, pour savoir ce qu’il déciderait que le virus aurait comme conséquences considérables sur 67 millions de quotidiens.

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Que tu sois vaccinéE ou pas, que tu ais été contaminéE ou pas, tu as tout comme moi à subir depuis le 9 juin et jusqu’à Jupiter sait quand les contrôles du passe sanitaire effectués des millions et des millions de fois par jour par notre armée civile composée de stagiaires, de vigiles ou d’employés recrutés à cet effet. A peine t’installes-tu à la terrasse d’un café qu’unE serveurSE surgit ventre à terre non pour prendre ta commande – cela peut attendre – mais afin de scanner ton statut sanitaire, pour ne pas risquer la fermeture de l’établissement au cas où la police décide de contrôler les contrôleurs – le 22 novembre, le ministre de l’Intérieur a annoncé « un renfort des contrôles du passe sanitaire dans la restauration ». En état d’urgence sanitaire, l’homme est un contrôleur pour l’homme – la femme aussi.
As-tu suivi avec attention si ce n’est la délectation de l’expertE en herbe les courbes de toutes les vagues, de la première à la cinquième ? Dans l’affirmative, as-tu toi aussi le sentiment diffus d’avoir eu quelques semaines estivales d’inattention, car pour ma part la quatrième de ces vagues m’a paru ressembler davantage à de l’écume ou à un clapotis qu’à une lame de fond ? Mais là, je dis vague…
Toi et moi, nous avons vécu tout cela, et pour le dire sur le mode héroïque qui sied aux actuels temps de guerre, survécu à tout cela, en devenant chacun et chacune notre propre ligne Maginot, recroquevillés chez et en nous-mêmes, érigeant nos domiciles (qu’il faut certes très souvent aérer) en autant de bunkers contre le virus, télétravaillant ou étudiant tant bien que mal entre les consultations de sites X et les réseaux sociaux.
Hâte d’être à l’ère du Metavers et son monde numérique fait de casques de réalité virtuelle, pour passer cocooning l’inévitable futur état d’urgence environnemental !
2. Thèse - A ce stade de l’évocation de ce ciment citoyen qu’est devenue notre mémoire sanitaire partagée, il me faut désormais confesser – et renier – mes égarements passés.
Peut-être parce que je ne consomme pas encore ces opiums des peuples 2.0 du 21ème siècle que sont l’abonnement à Netflix et le compte Facebook, je n’avais jusqu’à il y a peu jamais approuvé activement ou passivement la politique de police sanitaire verticale et uniforme mise en place sur l’ensemble du territoire français dès le 16 mars 2020.
En la matière, je préférais – et de loin – le modèle suédois au brutal « made in China » que le président de la République a sans barguigner choisi d’importer pour masquer l'impardonnable pénurie de masques, confiant que j’étais dans la vertu civique, les bonnes pratiques et partant dans notre capacité collective à choisir de se faire vacciner (ou pas) et à respecter spontanément les gestes-barrières par urbanité et souci de la santé d’autrui (à l'exception semble-t-il du Président de la République et du Premier ministre, qui ont perpétué les contacts physiques malgré la nécessaire vigilance sanitaire : « Le gouvernement a oublié les gestes barrières », Mediapart, 23 novembre 2021).

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La semaine dernière encore, je considérais que le recours à des mesures de police administrative extraordinaires – de type confinement, couvre-feu ou passe sanitaire –, dont les strictes nécessité et proportionnalité n’ont jamais été démontrées sans que nul ne s’en plaigne (sauf la CNIL qui, aux paragraphes 4 et 5 de sa délibération n° 2021-139 du 21 octobre 2021, a alerté sur « le risque d’accoutumance et de banalisation de tels dispositifs attentatoires à la vie privée » et considéré qu'il « il apparaît primordial que, plus de dix-huit mois après le début de la crise sanitaire (...), des éléments concrets d’évaluation de l'efficacité (notamment du passe sanitaire) dans la lutte contre l’épidémie de Covid-19 soient portés à sa connaissance ») et d’autant plus coercitives que leur méconnaissance est lourdement sanctionnée au plan pénal, n’avait pas sa place dans le pays de la Déclaration des droits de l’homme. J’étais d’avis que de telles mesures autoritaires étaient à la fois un aveu de faiblesse des politiques publiques nationales et le faux-nez de l’incurie de nos gouvernants successifs à l’égard des services publics en général et des hôpitaux en particulier, qu’ils démolissent méticuleusement dans une spirale sécurito-sanitaire devenue infernale, en renvoyant bien sûr la faute à leurs prédécesseurs – faut-il rappeler que M. Macron a un bureau à l’Elysée depuis 2012 ?

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Trop longtemps, je n’avais jamais ressenti de crainte ou a fortiori de peur de la maladie ou de la mort en prenant connaissance des chiffres de l’épidémie énoncés en boucle – nombre de décès imputables au covid, nombre de personnes hospitalisées – sur les chaînes d’information en continu. Le taux d’incidence national ? Loin de le prendre au sérieux, je me gaussais à la seule pensée qu’il dépendait du nombre de tests effectués, de sorte que l’augmentation du nombre de tests induit mécaniquement, surtout en période hivernale, celle du taux d’incidence. A chaque personne contaminée, je me disais que c’était toujours cela de gagné en termes d’immunité naturelle, et j’étais surpris qu’aucune statistique officielle ne vienne cumuler quotidiennement le nombre de personnes infectées en France, qui s’élève tout de même à plus de 7,4 millions – ces 7,4 millions de personnes naturellement immunisées passent sous les radars médiatiques et scientifiques – , pour le déduire de celui de la population éligible pour laquelle un vaccin était, avant l’ouverture de la troisième dose de vaccin, « fortement » recommandé afin de diminuer les effets du virus. Même la « une » se voulant particulièrement anxiogène du Journal du dimanche du 7 novembre 2021 – un fond noir, des caractères énormes : « 500 000 (décès supplémentaires sur le continent européen d’ici à mars 2022) : enquête sur le chiffre qui fait peur » – n’avait pas réussi à ébranler mon inconscience, blasé que j’étais des projections alarmistes et toujours erronées des épidémiologistes, qu’ils soient français ou comme en l’occurrence en poste à l’Organisation mondiale de la santé. En tout état de cause, au 7 novembre, je savais encore compter : 500 000 morts sur une population de 746 millions de personnes, Russie comprise donc, cela fait un taux de décès supplémentaire de 0,07%. Oui, 0,07%. C’est encore beaucoup trop, certes car toute perte de vie humaine est en elle-même dramatique, mais 0,07%, ça fait quand même moins paniquer que le chiffre de 500 000… Imagine, camarade de covid, cette « une » de l’hebdomadaire : « 0,07% : enquête sur le chiffre qui fait peur ». Pas assez vendeur.
Me croyant encore dans le « monde d’avant » où le respect de la légalité ne s’effaçait pas devant des circonstances sanitaires qualifiées d’exceptionnelles en raison d’un virus dont le taux de létalité est pourtant largement inférieur à 1%, j’avais saisi dès avril 2020 le Conseil d’Etat de requêtes dirigées contre la plupart des principales mesures de police administrative sanitaire, certainement pas parce que je fais « confiance » à cette institution, comme elle s’en auto-persuade dans son étude publiée le 29 septembre 2021 sur Les états d’urgence (p. 112-113 : « L’appropriation de ces recours par les justiciables a révélé une incontestable confiance des Français envers le juge administratif »), mais tout simplement parce que nul n’a le choix : elle dispose d’un monopole de compétence juridictionnelle pour le contentieux des actes de portée générale du Premier ministre – en l’occurrence ses innombrables décrets adoptés sur la base de la « législation covid-19 ».
Chose qui me paraît aujourd’hui excessive sinon déplacée vu les circonstances sanitaires, il m’avait semblé que la séparation des pouvoirs et la garantie des droits exigeaient, en période de circonstances décrétées exceptionnelles, que les compétences du Parlement et des juridictions soient rehaussées à la mesure de celles conférées au gouvernement – c’est-à-dire au président de la République – pour un temps plus ou moins long.
Connaisseur de tout ce qui a trait à la justice administrative, je pensais encore en ce début de mois de novembre – et en alertait le Conseil constitutionnel par une contribution extérieure présentée relativement à la loi du 10 novembre 2021 de vigilance sanitaire – que les procédures de référé d’urgence ouvertes devant le Conseil d’Etat étaient insuffisantes au contrôle complet de la mise en œuvre par le Premier ministre de la « législation covid-19 », et d’ailleurs une membre du Conseil d’Etat a elle-même reconnu devant une des plus hautes formations de cette institution que « les modalités et l’étendue du contrôle juridictionnel (effectué par le Conseil d’Etat), dans le cadre de ces procédures (d’urgence), ne sont pas équivalents » à ceux réalisés dans les procédures non-urgentes (v. les conclusions prononcées par Mme Sophie Roussel sur la décision rendue par la Section du contentieux du Conseil d’Etat le 19 novembre 2021 dans l’affaire Association ELENA, n° 431141). Il m’apparaissait nécessaire pour la garantie des droits et la séparation des pouvoirs que le juge de la légalité des mesures gouvernementales ou locales de police sanitaire exceptionnelles dispose lui aussi de pouvoirs exceptionnels [Ajout du 6 décembre 2021 : cherchant un sujet d’examen pour mes étudiantEs de M2, je re-découvre un discours du 12 décembre 2016 sur « la protection des droits et libertés fondamentaux dans le contexte de la menace terroriste » où l’ancien vice-président du Conseil d’Etat Jean-Marc Sauvé considère que « dans un Etat de droit, le renforcement des pouvoirs de l'administration doit être accompagné d'un renforcement corrélatif des garanties offertes aux citoyens » ; c’est – en mieux dit évidemment – exactement ce que je soutiens depuis mars 2020]. J'ai déploré non que le Conseil d'Etat ait trop de pouvoir en état d'urgence sanitaire, mais qu'il n'en ait pas assez et surtout qu'il n'en réclame pas davantage.
3. Synthèse – Il s’avère hélas que je me suis manifestement trompé sur tous ces points.
En témoigne la circonstance que pas une seule de mes requêtes contre l’état d’urgence sanitaire n’a rencontré le succès, le Conseil d’Etat les rejetant pour tous les motifs possibles – absence d’urgence, absence d’atteinte manifestement illégale à une liberté fondamentale, absence de doute sérieux, désistement implicite d'office notamment dans le recours pour excès de pouvoir n° 454752 en dépit de ma confirmation du maintien de ce recours à la suite du rejet du référé-suspension dans l'affaire n° 454754, non-lieu, absence de caractère sérieux de la question de constitutionnalité, conclusions excédant les compétences de la juridiction administrative. Les carences en masques, le confinement strict, le couvre-feu, la fermeture des universités, l’attestation ministérielle de sortie dérogatoire, l’extension estivale du passe sanitaire : tout a été validé, tout était régulier.
Le Conseil d’Etat vient d’ailleurs, sans même les transmettre au Premier ministre défendeur, de rejeter mes deux dernières requêtes, dirigées contre le passe sanitaire (dans sa version antérieure aux annonces du ministre de la Santé du 25 novembre formalisées par le décret n° 2021-1521 du 25 novembre 2021) au motif qu'il était devenu au moins inutile (sinon facteur de transmission du covid par le faux sentiment de sécurité sanitaire qu’il a créé auprès des personnes concernées – cf la contamination du Premier ministre Jean Castex pourtant doublement vacciné), dès lors que 9 français éligibles sur 10 étaient doublement vaccinés, qu’à ces français il faut ajouter les 7 millions naturellement immunisés, que le pourcentage de lits hospitaliers mobilisés par le covid-19 est faible, et que le taux de positivité des tests est inférieur à 5% depuis juin dernier. Pour l’une, un référé-liberté par lequel le juge statue normalement en 48 h, le Conseil d’Etat a pris cinq jours pour décider le 29 octobre qu’il n’y avait aucune urgence à obtenir une modification des étendues géographique et matérielle du passe sanitaire (l’ordonnance de référé est ici :
Conseil d'Etat 29 octobre 2021 (pdf, 128.2 kB); ma requête ici :
, avec le mémoire complémentaire :
) ; pour l’autre, le Conseil d’Etat a validé le 18 novembre en référé la prolongation implicite du passe sanitaire qui devait normalement prendre fin le 15 novembre, au motif de la cinquième vague en cours de formation (l’ordonnance de référé est ici :
CE 18 novembre 2021 (pdf, 115.2 kB); ma requête ici :
).
Dont acte. C’est donc que la législation et la réglementation spécifiques au covid-19 étaient depuis mars 2020 et demeurent parfaites. J’en ai enfin pris conscience, en lisant le 23 novembre l’éditorial « Rester mobilisés contre la pandémie » du Monde en ligne :
« Même si un relâchement (sic) de la vigilance y a été constaté (sic) au cours des dernières semaines, la France se range encore pour l’instant (sic) dans le groupe des pays les plus résistants (sic), assurément du fait de l’efficacité du passe sanitaire (sic). Désormais banalisé (sic), ce dispositif ne mobilise plus contre lui qu’une protestation sporadique et souvent prétexte à d’autres contestations plus idéologiques que sanitaires (sic) ».
A un moment donné, il faut se rendre à l’évidence : quoi que décide le président de la République pour « lutter » contre le covid-19, le Parlement en fera loi, le Conseil constitutionnel comme le Conseil d’Etat le valideront, l’opinion publique s’y pliera sans barguigner si ce n’est avec enthousiasme. Il en sera ainsi, aussi, pour les mesures annoncées par le ministre de la Santé le 25 novembre, qui conduisent à pérenniser de fait le passe sanitaire en raison de la dose de rappel « pour tous ».
Dans ce monde qui me paraît de plus en plus miroiter avec celui de 1984 où toutes les restrictions de police sanitaire sont considérées comme autant de vecteurs de nos libertés, j’ai partant décidé de m’incliner devant le choix archi-majoritaire et de faire comme Winston, l’anti-héros d’Orwell à la fin du livre : aimer Big Brother.
Aussi, Monsieur le Président de la République, cessez je vous prie les demi-mesures. Face au tsunami annoncé de la cinquième vague amplifiée par le variant Omicron comme à la nécessité de « sauver les fêtes de fin d’année » selon l’expression consacrée depuis l’hiver 2020, n’hésitez plus à mettre – toutes affaires cessantes vu l'urgence et les circonstances exceptionnelles – le paquet policier pour protéger enfin la santé publique des français.

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Pour cela, écoutez comme en mars 2020 la seule voix de la science médicale, celle des épidémiologistes/infectiologues qui prophétisent en boucle la catastrophe sanitaire sur les chaines d’information, et qui maintenant me paniquent au plus haut degré. Admettez que la vaccination ne suffit pas. Consultez les modélisateurs de l’Institut Pasteur, et tant pis si tous leurs scénarios épidémiologiques catastrophistes se sont révélés aussi fiables qu’un horoscope (v. « L’état d’urgence sanitaire permanent », 19 octobre 2021), en dernier lieu celui sur la « quatrième vague ». Par la même occasion, allez au bout de votre – de notre – tropisme chinois, et imposez la stratégie « zéro covid », triple et même quadruple vaccinez-nous, rendez la vaccination obligatoire sans condition d’âge y compris donc pour les nourrissons, transformez le passe sanitaire en passe vaccinal avec une validité de quatre mois maximum entre chaque injection de rappel sous peine de désactivation automatique et exigez sa présentation dans les quelques commerces « essentiels » pouvant demeurer ouverts au public, sanctionnez sévèrement les non-inoculés et les contrevenants, surveillez notre vigilance sanitaire par drones, tracez les QR codes, confinez-nous, enfermez-nous !
Quant au reste, chacun sait pouvoir compter sur vous pour continuer à dégrader la situation de l’hôpital public, rendant ainsi à chaque vague plus nécessaires les restrictions de police administrative sanitaire.
***
NB : j’ai initialement publié ce billet dans la matinée du vendredi 26 novembre ; pour la première fois depuis que je tiens ce blog, j’ai fait le choix dans l’après-midi d’une dépublication : 1/ afin de tenir compte de la sensibilité de lecteurs et lectrices trouvant la tonalité inadéquate dès lors que des vies humaines sont en jeu ; 2/ face au tsunami médiatique sur l’augmentation de la diffusion du variant Delta (alors que le taux de positivité et le nombre de décès et d’hospitalisation demeurent relativement stables) et la découverte du variant Omicron en Afrique-du-Sud, présupposé extrêmement dangereux sans qu’à ce jour nul n’ait pu étudier sérieusement sa transmissibilité et sa virulence.
Puis, le mardi 30 novembre, j’ai entendu le président américain Joe Biden qui la veille avait déclaré qu’au vu du nouveau variant, « nous avons des raisons d’être préoccupés, mais pas de raison de paniquer », et j’ai de nouveau espéré que la raison basée sur des données objectives portant notamment sur l’efficacité des mesures restrictives de liberté universellement proposées comme modalité de lutte non-médicale pourrait un jour, dans quelques semaines, mois ou années, l’emporter sur la panique ; et, préparant un entretien sur la crise sanitaire avec un média étudiant, j’ai découvert cette phrase de Jaurès en une sur leur site internet : « Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ». D’où la remise en ligne du billet l'après-midi du 1er décembre.