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Syndicaliste, Paul Devin a été inspecteur de l'Education nationale et secrétaire général du SNPI-FSU. Il est actuellement le président de l'Institut de Recherches de la FSU

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Billet de blog 22 septembre 2023

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Les syndicats, baissez d’un ton !

Les propos se multiplient qui semblent oublier que le syndicalisme constitue un pilier de la démocratie et que le mépriser revient à mépriser la démocratie. Exemple, il y a quelques jours à l'Assemblée nationale.

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Reçus à l’Assemblée nationale, le 20 septembre dernier, par la commission des affaires culturelles et de l’éducation, les syndicats enseignants ont dressé le bilan de la rentrée.

Qui pourrait s’étonner qu’ils aient tenu un discours critique ? Qu’auraient-ils pu faire d’autre que de constater l’écart évident entre les promesses gouvernementales et la réalité ? Ainsi ont-ils amené des éléments tangibles mettant en doute l’engagement présidentiel qu’il y aurait, à la rentrée, un prof devant chaque classe. Ils ont alerté sur les sujets qui leur paraissaient témoigner de l’inquiétante dégradation de l’état de l’école et de ses effets sur les personnels. Le propos, avec les nuances propres à chaque organisation syndicale, était unanimement très critique sur le présent et très inquiet pour l’avenir.

Louanges ou silence !

Pour la députée Renaissance Véronique Niotton, critiquer l’action du gouvernement n’honore pas les syndicats qui gagneraient à reconnaître les avancées de la politique mise en œuvre. Curieuse vision du rôle des syndicats que de penser leur honneur dans l’allégeance. Mais ce jour-là, le mépris pour l’action syndicale est allé crescendo dans les réactions de Renaissance et du Rassemblement national pour se terminer par les propos de Roger Chudeau (RN) qui affirme que les interventions syndicales ont été ridicules et déplacées et finit pas demander aux syndicats de « baisser d’un ton »… ce qui entraîne le départ des représentants syndicaux, fait extrêmement rare dans une audition parlementaire.

La légitimité démocratique du contre-pouvoir syndical

Notre démocratie se fonde sur la reconnaissance d’une légitimité des contre-pouvoirs. Au-delà du principe constitutionnel qui affirme que chaque citoyen peut défendre ses droits et ses intérêts, l’action syndicale participe de la vie démocratique. La reconnaissance de cette démocratie sociale ne peut être réelle qu’à la condition de sa liberté et de son indépendance. Vouloir lui imposer une vérité jugée objective (celle d’une rentrée scolaire jugée sans problème, par exemple) procède d’une conception oligarchique du pouvoir qui voudrait substituer l’imposition de cette vérité au débat démocratique.

L’existence même des auditions organisées par les commissions parlementaires se fonde sur l’idée de construire la décision politique en interaction avec ces contre-pouvoirs. Leur raison d’être suppose qu’aucun député ne puisse enjoindre les personnes auditionnées à une expression souhaitée.

Quel paradoxe que de considérer qu’il existe une vérité unique dans l’analyse des faits et qu’y faire allégeance honorerait les syndicats ?
Quel paradoxe que de penser que le jugement particulier d’un député qui trouve les propos syndicaux « ridicules » et « déplacés » suffirait à mettre en cause, à l’avenir, que les syndicats soient auditionnés ?

Rappelons-lui que ce sont les salariés qui choisissent leurs représentants par le vote, lors des élections professionnelles, pas lui qui aurait pouvoir à les évaluer.

Réduction des libertés : macronistes et frontistes à l’oeuvre

La réduction des libertés ne procède pas seulement de projets de lois liberticides, elle s’inscrit aussi de ces multiples propos de mépris pour les syndicats et leurs discours. On les affirme « ridicules »… on annonce qu’on ne les recevra probablement plus... on leur demande de « baisser d’un ton » pour décrédibiliser leur légitimité et pouvoir conclure à la nocivité de leurs actions.

Véronique Niotton (Renaissance) mène son attaque au nom d’une certitude absolue : la politique menée est objectivement la bonne… la critiquer ne peut procéder que du mensonge. Le Pacte est une offre tellement idéale que si les enseignants la refusent, c’est que les syndicats les y contraignent!

Les motivations du mépris de Roger Chudeau (RN) sont sensiblement différentes, son intention étant loin de vouloir défendre la politique éducative macronienne. Elles s’inscrivent dans la volonté d’une extrême-droite qui aspire à des organisations syndicales disciplinées, fondées sur la collaboration entre les classes et soumises aux volontés du pouvoir en place. Pour cela il faut décrédibiliser le syndicalisme de lutte des classes et créer de nouvelles organisations. L’histoire témoigne de leurs tentatives en ce sens (2) ()La séquence de la commission du 20 septembre montre les effets combinés des droites macronienne et frontiste, de leurs jeux de flirts. Il est vrai que depuis Blanquer, les macronistes n’hésitent plus à créer un syndicat pour s’assurer de son allégeance.

Lors de l'audition du 20 septembre, les syndicats ont eu raison de partir.

Le pire serait que ces attaques indignes contre eux se banalisent, qu’on y perçoive plus que des clash et qu’on ne se rende plus compte de leur profonde nature antidémocratique.

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(1) voir video de l'audition

(2) voir billet sur Médiapart :  L’extrême droite, une menace pour le syndicalisme

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