Dans un court billet du 9 juin dernier qui me semble garder toute son actualité (https://blogs.mediapart.fr/paul-report/blog/090623/loi-sur-les-retraites-l-echec-de-son-abrogation-ne-signe-pas-la-fin-du-combat) je me suis permis de rappeler, une fois de plus, que la réforme des retraites telle qu’elle a été promulguée était avant toute chose une loi de financement de la sécurité sociale rectificative pour la seule année 2023 dont la validité devait, en tout état de cause, être confirmée par le Parlement dans le cadre du débat et du vote de la loi de financement de l’année 2024.
C’est d’ailleurs une raison pour laquelle il est dommage que personne n’ait eu l’idée de demander au juge des référés du Conseil d’État la suspension de l’exécution (au moins jusqu’à la promulgation de la future loi de financement 2024) des décrets qui viennent d’être pris en application de cette loi, d’autant que la position du Conseil d’État est bien connue sur cette question.
Rappelons en effet que cette institution a rappelé au gouvernement, dès 2004, qu’un « projet de loi de financement de la sécurité sociale n’est pas, en raison des contraintes de temps et de procédure dans lesquelles est enfermé son examen par le Parlement, adapté à la mise en œuvre d’une réforme de fond et de grande ampleur » ou encore, en 2021, que l’article 47-1 de la Constitution comporte des limites et que « cette limitation vise notamment … à éviter que les lois de financement de la sécurité sociale ne servent de vecteurs à des réformes susceptibles de soulever des questions délicates dont l’examen n’est pas compatible avec les délais et les règles de procédure régissant ces lois ». Il est incompréhensible que le gouvernement ait délibérément ignoré ces avis pertinents du Conseil d’État qui ne souffrent d’aucune ambiguïté, et il est tout aussi étonnant que les parlementaires et les syndicats s’y soient si peu intéressés !
Le débat sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 va s’engager dans les jours qui viennent et, par la force des choses, le Parlement devra se prononcer à nouveau sur le bien-fondé de la réforme des retraites. Relancer le débat, c’est ce que craint le gouvernement ! Malheureusement, l’on ne sent pas l’envie de nos élus d’engager une bataille juridique qui serait pourtant d’une redoutable efficacité !